Noms populaires des plantes

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Définitions

Le botaniste distingue habituellement les noms scientifiques, en latin, et les noms vernaculaires, ou noms vulgaires, qui sont dans les langues parlées.

Le linguiste, lui, préfère parler de noms populaires et de noms savants. Les premiers sont largement connus et employés par des groupes humains dans la langue parlée (du village au pays). Les seconds ne sont connus que par des groupes professionnels particuliers (guérisseurs, médecins, pharmaciens, botanistes, agronomes), qui consultent des livres savants ou se transmettent les noms oralement de maître à disciple. Chaque nom se caractérise par une aire de répartition, par une période historique d'utilisation, par un niveau de langue...

Les siècles derniers, de nombreux érudits (botanistes, agronomes) ont compilé des noms populaires dans leurs écrits, sans prendre en compte ces caractères. Il en est résulté une impression de grande confusion, voire de "traîtrise de la nomenclature vernaculaire" (Aline Raynal-Roques, 1994. La botanique redécouverte).

La chose se complique avec la création par les botanistes de noms uninomiaux ou binomiaux décalqués du latin, dans le souci de mieux se faire comprendre des non-botanistes. Pour bien indiquer que ces noms désignent des taxons, certains tiennent à ce que leur initiale soit une majuscule.

Par exemple, on a :

  • nom scientifique : Solanum tuberosum
  • nom savant français : Morelle tubéreuse
  • nom populaire français standard : pomme de terre
  • nom populaire français familier : patate
  • nom populaire en Ardèche en 1600 (Olivier de Serres) : cartoufle

Dans ce cas, un Français conclura immédiatement que "Morelle tubéreuse" est inusité. Mais un locuteur d'une autre langue retiendra ce terme s'il entreprend de compiler les noms français de la pomme de terre. C'est hélas ce qui s'est souvent produit pour les dictionnaires publiés. De tels artefacts peuvent ainsi se maintenir plusieurs siècles, recopiés fidèlement d'un dictionnaire à l'autre, surtout quand il s'agit de dictionnaires multilingues, dont les auteurs maîtrisent rarement plus de deux ou trois langues.

Situations de diglossie

Dans de nombreux pays et à de nombreuses périodes, on a coexistence de deux langues, ou de deux formes de langue éloignées. L'une de ces langues est une langue de prestige, qui est écrite, utilisée dans l'administration et par les élites. L'autre peut être une langue locale, un créole ou une forme populaire de la même langue. Ces deux langues entretiennent des rapports complexes, car de nombreux locuteurs maîtrisent au moins en partie les deux et passent de l'une à l'autre en fonction du contexte. Ces rapports sont souvent conflictuels et font l'objet de positions idéologiques tranchées. Certains cherchent à imposer la langue de prestige, et d'autres au contraire cherchent à autonomiser la langue populaire, en s'écartant par exemple délibérément des graphies de la langue de prestige.

Pour éviter ces connotations idéologiques, les sociolinguistes ont introduit un jeu de termes neutres. Ils appellent acrolecte la langue de prestige et basilecte la langue populaire (créole ou autre). Comme il y a en fait un continuum suivant les locuteurs et les contextes, les formes intermédiaires sont appelées mésolecte. Voir Wikipédia en français et surtout en anglais.

En ce qui concerne les plantes locales et les realia en général, les noms viennent le plus souvent du basilecte, mais on peut les trouver sous deux formes, dans l'orthographe de l'acrolecte et dans celle du basilecte si celui-ci a fait l'objet d'une forme écrite.

Intérêt pour l'historien

Les plantes sauvages utilisées localement tendent à avoir des noms populaires très diversifiés, qui peuvent varier d'un village à un autre. Par contre, les plantes qui font l'objet d'une culture, d'un usage bien établi ou d'un commerce, tendent à avoir des noms plus stables, et des noms savants. Quand elles voyagent, elles le font souvent avec leur nom. Ceux-ci s'avèrent être des indices précieux pour reconstituer le cheminement de nos plantes usuelles.

Existe-t-il de "vrais" noms ?

Pour un linguiste, il n'y a pas de "vrais noms", il n'y a que des usages, qu'il convient de documenter en menant des enquêtes de terrain, ou en réunissant des corpus de données écrites, localisées et datées. Son travail est donc essentiellement descriptif.

L'histoire est pleine de cas où une plante a changé de nom, ou bien où un nom est passé d'une plante à une autre. Le cas le plus fameux est celui de l'anglais corn, qui désigne le blé en Angleterre, et est passé au maïs aux Etats-Unis.

Cela dit, diverses structures cherchent à normaliser l'usage des termes. C'est le cas des académies, qui finissent d'ailleurs par suivre l'usage, parfois avec un siècle de retard. C'est aussi le cas du législateur, qui a besoin de savoir à quelles choses s'appliquent les réglementations, et des instances de normalisation (ISO, AFNOR...), qui visent à fixer des terminologies pour la production et le commerce. Mais la plupart de ces instances n'ont d'influence que dans le cercle de leurs activités.

Méthode de travail

Une chose à éviter absolument : compiler de façon indiscriminée tout ce qui se trouve dans les dictionnaires. Il faut éviter en particulier les dictionnaires multilingues, sauf quand on a l'assurance que l'auteur a une connaissance personnelle approfondie des langues qu'il traite (par exemple, Bedevian pour l'arabe, l'arménien et le turc). Eviter aussi les traductions contemporaines, souvent fausses. Par contre, les traductions anciennes ont un intérêt historique, mais doivent être traitées comme telles.

Eviter aussi les noms savants, qui ne sont que des décalques du latin scientifique. Cela se repère assez facilement quand on connaît bien la langue. D'où d'ailleurs une autre recommandation : privilégier les langues que l'on connaît ! Mais quand un nom savant a acquis un usage réel dans la langue, ce qui est le cas pour de nombreuses plantes ornementales, il faut bien sûr le retenir.

Les meilleurs livres sont les manuels techniques, les livres de cuisine, bref, tous ceux qui ont un but pratique et utilisent les mots de tout le monde. Les livres écrits par des linguistes (dictionnaires, atlas, monographies) sont également précieux. Les flores offrent l'avantage d'une bonne identification des plantes, mais il faut faire le tri entre noms populaires et noms savants décalqués du latin. De plus, les botanistes ne localisent pas souvent les noms qu'ils recueillent.

A chaque fois, s'efforcer de dater et de localiser le mot, et de préciser le contexte de son usage. Par exemple, patate et pomme de terre, de même que haricot et fayot, désignent les mêmes plantes, mais ont des statuts sociaux différents.

Quand la citation donne des éléments qui permettent de bien identifier une plante, les reproduire.

Voir aussi : Comment recueillir et citer les noms populaires ?

Noms dans les diverses langues

Les pages énumérées ci-dessous ont un intérêt pratique :

  • donner accès aux principales sources de noms de plantes ;
  • donner les informations essentielles pour analyser la structure d'un nom de plante, identifier sa forme canonique et la trouver dans un dictionnaire.

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