S (Recueil de Dambourney)

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Recueil de procédés et d'expériences sur les teintures solides
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SABINE

SABINE, (Juniperus Sabina.) Ses jeunes tiges & feuilles vertes donnent un bain balsamique très odorant, mais qui porte à la tête. La laine d'apprêt LF n'y acquiert [319] même au long bouillon, qu'une couleur équivoque, petit musc-clair.


SAINFOIN COMMUN

SAINFOIN COMMUN, Bourgogne au Esparcet, (Hedysarum Onobrychis.) Une médiocre poignée de ses feuilles vertes & tiges en boutons, hachée & cuite pendant une heure dans trois-quarts de pinte d'eau, m'a procuré un bain jaune-terne. La laine LF y prend d'abord la même couleur qui, en trois heures & demie d'ébullition, se change en une bonne nuance de vigogne bien solide.

La même plante en foin sec donne, à très-peu-près, les mêmes teintes qui, avec addition d'un peu de garance & de baies sèches de bourdaine, deviennent de vraies nuances de carmélite.


SAINFOIN D'ESPAGNE

SAINFOIN D'ESPAGNE, (Hedysarum Coronarium.) Une petite poignée de ses fleurs fraîches, cuite dans une demi-pinte d'eau, a communiqué à un gros de laine d'apprêt LF, en quatre heures de bouillon, un beau ton de musc très-solide.


SALICAIRE

SALICAIRE, (Lythrum Salicaria.) Trois [320] onces de ses tiges fleuries, cuites dans trois-quarts de pinte d'eau pendant une heure, donnent un bain mordoré qui se dégrade au bouillon en communiquant à un gros de laine LF un beau musc-maron bien solide.

Cette belle plante vivace orne les bords de presque toutes les rivières. Elle se plaît singulièrement dans les fossés qui n'assèchent point, & l'on ne doit pas craindre d'en manquer.


SAPIN

SAPIN, (Pinus Abies.) Les sommités & jeunes branches vertes de cet arbre répandent en cuisant une excellente odeur d'orange, & teignent la laine d'apprêt LF, au long bouillon, en une légère nuance de maron-musc, agréable & solide.


SARRASIN

SARRASIN, (Polygonum Fagopyrum.) La partie rouge des tiges fraîches & fleuries de cette plante annuelle excita d'abord ma curiosité. J'en écrasai quatre onces & les fis cuire pendant une heure dans une pinte d'eau. J'en obtins un bain jaunâtre & qui promettait peu. Cependant, en trois heures [321] de bouillon, un gros de laine LF, & autant de l'apprêt E y acquirent également une belle couleur musc tabac d'Espagne, très solide aux deux épreuves.

Un bain semblable, tiré des sommités fleuries, m'a procuré la même couleur, mais plus pétillante de jaune.

L'essentiel me parut être de savoir ce que fourniraient ces tiges mûres, séchées & après que le grain en aurait été séparé par le fléau. J'ai donc pris, le 27 Octobre, une once & demie de cette paille rouge-brune & bien sèche, que j'ai hachée & fait cuire pendant deux heures dans trois-quarts de pinte d'eau. Le bain, de couleur musc-foncé, ayant été soutiré, j'y ai jeté un gros de laine LF qui, en trois heures d'ébullition, y contracta une nuance de fauve-clair & diaphane. Un gros de laine d'apprêt E & O acquit dans un bain semblable une belle couleur aurore, transparente & très solide.

Après avoir répété ces Essais avec cette paille non hachée, le succès a toujours été [322] le même. La laine E & O y acquit constamment ce jaune-aurore transparent longtemps en vogue sous l'ignoble ou plutôt ridicule dénomination de Caca-Dauphin.

J'ai réabattu moitié de cette laine déjà teinte dans un bain de cinq fois son poids de baies sèches de bourdaine, qui lui a communiqué une transparence chatoyante en jaune-olivâtre. L'autre moitié fut aussi réabattue dans le déchet de ce bain de bourdaine, animé par dix-huit grains de garance. Elle y acquit un aurore chatoyant très-riche. Tous ces résultats sont de très-peu inférieurs sur la laine d'apprêt E 1/16, qui est beaucoup moins dispendieux. La laine LF, traitée de même, prend le jaune-verdâtre transparent.

Dans une pinte d'eau, j'ai fait cuire douze gros de paille sèche de sarrasin non hachée. Après trois-quart-d'heure de bouillon, j'y ai ajouté deux gros de brindilles sèches de peuplier d'Italie, que j'ai laissé bouillir encore pendant une demi-heure. Après avoir calmé le bouillon, j'y ai jetté [323] neuf grains de garance sèche à qui j'ai laissé fournir sa couleur, sans bouillir, pendant vingt minutes. Ce bain étant tiré au clair, j'y ai abattu deux gros de laine LF, qui ont bouilli pendant deux heures. Je les ai enlevés & réabattus dans un bain de demi-pinte d'eau & quatre gros de baies sèches de bourdaine, duquel, après une heure de bouillon, cette laine est sortie teinte en carmélite-claire & très chatoyante. En augmentant de moitié la dose du peuplier d'Italie & supprimant la garance, on obtient ainsi une pétillante nuance de caca-Dauphin.

L'apprêt LF, formé sans bouillir, est encore plus favorable & procure la nuance nommée Aventurine.

Ces expériences, confirmées l'une par l'autre, m'ont déterminé à les faire un peu en grand, & pour cet effet, j'ai pris sept aunes & un quart d'espagnolette blanche pesant quatre livres, & je leur ai fait subir l'apprêt LF, savoir :

  • Cinq onces de dissolution de bismuth en acide nitreux. [324]
  • Cinq onces de tartre rouge en poudre.
  • Dix onces de saumure de sel marin à froid au degré 4e du pese-liqueur des Savonniers.
  • Le tout projetté dans trente-huit pots d'eau de puits au bouillon.

L'étoffe, précédemment mouillée, y a été submergée, puis travaillée au moulinet pendant une demi-heure de petit bouillon, puis enlevée, mise égoutter, sans laver.

Pendant ce temps-là se préparait dans une autre chaudiere un bain composé de...

  • Quatre-vingt pots d'eau de puits.
  • Trente livres de paille sèche de sarrasin.
  • Vingt livres de baies sèches de bourdaine.
  • Vingt livres de peuplier d'Italie en brindilles non hachées.

Après trois heures de cuite, ayant soutiré ce bain, j'en ai versé quarante pots dans la première chaudiere vidée & nettoyée du déchet d'apprêt. Lorsque ce bain a commencé à frémir, j'y ai plongé l'étoffé apprêtée ; travaillée au moulinet pendant [325] une demi-heure, puis replongée, elle a subi une heure d'ébullition. Je l'ai travaillée de nouveau pendant un quart-d'heure, puis replongée pendant trente minutes de bouillon entretenu. Enfin enlevée, laissée refroidir, lavée à la rivière & séchée, elle s'est trouvée très uniment teinte en caca-Dauphin vif & pétillant, inaltérable au savon & au vinaigre.

Comme le déchet de ce bain était encore très net & coloré, j'y ai ajouté ce qu'il m'en restait de neuf. J'y ai fait cuire pendant une demi-heure, entre chaud & bouillon, une livre & demie de garance, puis j'y ai abattu encore sept aunes & un quart d'espagnolette blanche apprêtée comme ci-dessus LF, travaillée de même ; enlevée, puis réabattue dans un bain neuf de trente-huit pots d'eau & dix-huit livres de peuplier d'Italie. L'étoffe y travaillée au moulinet pendant quinze minutes, entre chaud & bouillon, en est sortie étincelante, dorée sur un fond musc-clair de toute beauté & solidité, puisque l'on porte en- [326] core décemment en Février 1785 les habits d'hiver qu'on s'en était fait faire en Décembre 1782.

J'ai répété cette opération en teignant encore plus en grand & successivement dans le même bain quatre coupons chacun de sept aunes un quart d'espagnolette blanche d'apprêt LF, le tout en diverses nuances de carmélite, remarquables par leur transparence & reflet doré.

Le premier bain était composé, savoir :

  • De demi-poids des sept aunes 1/4 de l'étoffé sèche en garance.
  • De quatre poids... dito, en baies sèches de bourdaine.
  • De six poids... dito, en paille sèches de sarrasin.
  • De six poids... dito, en peuplier d'Italie non haché.

Les suppléments, pour ranimer ce bain après chaque teinture, équivalent ensemble un quart de la première mise.

Mes quatre teintures finies, le déchet m'a suffi encore pour virer en carmélite- [327] foncé l'habit que je portais depuis près de quatre ans, originairement teint en vert-natif, par les baies de bourdaine fermentées.

La laine E 1/9 AMF, c'est-à-dire, par une dissolution de dix-huit grains d'étain dans deux gros d'acide marin fumant (apprêt excellent pour l'écarlate de garance) réussit aussi bien dans ces bains combinés de paille de sarrasin, que la laine E & 0. Dans une pinte d'eau, j'ai fait cuire pendant une heure & demie...

  • Quatre gros de baies sèches de bourdaine.
  • Sept gros de paille sèche de sarrasin.
  • Six gros de peuplier d'Italie.

Dans ce bain soutiré, j'ai abattu un gros de laine & d'étoffe teintes en rouge-cramoisi par le bois de Sainte-Marthe fixé, ce qui les a virés en une nuance de canelle-dorée très-brillante.

Lorsque l'illustre Macquer eut reçu les échantillons de tous ces Essais, il me félicita de l'emploi de la paille de sarrasin, [328] comme de la plus heureuse de mes découvertes en propriétés tinctoriales de nos végétaux. En effet, cette paille est la plus vile des dépouilles de la terre. On ne le présente point aux bestiaux qui la refusent comme aliment, on craint même d'en former leur litière ; on l'étend seulement sur leur passage, afin que leur piétement la dispose à augmenter le volume des tas de fumier. On en chauffe le four à pain dans quelques pays qui n'ont pas même de la bruyère pour cet usage. On a vanté, dans quelques Feuilles périodiques, la quantité de sel lessiviel que contenaient ses cendres ; mais les Essais les plus scrupuleux m'ont convaincu de leur pauvreté à cet égard. Il faudrait la brûler verte pour en obtenir cet avantage, lequel cesserait d'exister, puisqu'alors on perdrait le grain, qui seul détermine à cette culture. J'ai donc prévu avec plaisir la grande utilité que l'Art de la teinture en pouvait recevoir à peu de frais. On ne doit pas craindre de manquer de cet ingrédient, puisque ce grain est [329] l'unique ressource des pays arides & disgraciés, ainsi que d'une partie de la basse Normandie. Aussi-tôt que le cultivateur trouvera un prix quelconque de cette paille, bien loin de la perdre, il augmentera cette culture en proportion de cette nouvelle ressource.

La décoction du Son ou écorce du grain sarrasin, a coloré la laine d'apprêt LF en un joli ton de Nankin portant au rose, ce qui m'a déterminé à faire l'Essai suivant.

Dans une pinte d'eau de puits, j'ai fait cuire pendant trois heures de léger bouillon...

  • Une once de son de sarrasin.
  • Une once de baies sèches de bourdaine
  • Une demi-once de peuplier d'Italie.

Dans la colature de ce bain coloré de musc-jaunâtre, j'ai abattu deux gros d'espagnolette d'apprêt E & O qui, en trois heures d'ébullition, y a pris la vraie nuance nommée carmélite, bien transparente, & dans un seul bain, tandis que dans nos Atteliers cette couleur en exige trois.


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SARRASIN GRIMPANT

SARRASIN GRIMPANT, (Polygonum Scandens.) Presque toutes les haies en fonds de sable sont remplies de cette plante qui, par ces hélices autour des arbrisseaux & des buissons, forment des guirlandes de fleurs & de fruits fort approchants de ceux du sarrasin cultivé.

J'ai pris de ces feuilles, tiges en fleurs & fruits à demi-mûrs, & laissé faner le tout au soleil pendant un jour. Le lendemain j'en ai pesé deux onces, que j'ai fait cuire dans une pinte d'eau. Il en est résulté un bain jaune-olive-terne, dans lequel les laines d'apprêt LF & celles d'apprêt E, ont également acquis, en trois heures de bouillon, un bon musc-Nankin, presque canelle, très-solide. Les mêmes parties de cette plante, absolument sèche, donnent les mêmes produits. Ce colorant est facile à trouver & conserver ; mais comme les épines & broussailles des haies en rendroit la récolte pénible, on peut le semer dans un terrain net, en lui procurant des perches ou des rames pour s'y soutenir & entortiller.


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SARRASIN LIZERON

SARRASIN LIZERON, (Polygonum Convolvulus.) Cette espèce diffère de la précédente en ce qu'elle est bien moins vigoureuse, & que l'écorce de son fruit est bleue. Ses tiges rampent à terre jusqu'à ce qu'elles rencontrent un brin de chaume, ou quelque autre étai de peu de hauteur, qu'elles enveloppent comme le petit lizeron. Elle croît spontanément dans les terres légères chargées en légumes ou en orges.

Neuf gros de cette plante séchée à l'ombre, cuits dans une demi-pinte d'eau, m'ont procuré un bain de couleur aurore qui sentait beaucoup l'apozême. Un demi-gros de laine LF n'y a pris, qu'au long bouillon, un Nankin-musc ; mais autant de laine E, bonne pour le rouge, y a contracté, en demi-heure sans bouillir, un beau citron-doré très solide & diaphane. Si on le pousse au bouillon pendant deux heures, ce citron se change en un musc-aurore également bon.

SARRETTE

SARRETTE, (Serratula Tinctoria.) Ses tiges & feuilles fanées à l'ombre, depuis [332] huit jours, m'ont donné un bain jaune qui, entre chaud & bouillon pendant une demi-heure, a communiqué à un gros de laine LF un beau jaune franc & solide. Une seconde mise dans le déchet, & poussée au bouillon, n'a pris qu'un jaune-terne & verdâtre. Cette plante croît spontanément dans les taillis & buissons des coteaux maigres & crayonneux.


SARRIETTE

SARRIETTE, (Satureja Hortensis.) Ses tiges fleuries donnent un bain qui, en demi-heure de bouillon, communique à la laine LF un joli citron qui ne résiste point au vinaigre, mais qui, en trois heures d'ébullition, devient jaune-olivâtre, ventre-de-crapaud, solide.


SAUGE, grande

SAUGE, grande, (Salvia Officinalis.) Trois onces de la souche & de ses tiges ligneuses, hachées & cuites pendant deux heures dans une pinte d'eau, procurent un bain musc dans lequel la laine LF n'acquiert, qu'au très-long bouillon, un musc-terne, sale & de peu de mérite.


SAUGE DES BOIS

SAUGE DES BOIS, (Teucrium Scorodonia.) [333] Une médiocre poignée de ses feuilles & tiges fleuries, cuite dans trois-quarts de pinte d'eau, m'a produit un bain jaune-olive. Un gros de laine LF y a pris d'abord un jaune-ravenelle assez agréable, puis au long bouillon, un musc-merd'oie brillant & solide


SAULE DE RIVIÈRE

SAULE DE RIVIÈRE, (Salix Alba.) une once & demie de son écorce ou deux onces de ses brindilles fraîches, hachées & cuites pendant une heure dans trois-quarts de pinte d'eau, procurent un bain jaune très intense qui, en demi-heure sans bouillir, communique à un gros de laine LF un jaune un peu terne, lequel en bouillant devient olive, sale & équivoque.

Deux onces de son bois frais écorcé, traité de même, donnent, au long bouillon, une nuance de coton de Siam solide & très jolie.


SCABIEUSE

SCABIEUSE MORS-DIABLE, (Scabiosa Succisa.) Ses fleurs sèches donnent un riche bain jaune-olive dans lequel la laine LF n'acquiert qu'une légère couleur de [334] soufre. Il convient essayer de l'apprêt E.


SCROPHULAIRE

SCROPHULAIRE, grande, (Scrophularia Nodosa.) Ses tiges & feuilles donnent un bain jaune-verdâtre. La laine d'apprêt LF n'y prend un peu de couleur qu'au bouillon, lequel, prolongé trois heures, lui communique une bonne nuance de musc, & le bain, en se réduisant, exhale une odeur de cerfeuil.


SCORSONÈRE

SCORSONÈRE, (Scorzonera Hispanica.) L'eau dans laquelle on a fait cuire ces racines pour les manger, étant encore un peu réduite, communique à la laine LF, en trois à quatre heures de bouillon, une douce nuance de vigogne solide.

SOLEIL

SOLEIL, grand annuel, (Helianthus Annuus.) Une de ses fleurs, nouvellement épanouie, m'a procuré un bain jaune-fauve dans lequel un gros de laine LF a pris, au long bouillon, un musc-jaunâtre.


SOLIDAGO

SOLIDAGO, (Semper Virens). Ses tiges & feuilles, hachées & cuites pendant une heure & demie dans une pinte d'eau, produisent un bain musc qui, en quatre heu- [335] res de bouillon, communique à la laine LF une belle ombre, ou bruniture de jaune-olivâtre.


SOPHORA

SOPHORA SYNICA. Ses feuilles cuites dans une demi-pinte d'eau communiquent à la laine LF un petit citron-tendre qui ne résiste point au vinaigre. La fermentation & le battage usités pour l'anil, ne m'en ont point obtenu de fécule bleue.

M. le Chevalier Mustel m'ayant donné des branches d'un arbre qu'il cultive sous le noms de Sophora Japonica ; j'en ai fait cuire trois onces dans trois-quarts de pinte d'eau. Le bain exhalait l'odeur d'une décoction de réglisse, & il jetait beaucoup d'écume. La laine d'apprêt LF y acquit, en demi-heure sans bouillir, une nuance de citron-pâle, et, au long bouillon, un ventre-de-biche terne.


SORBIER

SORBIER des Oiseleurs, (Sorbus Aucuparia.) Trois onces de ses branches de deux ans, hachées & cuites dans une pinte d'eau pendant une heure & demie, ont donné un bain qui, à l'odeur près, ressembloit [336] à celui du Mahaleb. Un gros de laine d'apprêt LF y a contracté, en trois heures de bouillon, une riche nuance de Nankin-coton de Siam bien solide.


SORGHO

SORGHO, Millet, (Holchus Sorghum Nigricans.) L'écorce, ou le son violet noir de ce grain, avait été essayé au mois de Mai 1781, par M. Jean-Baptiste-Pierre Grandin, d'Elbeuf. La couleur pourpre de sa décoction l'avait déterminé à y abattre un loquet de laine sur tartre & alun, qui y acquit un petit rose-clair & non solide. Un mois après il voulut bien me donner & son Essai, & environ vingt-quatre pouces cubes de ce grain qui, dans son jardin, avait acquis une parfaite maturité. Je le passai dans le moulin à sarrasin pour en obtenir le son dans lequel résidait le colorant, & j'en pris une once que je fis cuire doucement pendant une heure & demie dans trois-quarts de pinte d'eau. La colature de ce bain se trouva colorée en pourpre-violet. Un gros de laine LF y prit, en deux heures de bouillon, la même teinte [337] que dans un bain de bois de Campêche, avec l'extrême avantage d'être inaltérable au savon & au vinaigre où elle s'avive, & vire en prune de Monsieur.

Un gros de laine vierge, pétrie en précipité d'alun & de dissolution d'étain, a pris dans un bain semblable un rose-foncé, ou couleur de lie-de-vin, qui s'avive au vinaigre & reste solide.

Un écheveau de coton, préparé pour petit rouge, teint dans un bain de deux fois son poids de son de sorgho, y a contracté un beau ton de prune de Monsieur ; mais cinq minutes de débouilli en savon, l'ont fait disparaître.

La laine d'apprêt E n'y acquiert qu'un maron foncé, un peu pourpre, bien solide.

Ayant fait sécher à l'ombre ce son, qui m'avait déjà servi, je le retrouvai huit mois après, & le fis cuire de nouveau pendant une heure dans une demi-pinte d'eau. Un gros de laine E y prit encore la plus douce couleur musc puce, qui résistait aux deux épreuves.


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Ce sujet est excellent, mais ce grain mûrit difficilement en Normandie. Il faudrait tirer ce son d'Italie, où l'on en emploie la farine à la nourriture des hommes & des animaux. Cette écorce, que l'on y perd, serait précieuse pour nos Teintures ; mais vainement j'en ai demandé, ainsi qu'en Espagne, d'où seulement on m'a offert de m'envoyer le grain entier. La fixation du Campêche, par l'écorce de bouleau, m'ayant réussi depuis, je n'ai plus été si curieux de me procurer du sorgho.


SOUCHET

SOUCHET (grand) des rivages, à tige triangulaire. Ses feuilles & tiges fleuries donnent un bain jaune-citron qui promet beaucoup. Cependant la laine LF, même au premier bouillon, n'y perd point sa blancheur. L'ébullition continuée lui communique enfin une légère nuance de ventre-de-crapaud, solide. Je crois que c'est le Cyperus Gramineus de Bauhin.


SOUCI DE BARBARIE

SOUCI DE BARBARIE, (Othonna cheirifolia.) Deux onces de ses feuilles & tiges vertes, hachées, cuites dans une demi- [339] pinte d'eau pendant trois-quarts-d'heure, procurent un bain citron-terne dans lequel un gros de laine LF prend d'abord un citron-verdâtre, puis, en trois heures de bouillon, une jolie nuance de noisette-Nankin très solide.


SOUCI des vignes

SOUCI des vignes ou des champs, (Calendula Arvensis.) Une médiocre poignée de ses tiges, feuilles & fleurs écrasée dans un mortier, & cuite pendant une heure dans une pinte d'eau, m'a procuré un bain jaune-verdâtre très-intense ; mais le bouillon le dégrade, & la laine d'apprêt LF n'y acquiert qu'un jaune foible & terne. L'abondance de cette plante dans les champs, en automne, doit engager à tenter de nouveaux Essais.


SPIRAEA OPULIFOLIA

SPIRÆA OPULIFOLIA. Deux onces de ses brindilles sans feuilles (en Décembre), hachées & cuites dans trois-quarts de pinte d'eau pendant une heure & demie, m'ont donné un bain couleur de canelle dans lequel, en trois heures de bouillon, un gros de laine LF a pris une nuance de [340] Nankin-blond, très élégante & solide.


SUMAC

SUMAC vrai, (Rhus Coriaria.) Trois onces de ses jeunes tiges & feuilles vertes, hachées & cuites dans une pinte d'eau pendant une heure, donnent un bain d'un jaune-brun, & d'une agréable odeur de compote. Un gros de laine d'apprêt LF y acquiert, en trois-quarts-d'heure sans bouillir, un jaune-mat & terne que le bouillon change en une belle nuance de merd'oie très assurée.


SUREAU commun

SUREAU commun, (Sambucus Nigra.) Trois onces de son gros bois hachées, cuites longtemps, ne fournissent aucune couleur définie ; mais aidées d'un peu de vitriol martial, elles communiquent à un gros de laine LF un gris-brun olivâtre, couleur sérieuse, noble & solide.

Son écorce seule, ou ses brindilles, donnent, en trois heures de bouillon, une nuance olive-jaunâtre.

Quatre gros de ses fleurs, séchées à l'ombre, cuits dans une demi-pinte d'eau, procurent un riche bain-mordoré-olivâtre. La [341] laine LF y acquiert, au premier bouillon, un jaune-ravenelle-opaque, lequel se maintient même après deux heures d'ébullition, qui, continuée encore une heure, le vire légèrement en musc inaltérable à trente heures d'immersion dans le vinaigre.

Deux onces des pédicules, ou cotons frais de la fleur, & un peu de ladite fleur fraîche, m'ont donné un bain fauve dans lequel un gros de laine LF a pris, en deux heures de bouillon, un beau ton de vigogne-canelle, mais un peu bringé.

Trois onces de ses baies mûres, cueillies depuis huit jours, & commençant à fermenter, m'ont donné un bain pourpre-vif fort riche dans lequel, en trois heures de bouillon, un gros de laine d'apprêt LF a contracté un beau gris très-bleuâtre, & tellement solide, que trois mois d'exposition à l'air, au soleil & à la pluie, ne l'ont point dégradé.

Les baies mûres de sureau fraîchement cueillies, cuites en eau pure, m'ont fourni un bain pourpre-violent. Après l'avoir coulé [342] à travers un linge, j'y ai ajouté deux gros de précipité de vitriol de Chypre & d'alun par l'eau de potasse. J'y ai abattu deux gros de lainages d'apprêt LF qui, en demi-heure sans bouillir, & quinze minutes de bouillon, y ont acquis une jolie couleur bleue-tendre qui s'embellit au savon, mais rougit au vinaigre. La toile qui avait servi à couler ce bain était colorée en bleu-de-Roi. Jamais illusion plus douée ne fut plus vaine, car j'espérais bien avoir enfin trouvé du bleu.

Dans un bain semblable, j'ajoutai un quart de l'apprêt de M. Giroz. Le drap & la laine y acquirent un joli violet-d'Evêque, mais qui ne résista point au savon, & très peu au vinaigre.

Dans le déchet du premier de ces bains, j'ai abattu de la laine vierge qui n'a pris aucune couleur. En y ajoutant une cuillerée d'eau de potasse le bain s'est troublé, en exhalant une forte odeur de morilles, & la laine apprêtée LF y a pris, au long bouillon, un musc-doré très-solide.


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De la laine vierge bouillie en dissolution aqueuse de vitriol de Chypre, puis abattue en bain pur de fruits mûrs de sureau, a pris un gris-violâtre un peu bringé, qui bleuit au savon, mais rougit & disparoît au vinaigre.

Du fil de coton crud, puis bouilli dans la dissolution de vitriol de Chypre, abattu ensuite dans un bain pur de baies mûres de sureau, y a contracté un joli violet-bleuâtre qui devient bleu-céleste au savon, & repasse au gris-de-lin ou lilas-tendre au vinaigre. Il me reste à essayer de combiner ce colorant avec l'écorce de bouleau, puisqu'elle a fixé le Campêche, presque aussi fugace.

Les baies mûres de sureau, parvenues à la fermentation acéteuse, m'ont donné un bain plus rouge que pourpre. La laine LF y a pris un beau musc-canelle très solide.


SUREAU à fruit rouge

SUREAU à fruit rouge, (Sambucus Racemosa.) Trois onces de ses jeunes branches en feuilles, cuites dans trois-quarts de pinte d'eau pendant une heure & demie, [344] ont produit un bain jaune-fauve dans lequel la laine d'apprêt LF a contracté, en deux heures de bouillon, une belle nuance merd'oie très-dorée. Il ne m'a point encore été possible d'essayer ses baies mûres.


SUIE DE CHEMINÉE

SUIE DE CHEMINÉE. Ayant lu dans les Réglemens pour la Fabrique, que la suie étoit proscrite des Atteliers de bon teint, comme ingrédient non-solide, j'ai pensé devoir l'essayer par nos procédés. A cet effet, j'ai pris une once de suie en poussiere, & non-concrete, que j'ai fait cuire dans une pinte d'eau, pendant une heure & demie. Le bain olivâtre étant coulé, j'y ai abattu un gros de laine d'apprêt E 1/16 qui, dès le premier bouillon, y a contracté une bruniture de jaune-ravenelle très-solide. Cette laine teinte, ayant été repassée dans un bain combiné de garance, de baies sèches de bourdaine & de peuplier d'Italie, prend une belle nuance de carmélite. Un gros de nouvelle laine du même apprêt, abattu dans le déchet du premier bain, y acquit la même ombre ou bruniture de


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jaune-ravenelle, mais un peu plus transparente, également solide. Cet ingrédient, traité ainsi, peut donc être utilement employé pour piéter ces sortes de couleurs.

Dans une demi-pinte d'eau, j'ai fait cuire deux gros de bistre, ou suie concrette. La laine d'apprêt E y a pris de même une bruniture de jaune un peu plus olivâtre, ou nuance de ftil de grain transparente & très-solide. La laine d'apprêt AT y acquiert à peu-près le même ton, mais plus terne & moins assuré.


SYCOMORE

SYCOMORE, (Acer Pseudo-Platanus.) Deux onces de son écorce hachée, cuite pendant une heure & demie dans trois-quarts de pinte d'eau, fournissent un bain qui, après avoir jeté beaucoup d'écume, semble passer du jaune au rouge. Cependant un gros de laine LF, en trois heures de bouillon, n'y acquiert qu'une nuance fauve de vigogne solide.

Le bois écorcé fournit encore plus d'écume, & ne communique aucune couleur décidée.


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SYRINGA

SYRINGA, (Philadelphus Coronarius.) Trois onces de ses brindilles sans feuilles (en Janvier), hachées & cuites dans trois-quarts de pinte d'eau pendant une heure & demie, m'ont produit un bain qui promettait fort peu ; néanmoins de l'ébullition, continuée pendant trois heures, est résulté sur un gros de laine LF une bonne couleur canelle-rosée très solide.