Passerage (Cazin 1868)
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Grande passerage
Nom accepté : Lepidium latifolium
Lepidium latifolium. C. Bauh., Tourn. — Lepidium vulgare sive peperitis. Park.
Passerage à larges feuilles, — grande passerage, — moutarde des Anglais.
CRUCIFÈRES. — LÉPIDINÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILICULEUSE. L.
Cette plante vivace (Pl. XXIX) croît aux lieux ombragés et humides, aux bords des rivières. On la cultive dans les jardins potagers pour l'usage de la table.
Description. — Racine de la grosseur du doigt, blanchâtre, rampante. — Tige d'environ 1 mètre de hauteur, moelleuse, dressée, simple et arrondie en bas, anguleuse et rameuse en haut, couverte d'une poussière d'un vert glauque. — Feuilles glabres, ovales-oblongues, d'un vert glauque, les inférieures pétiolées et dentées en scie, les supérieures plus petites, entières et sessiles. — Fleurs petites, blanches, en panicule terminale (juillet-août). — Calice à quatre sépales caducs. — Corolle à quatre pétales blancs, égaux, disposés en croix. — Six étamines tétradynames, à peu près égales. —
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Un style très-court. — Un stigmate. — Fruit : silicule aplatie, partagée en deux loges remplies de petites graines rougeâtres.
Parties usitées. — Toute la plante.
Récolte. — Elle doit toujours être employée fraîche ; la dessiccation lui fait perdre toutes ses propriétés. Elle a cela de commun avec toutes les crucifères. Il faut s'en servir quand elle est en pleine vigueur, et qu'elle a encore toutes ses feuilles. La racine, étant vivace, peut être employée fraîche en toute saison.
[Culture. — La grande passerage se propage par semis ; elle demande une terre légère et substantielle.]
Propriétés physiques et chimiques. — La grande passerage a l'odeur et la saveur des crucifères. La saveur est plus prononcée dans les feuilles que dans les fleurs ; elle est piquante et très-âcre dans la racine. Lorsqu'on mâche cette dernière, elle stimule les glandes salivaires et provoque leur excrétion comme la racine de pyrèthre. Comme la plupart des crucifères, elle contient de l'ammoniaque et de l'huile volatile.
On sert les feuilles de cette plante sur la table comme la moutarde et le raifort, après les avoir arrosées d'un peu de vinaigre. On mange également les jeunes feuilles en salade, ou bien on les mêle avec le bœuf, comme assaisonnement.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion des feuilles, de 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau ou de vin, en 3 ou 4 prises. |
Eau distillée (1 sur 1 d'eau), de 30 à 100 gr., en potion. |
Cette plante est stimulante, tonique, antiscorbutique, résolutive, rubéfiante. On l'emploie à l'extérieur contre le scorbut comme le cresson, le cochléaria, le raifort. On l'a mise aussi en usage dans l'hypochondrie, l'hystérie, l'hydropisie, les scrofules, etc.
La passerage, quoique rarement employée, est d'une grande énergie. C'est un de nos antiscorbutiques les plus puissants. On pourrait avec avantage la joindre au cresson de fontaine ou à la cardamine, soit pour être mangée en salade, soit pour servir à la préparation des sucs d'herbe.
On reconnaissait autrefois à cette plante des propriétés diurétiques très-énergiques. Ses feuilles, réduites en poudre, étaient données avec succès dans l'hydrothorax et l'anasarque, à la dose de 45 gr. chaque matin. L'abbé Rousseau (in Ferrein) faisait distiller de l'eau miellée, fermentée sur cette plante, et en obtenait une liqueur alcoolique qu'il administrait dans les névroses.
A l'extérieur, la grande passerage est résolutive, détersive et excitante. On a employé le suc ou la décoction de cette plante dans la gale, les dartres et quelques autres maladies cutanées. Je l'ai vu employer dans les névralgies et les rhumatismes comme rubéfiante.
Les anciens appliquaient contre la sciatique la racine de passerage fraîchement récoltée et pilée avec du beurre. Ce mélange restait sur tout le membre et particulièrement sur la cuisse pendant quatre heures. On mettai ensuite l'extrémité malade dans le bain ; on la frictionnait avec du vin, on l'essuyait et on l'enveloppait de flanelle. La rubéfaction de la peau était le résultat de cette application.
Petite passerage
Nom accepté : Lepidium virginicum
PETITE PASSERAGE, PASSERAGE IBÉRIDE, CHASSERAGE (lepidium iberis, L.). — Croît le long des chemins, aux lieux arides. On la confond souvent avec la grande passerage.
Description. — Tiges dressées, arrondies, glabres, à rameaux écartés. - Feuilles sessiles, petites, étroites, surtout au haut de la tige, entières, les radicales pétiolées, en rosette, découpées, caduques. — Fleurs blanches, petites, en panicule très-écartée. — Deux ou six étamines, etc. (juin-septembre-octobre).
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Cette espèce jouit à un moindre degré des mêmes propriétés que la grande passerage. Elle à été annoncée en France, dit Wilmet, comme propre à broyer la pierre et à évacuer les graviers. En Espagne, suivant Peyrilhe, on joint souvent l'infusion de la passerage ibéride au quinquina, ou on la donne seule comme fébrifuge.
Williams, médecin à l'hôpital Saint-Thomas, a constaté les bons effets de cette plante contre l'asthme, la bronchite, l'hydropisie, et surtout l'hypertrophie du coeur. Elle ne diminue pas le nombre des pulsations comme la digitale ; mais elle modère leur violence, ce qui la rend très-recommandable dans l'hypertrophie avec hydropisie. Un autre médecin anglais, Sylvestre, lui attribue des propriétés spécifiques analogues à celles de la digitale et de la belladone ; il la considère également comme un des moyens les plus propres à régulariser les battements du coeur. Ces deux praticiens prescrivent l’iberis amara en poudre, associée à la crème de tartre, dans le but de dissimuler son goût nauséeux, et en même temps de faciliter sa trituration. Elle détermine quelquefois des nausées, des étourdissements et de la diarrhée ; mais on fait rapidement cesser ces accidents en suspendant son emploi pour quelques jours. Il y aurait donc utilité à se livrer à de nouveaux essais sur les propriétés de la passerage, qui a été rayée, on ne sait trop pourquoi, de la liste des médicaments, après y avoir figuré avec honneur pendant vingt siècles[1].
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- ↑ Journal des connaissances médico-chirurgicales, mars 1849, p. 114 et 115.
Passerage des décombres
Nom accepté : Lepidium ruderale
PASSERAGE DES DÉCOMBRES, CRESSON DES RUINES, PUETTE (Lepidium ruderale, L.). — Petite plante annuelle, qui croît dans les décombres, les lieux stériles et froids.
Description. — Tige plus petite (10 à 30 centimètres), dressée, rameuse, rameaux étalés. — Feuilles radicales étalées en rosette, pétiolées, pinnatiséquées, les inférieures de même forme, les supérieures sessiles, linéaires ; pétales très-courts, souvent nuls (mai-septembre).
Cette plante, qui a une forte odeur de cresson, a fourni à l'analyse, faite par Cagnon et Leroux, un principe qu'ils nomment lépidine et auquel ils attribuent la propriété fébrifuge[1].
La passerage des décombres est stimulante et antiscorbutique comme les espèces précédentes.
Le bas peuple, en Russie, au rapport de Rulh, se sert de l'infusion théiforme de la passerage des décombres, appelée di koy kress, qu'on administre pendant le froid des fièvres intermittentes.
En 1812, il régna beaucoup de fièvres intermittentes, et la cherté du quinquina fit employer cette plante. Rulh, Rittsneister, Trinius et Blum s'en servirent. L'herbe entière avait été recueillie aux mois de juin et de juillet de l'année précédente, et l'on en faisait bouillir une demi-once dans 1 livre d'eau que l'on réduisait à 8 onces. Les malades attaqués de la fièvre tierce ou quotidienne en prenaient, pendant l'intermission, deux cuillerées à bouche de deux heures en deux heures. De quarante qui prirent ce médicament, il n'y en eut que deux qui ne furent pas guéris, quoiqu'on l'eût employé sans autre préparation. Son usage, pendant une seule intermission, suffisait déjà pour empêcher les accès. Hahnemann croit que cette plante est l'iberis des anciens, qui en connaissaient déjà l'utilité[2]. Monin (in Mérat et Delens) a donné cette plante avec avantage à Saint-Pétersbourg, à la dose de 4 à 8 gr., pendant quelques jours, surtout dans les fièvres intermittentes accompagnées de symptômes scorbutiques. Il assure qu'elle réussit là où le quinquina a échoué.
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- ↑ Compte-rendu hebdomadaire des séances de l'Académie des sciences, décembre 1836, p. 725.
- ↑ Extrait du Bulletin de la Société médicale d'émulation, dans le Journal de médecine de Leroux, octobre 1815, vol. LXXIV, p. 289.
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Cresson alénois
Nom accepté : Lepidium sativum
CRESSON ALÉNOIS. — PASSERAGE, CRESSON ALÉNOIS, CRESSON DES JARDINS, NASITORT (Lepidium sativum, L.). — Croît naturellement dans les lieux stériles. On le cultive dans les jardins potagers ; sa saveur est chaude, un peu âcre, piquante et très-agréable. On le mêle comme l'estragon et la capucine à la salade de laitue pour en relever le goût.
Description. — Tige dressée, rameuse, glabre, glauque, haute de 3 à 6 décimètres. — Feuilles, les radicales étalées en rosette, pétiolées, pinnatipartites les supérieures sessiles, linéaires, indivises. — Pédicelles fructifères serrés contre la tige.
[Culture.— Le cresson alénois se multiplie par semis faits tous les quinze jours, à l'ombre en été et en terre légère ; on doit arroser souvent.]
La germination du cresson alénois est si prompte que l'on peut se procurer cette plante fraîche en tout temps et en tout lieu. Semée sur du coton ou sur de la laine imbibée d'eau, elle pousse comme en pleine terre, dans un appartement, même en hiver. J'en ai fait germer et croître au mois de janvier sur une planche recouverte d'une couche légère de mousse entretenue humide.
Les passerages, comme toutes les plantes du même genre, n'ont une grande énergie qu'à l'état frais.
Le cresson alénois est antiscorbutique comme le cresson de fontaine, et peut comme ce dernier être mangé cru ou administré en décoction, ou mieux sous forme de suc ou en infusion vineuse. Cette plante a été employée avec avantage dans certaines affections atoniques, telles que l'hydropisie, la dyscrasie qui suit les fièvres intermittentes, l'engorgement chronique des viscères abdominaux quand un état phlegmasique douloureux ne s'y joint pas. J'ai fait disparaître en peu de jours une anasarque causée par une suppression de transpiration, survenue chez un ouvrier de cinquante ans après un sommeil de deux heures sur l'herbe humide, en lui faisant prendre le suc de cresson alénois dans le vin blanc, à la dose de 100 gr., matin et soir.
Roques rapporte que, sous forme de salade, les feuilles de cette plante, avec le cresson de fontaine et la chicorée sauvage, ont dissipé une affection scorbutique rebelle jusqu'alors à des moyens plus compliqués. — Ambroise Paré (1)[1] prescrit cette plante pilée ou frite dans l'axonge de porc sur la croûte laiteuse des enfants. Il est prudent d'employer préalablement, dans ce cas, un traitement dépuratif convenable. La suppression subite de cette affection cutanée peut amener des dangers, surtout lorsqu'il existe sur un organe principal, comme le cerveau ou le poumon, une irritation prédisposante ou attractive.
Bodart a proposé de substituer le cresson alénois à l'écorces de Winter, comme tonique et antiscorbutique. « Nous pouvons, dit ce médecin, très-bien nous dispenser de faire venir des îles du détroit de Magellan l'écorce de Winter, que les étrangers nous vendent à la frontière 12 francs la livre. L'importation de cette drogue, en 1806, a été de 1,652 kilogr. Nous eussions donc évité, relativement à ce seul médicament, l'émission de plus de 39,646 livres, argent de France, si nous nous fussions contentés de nos antiscorbutiques indigènes. »
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- ↑ Pélag., p. 678.