Potiron (Candolle, 1882)
Nom accepté : Cucurbita maxima Duchesne
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Potiron. — Cucurbita maxima, Duchesne.
En commençant l'énumération des espèces du genre Cucurbita, je dois expliquer que la distinction, autrefois très difficile, des espèces, a été fondée par M. Naudin 4 d'une manière scientifique, au moyen d'une culture assidue des variétés et d'expériences sur leur fécondation croisée. Il nomme espèces les groupes de formes qui ne peuvent pas se féconder mutuellement ou dont les produits n'ont pas été féconds et stables, et races ou variétés les formes qui se croisent entre elles et donnent des produits féconds et variés. La suite des expériences 5 l'a averti que l'établissement des espèces sur cette base n'est pas sans exceptions, mais dans le genre Cucurbita les faits physiologiques concordent avec les différences extérieures. M. Naudin a établi les véritables caractères distinctifs des Cucurbita maxima et C. Pepo. La première a les lobes de la feuille arrondis, les pédoncules à surface unie et les lobes de la corolle recourbés à l'extérieur ; la seconde a les lobes de la feuille aigus, les pédoncules marqués de côtes et sillons, la corolle rétrécie à la base, avec les lobes presque toujours dressés. Les principales formes du Cucurbita maxima sont le Potiron jaune, qui atteint quelquefois un poids énorme 6, le Potiron turban ou Giraumon, le Courgeron, etc.
Les noms vulgaires et des anciens auteurs ne cadrant pas avec les définitions botaniques, il faut se défier des assertions
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4. Naudin, dans Annales des sc. nat., série 4, vol. 6, p. 5; vol. 12, p. 84.
5. Ann. sc. nat., série 4, vol. 18, p. 160, vol. 19, p. 180.
6. Jusqu'à 100 kilogr., d'après Le bon jardinier, 1850, p. 180.
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répandues autrefois sur les origines et sur l'introduction de la culture de telle ou telle courge à certaine époque ou dans certaines contrées. C'est une des raisons pour lesquelles, quand je me suis occupé du sujet, en 1855, la patrie de ces plantes était restée pour moi inconnue ou très douteuse. Aujourd'hui, on peut scruter mieux la question.
D'après sir Joseph Hooker 1, le Cucurbita maxima a été trouvé par Barter sur les bords du Niger, en Guinée, « avec l'apparence indigène » (apparently indigenous), et par Welwitsch dans l'Angola, sans affirmation de la qualité spontanée. Je ne vois aucune indication de spontanéité dans les ouvrages sur l'Abyssinie, l'Egypte ou autres pays africains dans lesquels on cultive communément l'espèce. Les Abyssins se servent du mot Dubba, qui s'applique, en arabe, aux Courges, dans un sens très général.
Longtemps on a soupçonné une origine indienne, en s'appuyant sur des noms tels que Courge d'Inde, donnés par des botanistes du xvie siècle, et, en particulier, sur le Pepo maximus indicus, figuré par Lobel 2, qui rentre bien dans l'espèce actuelle ; mais c'est un genre de preuve bien faible, car les indications vulgaires d'origine sont souvent fausses. Le fait est que si les Potirons sont cultivés dans l'Asie méridionale, comme ailleurs entre les tropiques, on n'a pas rencontré la plante à l'état sauvage 3. Aucune espèce semblable ou analogue n'est indiquée dans les anciens ouvrages chinois, et les noms modernes des Courges et Potirons cultivés actuellement en Chine montrent une origine étrangère méridionale 4. Il est impossible de savoir à quelle espèce s'appliquait le nom sanscrit Kurkarou, attribué par Roxburgh au Cucurbita Pepo, et l'incertitude n'est pas moins grande au sujet des Courges, Potirons et Melons cultivés par les Grecs et les Romains. On n'a pas constaté la présence d'un Potiron dans l'ancienne Egypte. Peut-être en cultivait-on dans ce pays et dans le monde gréco-latin? Les Pepones dont Charlemagne ordonnait la culture dans ses fermes 5 étaient ou l'espèce actuelle ou le Cucurbita Pepo ; mais aucune figure ou description reconnaissable de ces plantes n'a été donnée avant le xvie siècle.
Ceci pourrait faire présumer une origine américaine. L'existence, à l'état spontané, en Afrique, est bien une objection, car les espèces de la famille des Cucurbitacées sont très locales ; mais il y a des arguments en faveur de l'Amérique, et je dois les
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1. Hooker, Flora of tropical Africa, 2, p. 555.
2. Lobel, Icones, t. 641. La figure est reproduite dans Dalechamp, Hist., 1, p. 626.
3. Clarke, dans Hooker, Flora of british India, 2, p. 622.
4. Bretschneider, lettre du 23 août 1881
5. La liste est dans E. Meyer, Geschichte der Botanik, 3, p. 401. Les Cucurbita dont il parle également devaient être la Gourde, Lagenaria.
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examiner avec d'autant plus de soin qu'on m'a reproché aux Etats-Unis de n'en avoir pas tenu suffisamment compte.
D'abord, sur dix espèces connues du genre Cucurbita, six sont certainement spontanées en Amérique (au Mexique ou en Californie), mais ce sont des espèces vivaces, tandis que les Courges cultivées sont annuelles.
La plante nommée Jurumu par les Brésiliens, figurée par Pison et Marcgraf 1, est rapportée par les modernes au Cucurbita maxima. La planche et les courtes explications des deux auteurs conviennent assez, mais il paraît que c'était une plante cultivée. Elle peut avoir été apportée d'Afrique ou d'Europe par les Européens, entre la découverte du Brésil, en 1504, et les voyages des auteurs sus-mentionnés, qui ont eu lieu en 1637 et 1638. Personne n'a trouvé l'espèce sauvage dans l'Amérique méridionale ou septentrionale. Je ne rencontre dans les ouvrages sur le Brésil, la Guyane, les Antilles aucun indice de culture ancienne ou d'existence spontanée, soit d'après les noms, soit d'après des traditions ou opinions plus ou moins précises. Aux Etats-Unis, les savants qui connaissent le mieux les langues et les usages des indigènes, par exemple le Dr Harris autrefois, et M. Trumbull plus récemment 2, ont soutenu que les Cucurbitacées appelées Squash par les Anglo-Américains et Macock ou Cashaw, Cushaw par d'anciens voyageurs en Virginie, répondent à des Courges. M. Trumbull dit que Squash est un mot indien. Je n'en doute pas, d'après son assertion, mais ni les plus habiles linguistes ni les voyageurs du xviie siècle 3 qui ont vu les indigènes pourvus de fruits appelés dans leurs livres Citrouilles, Courges, Pompions, Gourdes, n'ont pu donner la preuve que ce fût telle ou telle des espèces reconnues distinctes aujourd'hui par les botanistes. Cela nous apprend seulement que les indigènes, un siècle après la découverte de la Virginie, vingt à quarante ans après la colonisation par W. Raleigh, faisaient usage de certains fruits de Cucurbitacées. Les noms vulgaires sont encore si confus aux Etats-Unis que le Dr Asa Gray, en 1868, indique Pumpkin et Squash comme répondant à des espèces de Cucurbita 4, tandis que Darlington 5 attribue le nom de Pumpkin à la Courge ordinaire (Cucurbita Pepo), et celui de Squash aux variétés de celle-ci qui rentrent dans les formes Melopepo des anciens botanistes. Ils n'attribuent pas un nom vulgaire, particulier et certain, au Potiron (Cucurbita maxima).
En définitive, sans ajouter une foi implicite à l'indigénat sur les
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1. Piso, Brasil., éd. 1658, p. 264; Marcgraf, éd. 1648, p. 44.
2. Harris, American journal, 1857, vol. 24. p. 441 ; Trumbull, Bull. of Torrey's Club, 1876, vol. 6, p. 69.
3. Champlain, en 1604 ; Strachey, en 1610 ; etc.
4. Asa Gray, Botany of the northern states, éd. 1868, p. 186.
5. Darlington, Flora cestrica, 1853, p. 94.
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bords du Niger, fondé sur le dire d'un seul voyageur, je persiste à croire l'espèce originaire de l'ancien monde et introduite en Amérique par les Européens.