|nomcourtsuivant=Violette
}}
<font color=#901040>''[Les titres de section ne sont pas de Cazin. Ils ont été ajoutés pour faciliter la lecture de cette longue page.]''</font>
__TOC__
C'est à la présence de l'alcool que les vins doivent principalement leurs propriétés stimulantes, diffusibles et enivrantes. Ceux qui en contiennent plus de 11 pour 100 se nomment vins généreux. Le tableau suivant indique les proportions d'alcool contenues dans les principales espèces de vin.
<center>QUANTITÉ D'ALCOOL PUR CONTENUE DANS 100 PARTIES DE VIN EN VOLUME.</center>
{|align="center"
| style="padding:0.5em; width:160px; text-align:left;" |Vin de Lissa <br \>— de Marsala <br \>— de Madère <br \>— de Collioure <br \>— de Constance blanc <br \>— de Roussillon <br \>— de l'Hermitage blanc <br \>— de Malaga <br \>— de Bordeaux blanc <br \>— de Lunel <br \>— de Bourgogne
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« ni complet, le résultat de ce traitement fut des plus remarquables : le nombre des selles diminua, mais surtout les forces revinrent, l'œdème disparut, la face prit une coloration plus naturelle, et la malade put être occupée dans la salle comme infirmière.
« J'avais été frappé surtout chez cette malade de l'influence exercée par ces lavements sur l'état général, et je me demandai si, dans la convalescence des maladies graves, alors que les fonctions digestives sont encore languissantes, on ne pourrait pas abréger la convalescence par ce moyen ; si même, dans les cas où l'estomac ne pourrait pas tolérer des aliments et encore moins des toniques, il ne serait pas possible de soutenir momentanément et de relever les forces des malades à l'aide de ces lavements. L'occasion se présenta bientôt de vérifier cette prévision, et l'événement vint me montrer que je ne m'étais pas trompé.
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« sorte blasée relativement à ces boissons ; chez les jeunes filles que chez les femmes, dont quelques-unes ont des habitudes qui se rapprochent souvent de celles des hommes. Je tiens encore de l'habile rédacteur en chef de ce journal, Debout, qui a expérimenté ces lavements dans une contrée de la Picardie où l'usage du vin est tout à fait inconnu, que les effets de ce traitement se sont montrés bien autrement puissants chez les campagnards que parmi les malades de Paris auxquels il a eu l'occasion de le prescrire.
« Une autre forme de dyspepsie, qui me paraît également susceptible d'être modifiée avantageusement par les lavements de vin, c'est celle qui est caractérisée par des vomissements, surtout par des vomissements de matières alimentaires. J'ai vu des malades que ces vomissements avaient considérablement affaiblis, et qui, traités à la fois par les moyens propres à combattre la dyspepsie, et par les lavements de vin, ont repris, avec la plus grande rapidité, leurs forces et leur embonpoint. Mais la maladie dans laquelle les effets des lavements de vin m'ont le plus grandement surpris, surtout avec les idées et les préceptes thérapeutiques qui ont généralement cours aujourd'hui parmi les médecins, c'est la chlorose.
« Combien de personnes professent, en effet, que le fer est le seul traitement spécifique de la chlorose, et que, sans les préparations ferrugineuses, la guérison de cette maladie serait impossible à une période avancée ! Et cependant, qu'y aurait-il donc d'étonnant à ce que l'introduction journalière et répétée d'une assez grande quantité d'un tonique aussi vivifiant que le vin, pût amener dans l'économie une modification de nature à assurer la guérison de cette maladie ? A quelque point de vue qu'on se place, que la chlorose soit due à une sanguification imparfaite, à la diminution du nombre des globules de sang que les belles recherches d'Andral et Garniet ont mise hors de doute, voire même à la diminution dans la proportion du fer, à une déferrugination du sang, comme l'ont pensé quelques chimistes, opinion dont les expériences de Réveil ont fait justice dans ces derniers temps, ou bien que celte altération du flux sanguin dépende d'un trouble dans les fonctions de l'innervation, du non-rétablissement d'une fonction importante telle que la menstruation : n'est-il pas évident que ce que l'on a à combattre dans la chlorose, c'est l'état de faiblesse générale, c'est la langueur de toutes les fonctions, et qu'à ce titre les stimulants de toute nature, ceux qui s'adressent surtout à l'ensemble, à la généralité de l'organisme, auront beaucoup de chances de réussir ? C'est ce qui explique les succès de l'insolation, du séjour à la campagne, des bains de mer et de l'hydrothérapie ; c'est ce qui explique également les effets avantageux des lavements de vin dans cette affection.
« J'avais d'abord fait marcher parallèlement l'administration des lavements de vin et celle des ferrugineux, dans le but de hâter la guérison, toujours assez lente, de la chlorose, quel que soit, d'ailleurs, le traitement qu'on emploie. Bientôt je voulus savoir à quoi m'en tenir, et, supprimant les préparations ferrugineuses, je soumis simplement les malades à un trai- tement traitement composé de lavements de vin, de frictions générales stimulantes, avec un liniment composé de :
{|align="center"
| style="padding:0.5em; width:300px; text-align:left; border-right: solid 1px black;" |Alcoolat camphré
| style="padding:0.5em; width:300px; text-align:left; border-right: solid 1px black;" | Poudre de rhubarbe
<br \> Poudre de valériane
| style="padding:0.5em; width:300px; text-align:left;" | ââ a ͡a 50 centigrammes.
|}
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« il n'y aura jamais de comparaison à établir entre un traitement simple et facile, consistant dans l'administration de quelques paquets de poudre ou de quelques pilules, comme le traitement ferrugineux, et un traitement compliqué, dont beaucoup de pratiques qui le composent doivent répugner au malade, comme celui que j'ai exposé plus haut. Je ne me fais aucune illusion sur les difficultés que ce traitement doit rencontrer ailleurs que dans les hôpitaux, et si, depuis trois années, je n'en ai pas employé d'autre dans la pratique hospitalière, c'est que je tenais à bien m'édifier sur la valeur et la portée de ce traitement.
« ... Les lavements de vin déterminent, dans les premiers jours de leur emploi, lorsque la personne qui y est soumise n'y est pas encore habituée, des phénomènes particuliers qui varient suivant la dose de vin qui a été injectée, et suivant la susceptibilité individuelle. Ces phénomènes sont ceux de l'ivresse, mais d'une ivresse dont les suites sont bien différentes de celles produites par l'ingestion des alcooliques dans l'estomac. Huit ou dix minutes après le lavement, lourdeur de tête, besoin de dormir, face animée, yeux brillants, pupilles dilatées, peau moite, accélération des battements artériels, et quelquefois un peu d'excitation ou même de délire gai ; mais ces derniers phénomènes ne se montrent que chez les malades qui sont restés debout et qui ont continué à causer avec les personnes qui les entourent. Les malades qui se couchent après l'injection du vin s'endorment, en général, profondément ; et, si le lavement a été donné le soir, comme je le fais ordinairement, les malades se réveillent, le lendemain matin, frais et dispos, sans conserver aucun reste de leur ivresse de la veille, sans présenter aucun trouble dans leurs fonctions digestives. Au contraire, leur appétit est meilleur et leurs forces plus grandes. Ce qui m'a frappé également dans ces effets des lavements de vin, c'est l'impression plus grande produite sur le système nerveux par une dose de vin qui resterait presque sans effet général, si elle était ingérée dans l'estomac. Il y a donc lieu de penser que l'introduction des médicaments par la voie rectale produirait peut-être, dans beaucoup de cas, des effets fort différents de ceux qui résultent de leur introduction dans l'estomac ; et il serait bien à désirer que des recherches fussent faites à cet égard, car elles conduiraient probablement à la découverte de plusieurs faits utiles à la pratique.
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« quer la contraction brusque de l'intestin. Enfin, le malade doit faire effort pour garder le lavement, et pour cela il doit se coucher, ce qui prévient en même temps la manifestation des phénomènes d'excitation. Mais cette précaution n'est pas indispensable chez les personnes qui sont habituées à ce traitement ; elles finissent par garder sans difficulté les lavements et par n'en être que très-légèrement influencées.
« Je n'insisterai pas sur le mode d'action de ces lavements, mode d'action qui ne diffère pas au fond de celui des alcooliques. C'est évidemment sur le système nerveux qu'ils portent leur influence, et cette influence consiste en une stimulation momentanée, d'autant plus précieuse, que ses effets s'effacent très-rapidement. Mais ce qui nous échappe, et ce qui nous échappera probablement toujours, c'est le mécanisme en vertu duquel cette stimulation, portée sur le système nerveux, réagit sur l'ensemble des fonctions, et les restaure dans les conditions normales. Heureusement, le fait pratique reste avec son utilité, et je serais heureux si ce mémoire avait porté dans l'esprit du lecteur cette conviction :
« 2° Que ces lavements, administrés à dose convenable, et répétés suffisamment, relèvent les forces, rétablissent l'harmonie des fonctions, et peuvent, soit amener la guérison, soit permettre aux malades de résister plus ou moins longtemps aux conséquences graves et terribles qu'entraînent quelques-unes de ces maladies. »
Dans un cas de convalescence d'une fièvre grave, avec symptômes de gastro-entérite et de péritonite, et affaiblissement extrême, Herpain<ref> ''Journal de médecine de Bruxelles'' et ''Revue de thérapeutique médico-chirurgicale'', 1857, p. 14.</ref> prescrivit un quart de lavement de vieux vin de Bordeaux, renouvelé trois fois par jour. Mais ces lavements réussirent mal pendant deux jours, furent rejetés et firent même succéder de la diarrhée à la constipation. On ajouta alors 60 gr. de sirop simple aux 100 gr. de vin qui composaient les trois petits lavements. Dès lors ils ne furent plus rejetés, et la diarrhée ne tarda pas à s'arrêter. Une seconde convalescence s'établit, et la guérison s'ensuivit.
Tout ce que nous venons de rapporter sur les heureux effets du vin administré en lavement me dispense de parler des nombreux cas où j'ai eu à me louer de ce puissant moyen. Leur complète analogie avec ceux qu'Aran a exposés, n'offrirait d'ailleurs qu'une répétition de faits dont la narration dépasserait inutilement les limites, peut-être trop souvent franchies, des articles de cet ouvrage. Je me contenterai de faire remarquer que, dans les cas où les lavements de vin pur n'étaient pas tolérés, l'addition du jaune d'œuf me procurait le même avantage que le sucre dont s'est servi Herpain.
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Sans amener toujours ces perturbations aussi profondes, l'usage habituel des spiritueux donne à l'individu qui se livre à leur abus, un état physique et fonctionnel particulier ; il le prédispose à la perte de l'appétit, aux vomissements surtout matutinaux, à l'hypersécrétion particulièrement acide de la muqueuse stomacale, aux gastralgies, à la dyspepsie. Ces troubles de l'estomac s'expliquent facilement. Si Claude Bernard (1)<ref>''Comptes-rendus des séances de la Société de biologie'', 1856, t. VIII, p. 30.</ref> a reconnu qu'à la dose de 5 à 6 centimètres cubes, étendus de moitié d'eau, l'alcool facilite la digestion, en augmentant la sécrétion du suc gastrique, celles du suc pancréatique et des glandes intestinales, il a aussi démontré que, pris seul, et à des doses assez élevées, il arrête l'action de l'estomac, tarit les sécrétions et cause une sorte d'indigestion. Dans les deux cas, l'usage immodéré peut être nuisible ; car, d'un côté, l'alcool stimule les sécrétions et les force à une hypercrinie quotidienne ; de l'autre, il entrave la production du travail digestif. L'état général de l'homme adonné à la brutale passion de l'ivrognerie a été bien décrit par Magnus Huss (2)<ref>''Alcoholismus chronicus''. Stockholm, 1852. — ''Chronische Alcohols-Krankeit'', traduction allemande; par G. Van dem Busch. Leipzig, 1852.</ref>. Laissons parler cet auteur :
« Une personne qui a fait abus d'alcooliques commence à avoir des tremblements des mains, surtout le matin. Au commencement, ces tremblements cessent après l'ingestion de stimulants ; plus tard, le tremblement tend à continuer l'après-midi. Il peut devenir semblable à une espèce de chorée. — Sentiment particulier de faiblesse dans les bras et les jambes, ou plutôt diminution générale de la tonicité musculaire, surtout le matin. Fourmillements dans les jambes ; éblouissements ; dilatation des pupilles le matin.
Revenons à l'alcoolisme, expression proposée par Magnus Huss, mais dont le sens a été depuis fort étendu. Il comprend tous les troubles graves consécutifs à l'abus des spiritueux.
Sous le nom d’''alcoolisme aigu'', on entend tous les troubles de l'intelligence, du sentiment, du mouvement et des fonctions organiques, qui éclatent rapidement, ont une durée courte et ne sauraient persister longtemps dans leur exagération sans amener la perte du malade. Si nous spécifions seulement les manifestations qui ont le système nerveux pour siège, on trouve le ''delirium tremens'' et la folie ou manie alcoolique aiguë (3)<ref>Racle, ''De l'alcoolisme'', thèse de concours pour l'agrégation, 1860, p. 56.</ref>.
L'alcoolisme chronique représente tous les accidents qui suivent à longue échéance l'abus des spiritueux ; dans ces cas, la continuation actuelle des excès n'est plus nécessaire pour la production des symptômes morbides. Ce sont là des effets secondaires dont l'évolution se poursuit comme celle d'une diathèse, en l'absence même de l'agent provocateur.
On comprend que les limites de notre travail ne nous permettent que d'énumérer les altérations que présentent les différents systèmes organiques.
Gastrite chronique, ulcère simple (Cruveilhier) (4)<ref>Consultez aussi Leudet, de Rouen, ''Des ulcères de l'estomac à la suite des abus alcooliques''. Congrès médical de Rouen, 1863.</ref>, diarrhées chroniques,
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(1) ''Comptes-rendus des séances de la Société de biologie'', 1856, t. VIII, p. 30. (2) ''Alcoholismus chronicus''. Stockholm, 1852. — ''Chronische Alcohols-Krankeit'', traduction allemande; par G. Van dem Busch. Leipzig, 1852. (3) Racle, ''De l'alcoolisme'', thèse de concours pour l'agrégation, 1860, p. 56. (4) Consultez aussi Leudet, de Rouen, ''Des ulcères de l'estomac à la suite des abus alcooliques''. Congrès médical de Rouen, 1863.<references/>
La voix du buveur est rude, rauque et caverneuse (voix de rogomme), la respiration est souvent courte. Les Anglais ont décrit une forme spéciale de dyspnée produite par la cause qui nous occupe.
L'alcool favorise le développement des maladies pulmonaires, surtout celui du catarrhe et de l'emphysème. On a même décrit une pneumonie alcoolique. Magnus Huss note comme très-fréquentes des indurations pulmonaires résultant des phlegmasies chroniques dues à son influence. Les spiritueux, quoi qu'on en ait dit, loin d'arrêter la solution des tubercules pulmonaires, prédisposent à leur développement, en favorisent la dispersion, en accélèrent la marche. Il paraît même que la phthisie revêt assez souvent chez les buveurs la forme granuleuse galopante (1)<ref>Davis, ''Report of the influence of ahoholic drinks on the development and the progress of pulmonary tuberculosis''. (''Transact. of Amer. med. assoc.'', vol. XIII, p. 565.) — Kraus, ''Union médicale'', 1862, 2e série, t. XIV, p. 592. — Alfred Fournier, article ALCOOLISME du ''Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques'', t. I, p. 666. </ref>.
Le système circulatoire offre des troubles variés : palpitation, hypertrophie graduelle du cœur, artérites, dilatations vasculaires, couperose, troubles menstruels. Le sang présente des altérations dyscrasiques véritables ; elles porteraient sur le nombre des globules et la quantité de la fibrine, et constitueraient une forme particulière d'anémie, l'anémie des buveurs. Qu'on examine au microscope le sang d'un alcoolisé : il présente une multitude infinie de globules graisseux ; on a affaire à une véritable ''piarrhémie''. Ces globules sont déposés par le liquide nourricier dans tous les organes ; aussi observe-t-on la stéatose du foie (Peters, de New-York), dont les cellules sont infiltrées de graisse (Frerichs), des reins (albuminurie des buveurs), des muscles, du cœur, etc.
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(1) Davis, ''Report of the influence of ahoholic drinks on the development and the progress of pulmonary tuberculosis''. (''Transact. of Amer. med. assoc.'', vol. XIII, p. 565.) — Kraus, ''Union médicale'', 1862, 2e série, t. XIV, p. 592. — Alfred Fournier, article ALCOOLISME du ''Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques'', t. I, p. 666. <references/>
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mène de contact sur les extrémités nerveuses, et se propageant de là au centre cérébro-spinal, l'absorption, dis-je, est actuellement hors de doute. Elle est nulle par les chylifères (1)<ref>''De la digestion des boissons alcooliques et de leur rôle dans la nutrition''. (In ''Annales de chimie et de physique'', 1847, 3e série, t. XXI, p. 449.)</ref>, et se fait exclusivement par les veines (2)<ref>Magendie, ''Précis élémentaire de physiologie'', 4e édit., t. II, p. 285. — Segalas, ''Le sang peut-il être cause de maladies ?'' mémoire lu à l'Académie des sciences, 1825.</ref>, particulièrement par celles de l'estomac. Mais cette absorption se fait-elle sans que l'alcool soit modifié dans sa constitution, ou a-t-il préalablement subi une transformation, celle en acide acétique par exemple (Leuret et Lassaigne)? Non, l'alcool est absorbé en nature, et on le retrouve dans le sang de la veine-porte, puis dans le foie, puis dans le poumon, dans tous les organes enfin (3)<ref>''Recherches physiologiques et chimiques pour servir à l'histoire de la digestion'', p. 200.</ref>. La substance nerveuse paraît avoir pour le corps qui nous occupe une affinité toute spéciale ; elle s'en imprègne, et le cerveau des sujets ayant succombé pendant l'ivresse exhale ordinairement une odeur fortement alcoolique (4)<ref>Ogston, ''Phenomena of the more advanced stages of alcoholic intoxication''. (In ''The Edinburgh med. and surg. Journ.'', 1842.) — Tardieu, ''Observations médico-légales sur l'état d'ivresse considéré comme complication des blessures et comme cause de mort prompte ou subite''. (In ''Annales d'hygiène publique et de médecine légale'', 1848.)</ref>.
Lallemand, Perrin et Duroy (5)<ref>''Du rôle de l'alcool et des anesthésiques dans l'organisme''.</ref> ont démontré d'une façon précise que l'alcool tend à s'accumuler dans le sang d'abord, qu'il ne coagule pas, dont il ne change pas la coloration, dont il n'altère pas la constitution des globules, puis dans le foie et dans l'axe cérébro-spinal.
Flourens (6)<ref>''Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dans les animaux vertébrés'' ; par P. Flourens.</ref> a de plus avancé que le cervelet était le point des centres nerveux qui semble exercer sur le liquide qui nous occupe une attraction particulière. Böcker (7)<ref>''Archives générales de médecine'', 1849, t. XX, p. 375.</ref>, qui n'est pas aussi exclusif, pense que, d'une façon générale, l'alcool agit sur les parties postérieures et inférieures du cerveau.
Le séjour de l'alcool dans l'économie se prolonge assez longtemps. Ainsi l'air expiré ne cesse d'en contenir qu'au bout de huit heures, l'urine au bout de seize.
L'élimination se fait par les reins, les poumons et la peau. Cette élimination a lieu quand bien même il n'y aurait pas eu excès, et par le fait même de l'ingestion d'une petite quantité du liquide. On retrouve l'alcool dans l'urine, dans la sueur (8)<ref>Smith, in ''Journ. of Society of arts'', 1861.</ref>, dans les produits de l'expiration pulmonaire. Mais tout l'alcool ingéré n'est pas éliminé. Que devient le reste ? Cette question trouvera sa solution dans le chapitre que nous allons aborder.
''Ce que devient l'alcool dans l'organisme ; ses effets sur la nutrition générale''. - Nous distinguerons, avec Maurice Perrin (9)<ref>''Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales'', t. II, p. 584. — ''De l'influence des boissons alcooliques prises à doses modérées sur la nutrition''. Paris, 1864, in-8°.</ref>, deux cas :
A. — Les boissons sont prises à doses immodérées, ou pathogéniques. Il se développe alors les troubles fonctionnels, qui marquent les phases progressives de l'intoxication alcoolique, sur lesquels nous nous sommes étendu plus haut, et dont l'ensemble fait classer l'alcool dans la classe des poisons stupéfiants.
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(1) ''De la digestion des boissons alcooliques et de leur rôle dans la nutrition''. (In ''Annales de chimie et de physique'', 1847, 3e série, t. XXI, p. 449.) (2) Magendie, ''Précis élémentaire de physiologie'', 4e édit., t. II, p. 285. — Segalas, ''Le sang peut-il être cause de maladies ?'' mémoire lu à l'Académie des sciences, 1825. (3) ''Recherches physiologiques et chimiques pour servir à l'histoire de la digestion'', p. 200. (4) Ogston, ''Phenomena of the more advanced stages of alcoholic intoxication''. (In ''The Edinburgh med. and surg. Journ.'', 1842.) — Tardieu, ''Observations médico-légales sur l'état d'ivresse considéré comme complication des blessures et comme cause de mort prompte ou subite''. (In ''Annales d'hygiène publique et de médecine légale'', 1848.) (5) ''Du rôle de l'alcool et des anesthésiques dans l'organisme''. (6) ''Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dans les animaux vertébrés'' ; par P. Flourens. (7) ''Archives générales de médecine'', 1849, t. XX, p. 375. (8) Smith, in ''Journ. of Society of arts'', 1861. (9) ''Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales'', t. II, p. 584. — ''De l'influence des boissons alcooliques prises à doses modérées sur la nutrition''. Paris, 1864, in-8°.<references/>
L'alcool a été classé par Liebig parmi les aliments respiratoires c'est-à-dire que, réductible par la combustion pulmonaire et générale en acide carbonique et en eau, il fournit des matériaux à la production de la chaleur animale.
Avant d'arriver à cette réduction finale, l'alcool passerait par des transformations intermédiaires dues à son extrême avidité pour l'oxygène. Ainsi Duchek (1)<ref>''Ueber das Verhalten des Alkohols im thierischen Organismus''. (In ''Vurteljahresschrift für die praktische Heilkunde in Prag'', t. XXXIX, orig., p. 104.)</ref> pense qu'il est immédiatement transformé en aldéhyde à son entrée dans les vaisseaux ; d'autres ont cru observer sa transformation transitoire en acide acétique ; d'autres en acide oxalique.
Cette théorie de l'alcool aliment respiratoire régnait sans conteste dans la science, lorsque les minutieuses et ingénieuses recherches de Ludger Lallemand, Maurice Perrin, et Duroy vinrent l'ébranler très-profondément.
Se basant sur la conservation de la coloration rouge du sang, sur l'abaissement de la température animale à la suite de l'ingestion de l'alcool (2)<ref>Dumeril et Demarquay, ''Recherches expérimentales sur les modifications imprimées à la température'', etc., 1848. — Sydney Ringer et Walter Rickard, ''The influence of alcohol on the temperature of nonfebrile and febrile persons''. (In ''The Lancet'', 1866.)</ref>, la diminution manifeste de l'acide carbonique exhalé par les poumons, et celle de la vapeur d'eau, ces observateurs ont pu avancer que l'alcool n'est pas éliminé par la respiration après s'être dédoublé en acide carbonique et en eau, et qu'en un mot l'alcool n'est pas brûlé, qu'il n'est pas un aliment respiratoire.
Allant plus loin, ils ont cherché à prouver qu'il ne subit aucune modification dans l'organisme, qu'il reste inaltérable pendant son séjour dans les organes, où il s'accumule, d'où il est ensuite éliminé en nature et en totalité par l'exhalation pulmonaire et cutanée, par la bile, par les reins ; il ne fait donc que traverser le corps sans y subir de modification appréciable (3)<ref>Hammond, ''The physiological effects of alkohol and tobacco upon the human system''. (''American Journ. and med. sciences'', octobre 1856.)</ref>.
Les expériences dont nous donnons le résumé ont une grande valeur ; mais, comme nous l'avons dit plus haut, on n'extrait pas des voies d'élimination une dose d'alcool égale à celle ingérée. Bien plus, il résulte des recherches de Strauch (4)<ref>''De demonstratione spiritus vini in corpus ingesti''. Dorpati, 1862.</ref>, de E. Baudot (5)<ref>''Union médicale'', 1865, t. XXVI.)</ref> et de Schulinus (6)<ref>''Untersuchungen über die Vertheilung des Weingistes in thierischen Organismus''. (In ''Archiv der Heilkunde'', t. II, 1866.)</ref> que la quantité éliminée par les urines, etc., est plus faible que celle qui reste clans l'organisme ou disparaît par une autre voie, inaccessible à nos moyens d'observation, ou sous une forme qui n'est plus la forme primitive.
Je veux bien que l'alcool ne subisse pas dans l'économie la transformation signalée par Duchek, celle indiquée par Bouchardat et Sandras, etc.; mais qui sait, ainsi que le dit Ginjeot (7<ref>''Essai sur l'emploi thérapeutique de l'alcool chez les enfants et en géneral sur le rôle de cet agent dans le traitement des maladies aiguës fébriles''. Paris, 1867.</ref>, s'il ne subit pas une autre transformation inconnue? La question certaine, c'est qu'il n'est pas éliminé en totalité. Qu'est devenue la portion qu'on ne peut retrouver ?
Il est permis de penser qu'une partie de l'alcool fournit à la combustion intra-vasculaire et supplée par sa propre combustion à celle de nos tissus, et que l'autre, de beaucoup la moins considérable, est éliminée en nature par les voies que nous avons signalées.
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(1) ''Ueber das Verhalten des Alkohols im thierischen Organismus''. (In ''Vurteljahresschrift für die praktische Heilkunde in Prag'', t. XXXIX, orig., p. 104.) (2) Dumeril et Demarquay, ''Recherches expérimentales sur les modifications imprimées à la température'', etc., 1848. — Sydney Ringer et Walter Rickard, ''The influence of alcohol on the temperature of nonfebrile and febrile persons''. (In ''The Lancet'', 1866.) (3) Hammond, ''The physiological effects of alkohol and tobacco upon the human system''. (''American Journ. and med. sciences'', octobre 1856.) (4) ''De demonstratione spiritus vini in corpus ingesti''. Dorpati, 1862. (5) ''Union médicale'', 1865, t. XXVI.) (6) ''Untersuchungen über die Vertheilung des Weingistes in thierischen Organismus''. (In ''Archiv der Heilkunde'', t. II, 1866.) (7) ''Essai sur l'emploi thérapeutique de l'alcool chez les enfants et en géneral sur le rôle de cet agent dans le traitement des maladies aiguës fébriles''. Paris, 1867. <references/>
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mique du système nerveux ; mais, ainsi que le dit Jaccoud (1)<ref>''Leçons cliniques professées à l'hôpital de la Charité'', 1867.</ref>, à cet effet s'ajoute une modification matérielle des combustions nutritives.
L'alcool sans contredit entretient la vie plus longtemps qu'elle ne durerait en l'absence de tout secours extérieur. Inmann (2)<ref>''Is alkohol food''. (In ''The British med. Journ.'', 1862.)</ref> et Anstie (3)<ref>''Stimulants and narcotics, their mutual relations, with special researches on the action of alcohol, æther and chloroform on the vital organism''. London and Cambr., 1864.</ref> ont cité des individus qui ont subsisté pendant longtemps en ne prenant que des spiritueux. Allant plus loin que Liebig, Todd (4)<ref>''Clinical lectures on certain acute diseases''. London, 1860.</ref> avance que l'alcool pourrait servir à la réparation des tissus et constituerait l'aliment le plus approprié à la nutrition directe du système nerveux.
Gardner (5)<ref>''Clinical observations delivered on the Glasgow royal infirmary''. (In ''The Lancet'', 1866.)</ref> avance qu'il facilite l'assimilation des aliments proprement dits.
Pour L. Lallemand, Perrin et Duroy, son action n'est pas réellement réparatrice, ses propriétés réconfortantes ne sont dues qu'à la stimulation momentanée qu'il exerce sur le système nerveux.
De plus, ces auteurs ne sont pas éloignés de se rattacher aux idées de ceux qui, récemment, ont attribué à l'alcool la propriété de ralentir les phénomènes chimiques dont l'ensemble constitue la désassimilation. Si l'abaissement de la température, la réduction des excrétions et le maintien relatif non-seulement des forces, mais du poids des sujets (6)<ref>''The physioloqical effects of alcohol and tobacco upon the human system'' ; by W. Hammond (In ''The Amer. Journ. of med. sc.'', 1856.)</ref>, n'établissent pas les qualités alibiles de l'alcool, on peut, avec ces données, affirmer qu'il joue un rôle ''antiperditeur''. Cette entrave à la dénutrition (Boëker) est la théorie la plus satisfaisante.
Quoiqu'il en soit de ces questions d'une haute importance (nous n'avons fait que les effleurer et pour plus amples détails nous renverrons aux publications récentes sur ce sujet), que l'alcool soit aliment direct ou indirect, qu'il ne soit ni l'un ni l'autre (7)<ref>Beale, ''On deficiency of vital Power in disease and on support''. (In ''The British medical Journ.'', 1863. - E. Smith, ''On the mode of action of alcohol in the treatment of disease''. (In The Lancet, 1861.)</ref>, il n'en est pas moins avéré que l'usage méthodique et modéré de l'alcool dilué augmente l'énergie fonctionnelle du système nerveux, et que, par un mécanisme non encore suffisamment déterminé, peut-être en fournissant au malade un aliment éminemment combustible, à décomposition très-rapide, dont la combustion limite nécessairement la dépense de l'organisme (Jaccoud), il relève les forces quand elles sont déprimées.
THERAPEUTIQUE. — C'est du laboratoire des alchimistes, c'est de l'officine des apothicaires qu'est sorti l'alcool pour devenir d'un usage général. Il a perdu de son prestige comme médicament en descendant au rang de boisson journalière. La pharmacie a continué de l'employer, mais presque exclusivement comme excipient. Par un heureux retour aux choses du passé, une forte tendance se manifeste actuellement pour le faire rentrer, sans l'associer à d'autres substances, au nombre des agents les plus précieux de la thérapeutique.
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(1) ''Leçons cliniques professées à l'hôpital de la Charité'', 1867. (2) ''Is alkohol food''. (In ''The British med. Journ.'', 1862.) (3) ''Stimulants and narcotics, their mutual relations, with special researches on the action of alcohol, æther and chloroform on the vital organism''. London and Cambr., 1864. (4) ''Clinical lectures on certain acute diseases''. London, 1860. (5) ''Clinical observations delivered on the Glasgow royal infirmary''. (In ''The Lancet'', 1866.) (6) ''The physioloqical effects of alcohol and tobacco upon the human system'' ; by W. Hammond (In ''The Amer. Journ. of med. sc.'', 1856.) (7) Beale, ''On deficiency of vital Power in disease and on support''. (In ''The British medical Journ.'', 1863. - E. Smith, ''On the mode of action of alcohol in the treatment of disease''. (In The Lancet, 1861.)<references/>
60 gr. de miel et de 30 gr. d'alcool rectifié ou de bonne eau-de-vie. Cette boisson, que je conseille aux moissonneurs pour apaiser la soif et maintenir les forces, m'a été utile chez les pauvres dans la cachexie paludéenne, les convalescences pénibles, les fièvres putrides, et pour boisson ordinaire dans les convalescences. Dans ces derniers cas, je me sers quelquefois d'infusion de houblon ou de racine d'angélique, au lieu d'eau, pour la préparation de cette boisson.
(C'est en continuant une stimulation devenue nécessaire par l'habitude que l'eau-de-vie fait disparaître le tremblement alcoolique); j'ai vu beaucoup d'ivrognes dont les mains tremblaient chaque matin jusqu'à ce qu'une certaine quantité d'eau-de-vie fût ingérée dans l'estomac, et qui ensuite avaient les mains fermes. D'autres fois, les alcooliques arrivent à modifier les ''delirium tremens'' observés dans le cours d'une affection grave. Dans ces cas, suivant l'heureuse comparaison de Hirtz (1)<ref>''Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques'', t. I, p. 614.</ref>, l'alcool, semblable à la lance d'Achille, devient le remède des maux qu'il avait causés.
Nous renverrons à l'article VIN, pour tout ce qui concerne l'usage des spiritueux dans les débilités générales, dans les hémorrhagies.
La stimulation locale produite par l'ingestion modérée de l'alcool potable dans l'estomac, si bien étudiée par Cl. Bernard, a été le point de départ d'applications thérapeutiques plus ou moins heureuses. Lanzoni le recommandait déjà contre les vomissements des femmes enceintes. Tripier (2)<ref>''De l'eau-de-vie dans la phthisie''. (In ''Bulletin général de thérapeutique'', 1864, t. LVIII, p. 27 et suivantes.</ref> a préconisé le même mode de traitement contre les vomissements si pénibles qui fatiguent les phthisiques. Forster, répondant à des vues théoriques différentes, a recommandé les spiritueux unis à l'usage de la viande crue, dans les cas de diathèse tuberculeuse.
C'est sans doute en considérant aussi l'alcool comme aliment respiratoire et pour suppléer dans l'économie la perte du sucre, que Guntzler (3)<ref>I.: ''Cannstatt's'', 1856.</ref> a essayé l'alcool dans le diabète. Les résultats pratiques, en faisant constater une augmentation considérable de la glycosurie, ont mis la théorie en défaut.
Signalons pour mémoire l'emploi de l'alcool contre les empoisonnements par l'acide arsénieux (4)<ref>Delarue, ''Empoisonnements dus à l'acide arsénieux et traités avec succès par l'eau-de-vie''. (In ''Revue de thérapeutique médico-chirurgicale'', 1857, t. V, p. 453.)</ref>.
''Alcooliques à hautes doses''. — L'action anesthésique de l'ivresse a été utilisée dans certaines affections spasmodiques graves ; la résolution musculaire qu'elle amène a été, par exemple, sollicitée dans le but de contre-balancer la contraction tonique du tétanos. — Les observations (5)<ref>Baldwin, in ''The American Journ. of med. science''. (Extrait in ''Gazette médicale de Paris'', 1833, p. 628. — Wilson, in ''The Lancet''. 1845. — J.-W. Stapleton, On the administration of intoxicating doses of alcohol in traumatic tetanos. (In ''The Lancet'', 1845, t. I, p. 317.) — ''Guérison d'un tétanos traumatique par l'ivresse''. (In ''Annales médico-physiologiques'', 1848, t. XI, p. 450. — ''Americ. med. Times'', 26 janvier 1861. — Collis et Wilmott, in ''Dublin med. Press'', 1862. — W. Hutchinson, ''Cure of tetanos by large quantities of alcohol''. (in ''Dublin med. Press'', 1862, 2e série, t. V, p. 308. — Indications bibliographiques extraites de l'excellent article ALCOOL (thérapeutique), inséré par le professeur Béhier dans le ''Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales'', t. II, p. 601 et 610.</ref> publiées sont on ne peut plus favorables à ce mode de traitement, facile à conduire et n'offrant pas de danger, quoiqu'il ait souvent fallu porter l'ivresse jusqu'à ses dernières limites. Les succès obtenus par l'inhalation du chloroforme et de l'éther donnent à ces faits une valeur incontestable.
On a conseillé l'ivresse pour réduire les luxations. Mon père a vu Percy employer avec succès ce moyen, dans des luxations de l'humérus et de la hanche, chez les militaires fortement constitués et offrant une grande résis-
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(1) ''Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques'', t. I, p. 614. (2) ''De l'eau-de-vie dans la phthisie''. (In ''Bulletin général de thérapeutique'', 1864, t. LVIII, p. 27 et suivantes. (3) I.: ''Cannstatt's'', 1856. (4) Delarue, ''Empoisonnements dus à l'acide arsénieux et traités avec succès par l'eau-de-vie''. (In ''Revue de thérapeutique médico-chirurgicale'', 1857, t. V, p. 453.) (5) Baldwin, in ''The American Journ. of med. science''. (Extrait in ''Gazette médicale de Paris'', 1833, p. 628. — Wilson, in ''The Lancet''. 1845. — J.-W. Stapleton, On the administration of intoxicating doses of alcohol in traumatic tetanos. (In ''The Lancet'', 1845, t. I, p. 317.) — ''Guérison d'un tétanos traumatique par l'ivresse''. (In ''Annales médico-physiologiques'', 1848, t. XI, p. 450. — ''Americ. med. Times'', 26 janvier 1861. — Collis et Wilmott, in ''Dublin med. Press'', 1862. — W. Hutchinson, ''Cure of tetanos by large quantities of alcohol''. (in ''Dublin med. Press'', 1862, 2e série, t. V, p. 308. — Indications bibliographiques extraites de l'excellent article ALCOOL (thérapeutique), inséré par le professeur Béhier dans le ''Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales'', t. II, p. 601 et 610.<references/>
En Afrique et en Amérique, l'usage des spiritueux à hautes doses est communément connu contre les morsures des reptiles venimeux (crotale, etc.). Nous ne rappelons ces faits que pour donner à nos compatriotes la pensée de conseiller le même traitement dans le cas, moins grave sans doute, mais cependant assez sérieux, de morsures de vipère.
L'action perturbatrice des spiritueux à hautes doses a été préconisée pour couper le stade algide de la fièvre intermittente (1)<ref>Lanzoni, ''De viribus aq. vitæ'', in ''Ephem. nat. cura'', dec. S, an. X, p. 221. — Meza, ''De efficacia spiritus vini ac succi citri in tertiana debellanda''. (In ''Act. R. Soc. med. Havn.'', 1792, t. III, p. 392. — J.-P. Albrecht, in ''Ephem. nat. cur.'', dec. 2, an. VIII, p. 405. — J. Guyot, ''De l'emploi de l'alcool comme méthode abortive des fièvres d'accès''. (In ''Union médicale'', 1860, 2e série, t. VII, p. 465.) — Burdel, ''De l'emploi des spiritueux dans le traitement des fièvres palustres.'' ''Ibid.'', p. 578.) - Leriche, ''De l'emploi de l'alcool à 55 degrés comme méthode abortive des fièvres intermittentes''. (In ''Gazette médicale de Lyon'', 1861, n° 4, p. 80.) — Herard, ''De l'utilité des boissons alcooliques au début des accès de fièvre intermittente''. (In ''Gazette des hôpitaux'', 1861, n° 88, p. 349.) — Constantinides, ''De l'emploi des alcooliques dans le traitement des fièvres intermittentes'', thèse de Paris, 1863, n° 143.</ref>. Ce mode de traitement a l'avantage de trouver son indication pendant l'accès même ; dans la fièvre pernicieuse algide, par exemple, il trouble l'accès, il atténue son intensité et permet d'attendre que l'on ait pu se procurer du sulfate de quinine.
Les alcooliques ont été au même titre préconisés dans la période algide du choléra. Il est certain qu'on en a obtenu d'excellents résultats ; mais il faut savoir s'arrêter à temps, et nous répéterons ici ce que nous disions à propos de l'opium, il faut songer à l'intensité probable de la période réactionnelle. Si les spiritueux réussissent dans le choléra déclaré, nous pouvons affirmer qu'ils sont très-nuisibles comme moyen préventif. Trop souvent, dans l'épidémie de 1866, nous avons vu abuser du rhum, ''pour se donner du ton''. L'usage inaccoutumé de ce stimulant mettait l'économie dans des alternatives d'excitation et de prostration qui donnaient prise au mal et qui, par la dépression secondaire, prédisposaient ces organisations rendues maladives à l'irruption des phénomènes graves de l'épidémie.
C'est encore comme agent perturbateur que l'eau-de-vie à hautes doses a été proposée pour empêcher les accès d'asthme (Hyde Salter) (2)<ref>''On the treatment of the asthmatic paroxysm by full doses of alcohol''. (In ''The Lancet'', 1863, t. II, p. 558.</ref>.
''Alcooliques à doses méthodiques, fractionnées''. — Jusque dans ces derniers temps l'alcool était considéré comme un excitant dont nous avons indiqué les indications ; l'état phlegmasique des organes, et l'état fébrile général, constituaient pour son administration une contre-indication absolue.
L'école anglaise moderne, qui a à sa tête Todd (Robert Bertley), par une innovation qui surprend au premier abord, considère l'alcool comme le remède capital des affections aiguës, fébriles. Les données de la physiologie viennent rendre compte jusqu'à un certain point de l'efficacité de cette méthode.
L'indication la plus générale en thérapeutique est de soutenir les forces du patient jusqu'à ce que la maladie ait accompli une évolution spontanée : « I1 faut, de la part de l'économie, un certain degré de force pour résoudre une inflammation (3)<ref>Kaltenbrunner, cité par Béhier et Hardy, ''Traité de pathologie interne'', 1864, t. II. </ref>. » Eh bien ! qu'on admette l'une ou l'autre des théories sur son mode intime d'action, qu'on le considère comme excitant arti-
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(1) Lanzoni, ''De viribus aq. vitæ'', in ''Ephem. nat. cura'', dec. S, an. X, p. 221. — Meza, ''De efficacia spiritus vini ac succi citri in tertiana debellanda''. (In ''Act. R. Soc. med. Havn.'', 1792, t. III, p. 392. — J.-P. Albrecht, in ''Ephem. nat. cur.'', dec. 2, an. VIII, p. 405. — J. Guyot, ''De l'emploi de l'alcool comme méthode abortive des fièvres d'accès''. (In ''Union médicale'', 1860, 2e série, t. VII, p. 465.) — Burdel, ''De l'emploi des spiritueux dans le traitement des fièvres palustres.'' ''Ibid.'', p. 578.) - Leriche, ''De l'emploi de l'alcool à 55 degrés comme méthode abortive des fièvres intermittentes''. (In ''Gazette médicale de Lyon'', 1861, n° 4, p. 80.) — Herard, ''De l'utilité des boissons alcooliques au début des accès de fièvre intermittente''. (In ''Gazette des hôpitaux'', 1861, n° 88, p. 349.) — Constantinides, ''De l'emploi des alcooliques dans le traitement des fièvres intermittentes'', thèse de Paris, 1863, n° 143. (2) ''On the treatment of the asthmatic paroxysm by full doses of alcohol''. (In ''The Lancet'', 1863, t. II, p. 558. (3) Kaltenbrunner, cité par Béhier et Hardy, ''Traité de pathologie interne'', 1864, t. II. <references/>
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ficiel du système nerveux, comme combattant son collapsus, ou comme ''agent d'épargne'', suppléant par sa propre combustion à celle des tissus, l'alcool donne le temps de guérir ; il élève aussi (Ginjeot) (1)<ref>''Essai sur l'emploi thérapeutique de l'alcool chez les enfants et en général sur le rôle de cet agent dans le traitement des maladies aiguës fébriles'', p. 117.</ref> le niveau de la résistance ; il modifie les tendances morbides et change parfois heureusement le cours d'un processus pathologique. Il nous est impossible de rentrer ici dans tous les intéressants détails que nécessiterait l'étude complète de la méthode qui nous occupe ; nous renverrons, à ce sujet, au traité de Todd (2)<ref>''Clinical lectures on certain acute diseases''. London, 1860.</ref>, aux excellentes leçons (3)<ref>''Conférences de clinique médicale'', 1864, p. 357 et suivantes. — ''Note sur l'emploi interne de l'alcool''. (In ''Bulletin de thérapeutique'', 1865.)</ref> et à l'article déjà cité du professeur Béhier, à la bibliographie qui suit ledit article, au travail de Legras (4)<ref>''Contribution à l'emploi thérapeutique de l'alcool''. Paris, 1867.</ref>, et en dernier lieu à la thèse très-bien faite de mon ancien collègue et ami Ginjeot, à laquelle j'ai fait plus d'un emprunt.
Il est cependant nécessaire que nous entrions dans quelques détails sur ce sujet qu'aucun praticien ne peut ignorer aujourd'hui.
Le mode d'administration joue un rôle important ; l'alcool doit être donné par petites doses plus ou moins fréquemment répétées. « Il y a une différence énorme, entre soutenir l'économie épuisée d'un malade, avec de faibles doses d'alcool administrées toutes les heures et les demi-heures, et le plonger dans une ivresse partielle trois ou quatre fois par jour (5)<ref>''On the treatment of the fever'' ; by William Brinton. (In ''The Lancet'', 1853.)</ref>. »
Dans la majorité des cas, afin d'éviter l'action directe sur la muqueuse stomacale, on administre l'alcool dans un excipient. Ce dernier varie. (Voyez ''Préparations pharmaceutiques et doses''.)
« L'alcool peut être employé dans toutes les maladies où existe une tendance à la dépression des forces vitales ; et il n'est point de maladie aiguë où cette dépression fasse défaut » (Todd) (6)<ref>''Clinical lectures on certain acute diseases''. Londres, 1860.</ref>.
C'est spécialement dans les fièvres typhoïdes, le typhus, la pneumonie, le rhumatisme articulaire, l'érysipèle, qu'il trouve son application. L'auteur que nous citons pense que l'on peut l'administrer dès le début de la phlegmasie, opinion vivement combattue, même par plusieurs de ses compatriotes, qui veulent laisser passer la période d'éréthisme avant d'en commencer l'usage.
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(1) ''Essai sur l'emploi thérapeutique de l'alcool chez les enfants et en général sur le rôle de cet agent dans le traitement des maladies aiguës fébriles'', p. 117. (2) ''Clinical lectures on certain acute diseases''. London, 1860. (3) ''Conférences de clinique médicale'', 1864, p. 357 et suivantes. — ''Note sur l'emploi interne de l'alcool''. (In ''Bulletin de thérapeutique'', 1865.) (4) ''Contribution à l'emploi thérapeutique de l'alcool''. Paris, 1867. (5) ''On the treatment of the fever'' ; by William Brinton. (In ''The Lancet'', 1853.) (6) ''Clinical lectures on certain acute diseases''. Londres, 1860.<references/>
nistré d'une façon méthodique. L'action de la peau est augmentée ; elle devient le siège d'abondantes transpirations. La nutrition reçoit le contrecoup de ces heureux effets, l'émaciation est ralentie, et la convalescence marche plus rapidement.
Il est un point sur lequel nous voulons insister : c'est la tolérance produite par l'état fébrile à l'égard des alcooliques. Ainsi que le fait remarquer Anstie (1)<ref>''The alcohol question''. (In ''London medical Review'', 1862.)</ref>, un malade peut ingérer sans tomber dans l'ivresse et même acquérir l'haleine alcoolique, des doses d'eau-de-vie susceptibles d'amener des désordres graves chez l'homme sain. On verra à l'article [[#Vin|VIN ]] que mon père connaissait déjà cette tolérance.
Dès que cette propriété cesse, l'haleine exhale l'odeur caractéristique de l'eau-de-vie. C'est là, suivant les Anglais, un indice qu'il faut en suspendre, en diminuer ou en éloigner les doses.
Bien des exagérations ont été commises par les élèves et les imitateurs de Todd ; sans se laisser entraîner par des idées préconçues, sans s'écarter de l'observation rigoureuse des faits, le professeur Béhier a le premier en France expérimenté cliniquement la méthode anglaise. Le premier il en a publié une judicieuse critique, le premier il en a fait ressortir les avantages et les dangers. Aussi ne pensons-nous mieux faire en terminant ce paragraphe que de citer textuellement les conclusions de son remarquable article (2)<ref>''Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales'', t. II, p. 610.</ref>. « Les préparations alcooliques, méthodiquement administrées, sont d'un usage beaucoup moins dangereux, beaucoup plus facile et beaucoup plus innocent que l'on n'est généralement porté à l'admettre ; elles constituent un premier moyen de relever et de consolider les forces de l'économie et enfin on peut les employer à doses plus larges qu'on n'a l'habitude de le faire assez ordinairement dans ce pays, pourvu que les doses restent fractionnées.
Nous renverrons aussi à l'excellente leçon professée par Jaccoud, à l'hôpital de la Charité, sur la médication tonique dans le traitement de la pneumonie. Le professeur y a bien fait ressortir combien on se méprenait en étendant à toutes les pneumonies le traitement par l'alcool, comme le voulait Todd :
« Que l'alcool puisse être donné sans danger dans des pneumonies qui n'en réclament pas impérieusement l'emploi, cela est parfaitement vrai, et la connaissance de ce fait est d'une importance réelle ; mais en thérapeutique, autre chose est de ne pas nuire, autre chose est d'être utile. Or, pour que l'alcool soit utile, pour que, d'agent toléré, il devienne agent thérapeutique, il faut que l'administration en soit dirigée par des indications rigoureuses. Pour moi, l'indication est unique, c'est l'adynamie vraie ; mais celle-là est formelle, et il est juste d'ajouter que, dans ces conditions, l'alcool est le remède par excellence, c'est votre plus précieuse ressource (3)<ref>''Leçons de clinique médicale faites à l'hôpital de la Charité'', 1867, p. 73, in-8°.</ref>. »
''Usage externe''. — L'alcool, employé à l'extérieur, est stimulant, irritant, réfrigérant ou rubéfiant, suivant ses degrés de concentration ou la sensibilité plus ou moins grande des tissus avec lesquels on le met en contact. D'après Nélaton, l'alcool concentré est un des plus puissants résolutifs que possède la médecine ; il le met en usage dans une foule de circonstances, et notamment dans le but de faire avorter les furoncles. Ce moyen, longtemps continué en topique, a aussi opéré la résolution des kystes du poignet.
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(1) ''The alcohol question''. (In ''London medical Review'', 1862.)
(2) ''Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales'', t. II, p. 610.
(3) ''Leçons de clinique médicale faites à l'hôpital de la Charité'', 1867, p. 73, in-8°.
(4) ''Du traitement des plaies chirurgicales et traumatiques par les pansements à l'alcool'' (in ''Bulletin de thérapeutique'', 1864, t. LXVII, p. 249, 302, 346. — Consultez sur le même sujet : De Gaulejac, ''Des pansements des plaies par l'alcool'', thèse de Paris, 1864, n° 168 ; J. Lecœur,