Kudzu (Potager d'un curieux, 1899)
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Nom accepté : Pueraria montana
Plante à tiges grimpantes, tomenteuses. Feuilles trifoliolées, à foliolés. latérales médiocrement pédicel-
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lées, arrondies, pâles et réticulées en dessous, légèrement velues sur les deux faces, longues de 3 pouces, la terminale plus grande. Fleurs purpurines, disposées
Fig. 41. — Pueraria Thunbergiana.
en grappes longues de 6 à 7 pouces ; pédoncules tomenteux, longs de 1 pouce. Gousses linéaires, comprimées, longues de 3 pouces, terminées par une pointe recourbée, couvertes de longs poils jaunâtres. Le Kudzu (prononcer Koudzou) croît au Japon (Thunb.).
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Dans son Novus Atlas sinensis (1655), Martini rapporte que, dans la ville de Li-ping (prov. Quei-chen) : « Pannos conficiunt incolæ ex cruda cannabe, seu herba cannabi prorsus simili. Co Sinæ vocant. Ex his vestes pro tempore æstivo eximiæ plane sunt ac commodissimæ.» (P. 102).
Pueraria Thunbergiana Benth. (Pachyrrhizus Thunbergianus S. et Z.), Ko, en chinois. Le P. trilobus DC., porte le même nom chinois. Il semble que les deux plantes soient textiles (1).
Dans ses Nouveaux Mémoires sur l'état de la Chine (1696, Paris, 2 vol.), Louis Le Comte rapporte que, outre le Coton, les Chinois portent en été des tissus fabriqués avec l'Ortie et avec une autre espèce qu'ils nomment Ko pou et qu'ils estiment beaucoup. Ces derniers sont fournis dans le Fokien par une plante nommée Ko, arbrisseau rampant, qu'ils laissent pousser dans les champs et qui est souvent extrêmement long. Il a des feuilles arrondies, plus grandes que celles du Lierre. Elles sont molles, vertes en dessus et couvertes en dessous d'un duvet blanc. La tige est grosse comme le doigt. Pour obtenir les fibres textiles, on plonge les tiges dans l'eau, comme nous le faisons pour le Lin, et, après les avoir dépouillées de leur écorce extérieure, on se sert des fibres de la seconde écorce pour fabriquer une toile qui est très belle, transparente et fraîche (I, 242).
Pueraria Thunbergiana Benth. Déjà signalé par Martini, Ko, en chinois (2).
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(1) Bretschneider, Early European Researches, p. 14, Londres 1881.
(2) Bretschneider, loc. cit., p. 28.
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Renseignements sur des graines d'une plante textile envoyées de Chine par un missionnaire français (1) :
- « La plante Ko s'appelle aussi Hoang-kin, Lan-ho et Khithsi. On la rencontre partout, mais surtout dans les provinces de Tche-Kiang et de Kiang-nan, Elle vient aussi bien dans les lieux incultes que dans les champs cultivés. Elle commence à pousser au printemps et étend sa tige, qui est de couleur violette, jusqu'à la longueur de 1 me 2 tchang (3 à 6 mètres). On récolte les tiges, et, après une préparation convenable, on en tire des filaments textiles. Sa racine est violette en dehors et blanche à l'intérieur ; elle acquiert la grosseur du bras et la longueur de 2 à 3 mètres. Ses feuilles sont trilobées, comme celles de l'arbre Fong, mais elles sont plus longues ; leur surface est verte et leur revers d'une teinte pâle. Dans le septième mois, cette plante donne des fleurs rouges et violacées, disposées en grappes. Après les avoir séchées au soleil, on peut les cuire dans l'eau et en préparer du bouillon.
- Les fruits de cette plante ressemblent à de petits Haricots jaunes. Il convient de les cueillir dans le septième ou le huitième mois.
- Les tiges de la plante Ko sont ordinairement mûres en été ; c'est à cette époque qu'on les récolte. On laisse celles qui sont encore vertes et courtes. Celles qui ont environ 3 mètres de long se récoltent avec la racine, qui, suivant quelques auteurs, donne une fécule nourrissante. On les appelle Theou-ko, ou tiges de Ko
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(1) Industries anciennes et modernes de l'Empire chinois, par MM. Stanislas Julien et Paul Champion. Paris, Eugène Lacroix, libraire-éditeur, 1869.
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- de première qualité. Lorsque les tiges sont d'une longueur extraordinaire et qu'on remarque des points blancs près de la racine, elles ne sont bonnes à rien. Quant à celles qui ne présentent pas de points blancs, on coupe 2 ou 3 mètres de chaque tige ; on les appelle eulko, c'est-à-dire tiges Ko de seconde qualité.
- Après avoir recueilli les tiges, on les fait bouillir dans l'eau devant un feu ardent. On enlève les filaments - à l'aide de l'ongle; ils sont aussi blancs que ceux du Chanvre, mais ils ne sont pas adhérents à la partie verte de la plante. Le tillage des filaments étant achevé, on les lave dans une eau courante, on les bat et, après les avoir bien nettoyés, on les fait sécher au grand air. Leur blancheur s'augmente si on les expose à la rosée pendant une ou deux nuits. Après cela, il faut les mettre à l'ombre; ils craignent les rayons du soleil. Enfin, on les file et l'on en fait de la toile.
- Si on lave ces vêtements dans une eau pure où l'on aura écrasé des feuilles de Meï (Amygdalus nana, - suivant M. Abel de Rémusat ; Arbutus, suivant le P. d'Entrecolles), ils resteront empesés pendant tout l'été. Quelques personnes les lavent dans un bassin de porcelaine avec de l'eau bouillante, où elles ont écrasé des feuilles de Meï. Il est essentiel de ne pas faire usage d'un baquet de bois, autrement les vêtements de Ko deviendraient noirs.
- D'après l'opinion de M. de Jussieu, la plante dont
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- il s'agit paraît être une Phaséolée voisine des Dolichos et particulièrement du Dolichos bulbosus. »
Nous lisons, dans le livre intitulé : Le Japon à l'Exposition universelle de 1878 : « Le Kudzu (Pueraria Thunbergiana) est une plante sauvage dont les racines donnent de l'amidon. Ses feuilles servent à nourrir les bestiaux et ses fibres à faire des étoffes. »
Nous devons à l'obligeance de M. le comte de Castillon deux notes qu'il a traduites du japonais et qui font connaître, avec les détails les plus instructifs et les plus complets, l'emploi que l'on fait au Japon des racines et des fibres du Kudzu.
Celle de ces notes que l'on va lire décrit le procédé usité pour l'extraction de la fécule. L'autre, publiée dans les Mémoires de la Société des Etudes japonaises, années 1878-1879, décrit la fabrication de la toile de Kudzu. On la trouvera, ainsi que l'avant-propos qui la précède, à la suite de ce chapitre.
- « Le Kudzu (Pueraria Thunbergiana) est une plante grimpante qui croît à l'état sauvage dans les montagnes et les friches. Au printemps, les jeunes pousses sortent de la vieille tige. Chaque pétiole porte trois feuilles semblables à celles de l’Ingem mame (Phaseolus vul-
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- garis) ; feuilles et pétioles sont garnis de poils. En automne, sortent de l'aisselle des feuilles, des grappes de fleurs semblables à celles des Mame (Légumineuses), de couleur violet vineux, et qui produisent des gousses. C'est à partir des neuvième et dixième mois, et jusqu'au douzième, époque où les yeux font leur évolution, qu'on arrache ces racines avec un pic de fer ou une houe. On les lave pour enlever la terre, et on les écrase avec soin sur une pierre plate avec un maillet de bois ou de métal. On remplit d'eau un baquet, dans lequel on les malaxe pour extraire les parties solubles. On filtre ; on met la pulpe dans un sac de toile de Chanvre que l'on soumet àla presse. On jette le résidu. Immédiatement après, on filtre au moyen d'un sac de toile de Coton. On laisse reposer un jour. On décante l'eau de dessus et l'on fait sécher le dépôt, que l'on divise au moyen d'un couperet. On racle et l'on jette la fécule noire qui se trouve au-dessous. On met une seconde fois dans le. sumasi-oke (baquet à laver) avec une grande quantité d'eau, et l'on remue en tournant. Au fur et à mesure que le dépôt se précipite, on relire successivement le fausset des cannelles superposées, en commençant par celles du haut, pour soutirer l'eau de la partie supérieure. Ce lavage est pratiqué deux ou trois fois. Après avoir fait sécher le précipité, on l'enlève avec une petite truelle ; on l'étend dans le sara-si (caisse plate), garni d'une toile saupoudrée de cendre, et l'on fait sécher au soleil. On a alors le Kaï-Kudzu (Kudzu cendré, Kudzu gris) , et, pour rendre cette fécule parfaitement blanche, on en met dans un baquet la proportion convenable et l'on agite circulairement dans l'eau comme précédemment. On filtre au moyen d'un sac à trame serrée; on laisse reposer un jour, au bout duquel on décante; on change une troisième fois l'eau, on
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- laisse se précipiter le dépôt, et, en répétant cette opération sept ou huit fois, on enlève toutes les parties solubles. Quand la fécule est sèche, on la met dans un sara-si tendu de papier épais, et, en la mettant tous les jours à sécher au soleil, elle forme des grumeaux parfaitement blancs, et l'on a alors le Kudzu ko (fécule de Kudzu). »
En 1879, nous avons semé contre un mur exposé au midi, des graines que nous avions reçues de M. le Dr Hénon. Elles ont donné des tiges vigoureuses qui atteignaient bientôt le chaperon du mur. Elles n'ont pas fleuri, et, l'hiver venu, elles ont été gelées. La souche n'a pas souffert.
En 1880, les tiges ont été plus fortes que celles que le semis avait produites, et 30 degrés de froid n'ont gelé que les parties qui excédaient en hauteur 1m,50. Les parties inférieures, devenues ligneuses, ont donc résisté au grand hiver ; elles n'avaient pas fleuri.
En 1881, les tiges, dans toute leur hauteur, ont bien passé l'hiver. La plante n'a pas fleuri.
Depuis cette époque, la plante fleurit tous les ans à la fin de septembre.
Nous avons donc constaté chez le Kudzu une rusticité absolue, une végétation luxuriante, mais en même temps, sous le climat de Paris, une complète stérilité, qui ne permet pas de multiplier la plante par des semis.
Au Muséum, où il existe quelques pieds du Kudzu, les plantes ont, comme les nôtres, résisté aux hivers ; il est vrai qu'elles sont placées dans la partie du jardin qu'on appelle les couches, c'est-à-dire dans le lieu le mieux abrité. On a essayé de faire des boutures ; on a échoué. Le couchage de tiges a donné un meilleur résultat.
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De notre côté, nous avons obtenu un premier pied par le même moyen ; puis, la plante-mère ayant acquis une vigueur et un développement extraordinaires, nous avons pu coucher une vingtaine de tiges qui nous ont donné autant de pieds nouveaux. La multiplication est donc facile et illimitée. Ce point est capital, la plante ne donnant pas de graines sous le climat de Paris.
On a vu que la souche du Kudzu fournit une précieuse fécule et que ses feuilles sont recherchées par le bétail; mais le Pueraria Thunbergiana est d'abord et avant tout une plante textile.
Il ne semble pas cependant qu'au Japon il soit cultivé pour ses fibres aussi généralement qu'en Chine.
Questionné par nous à ce sujet, M. le Dr Hénon nous a écrit, le 29 juillet 1883 : « Si je ne vous ai pas parlé des usages du Kudzu comme plante textile, c'est que je n'en ai jamais vu faire cet emploi. Dans la partie du Japon que j'habitais, le Kudzu croît partout dans les taillis ; il y végète avec une grande puissance, pousse des tiges de 8 à 10 mètres de long, fleurit très abondamment et se couvre de gousses, lesquelles, à la vérité, contiennent peu de graines. Il n'est pas cultivé; mais, en hiver, les pauvres gens en arrachent, non sans peine, les racines, et l'on en fabrique un amidon excellent. L'empois obtenu par cet amidon est bien meilleur, plus résistant, sans être cassant, que celui du Riz ou du Blé. On se sert quelquefois de cet amidon comme fécule alimentaire et on le fait entrer dans des gâteaux. »
La culture du Kudzu se pratique donc à deux fins : d'une part, on extrait de ses racines une excellente fécule, et, d'autre part, il fournit la matière d'une fabrication de tissus dont M. Eugène Simon, ancien consul
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de France, nous signalait, il y a quelques années, l'importance industrielle.
Les tiges du Pueraria Thunbergiana émettent des jets si longs, si nombreux, si fibreux, qu'on ne peut douter du profil qu'on en tirerait si la plante était naturalisée ou cultivée en France. Nous croyons à l'exactitude des renseignements qui présentent sa toile comme remarquablement belle.
On devrait, ce nous semble, faire venir des pays d'origine des graines de Kudzu ou Ko. Il est assez rustique pour qu'on puisse le cultiver partout en le laissant ramper sur le sol. I1 serait, en effet, impossible de fournir des supports assez élevés à une plante dont les tiges atteignent 8 à 10 mètres de longueur. Il faut donc la laisser ramper, comme le font d'ailleurs les Chinois et les Japonais.
Dans une lettre, en date du 16 août 1883, M- le comte de Castillon nous disait : « Dans le San kaï meï San dzu ye, le Kudzu est figuré à l'état de plante rampante sur le sol, et le dessin représente les paysans japonais en opérant l'extraction. Il n'est donc pas nécessaire de le faire grimper. »
La culture du Kudzu ou Ko se ferait, par conséquent, en laissant ses tiges s'étendre sur le champ, et ses souches donneraient, pendant un temps indéterminé, d'abondantes récoltes obtenues à peu de frais.
Une plante vivace, textile et extraordinairement productive mérite une expérimentation sérieuse et décisive. Quant à nous, nous avons cru pouvoir nous autoriser de ses propriétés alimentaires pour en parler aussi longuement que nous venons de le faire.
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Le Kudzu (Pueraria Thunbergiana) est une plante alimentaire et industrielle d'une très grande valeur.
Elle est en outre ornementale, et la fougue de sa croissance, jointe à l'ampleur de son feuillage, la rend très propre à tapisseries murs et les berceaux. Elle possède aussi des propriétés médicales qui mériteraient d'être sérieusement étudiées. Ses racines, ses fleurs et ses gousses sont employées comme remède en Chine et au Japon. Dans ce dernier pays, on utilise ses feuilles comme fourrage, et ses rameaux longs, minces et très résistants y servent de ficelle.
La fécule que fournissent en abondance ses longues et volumineuses racines, qui peuvent atteindre une longueur de 3 mètres sur un diamètre de om.,10 à om, 12, est d'une qualité tout à fait hors ligne. Sa finesse, sa blancheur éclatante, sa saveur agréable, lui assurent le premier rang parmi les aliments de ce genre. M. le Dr Filhol, le savant chimiste toulousain (1), a reconnu à cette racine un pouvoir nutritif égal à celui de la Pomme de terre.
Le seul pied de cette plante qui existe, croyons-nous, en Europe, a été introduit par nous, il y a trois ans et demi, au printemps de 1875. (Voy. les Annales de la Société d'Horticulture de la Haute-Garonne, 1875.) Tout fait présumer que ce végétal si précieux s'accom-
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(1) La science porte son deuil récent, 1888.
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modera parfaitement de notre climat. Ajoutons qu'il ne demande aucun soin de culture.
Enfin, sa tige grimpante fournit une toile douée de propriétés particulières, mais fabriquée par des procédés que notre industrie trouvera vraisemblablement moyeu de simplifier. C'est ce dont on pourra juger après avoir entendu l'auteur japonais, auquel nous laissons la parole :
- « Le Kudzu (Pueraria Thunbergiana), plante vivace de la famille des Légumineuses, ressemble beaucoup au Fudzi mame (Dolichos cultratus Thunb.) et à l'Ingen mame (Phaseolus vulgaris L.) ; mais sa tige et ses feuilles sont garnies de poils ; sa tige sarmenteuse est extraordinairement vigoureuse ; ses graines ne sont pas comestibles.
- Cette plante croît à l'état spontané dans les diverses provinces, sur les montagnes ou dans les friches, suivant les lieux. Partout on prépare avec ses racines une fécule nommée Kudzu ko et en outre, au relais du poste de Kake gava, dans le Yen siu (province de Totoini), on retire de sa tige un fil avec lequel on tisse une toile de la plus grande réputation. Ce Kudzu provient des montagnes et des friches du village du Kura-ma, au nord-est du relais de poste dont nous venons de parler, des localités nommées Matsu-ba et Oho zawaet du village de Tomi-da, situé au sud de Naka-yama, de Koya, etc. On regarde plus spécialement comme étant de qualité supérieure celui qui croit sur les montagnes du village de Musi-bu, qui fait face au côté nord de Mari-matsi, dans le district de Sudzi, et sur celles du village de No-be.
- Si maintenant nous recherchons depuis combien de temps on a commencé à exploiter le Kudzu, bien que ce point ne soit pas encore élucidé, comme nous possédons une chanson composée par son Exc. Tameaï (l) sur la toile de Kudzu de ce lieu, il y a aujourd'hui quelque chose comme plus de 680 ans que l'on doit fabriquer cette étoffe.
- Nous allons maintenant décrire d'une façon générale la fabrication de ce tissu. Quant à la fécule de Kudzu, il en
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(i) Tameai, poète, noble de la cour du Kyau-to, au XIIIe siècle.
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- sera traité à part, lorsque nous parlerons de ce genre d'aliment.
- Quoique les tiges de Kudzu se trouvent, lorsqu'arrive l'automne, avoir atteint une longueur qui varie de 2 à 3 zyau (3 à 9 mètres) et au delà, il faut, pour la fabrication du fil, les couper pendant un laps de temps de cinquante jours environ à partir de la première quinzaine du cinquième mois (5-21 juin). Leur longueur, qui, à ce moment, n'est que de 7 syaku (2m,10), atteint, au milieu de cette période, 9 syaku (2m,70), pour arriver, dans les derniers jours, à 1 et 2 zyau (3 à 6 mètres). Mais comme les 3 ou 4 syaku (0m,90 à lm,20) au-dessus des racines sont de mauvaise qualité, il faut les laisser, ce qui réduit la longueur exploitée de 3-4 à 6-7 syaku environ (0m,90-lm,20 à lm,80-2m,10).
- Il faut (car les tiges, une fois coupées, redoutent d'être laissées dans cet état), et le jour même de cette opération, les plonger dans une chaudière pleine d'eau bouillante. On les y agite dans tous les sens pendant un temps très court (2 secondes et demie, 5 de nos secondes européennes). On les remet dans l'eau après les avoir ainsi remuées et on les y laisse pendant le même nombre de secondes, puis on les en retire.
- On les met ensuite à tremper dans une eau courante où on les laisse un jour et une nuit. On étend sur le sol un paillasson sur lequel on les entasse ; on en étend un autre par-dessus comme couverture et on les laisse ainsi enveloppées pendant deux jours et deux nuits, et, lorsqu'on les découvre, les tiges en pleine fermentation laissent exhaler des vapeurs ; on les arrose, ce qui met fin à cette fermentation. C'est ce qu'on appelle naha midzu (eau du milieu, deuxième eau).
- On replace les paillassons comme précédemment, et les tiges restent dans cet état un jour et une nuit.
- On les met ensuite à tremper dans une eau courante peu profonde, où on les foule avec les pieds ; puis on enlève les écorces et l'on jette le cœur de la tige. On égalise la longueur des bandes d'écorce, que l'on met par paquets de trente, puis, prenant deux de ces bandes à la fois, d'une seule main, on lés introduit entre les branches d'une petite fourche longue de 2 tan (0m,06), que l'on tient de l'autre.
- On les racle dans l'eau à plusieurs reprises, et, lorsqu'elles sont devenues blanches, on les suspend à une perche horizontale
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- de Bambou pour les faire sécher au soleil. Avant que la dessiccation soit complète, on les enlève, et, en les secouant vivement, les fibres de l'écorce se séparent par leur frottement réciproque, et l'on obtient ainsi la filasse, qu'on laisse ensuite sécher complètement avant de la convertir en Kudzu wo (fil de Kudzu).
- Pour faire celui-ci, on choisit ce qu'il y a de meilleur parmi les brins de la filasse ; avec le pouce et l'index on les divise par déchirement aussi finement que possible; puis on les ajoute bout à bout, en les nouant solidement. On coupe ras avec des ciseaux les extrémités des fils qui dépassent les nœuds. On donne aux fils dont on a ainsi tondu les nœuds le nom de tsuguri. On les enroule dans le wo oke (boîte à fil, de forme ronde et dont le fond est à claire-voie), et, ayant mis celle-ci dans un panier de même forme, on plonge le tout dans l'eau ; on retire immédiatement et l'on secoue pour faire égoutter.
- Ensuite, en entrelaçant les fils en forme de 8 autour du pouce et du petit doigt (littéralement : comme dans le jeu que les enfants appellent aya, berceau du chat), on en forme de petits écheveaux, et ils sont prêls à servir pour la trame. Comme c'est là leur seul usage, il faut nécessairement employer pour la chaîne des fils de soie, de chanvre ou de coton.
- Le métier à tisser ne diffère en rien du métier ordinaire ; seulement, on mouille avec de l'eau ce fil de trame avant de le mettre dans la navette, et, lorsqu'il passe devant le. peigne, on en soulève les nœuds, que l'on tond avec des ciseaux quand le tissage est terminé. Le tissu est alors rincé à l'eau propre, séché, puis mouillé de nouveau ; on l'enroule sur le maki ginuta (cylindre à foulonner) et on le frappe lentement à petits coups, ce qui donne du brillant à l'étoffe, que l'on teint ensuite de diverses nuances, après quoi on la tend au moyen du sii-si (1), et l'on passe à l'envers avec une brosse à colle une couche de nori, apprêt composé de 10 momme (37 gr. 50) de Kudzu ko (fécule de Kudzu) et de 400 me (1 kil. 500) d'eau, alors la toile de Kudzu est terminée.
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(1) Instrument de teinturerie destiné à faire disparaître les plis d'une étoffe ; il se compose de plusieurs arcs de Bambou élastique qui maintiennent l'étoffe bien tendue dans sa largeur. Cet instrument se nomme aussi mogari (voleur). Le Bambou généralement employé pour cet usage est le ma-daké (B. Quilioi), ce qui lui a valu le synonyme de mogari take.
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- Cette étoffe ne se ramollit point sous l'action de l'eau ; et, comme une fois mouillée, elle sèche rapidement, on l'emploie pour les kappa (1), les kakama (2), etc. Les pièces étant tissées en grande largeur servent, en outre, pour l'entoilage des fusuma (3), et cette fabrication a pris de nos jours un grand développement.
- Le premier fabricant de fil de Kudzu au relais de poste de Kake gava est Sudzuki gen pe. Les principaux fabricants de cette étoffe au même lieu sont Naru hira Kiu meï, Satô Kuni yosi, Matsu moto yosi naga, etc. La principale maison pour la toile de Kudzu est celle de Hyo-do, au village de Taka-mura.
- On fabrique, année commune, dans les lieux dont nous avons parlé, et par quantités égales dans les trois sortes, supérieure, moyenne et inférieure, un total de 60,000 tan (le tan vaut 8m,50) de cette toile (500,000 mètres), d'une valeur en or de 49,200 yen (263,803 fr. 65). »
- Ère impériale, meï dzi, 5e année. Hiver.
M. Carrière a publié dans la Revue Horticole, 1891, p. 31, une note dans laquelle il cile l'opinion de M. Paul de Mortillet, de la Tronche, près Grenoble (Isère), qui dit pouvoir certifier, par expérience, que la fécule obtenue des racines du Pueraria Thunbergiana (fig. 41) est excellente et donne des potages comparables à ceux du tapioca. Le même auteur recommande le Kudzu comme plante fourragère par ses feuilles, recherchées du bétail.
Dans une loi Ire qu'il a adressée au président du Comice agricole d'Alger (voir Revue des Sciences naturelles appliquées, 1895, p. 810), M. J. Poisson, assis-
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(1) Manteau pour la pluie; un des rares mots que les Japonais ont empruntés à la langue portugaise.
(2) Espèces de pantalons très amples.
(3) On désigne sous ce nom les portes à coulisses qui séparent les appartements japonais ; elles sont ordinairement tapissées de papier des deux £ôtés et aussi de toile, et notamment de toile, de Kudzu, plus large que la toile ordinaire.
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tant au Muséum, insiste sur l'intérêt qu'il y aurait à cultiver le Kudzu, comme plante fourragère, en Algérie et dans le midi de la France. Des chevaux, des vaches et des moutons en auraient, paraît-il, mangé les feuilles avec une satisfaction évidente. Ces feuilles étant de grandes dimensions et produites en abondance, il y aurait sans doute intérêt à poursuivre des expériences en vue de cette utilisation de la plante.