Pois chiche (Candolle, 1882)
Nom accepté : Cicer arietinum L.
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Pois chiche. — Cicer arietinum, Linné.
On connaît quinze espèces du genre Cicer, qui sont toutes de l'Asie occidentale ou de la Grèce, à l'exception d'une, qui est d'Abyssinie. La probabilité est donc très grande que l'espèce cultivée vient des pays entre la Grèce et l'Himalaya, appelés vaguement l'Orient.
Elle n'a pas été trouvée, d'une manière certaine, dans les conditions d'une plante spontanée. Toutes les flores du midi de
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l'Europe, d'Egypte et de l'Asie occidentale jusqu'à la mer Caspienne et l'Inde en parlent comme d'une espèce cultivée ou des champs et de terrains cultivés. On l'a indiquée quelquefois 1 en Crimée, et au nord et surtout au midi du Caucase, comme à peu près spontanée ; mais les auteurs modernes bien informés ne le croient pas 2. Cette quasi spontanéité peut faire présumer seulement une origine d'Arménie et des pays voisins.
La culture et les noms de l'espèce jetteront peut-être quelque jour sur la question.
Le Pois chiche était cultivé chez les Grecs, déjà, du temps d'Homère, sous le nom de Erebinthos 3 et aussi de Krios 4, à cause de la ressemblance de la graine avec une tête de bélier. Les Latins l'appelaient Cicer, origine des noms modernes dans le midi de l'Europe. Ce nom existe aussi chez les Albanais, descendants des Pélasges, sous la forme de Kikere 5. L'existence de noms aussi différents indique une plante très anciennement connue et peut-être indigène dans le sud-est de l'Europe.
Le Pois chiche n'a pas été trouvé dans les habitations lacustres de Suisse, Savoie ou Italie. Pour les premières, ce n'est pas singulier; le climat n'est pas assez chaud.
Un nom commun chez les peuples du midi du Caucase et de la mer Caspienne est en géorgien Nachuda, en turc et arménien Nachius, Nachunt, en persan Nochot 6. Les linguistes pourront dire si c'est un nom très ancien et s'il a quelque rapport avec le nom sanscrit Chennuka.
Le Pois chiche est si souvent cultivé en Egypte depuis les premiers temps de l'ère chrétienne 7 qu'on le suppose avoir été également connu des anciens Egyptiens. Il n'en existe pas de preuve dans les figures ou les dépôts de graines de leurs monuments, mais on peut supposer que cette graine, comme la fève et la lentille, était réputée vulgaire ou impure. Reynier 8 pensait que le Ketsech, mentionné par Esaïe dans l'Ancien Testament, était peut-être le pois chiche ; mais on attribue ordinairement ce nom à la Nielle (Nigella sativa) ou au Vicia sativa, sans en être sûr 9. Comme les Arabes appellent le Pois chiche d'un nom tout différent, Omnos, Homos, qui se retrouve chez les Kabyles sous
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1. Ledebour, Fl. ross., 1, p. 660, d'après Pallas, Falk et C. Koch.
2. Boissier, Fl. orient., 2, p. 560 ; Steven, Verzeichniss des taurischen Hablinseln, p. 134.
3. Iliade, 1. 13, v. 589 ; Theophrastes, Hist., 1. 8, c. 3.
4. Dioscorides, 1. 2, c. 126.
5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 71.
6. Nemnick, Polyglott. Lexicon, 1, p. 1037 ; Bunge, dans Gœbels Reise, 2, p. 328.
7. Clément d'Alexandrie, Strom., I. 1, cité d'après Reynier, Economie des Egyptiens et Carthaginois, p. 343.
8. Reynier, Economie des Arabes et des Juifs, p. 430.
9. Rosenmüller, Bibl. Alterth., 1, p. 100 ; Hamilton, Botanique de la Bible, p. 180.
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la forme Hammez 1, il n'est pas probable que le Ketsech des Juifs fut la même plante. Ces détails me font soupçonner que l'espèce était inconnue aux anciens Egyptiens et Israélites. Elle s'est peut-être répandue chez eux de Grèce ou d'Italie, vers le commencement de notre ère.
L'introduction a été plus ancienne dans l'Inde, car on connaît un nom sanscrit et plusieurs noms, analogues ou différents, dans les langues modernes 2. Bretschneider ne mentionne pas l'espèce en Chine.
Je ne connais aucune preuve de l'ancienneté de la culture en Espagne ; cependant le nom castillan Garbanzo, usité aussi par les Basques sous la forme Garbantzua et en français sous celle de Garvance, n'étant ni latin ni arabe, peut remonter à une date plus ancienne que la conquête romaine.
Les données botaniques, historiques et linguistiques s'accordent à faire présumer une habitation antérieure à la culture dans les pays au midi du Caucase et au nord de la Perse. Les Aryens occidentaux (Pélasges, Hellènes) ont peut-être introduit la plante dans l'Europe méridionale, où cependant il y a quelque probabilité qu'elle était également indigène. Les Aryens orientaux l'ont portée dans l'Inde. La patrie s'étendait peut-être de la Perse à la Grèce, et maintenant l'espèce n'existe plus que dans les terrains cultivés, où l'on ne sait pas si elle provient de pieds originairement sauvages ou de pieds cultivés.
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1. Rauwolf, Fl. orient., n. 220 ; Forskal, Fl.ægypt., p. 81 ; Dictionnaire français-berbère.
2. Roxburgh, Fl. ind., 3, p. 324 ; Piddington, Index.