Pois des champs. — Pois gris. — Bisaille (Candolle, 1882)
Nom accepté : Pisum sativum L.
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Pois des champs. — Pois gris. — Bisaille. — Pisum arvense, Linné.
Il s'agit ici du Pois que l'on cultive en grand, pour ses graines, et quelquefois comme fourrage. Bien que son apparence et ses caractères botaniques permettent de le distinguer assez facilement du Pois des jardins potagers, les auteurs grecs et romains le confondaient ou ne se sont pas expliqués clairement à son égard. Leurs ouvrages ne prouvent pas qu'il fût cultivé de leur temps. On ne l'a pas trouvé dans les lacustres de Suisse, Savoie et Italie. Une légende de Bobbio, en 930, dit que les paysans italiens appelaient un grain Herbilia, et l'on a conclu de là que c'était le Rubiglia actuel, soit Pisum sativum des botanistes 2. L'espèce est cultivée en Orient et jusque dans l'Inde septentrionale 3. Pour ce dernier pays, ce n'est pas une culture ancienne, car on ne connaît pas de nom sanscrit, et Piddington cite un seul nom dans une des langues modernes.
Quoi qu'il en soit de l'introduction de la culture, l'espèce existe, à l'état bien spontané, en Italie, non seulement dans les haies et près des cultures, mais aussi dans des forêts et lieux incultes des montagnes 4. Je ne découvre aucune indication analogue positive dans les flores d'Espagne, d'Algérie, de Grèce et d'Orient. On a dit la plante indigène dans la Russie méridionale ; mais tantôt la qualité spontanée est très douteuse et tantôt c'est l'espèce elle-même qui n'est pas certaine, par confusion avec le Pisum sativum ou le P. elatius. Royle admettait l'indigénat dans l'Inde septentrionale, mais il est le seul parmi les botanistes anglo-indiens.
Pois des jardins, petit Pois. — Pisum sativum, Linné.
Le pois de nos jardins potagers est plus délicat que celui des champs. Il craint la gelée et la sécheresse. Probablement son habitation naturelle, avant la culture, était plus méridionale et restreinte.
Le fait est qu'on ne l'a pas encore trouvé dans un état spontané, soit en Europe, soit dans l'Asie occidentale d'où l'on pré-
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2. Muratori, Antich. ital., 1, p. 347 ; Diss., 24 ; cité par Targioni, Cenni storici, p. 31.
3. Boissier, Fl. orient., 2, p. 623 ; Royle, Ill. Himal., p. 200.
4. Bertoloni, Fl. ital., 7, p. 419 ; Caruel, Fl. tosc., p. 184 ; Gussone, Fl. siculæ synopsis, 2, p. 279 ; Moris, Fl. sardoa, 1, p. 577.
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sume qu'il est sorti. L'indication de Bieberstein pour la Crimée n'est pas exacte, selon Steven, qui a résidé dans le pays 1. Peut-être les botanistes ont passé à côté de son habitation. Peut-être la plante a disparu de son lieu d'origine. Peut-être encore elle n'est qu'une modification du Pisum arvense, obtenue dans les cultures. Cette dernière opinion était celle d'Alefeld 2, mais ce qu'il a publié est si bref qu'on ne peut rien en conclure. Cela se borne à dire qu'ayant cultivé un grand nombre de formes de pois des champs et des jardins, il a jugé qu'elles appartiennent à la même espèce. Darwin 3 avait appris, par un intermédiaire, que André Knight avait croisé le Pois des champs avec un Pois de jardin appelé Pois de Prusse, et que les produits avaient paru complètement fertiles. Ce serait bien une preuve de l'unité spécifique, mais il faudrait pourtant plus d'observations et plus d'expériences. Provisoirement, dans cette recherche des origines géographiques, je suis obligé de considérer les deux formes séparément, et dans ce but j'examinerai la question du Pisum sativum des jardins.
Les botanistes qui distinguent beaucoup d'espèces dans le genre Pisum, en admettent huit, qui sont toutes d'Europe ou d'Asie.
Le Pisum sativum était cultivé chez les Grecs, du temps de Théophraste 4. Ils l'appelaient Pisos ou Pison. Les Albanais, descendants des Pelasges, l'appellent Pizelle 5. Les Latins disaient Pisum 6. Cette uniformité de nomenclature fait supposer que les Aryens arrivés en Grèce et en Italie connaissaient la plante et l'avaient peut-être apportée avec eux. Les autres langues d'origine aryenne présentent plusieurs mots pour le sens générique de Pois ; mais il est évident, d'après la savante dissertation d'Adolphe Pictet 7, qu'on ne saurait appliquer aucun de ces noms au Pisum sativum en particulier. Même quand une des langues modernes, slave ou bretonne, a limité le sens au Pois des jardins, il est très possible que jadis, à l'origine de ces langues, le mot ait signifié Pois des champs ou Lentille ou quelque autre Légumineuse.
On a retrouvé le petit Pois 8 dans les restes des habitations lacustres de l'âge de bronze, en Suisse et en Savoie. La graine est sphérique, en quoi l'espèce diffère du Pisum arvense. Elle est plus petite que celle de nos Pois actuels. M. Heer dit l'avoir
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1. Steven, Verzeichniss, p. 134.
2. Alefeld, Botanische Zeitung, 1860, p. 204.
3. Darwin, Variations of animais and plants under domestication, p. 326.
4. Theophrastes, Hist., 1. 8, c. 3, 5.
5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 71.
6. Pline, Hist., 1. 18, c. 7, 12. Il s'agit bien du Pisum sativum, car l'auteur dit qu'il supporte très mal le froid.
7. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 359.
8. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, 23, fig. 48; Perrin, Etudes préhistoriq. sur la Savoie, p. 22.
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vue aussi de l'âge de la pierre, à Moosseedorf ; mais il est moins affirmatif et ne donne des figures que du Pois moins ancien de l'île de Saint-Pierre. Si l'espèce remonte à l'âge de pierre en Suisse, ce serait une raison de la regarder comme antérieure aux peuples aryens.
Il n'y a pas d'indication de culture du Pisum sativum dans l'ancienne Egypte ou chez les Hébreux. Au contraire, il a été cultivé depuis longtemps dans l'Inde septentrionale, s'il avait, comme le dit Piddington, un nom sanscrit, Harenso, et s'il est désigné par plusieurs noms, très différents de celui-ci, dans les langues indiennes actuelles 1. On l'a introduit en Chine de l'Asie occidentale. Le Pent-sao, rédigé à la fin du XVIe siècle de notre ère, le nomme Pois mahométan 2.
En résumé, l'espèce paraît avoir existé dans l'Asie occidentale, peut-être du midi du Caucase à la Perse, avant d'être cultivée. Les peuples aryens l'auraient introduite en Europe, mais elle était peut-être dans l'Inde septentrionale avant l'arrivée des Aryens orientaux.
Elle n'existe peut-être plus à l'état spontané, et quand elle s'offre dans les champs, quasi spontanée, on ne dit pas qu'elle ait une forme modifiée qui se rapproche des autres espèces.
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1. Piddington, Index. Roxburgh ne parle pas d'un nom sanscrit.
2. Bretschneider, Study and value of chinese botanical works, p. 16.