Daïkon (Potager d'un curieux, 1899)

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Cyphia tortilis
Potager d'un curieux, Introduction
Dolic bulbeux


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Nom accepté : Raphanus sativus


DAÏKON


Radis du Japon.


Raphanus sativus L., var.


Fam. des Crucifères.


Bien que les Daïkons aient été décrits par Henri Rivière comme appartenant à une espèce particulière, nous ne croyons pas devoir adopter cette manière de voir. Ces plantes, comme les variétés de Radis que nous cultivons en France, variant à l'infini, tant par la forme de leurs feuilles que par celle de leurs racines, doivent être rattachées au Raphanus sativus de Linné.

Nous avons fait présenter à la Société nationale d'Horticulture, par le jardinier Henri Véniat, une collection nombreuse de Daïkons. Si nous ne nous trompons, c'était la première fois qu'on présentait à cette Société plusieurs variétés de cette plante, encore peu connue. On s'était, jusque-là, borné à exhiber un spécimen quelconque et à dire : voici le Daïkon, sans considérer que ce légume, comme tant d'autres, présente des propriétés, des qualités, voire même des défauts, qui varient à l'infini, selon la variété que l'on a cultivée.

Nos Radis sont d'origine chinoise, mais nous en avons obtenu des variétés sans nombre qui figurent dans les catalogues des marchands grainiers. Ronds et courts, longs et demi-longs, hâtifs et tardifs, blancs, roses, rouges, violets, jaunes, gris, noirs, petits ou énormes; c'est à s'y perdre.


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Il en est à peu près de même des Daïkons. Il en est qu'on sème au printemps, d'autres, plus nombreux, qu'on sème en août et dont on fait usage pendant tout l'hiver. Il en est un, de végétation très rapide, qu'il faut employer après quelques semaines de semis, sous peine, si l'on tarde, de le manger creux.Les uns sont d'une longueur démesurée et exigent un labour à deux fers de bêche; les autres sont courts ou demi-longs et n'exigent qu'un labour ordinaire.

Toutes les variétés que nous possédons sont blanches.

Il en existe, dit-on, qui sont rouges extérieurement et intérieurement et qui seraient les meilleures. Nous les avons inutilement demandées au Japon ; nous n'avons reçu qu'un Radis rose d'hiver de Chine, dégénéré.

En juin 1878, nous avons reçu trois variétés très estimées au pays d'origine : les Sakurashima, Tsuri, Nerima Daïkon.

Nous les avons semées immédiatement ; ces plantes ont monté à graine si vite qu'elles n'ont pas formé de racines utilisables ; mais nous savions dès lors qu'il fallait semer tard.

En 1881, nous avons reçu de nouvelles graines, que nous avons semées le 1er août. Le résultat a été très satisfaisant et les horticulteurs de la Société d'Horticulture de Montreuil peuvent se souvenir d'une présentation de très belles racines qui leur a été faite par Henri Véniat.

Nous donnons ici les noms des variétés que nous possédons. Nous en marquons deux d'un point d'interrogation parce qu'ils sont douteux pour nous ; nous considérons les autres comme exacts : Shirimain nedzumi (Fig. 29); Hosone; Mia shige; Arkie (?); Nedzumi; Maru nerima (Fig. 30); Nerima; Kedissune (Fig. 31); Ru nichi; Songetty (?) Ninengu.


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Nous avons perdu le Sakurashima et le Tsuri. Nous n'avons pas reçu le San Guwatsu, qui est cité le premier par l'auteur japonais du « Japon à l’Exposition uni-

Page 29. — Shirimain nedzumi (au quart de grandeur naturelle).

verselle de 1878 », et dont le nom signifie Daïkon du troisième mois (avril).

Nous dirons quelques mots de chacune des variétés que nous avons cultivées en 1881 et 1882.

Shirimain nedzumi (fig. 29). — Ce Daïkon est gros et court. Ses racines ne s'élèvent pas hors terre. Il n'exige pas


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un labour plus profond que celui qui se pratique dans les jardins : c'est un mérite qui doit le faire rechercher.

Hosone. — Ses racines s'élèvent à 0m,20 hors terre.

Il n'en exige pas moins un labour profond. Sa végétation est rapide. Il devient creux dès les premiers jours d'octobre.

Mia shige. — Ses racines font saillie d'environ 1m,10 hors terre ; il lui faut un labour profond. Selon l'auteur japonais déjà cité, le Mia shige Daïkon est un produit renommé de la province d'Owari.

Arkie (?). — Ce Daïkon exige un labour profond.

Ses racines n'ont que 0m,05 à 0m,10 de hauteur hors terre.

Nedzumi. — Il exige un labour profond. Ses feuilles ne ressemblent à celles d'aucun autre Daïkon.

Marunerima (fig. 30). — 15 centimètres hors terre.

Labour profond.

Nerima. — 20 centimètres hors terre. Labour profond.

Kedissune (fig. 31). — Feuilles très divisées et finement découpées, presque ornementales.

Ku nichi. — 10 centimètres hors terre. Labour profond. Son nom signifie : Daïkon de neuf jours.

Songetty (?). — Labour profond.

Ninengu (1). - 20 centimètres hors terre. Labour profond.

Toutes ces variétés se sèment le 1er août et s'emploient en hiver. Nous en possédons une cependant qui, semée

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(1) MM. Vilmorin-Andrieux et Cie (Les Plantes potagères) disent que, pour atteindre tout le développement dont il est susceptible, le Ninengo (ou Ninengu) doit être semé dès le mois d'avril. Il demande une terre profondément travaillée et abondamment fumée.

Quelques Daïkons, d'après des autorités qui semblent dignes de foi, atteindraient le poids fabuleux de 15 à 20 kilogrammes.


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au printemps, n'est montée à graine qu'à la fin de l'été, si bien que nous avons craint de n'en pas récolter de

Fig. 30. — Maru nerima (au quart de grandeur naturelle).

Fig. 31. — Kedissune (au quart de grandeur naturelle).

semence et que nous avons dû attendre longtemps avant que les siliques en fussent sèches. Cette variété, à laquelle


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l'auteur japonais cité plus haut donne le nom de Natsu Daïkon, c'est-à-dire Daïkon d'été, faisait partie d'une collection de quarante-deux sachets de graines recueillies par l'intrépide voyageur, M. Colteau, collection qui nous était parvenue par l'obligeante entremise de M. le Dr Paul Sagot. Elle renfermait plusieurs autres variétés de Daïkons, qui, semées au printemps, sont montées à graine sans rien produire d'utile.

Il est donc bien établi que, à l'exception du ou des Natsu Daïkon, on doit semer vers le 1er août, et plus tard encore dans le Midi, sur un labour ordinaire pour Daïkon court ou demi-long, et sur un labour à deux fers de bêches pour les variétés à longues racines.

On doit semer en lignes, et, si l'on veut obtenir des plantes très développées, éclaircir à 15 centimètres au moins.

Quant à la fumure, nous citerons, pour en contester certains points, ce qu'en a dit M. le comte de Castillon, dans le volume IV, page 519, 3e série du Bulletin de la Société d'Acclimatation :

« Frappé des résultats négatifs obtenus en France dans la culture du Daïkon, j'ai voulu en rechercher la cause. Pour cela, j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de consulter l'ouvrage japonais intitulé : Sô mokuso date yusa ; or, voici ce qu'il dit au sujet du Daïkon, et qui suffirait amplement à montrer les raisons de l'insuccès dont on se plaint généralement : au printemps et en été, on défonce profondément le terrain ; on y incorpore avec soin un mélange de cendre et de poudrelle, et on sème, du premier au dixième jour de l'automne (tin septembre), en lignes et sur billon. I1 y a aussi des Daïkons entièrement rouges, non seulement à l'extérieur, mais encore en dedans ; ils sont très tendres et ont un goût délicat.


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La culture japonaise se résume donc dans les trois « points suivants: 1° défoncement profond; 2° engrais pulvérulents très actifs et promptement assimilables ; 30 (et c'est un point capital) semis d'automne. I1 est évident, en effet, que, si les Japonais ne sèment pas le Daïkon au priutemps c'est qu'ils ont reconnu que les semis faits à cette époque montaient à graine très a facilement (tout comme eu France) et sans donner de racines volumineuses. Quelque chose d'analogue nous arrive avec certains végétaux, les Navets par exemple. Il est encore à remarquer que la variété de Daïkon la plus estimée au Japon, pour ses qualités comestibles, est le Daïkon rouge. C'est donc sur elle que devront porter de préférence les plus prochains essais. »

Nous ne doutons pas qu'on n'obtienne un très bon résultat en défonçant profondément le sol, en l'amendant avec de la cendre, en le fumant avec de la poudrette; mais, nous ne considérons pas ces pratiques comme nécessaires. Les Daïkons sont extrêmement rustiques et végètent admirablement dans une bonne terre de jardin. ils se ressèment spontanément, et les graines qui se répandent de côté et d'autre donnent naissance à de superbes plantes. Nous avouons ne rien comprendre aux difficultés que paraissent avoir rencontrées les premiers expérimentateurs. Nous appelons l'attention sur l'opinion émise, en janvier 1876, par M. Rivière, et consignée dans le Bulletin de la Société d'Acclimatation, 3° série, volume 111, page 39 :

« M. Rivière signale les avantages que lui paraît devoir offrir la culture du Daïkon ou Radis du Japon (Raphanus acanthiformis). Il avait reçu quelques graines de ce Radis, provenant d'un envoi de M. Kreutzer, attaché à la légation du Japon, les a fait essayer dans un domaine de M. Talabot, près de Limoges, et en a obtenu une


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quantité de semence suffisante pour pouvoir propager la plante, qu'il croit appelée à beaucoup d'avenir. Ses qualités nutritives, précieuses pour les vaches laitières, qui s'en montrent très friandes, paraissent la placer entre la Carotte à collet vert et la Betterave. Le Daïkon pourra d'ailleurs, sans doute, jouer un grand rôle comme culture dérobée. Sa végétation est très rapide; semée dans la seconde quinzaine de juillet, la plante est bonne à récolter en octobre ; elle n'occupe donc la terre que fort peu de temps et se montre ainsi doublement précieuse. »

L'usage que nous devons faire du Daïkon diffère absolument de celui qu'en font les Japonais. Ils en mangent toutes les variétés cuites ou salées ; il s'en servent aussi comme d'un condiment en le râpant lorsqu'il est frais, ou en le faisant sécher. Ils en mangent aussi les feuilles préparées comme les racines.

On doit, chez nous, en user tout autrement. Nous mettons les racines en jauge au mois de novembre et les y prenons fraîches au fur et à mesure de nos besoins.

Elles sont tendres, pleines d'eau de végétation, moins piquantes que le Radis noir et même que le Radis, rose d'hiver de Chine. Elles plaisent infiniment aux personnes de nos familles et aux marchands de comestibles auxquels nous les avons fait déguster. Cuites, nous les trouvons inférieures aux Navets.

11 reste à expérimenter le Daïkon comme plante fourragère, en culture dérobée. Il ne nous appartient pas de résoudre cette importante question.

Daïkon de Satzouma

Cette variété mérite une mention particulière. Pour la faire connaître, nous reproduisons une note de


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M. Louis Sîsley, publiée dans la Revue horticole, année 1874, page 444 :

« Nous extrayons des lettres du Dr Hénon, d'Ikouno (Japon), quelques passages ayant rapport au Radis japonais dit Daïkon :
Les Daikons, gros Radis blancs, ont à peu près partout remplacé les Blés, les Chanvres, les Pois et les Fèves, là où il n'y a pas de rizières. Dans les parties du terrain où l'on n'a pas amené d'eau et où l'on ne peut, par conséquent, cultiver le Riz, on y fait succéder aux céréales des Raves ou, plus généralement, un énorme Radis blanc ou Raifort, dont il se fait une consommation immense, soit frais, soit cru, conservé dans le sel. Il existe partout au Japon et en Chine ; mais les graines que je vous envoie appartiennent à une variété particulière, au fameux Daïkon, le Radis de Satzouma, qui diffère notablement des autres variétés répandues dans le pays, puisqu'il atteint jusqu'à un pied de diamètre, ce que l'on ne voit jamais ici, ni à Osaka, ni à Kioto, ni à Yedo. Je ne crois pas qu'on l'ait importé en France, car nos compatriotes qui sont allés à Satzouma ne sont pas nombreux.
Ce Radis atteint souvent, dans le bon terrain, 90 centimètres de longueur. On le sème en juillet-août et on le récolte en automne et en hiver. Dans les temps fabuleux, il y eut, dit-on, à Sacourasima un Daïkon qui avait une lieue de tour. Ceux-ci n'en sont que des enfants dégénérés, mais ils sont encore d'une belle grosseur.
Le bétail est très friand des Daïkons et on lui en donne une grande quantité ; mais ce sont les hommes surtout qui en font une très grande consommation. On les mange crus, en salade, coupés par tranches très minces, cuits dans la sauce japonaise appelée


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shoyu, et surtout crus, après les avoir laissés confire dans le sel pendant un ou plusieurs mois ; ainsi préparés, ils sentent très mauvais, du moins à notre goût, mais ce n'est pas aussi détestable à manger qu'à sentir. Les Japonais, du reste, trouvent que le fromage sent encore plus mauvais et s'étonnent que nous puissions avaler quelque chose d'aussi infect.
Le Daïkon confit dans le sel est l'assaisonnement habituel du Riz bouilli, chez les pauvres comme chez les riches. »