Dolic bulbeux (Potager d'un curieux, 1899)
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Nom accepté : Pachyrhizus erosus
Plante vivace, volubile, donnant naissance à plusieurs tubercules arrondis ou napiformes. Tiges velues lorsqu'elles sont jeunes, devenant presque glabres en vieillissant. Feuilles composées de trois folioles larges, glabres, la terminale plus grande, anguleuse, dentée ; les latérales inéquilatérales. Fleurs rougeâtres, en
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grappes courtes, pauciflores ; il leur succède des gousses oblongues ou cylindriques, pointues, glabrescentes et un peu noueuses.
Cette plante, selon Rumphius, est originaire des Philippines. On la cultive dans plusieurs parties de l'Inde et aux Moluques.
Roxburgh (loc. cit.) suppose qu'elle a été introduite d'Amérique aux îles Philippines.
- « L'échantillon qui existe dans nos collections a été cueilli dans le pays de Galam, près de Bakel, par M. Leprieur, qui ne nous apprend pas si elle est cultivée ou si elle est sauvage dans ce pays.
- Son importance, comme plante alimentaire, nous avait déterminés à en apporter de Java à Bourbon, à Cayenne et au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Elle était cultivée en 1824 au jardin de Richard-Tol; mais nous ignorons si elle y avait été apportée de Bakel ou de l'Inde orientale. » (Guillemin, Perrottet et Richard, Floræ senegambiæ tentamen, vol. L p. 221).
- Les tubercules des racines du P. angulatus ont la forme et le volume de notre Rave; quelquefois, ils deviennent beaucoup plus gros. On ne les mange guère autrement que cuits; en les accommodant avec du beurre, du sucre et des épices, on peut en faire un mets très agréable.
- Les racines qu'on laisse en terre jusqu'à la maturité des fruits perdent toute leur saveur et ne peuvent plus servir d'aliment. » (Spach, Végét. phanérog., vol., I, p. 334).
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- « Le Dolic bulbeux appartient à la Diadelphie décandrie et fait partie de la famille des Légumineuses. Il est voisin du genre Haricot et pousse, comme lui, des tiges sarmenteuses et rampantes ; il produit une racine pivotante, semblable, pour la forme et la grosseur, à la Rave douce d'Europe (Brassica napus maxima), mais elle est plus nutritive et plus moelleuse qu'elle. Les Malais et les habitants des îles Philippines en font leurs plus grandes délices; ils la mangent crue ou bouillie à la manière des Pommes de terre. On la voit figurer sur les meilleures tables, préparée de différentes manières; elle est alors un mets aussi sain que savoureux ; le propriétaire rural, lorsqu'il en recueille beaucoup, en nourrit ses animaux domestiques; j'ai remarqué qu'ils la mangent avec avidité et qu'elle les engraisse en peu de temps, les porcs surtout.
- Il me semble de la plus haute importance de recommander la culture et la multiplication de cette plante bulbeuse aux habitants des colonies françaises, d'autant plus qu'elle peut, en tout temps, leur fournir, sans aucune préparation, une nourriture saine et abondante.
- La croissance de cette plante est très rapide ; trois à quatre mois suffisent pour que la racine acquière toute sa perfection.
- Elle ne paraît point difficile sur la nature du sol ; elle s'accommode de tous les terrains ; cependant, elle
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(1) Bibliothèque physico-économique ; Paris, t. X, année 1821, p. 311,
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- vient plus volumineuse et elle flatte davantage le goût lorsqu'elle pousse dans une bonne terre, substantielle et un peu humide. On la multiplie facilement par le moyen de ses graines, qui mûrissent très bien ; mais, pour les obtenir, il convient d'en laisser une certaine quantité de pieds en place, car, pour que sa racine soit délicate et succulente, il ne faut pas attendre la maturité des graines ; au contraire, il faut arracher les bulbes longtemps avant la floraison, parce qu'alors la racine acquiert en vieillissant une consistance ligneuse qui la rend peu convenable, d'une digestion difficile et lui fait perdre tout son mérite.
- Je suis persuadé que cette plante peut très bien se naturaliser en France, surtout dans nos départements du Midi ; elle est annuelle, il ne lui faut, par conséquent, que trois à quatre mois de chaleur pour lui faire prendre son volume ordinaire. Elle serait d'autant plus précieuse pour nous qu'elle remplirait le vide que laissent souvent entre elles les Pommes de terre de la dernière récolte et les nouvelles. Le Dolichos bulbeux a l'avantage de croître plus vite que la Pomme de terre, dont les plus précoces ne paraissent ordinairement qu'en août, c'est-à-dire huit mois après la plantation, tandis que le Dolichos, semé en avril, est mangeable dès le mois de juillet.
- J'en ai répandu des graines dans les colonies françaises de l'Afrique et de l'Amérique que je viens de parcourir, et où j'ai eu le bonheur d'introduire plusieurs autres plantes utiles sur lesquelles je me réserve de vous entretenir plus tard. Je ne finirai point cette note sans vous annoncer qu'à Cayenne on en fait, cette année, une récolte assez remarquable et que tout me porte à croire que le Dolichos s'y propagera promptement.
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- On m'a dit, à Java et à Manille, que les semences de cette plante étaient vénéneuses; cette propriété, qu'elle partage avec la Pomme de terre, quoique d'une famille très différente, ne peut être un motif pour éloigner de nos cultures une plante utile sous tant d'autres rapports. »
Nous avons reçu de M. Martin, jardinier-chef du gouvernement à Saïgon, des graines et des tubercules de Pachyrrhizus angulatus, accompagnés d'une note que nous transcrivons :
- « Cù Sang (Annamite). Cette plante grimpante donne un très gros tubercule. On doit la planter sur billon et butter fortement en temps utile. Quand la plante a 30 à 40 centimètres, pincer le bout et les faux bourgeons, de manière à refouler la sève dans le tubercule.
- On met deux ou trois graines par trou et, quand elles sont bien levées, on n'en laisse qu'une et on repique les autres. Cette plante appartient à la famille des Légumineuses ; son tubercule est très bon cuit et même cru, mais son fruit passe pour vénéneux. Les tubercules que je vous envoie ne peuvent servir qu'à vous donner des graines pour faire vos semis, car chaque graine ne donne qu'un tubercule (1). Il faut semer dans le commencement d'avril ; l'arrachage se fait en septembre. »
Nous avons semé sous châssis au mois d'avril et n'avons conservé que des pieds simples ; nous avons butté (2), pincé sans cesse les tiges principales secondaires et arrosé fréquemment.
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(1) La plante donne habituellement plusieurs tubercules. - P. B.
(2) Les tubercules se formant assez profondément dans le sol, loin du collet de la plante, le buttage recommandé par M. Martin ne nous semble pas utile, — P. B.
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Les plantes ont bien végété, et, si elles n'avaient pas été pincées, se seraient élevées à 2 ou 3 mètres de hauteur, comme celles que les tubercules nous ont données.
Vers le 15 novembre, nous avons récolté, à chaque pied, un, deux ou trois tubercules, un peu moins gros qu'un Navet, qui, dégustés à l'état cru, nous ont paru tendres, sucrés, agréables.
Les tubercules, gros et sensiblement anguleux, que nous avons reçus de Saïgon en parfait état et plantés sous châssis, ont végété avec une grande vigueur, mais n'ont montré de disposition à fleurir qu'au commencement d'octobre. Nous n'avons finalement obtenu ni fleurs, ni fruits.
Nous ne voyons donc pas comment nous pourrions, sous le climat de Paris, nous procurer des graines pour nos semis.
Nous avons essayé la multiplication par le couchage, mais sans succès. Il nous faudra donc recevoir encore nos semences du pays d'origine, ce qui ne présente d'ailleurs aucune difficulté.
Il est à peu près certain qu'on obtiendra des graines dans le midi de la France et, à plus forte raison, en Algérie. Nous ferons même observer que, sur nos plantes de semis, se sont montrées des inflorescences, qui ne se sont pas épanouies, mais qui donnent l'assurance d'une fructification sous un climat plus chaud que celui de Paris.
M. Perrottet se trompe sans doute lorsqu'il dit que le Dolic bulbeux est annuel ; mais il semble que, dans les pays chauds, il soit cultivé comme bisannuel, la première année pour fournir ses tubercules comestibles et la seconde année, au moyen de quelques tubercules conservés ad hoc, les graines nécessaires à l'ensemence-
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ment, ces derniers, comme tant d'autres racines, perdant alors leurs propriétés alimentaires.
Le Pachyrrhizus angulatus est une plante très intéressante que les amateurs peuvent cultiver dans les environs de Paris et que les horticulteurs du Midi ne devraient pas négliger.
Qu'ils n'oublient pas que la racine sucrée du Cerfeuil bulbeux se vend à Paris à haut prix et que le plus souvent la production reste au-dessous de la demande !
M. Pierre, directeur du Jardin Colonial de Libreville, Congo français, nous écrivait en 1892 (1), au sujet de cette plante:
- « J'ai essayé à diverses reprises, depuis 1887, la culture du Pachyrrhizus angulatus, h Libreville. J'avais emporté, en 1887, cinq graines que M. le professeur Maxime Cornu m'avait confiées. J'ai cultivé la plante et les résultats que j'ai obtenus cette année sont merveilleux. En 1887, 1889-1890, j'ai montré, à ce que l'on appelle le concours agricole, à Libreville, cette plante et des racines dont l'une pesait 300 grammes.
- J'ai récolté à raison de 7,000 kil. à l'hectare, dan un terrain pauvre. La récolte aurait pu monter à 10,000 kil. si j'avais pu donner une excellente culture et me procurer des engrais, et cela en trois mois.
- On pourrait faire trois récoltes et même quatre chaque année, ce qui porterait la récolte possible à 40,000 kil.
- Dans ces pays, cette plante pourrait avoir une grande importance, non seulement au point de vue de l'alimentation de l'européen et des indigènes, mais aussi de celle des animaux.
- J'ai récolté dernièrement 2,000 graines et j'en ai
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(1) M. Pierre est mort peu de temps après ; M. Chalot lui a succédé dans cette fonction,
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- envoyé dans tous les postes du Congo français, jusqu'à l'Oubanghi, aux diverses personnes aimant les plantes utiles, missionnaires, planteurs, etc., et dans les possessions au nord du Congo français.
- Moins sucré que la Patate, ce précieux et précoce légume peut être considéré comme un succédané de la Pomme de terre, que nous sommes obligés d'acheter sur la côte aux paquebots qui nous la vendent très cher : 0 fr. 60, Ofr. 75 et même 1 franc le kilogramme. »