Melon dudaïm (Potager d'un curieux, 1899)
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Nom accepté : Cucumis melo var. dudaim
« Les Dudaïms, si l'on s'en tient à la forme type, constituent une des races les mieux caractérisées et les plus stables dans l'espèce du Melon; mais, comme ils se croisent facilement avec toutes les autres, ils ne tardent pas à dégénérer et à perdre leur caractère lorsqu'on les cultive quelques années de suite dans leur voisinage. On voit alors naître des métis qui, par leurs variations de forme, de taille et de couleur, rappellent toutes les modifications qu'on observe dans les autres Melons comestibles.
« Le type de cette variété a le fruit sphérique, légèrement déprimé d'avant en arrière, jaune orangé plus ou moins vif à la maturité, avec des macules ou bariolures longitudinales d'un rouge terne, exhalant une odeur de Melon extrêmement prononcée. Cette odeur est quelquefois si forte, que certaines personnes se trouvent incommodées de la présence d'un ou deux fruits de cette variété dans un appartement. Sa taille varie du volume d'un petit Abricot à celui d'une Orange. Il se détache du pédoncule dès les premiers symptômes de
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maturité. La chair en est peu épaisse, d'un blanc jaunâtre ou légèrement rosée, faiblement sucrée et laissant toujours un arrière-goût qui suffit pour la rendre immangeable.
« Cet arrière-goût se retrouve dans tous les métis que le Dudaim produit avec les autres Melons, quelque excellente que soit la variété. On devra donc l'éloigner des melonnières quand on tiendra à conserver aux bonnes races les qualités qui les distinguent.
Fig. 51. — Melon Dudaïm.
« Le Dudaïm bien franc mérite, pour la gentillesse de ses fruits, qui peuvent servir à orner les desserts, de trouver place dans quelque coin écarté du jardin; mais il ne saurait jamais être pour nous qu'un objet de simple agrément ou de curiosité.
« Probablement à cause de son arome si développé, le Dudaïm est en grand honneur dans la plupart des pays musulmans. Il abonde en Perse, en Égypte et dans tout le nord de l'Afrique. Je l'ai même vu vendre sur les marchés de l'Algérie. Les Espagnols l'ont depuis longtemps porté dans leurs colonies d'Amérique, où ils lui donnent le nom de Melonsito de olor, ainsi que nous
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l'apprennent Gilii et Xuares. On en trouve d'assez bonnes figures dans divers auteurs. » (Naudin, Espèces et variétés du genre Cucumis. Extrait des Ann. des sciences naturelles.)
Nous venons de cultiver pour la seconde l'ois un Melon dont les graines ont été envoyées de Pékin, sans observation particulière, par M. le D' E. Bretschneider. Le docteur les avait antérieurement adressées à M. Decai sne, qui les avait considérées comme appartenant au Cucumis Dudaïm.
Nous avons récolté des fruits de la forme et du volume d'une grosse Orange, à écorce lisse, zébrée de dix raies d'un vert foncé tranchant sur un fond jaune-orange et descendant du pédoncule à l'ombilic. Hauteur du fruit, environ 0"',8 ; largeur des raies variant de 0111,01 et 0111,015 à 0111,02; poids moyen, 310 grammes.
Le petit volume du fruit le ferait ranger parmi ces Melons portatifs auxquels on a donné le nom de Melon de poche ou Melon chasseur, s'il pouvait avoir le même emploi; mais il manque de sucre et ne peut être mangé qu'au desserl.
En Chine, il est bon, sucré et parfumé.
M. Naudin reconnaît qu'au dessert il peut faire l'ornement de la table. Il nous apprend qu'il est en grand honneur dans la plupart des pays musulmans, qu'il abonde en Perse, en Egypte, dans tout le uord de l'Afrique; qu'il l'a Irouvé sur les marchés d'Algérie; qu'il existe depuis longtemps dans les colonies espagnoles d'Amérique.
Il n'est donc pas immangeable.
Sa chair est blanche, juteuse, parfumée, Lorsqu'il est très mûr.
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Nous proposons d'en faire l'usage que voici : Pour une table de vingt couverts, on étagera en pyramide ou l'on disposera dans une corbeille douze à quinze fruits, qui formeront un très beau plat de milieu et qui charmeront les regards des convives.
Au dessert, le maître d'hôlel enlèvera le plat, coupera les fruits en deux, remplacera rapidement les graines par du sucre en poudre et servira à chaque personne un demi-fruit en forme de coupe, qui sera mangé à la cuillère comme une glace. Ce dessert sera bon et très élégant; nous nous en sommes assuré.
Un de nos correspondants nous confirme dans cette appréciation. Il nous écrit de Selubal (Portugal) : « Hier, je mis la main sur un Melon zébré de Chine, que j'avais exposé depuis qui nze jours sur une étagère; il était devenu à peu près tout jaune, même dans sa partie verte, qui avait pris cette teinte : il était à point pour ce que j'en voulais faire. Je le partageai, j'y goûtai et je lui trouvai un semblant de goût d'Ananas. Je mangeai ainsi une moitié, tout en me disant qu'on pourrait bien en faire autre chose. Poursuivant l'expérience, je vidai de ses graines l'autre moitié, et, dans ce vide, je mis du sucre, puis d'un vin de liqueur très bon, qu'on appelle ici bastardo. Je laissai infuser un quart d'heure, puis, avec une cuillère à café, j'entamai comme on fait d'une glace, et la pâte y ressemblait fort. Ce fut délicieux.
Je me dis alors qu'on pourrait glacer ces moitiés de Melons ainsi préparés de diverses façons.
« Je vous livre mon essai ; c'est par ces moyens tout de hasard qu'on arrive aux découvertes. Je suis un converti, et je me hâte de vous le confesser. Ne fût-ce que pour manger ainsi ce petit Melon, je le cultiverai. »
Le C. Dudaïm ne produit que douze à quinze fruits
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par panneau; son prix serait toujours assez élevé. Nous reconnaissons qu'aux environs de Paris, il ne pourra être fructueusement cultivé, et qu'il demeurera ce qu'il a été jusqu'ici, une plante d'amateur.