Cotonnier arborescent (Candolle, 1882)
Nom accepté : Gossypium arboreum L.
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Cotonnier arborescent. — Gossypium arboreum, Linné.
Il est d'une taille plus élevée et d'une durée plus grande que le Cotonnier herbacé ; les lobes de la feuille sont plus étroits, et des bractées moins laciniées ou entières. La fleur est ordinaire-
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ment rosée, avec un fond rouge. Le coton est toujours blanc.
D'après les botanistes anglo-indiens, cette espèce n'est pas dans l'Inde, comme on l'avait cru, et même elle y est rarement cultivée. Sa patrie est l'Afrique intertropicale. On l'a vue spontanée dans la Guinée supérieure, l'Abyssinie, le Sennar et la haute Egypte l. Un si grand nombre de collecteurs l'ont rapportée de ces divers pays qu'on ne peut guère en douter, mais la culture a tellement répandu et mêlé cette espèce avec les autres qu'on l'a décrite sous plusieurs noms, dans les ouvrages sur l'Asie méridionale.
Parlatore avait attribué au G. arboreum des échantillons asiatiques du G. herbaceum et une plante, très peu connue, que Forskal avait rencontrée en Arabie. Il soupçonnait, d'après cela, que les anciens avaient eu connaissance du G. arboreum aussi bien que du G. herbaceum. A présent qu'on distingue mieux ces deux espèces et qu'on sait l'origine de l'une et de l'autre, ce n'est pas probable. Ils ont connu le Cotonnier herbacé par l'Inde et la Perse, tandis que l'arborescent n'a pu arriver à eux que par l'Egypte. Parlatore lui-même en a fourni une preuve des plus intéressantes. Jusqu'à son travail de 1866, on ne savait pas bien à quelle espèce appartenaient les graines de Cotonnier que Rosellini a trouvées dans un vase des monuments de l'ancienne Thèbes 2. Ces graines sont au musée de Florence. Parlatore les a examinées avec soin et déclare qu'elles appartiennent au Gossypium arboreum 3. Rosellini affirme qu'il n'a pas pu être victime d'une fraude, attendu qu'il a ouvert, le premier, le tombeau et le vase. Après lui, aucun archéologue n'a vu ou lu des indices de Cotonniers dans les temps anciens de la civilisation égyptienne. Comment serait-il arrivé qu'une plante aussi apparente, remarquable par ses fleurs et ses graines, n'eût été ni figurée, ni décrite, ni conservée habituellement dans les tombeaux si elle était cultivée ? Comment Hérodote, Théophraste et Dioscoride n'en auraient-ils pas parlé à l'occasion de l'Egypte ? Les bandes avec lesquelles toutes les momies sont enveloppées, et qu'on supposait autrefois de coton, sont uniquement de lin, d'après Thomson et une foule d'observateurs habitués à manier le microscope. Je conclus de là que, si les graines trouvées par Rosellini étaient véritablement antiques, elles devaient être une rareté, une exception aux coutumes, peut-être le produit d'un arbre cultivé dans un jardin, ou encore elles pouvaient venir de la haute Egypte, pays où nous savons que le Cotonnier arborescent est sauvage. Pline n'a pas dit que le Cotonnier fût cultivé
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1. Master, dans Oliver, Flora of tropical Africa, p. 211 ; Hooker, Fl. of brit. India, 1, p. 347 ; Schweinfurth et Ascherson, Aufzählung., p. 265 (sous le nom de Gossypium nigrum) ; Parlatore, Specie dei Cotoni, p. 25.
2. Rosellini, Monum. della Egizia, p. 2 ; Mon. civ., 1, p. 60.
3. Parlatore, Specie dei Cotoni, p. 16.
4. Pline, Hist. plant., 1. 19, c. 1.
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dans la basse Egypte ; mais voici la traduction du passage très remarquable, de lui, qu'on cite souvent : « La partie supérieure de l'Egypte, du côté de l'Arabie, produit un arbuste appelé par quelques-uns Gossipion et par plusieurs autres Xylon, ce qui a fait appeler xylina les fils qu'on en obtient. Il est petit et porte un fruit, semblable à celui de la noix barbue, dont on tisse la laine extraite de l'intérieur. Aucune ne lui est comparable pour la blancheur et la mollesse. »
Pline ajoute : « Les vêtements qu'on en fait sont les plus recherchés par les prêtres égyptiens. » Peut-être le coton destiné à cet usage était-il envoyé de la Haute Egypte, ou bien l'auteur, qui n'avait pas vu la fabrication et ne possédait pas nos microscopes, s'est-il trompé sur la nature des vêtements sacerdotaux, comme nos contemporains qui ont manié des centaines d'enveloppes de momies avant de se douter qu'elles n'étaient pas de coton. Chez les Juifs, les robes des prêtres devaient, d'après la règle, être en lin, et il n'est pas probable que l'usage à cet égard fût différent de celui des Egyptiens.
Pollux 1, né un siècle après Pline et en Egypte, s'exprime clairement sur le Cotonnier, dont les fils étaient employés par ses compatriotes ; mais il ne dit pas d'où l'arbuste était originaire, et l'on ne peut pas savoir si c'était le Gossypium arboreum ou l'herbaceum. On ne voit même pas si la plante était cultivée dans la basse Egypte ou si l'on recevait le coton de la région située au midi. Malgré ces doutes, on peut soupçonner qu'un Cotonnier, probablement celui de la haute Egypte, s'était introduit récemment dans le Delta. L'espèce que Prosper Alpin avait vue cultivée en Egypte au xvie siècle était le Cotonnier arborescent. Les Arabes et ensuite les Européens ont préféré et ont transporté en divers pays le Cotonnier herbacé , plutôt que l'arborescent, qui donne un moins bon produit et demande plus de chaleur.
Dans ce qui précède, au sujet des deux Cotonniers de l'ancien monde, je me suis servi le moins possible d'arguments tirés des noms grecs, tels que βυσσος, σινδον, ξυλον, Οθων, etc, ou des noms sanscrits et dérivés du sanscrit, comme Carbasa, Carpas, ou des noms hébreux Schesch, Buz, qu'on attribue, avec doute, au coton. C'est un sujet sur lequel on a disserté énormément 2, mais la distinction plus nette des espèces et la découverte de leur pays d'origine diminuent beaucoup l'importance de ces questions, du moins pour les naturalistes qui préfèrent les faits aux mots. D'ailleurs, Reynier et après lui C. Ritter sont arrivés dans leurs recherches à une conclusion qu'il faut se rappeler :
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1. Pollux, Onomasticon, cité dans C. Ritter, l. c, p. 26.
2. Reynier, Economie des Arabes et des Juifs, p, 363 ; Bertoloni, Nov. act. Acad. bonon., 2, p. 213, et Miscell. bot., 6 ; Viviani, in Bibl. ital., vol. 81, p. 94 ; C. Ritter, Geogr. Verbreitung der Baumwolle, in-4 ; Targioni, Cenni storici, p. 93 ; Brandis, Der Baumwolle im Altherthum, in-8, 1866.
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c'est que les mêmes noms, chez les anciens, ont été appliqués souvent à des plantes ou des tissus différents, par exemple au Lin et au Coton. Dans ce cas, comme dans plusieurs autres, la botanique moderne explique les mots anciens, tandis que les mots et les commentaires des linguistes peuvent égarer.