Souchet comestible (Potager d'un curieux, 1899)
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Nom accepté : Cyperus esculentus
Plante rampante. Rhizomes produisant des fibres grêles, terminées chacune par un tubercule ovoïde, marqué d'impressions circulaires, d'un brun jaunâtre au dehors, blanc en dedans, dont la saveur est agréable, sucrée. Tige triquètre, glabre, feuillée dans le bas ; feuilles aussi longues ou plus longues que la tige, planes, canaliculées et carénées, rudes vers leurs extrémités sur les bords et la carène. Ombelle simple ou composée, à 7-10 rayons inégaux, dont les plus longs se ramifient au sommet, munie d'un involucre de
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4-6 feuilles plus longues que l'inflorescence ; sur chaque rayon s'attachent 10-14 épis lancéolés ou linéaires, comprimés, à 10-18 fleurs; les écailles sont elliptiques, presque obovales, carénées-naviculaires, à 7-9 nervures, d'un brun jaunâtre, avec la ligne médiane verte.
Le Souchet comestible croît spontanément dans le midi de l'Europe, en Orient et dans l'Afrique septentrionale. Ses rhizomes sont garnis de tubercules de la grosseur d'une Noisette, d'une saveur sucrée et agréable qui rappelle celle de la Châtaigne.
Fig. 76. — Souchet comestible (Cyperus esculentus).
Sa culture est facile. On plante le 1er mai, par touffes espacées de 25 à 30 centimètres en tous sens, des tubercules qu'on a d'abord fait tremper dans l'eau. Une immersion de quarante-huit heures est nécessaire. Si la saison est chaude, la végétation est très active. Les touffes, à chaumes simples, produites par cinq ou six tubercules seulement, donnent naissance à une multitude de pousses nouvelles, s'étendent, se rejoignent et la plantation devient une prairie.
Il faut sarcler à la main, si faire se peut, pour ne pas couper les jeunes pousses; arroser abondamment lors-
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que le temps est chaud et s'abstenir s'il fait froid. On ne compromet pas la récolte en n'arrosant pas, mais elle est beaucoup moindre.
En Espagne, on irrigue la plantation dès qu'elle est faite et on recommence tous les huit à dix jours.
La récolte se fait dans le courant jd'octobre. S'il ne gèle pas, on peut attendre les premiers jours de novembre.
Les cultivateurs valenciens coupent les tiges avant la floraison pour favoriser le développement des racines et des tubercules; mais, sous le climat de Paris, on n'obtient pas de fleurs, et nous nous souvenons d'avoir cultivé le Souchet, non sans succès, dans le département des Landes, sans que notre plantation ait produit une seule fleur.
Au surplus, ce n'est pas en semant des graines, mais en plantant des tubercules, qu'on cultive le Souchet en Espagne. On y procède à la récolte en arrachant les touffes, qu'on frappe contre une claie de roseaux, audessus d'un crible d'osier, pour séparer les tubercules des racines. On lave ensuite les tubercules avec soin et, lorsqu'ils sont bien nettoyés, on les étend au soleil sur des nattes, afin de les dessécher et d'en assurer la conservation. Ils perdent, par cette opération, environ un tiers de leur poids (1).
Les tubercules séchés conservent leur faculté germinative pendant une année entière.
C'est avec ceux de la dernière récolte, et non de la récolte en cours de végétation, qu'il convient de faire la Chufa, rafraîchissement favori des Espagnols, pour lequel ils en emploient d'énormes quantités. La Chufa
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(1) Bulletin de la Société impériale d'Acclimatation, t. X, a0 12. Note présentée par M. Ch. Barbier, ingénieur civil.
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est un orgeat qui se prête admirablement à la confection de glaces qui sont de consommation usuelle à Madrid. Pour en constater le mérite, nous en avons nous-même fait servir à une réunion de vingt personnes, qui les ont trouvées fort bonnes.
Voici la recette de la Chufa :
- Faire tremper pendant quarante-huit heures 250 grammes de tubercules ;
- Les broyer ;
- Ajouter 1 litre d'eau et 150 grammes de sucre ;
- Passer au tamis.
- Servir comme orgeat le liquide ainsi obtenu ou l'employer à faire des glaces.
Il ne se conserve pas.
Nous ne nous sommes pas tenus à cette recette, et, sachant que les israélites d'Oran font des gâteaux de Souchet, nous avons réussi à en faire confectionner qui n'étaient pas sensiblement inférieurs en qualité aux gâteaux d'amandes ordinaires (1).
Cependant, nous signalerons quelques soins à prendre. On enlève aisément la peau de l'Amande ordinaire à l'aide de l'eau bouillante ; mais le tubercule du Souchet résiste et il est impossible de faire disparaître la pellicule qui l'enveloppe ; cette pellicule est si mince, qu'après un broyage fait avec soin on n'en retrouverait absolument rien; mais il existe une sorte de durillon au point d'attache du tubercule au rhizome, et, pour s'en débarrasser, il faut mettre les amandes broyées dans une passoire d'une finesse convenable. Les durillons y restent. Il est inutile de donner ici la recette de ces gâteaux. On procède comme on le fait pour les gâteaux d'amandes ordinaires. On peut, au lieu d'amandes
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(1) Journal de la Société centrale d'Horticulture, 1877, t. XI, p. 40.
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amères, relever le goût de cette pâtisserie par un peu de Cannelle.
Le Souchet donne une huile excellente et une bonne eau-de-vie ; mais nous sortirions de notre cadre si nous considérions ici le Souchet comme plante économique. Nous lui attribuons cependant, à ce point de vue, une extrême importance et nous recommandons, à ceux de nos lecteurs qni s'occupent d'agriculture et de plantes industrielles, la Note que nous avons publiée dans le Journal de la Société centrale d'Horticulture, 1878, tome XII, 2e série, page 341.
Comme plante potagère d'un usage restreint, le Souchet comestible a cependant sa place marquée dans les jardins des amateurs.