Courge Pépon, Citrouille (Candolle, 1882)
Nom accepté : Cucurbita pepo L.
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Courge Pépon. — Citrouille. — Cucurbita Pepo et C. Melopepo, Linné.
Les auteurs modernes comprennent dans le Cucurbita Pepo la plupart des formes désignées sous ce nom par Linné et en outre celles qu'il nommait C. Melopepo. Ces formes sont excessivement variées quant aux fruits, ce qui montre une très ancienne culture. On remarque dans leur nombre : la Courge ou Citrouille des Patagons, à fruits cylindriques énormes ; la Courge sucrière, dite du Brésil ; la Courge à la moelle ou Vegetable marrow des Anglais, à petits fruits allongés ; les Barbérines, à fruits bosselés ; le Patisson ou Bonnet d'électeur, à fruit conique, surbaissé et lobé d'une manière bizarre, etc. Il ne faut attacher aucune valeur aux noms de pays dans ces désignations de variétés, car nous avons vu souvent qu'ils expriment autant d'erreurs que de vérités. Les noms botaniques rapportés à l'espèce par M. Naudin et M. Cogniaux sont nombreux, par suite de la mauvaise habitude qui existait il n'y a pas longtemps de décrire comme espèces des formes uniquement de jardins, sans tenir compte des effets prodigieux de la culture et de la sélection sur l'organe pour lequel on cultive une plante.
La plupart des variétés existent dans les jardins des régions chaudes ou tempérées de l'ancien et du nouveau monde. L'origine de l'espèce est regardée comme douteuse. J'hésitais, en 1855 1, entre l'Asie méridionale et la région de la mer Méditerranée. MM. Naudin et Cogniaux 2 admettent comme probable l'Asie méridionale, et les botanistes des Etats-Unis, de leur côté, ont donné des motifs pour croire à une origine américaine. La question mérite d'être examinée d'une manière précise.
Je chercherai d'abord quelles formes, rapportées aujourd'hui à l'espèce, ont été indiquées comme croissant quelque part à l'état spontané.
La variété ovée, Cucurbita ovifera, Linné, avait été recueillie jadis par Lerche, près d'Astrakhan ; mais aucun botaniste du siècle actuel n'a confirmé ce fait, et il est probable qu'il s'agissait d'une plante cultivée. D'ailleurs Linné n'affirme pas la qualité spontanée. J'ai consulté toutes les flores asiatiques et africaines sans trouver la moindre indication d'une variété qui fût sauvage. De l'Arabie, ou même de la côte de Guinée au Japon, l'espèce ou les formes qu'on lui rapporte sont toujours dites cultivées. Pour l'Inde, Roxburgh l'avait remarqué jadis, et ce n'est
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1. Géogr. bot. raisonnée, p. 902.
2. Naudin, Ann. sc. nat., série 5, vol. 6, p. 9 ; Cogniaux, dans de Candolle, Monogr. Phaner., 3, p. 546.
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sûrement pas sans de bons motifs que M. Clarke, dans la flore récente de l'Inde anglaise, n'indique aucune localité hors des cultures.
Les faits sont tout autres en Amérique.
Une variété texana, Cucurbita texana, Asa Gray 1, très voisine de l' ovata, d'après cet auteur, et qu'on rapporte sans hésitation aujourd'hui au C. Pepo, a été trouvée par Lindheimer « au bord des fourrés et dans les bois humides, sur les rives du Guadalupe supérieur, avec les apparences de plante indigène. » Le Dr Asa Gray ajoute que c'est peut-être un effet de naturalisation. Cependant, comme il existe plusieurs espèces du genre Cucurbita sauvages au Mexique et dans le sud-ouest des Etats-Unis, on est amené naturellement à tenir l'assertion du collecteur pour bonne. Il ne paraît pas que d'autres botanistes aient trouvé cette plante au Mexique ou aux Etats-Unis. Elle n'est mentionnée ni dans la Biologia centrali-americana de Hemsley, ni dans la flore récente de la Californie du Dr Asa Gray.
Quelques synonymes ou échantillons de l'Amérique méridionale, attribués au C. Pepo, me paraissent bien douteux. Il est impossible de savoir ce que Molina 2 a entendu sous les noms de C. Siceratia et C. mammeata, qui paraissent d'ailleurs avoir été des plantes cultivées. Deux espèces décrites brièvement dans le voyage de Spix et Martius (2, p. 536) et rapportées aussi au C. Pepo 3, sont indiquées, à l'occasion de plantes cultivées, sur les bords du Rio Francisco. Enfin l'échantillon de Spruce, 2716, du Rio Uaupès, affluent du Rio Negro, que M. Cogniaux 4 ne dit pas avoir vu et qu'il a rapporté d'abord au C. Pepo, ensuite au C. moschata, était peut-être cultivé ou naturalisé à la suite de quelque transport ou culture, malgré la rareté des habitants de cette contrée.
Les indications botaniques sont donc en faveur d'une origine mexicaine ou du Texas. Voyons si les documents historiques sont conformes ou contraires à cette idée.
Il est impossible de savoir si tel nom sanscrit, grec ou latin de Courge, s'applique à l'une des espèces plutôt qu'à une autre. La forme du fruit est souvent la même, et les caractères distinc-tifs ne sont jamais mentionnés par les anciens.
Aucune Courge n'est figurée dans l' Herbarius Pataviæ impressus, de 1485, antérieur à la découverte de l'Amérique ; mais les auteurs du xvie siècle ont publié des planches qui s'y rapportent. Je citerai les trois formes de Pepones figurées à la page 406 de Dodoens, édition de 1557. Une quatrième, Pepo rotundus major, ajoutée dans l'édition de 1616, me paraît rentrer dans le C. maxima. Dans la figure du Pepo oblongus de
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1. A. Gray, Plantæ Lindheimerianæ, part. 2, p. 193.
2. Molina, Hist. nat. du Chili, p. 377.
3. Cogniaux, l. c., et Flora brasil., fasc. 78, p. 21.
4. Cogniaux, Fl. bras. et Monogr. Phan., 3, p. 547.
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Lobel, Icones, 641, le caractère du pédoncule est nettement accusé. Les noms donnés à ces plantes expriment une origine étrangère ; mais les auteurs ne pouvaient rien affirmer à cet égard, d'autant plus que le nom Inde signifiait ou l'Asie méridionale ou l'Amérique.
Ainsi les données historiques ne contredisent pas l'opinion d'une origine américaine, sans l'appuyer cependant.
Si l'habitation spontanée se confirme en Amérique, on pourra dire désormais que les Courges cultivées par les Romains et dans le moyen âge étaient le Cucurbita maxima et celles des indigènes de l'Amérique du Nord, dans le xviie siècle, vues par divers voyageurs, le Cucurbita Pepo.