Cotonnier herbacé (Candolle, 1882)

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Nom accepté : Gossypium herbaceum L.

Rocou
Alphonse de Candolle, Origine des plantes cultivées, 1882
Cotonnier arborescent


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Cotonnier herbacé. — Gossypium herbaceum, Linné.

Lorsque je cherchais, en 1855, l'origine des cotonniers cultivés 3, il régnait une grande incertitude sur la distinction des espèces. Depuis cette époque, il a paru en Italie deux excellents ouvrages sur lesquels on peut s'appuyer, l'un de Parlatore 4, ancien directeur du jardin botanique de Florence, l'autre de M. le sénateur Todaro 5, de Palerme. Ces deux ouvrages sont accompagnés de planches coloriées magnifiques. Pour les cotonniers cultivés, on ne peut rien désirer de mieux. D'un autre côté, la connaissance des véritables espèces, j'entends de celles qui existent dans la nature, à l'état spontané, n'a pas fait les progrès qu'on pouvait espérer. Cependant la définition des espèces est assez précise dans les publications du Dr Masters 6. Je la suivrai donc de préférence. L'auteur se rapproche des idées de Parlatore, qui admettait sept espèces bien connues et deux douteuses, tandis que M. Todaro en compte 34, dont deux seulement douteuses, donnant ainsi pour espèces des formes dis-

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3. Géographie botanique raisonnée, p. 971.

4. Parlatore, Le specie dei cotoni, texte in-4, planches in-folio, Firenze, 1866.

5. Todaro, Relazione della coltura dei cotoni in Italia seguita da una monografìa del genere Gossypium, texte grand in-8, planches in-folio, Rome et Palerme, 1877-78 ; ouvrage précédé de plusieurs autres moins étendus, dont Parlatore avait eu connaissance.

6. Masters, dans Oliver, Flora of tropical Africa, p. 210 ; et dans sir J. Hooker, Flora of british India, 1, p. 346.


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tinctes par quelque caractère, mais nées et conservées dans les cultures.

Les noms vulgaires des Cotonniers ne peuvent être d'aucun secours. Ils risquent même de tromper complètement sur les origines. Tel coton dit de Siam vient quelquefois d'Amérique ; tel autre est appelé coton du Brésil ou d'Ava selon la fantaisie ou la croyance erronée des cultivateurs.

Parlons d'abord du Gossypium herbaceum, espèce ancienne des cultures asiatiques, la plus répandue maintenant en Europe et aux Etats-Unis. Dans les pays chauds, d'où elle provient, sa tige dure quelques années ; mais, hors des tropiques, elle devient annuelle, par l'effet du froid des hivers. Sa fleur est ordinairement jaune, avec un fond rouge. Son coton est jaune ou blanc, selon les variétés.

Parlatore a examiné plusieurs échantillons d'herbiers spontanés et en a cultivé d'autres provenant d'individus sauvages dans la péninsule indienne. Il admet en outre l'indigénat dans le pays des Birmans et l'archipel indien, d'après des échantillons de collecteurs qui n'ont peut-être pas assez vérifié la qualité de plante sauvage.

M. Masters regarde comme certainement spontané, dans le Sindh, une forme qu'il a appelée Gossypium Stocksii, laquelle, dit-il, est probablement l'état sauvage du Gossypium herbaceum et des autres Cotonniers cultivés dans l'Inde depuis longtemps. M. Todaro, qui n'est pas disposé à réunir beaucoup de formes en une seule espèce, admet cependant l'identité de celle-ci et du G. herbaceum ordinaire. La couleur jaune du coton serait donc l'état naturel de l'espèce. La graine ne présente pas le duvet court qui existe entre les poils allongés dans le G. herbaceum cultivé.

La culture a probablement étendu l'habitation de l'espèce hors du pays primitif. C'est le cas, je suppose, pour les îles de la Sonde et la péninsule malaise, où certains individus paraissent plus ou moins spontanés. Kurz l, dans sa flore de Burma, mentionne le G. herbaceum, à coton jaune ou blanc, comme cultivé, et en même temps comme sauvage dans les endroits déserts et les terrains négligés.

Le Cotonnier herbacé se nomme Kapase en bengali, Kapas en hindoustani, ce qui montre que le mot sanscrit Karpassi répond bien à l'espèce 2. La culture s'en était répandue de bonne heure dans la Bactriane, où les Grecs l'avaient remarquée lors de l'expédition d'Alexandre. Théophraste 3 en parle d'une manière qui ne peut laisser aucun doute. Le Cotonnier en arbre de l'île de Tylos, dans le golfe Persique, dont il fait mention plus

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1. Kurz, Forest flora of british Burma, 1, p. 129.

2. Piddington, Index.

3. Theophrastes, Hist. plant., 1. 4, c. 3.


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loin 1, était probablement aussi le Gossypium herbaceum, car Tylos n'est pas éloigné de l'Inde, et sous un climat aussi chaud le Cotonnier herbacé est un arbuste.

L'introduction d'un Cotonnier quelconque en Chine a un lieu seulement au IXe ou Xe siècle de notre ère ce qui fait présumer une habitation jadis peu étendue du G. herbaceum au midi et à l'orient de l'Inde.

La connaissance et peut-être la culture du Cotonnier asiatique s'était propagée dans le monde gréco-romain après l'expédition d'Alexandre, mais avant les premiers siècles de l'ère chrétienne. Si le Byssos des Grecs était le Cotonnier, comme le pensent la plupart des érudits, on le cultivait en Grèce, à Elis, d'après Pausanias et Pline 3 ; mais Curtius et C. Ritter 4 considèrent le mot Byssos comme un terme général exprimant des fils, et selon eux il s'agissait dans ce cas d'un lin de grande finesse. Il est évident que la culture du Cotonnier ou manquait, ou n'était pas commune chez les anciens. Or, d'après son utilité, elle serait devenue fréquente si elle avait été introduite dans une seule localité de la Grèce, par exemple. Ce sont les Arabes qui l'ont propagée plus tard autour de la mer Méditerranée, comme l'indique le nom Qutn ou Kutn 5, qui a passé dans les langues modernes du midi de l'Europe, sous la forme de Cotone, Coton, Algodón. Eben el Awan, de Séville, qui vivait dans le xiie siècle, décrit la culture telle qu'on la pratiquait de son temps en Sicile, en Espagne et dans l'Orient 6.

Le Gossypium herbaceum est l'espèce la plus cultivée aux Etats-Unis 7. Elle a été probablement apportée d'Europe. C'était une culture nouvelle il y a cent ans, car on confisqua à Liverpool, en 1774, un ballot de coton venant de l'Amérique septentrionale, par le motif que le Cotonnier, disait-on, n'y croissait pas 8. Le coton à longue soie (See island) est celui d'une autre espèce, américaine, dont je parlerai tout à l'heure.

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1. Theophrastes, Hist. plant., 1. í, c. 9.

2. Bretschneider, Study and value of chinese botanical works, p. 7.

3. Pausanias, 1. 5, c. 5; 1. 6, c. 26 ; Pline, 1. 19, c. 1. Voir Brandes, Baumwolle, p. 96.

4. C. Ritter, Die geographische Verbreitung der Baumwolle, p. 25.

5. Il est impossible de ne pas remarquer la ressemblance de ce nom avec celui du lin en arabe, Kattan ou Kittan ; c'est un exemple de la confusion qui se fait dans les noms lorsqu'il existe des analogies entre les produits.

6. De Lasteyrie, Du Cotonnier, p. 290.

7. Torrey et Asa Gray, Flora of North America, 1, p. 230 ; Darlington, Agricultural botany, p. 16.

8. Schouw, Naturschilderungen, p. 152.