Aacoutsâr (Ibn al-Baytar)

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Aâthirîlâl
Ibn al-Bayṭār, Traité des simples
Aarr’îs


3 Āākuṯār - aacoutsâr, BUNIUM BULBOCASTANUM (1).

Nom accepté : [[]]


C’est aussi un nom berbère. Dans ce mot le kaf porte un dhamma, le tha surmonté de trois points un fatha; vient ensuite un alif, puis un ra sans point.

  • ABOU’L ABBAS EN-NEBATY. Ce médicament est connu dans les parties orientales de la Terre de Passage (Maghreb). Chez les Arabes de Barca, on l’appelle Talghoudha talġūḍat. On le connaît aussi dans le pays de Cairouan, où les habitants des campagnes mangent sa racine après l’avoir fait cuire. La plante, du genre de la carotte, a les feuilles déliées, la tige arrondie et rameuse, de la hauteur d’une coudée, tantôt plus, tantôt moins, portant à son sommet une ombelle pareille à celle de l’aneth, sinon que l’aneth a les fleurs jaunes et l’autre blanches. Les graines ont le volume des petites graines de la plante connue en Espagne sous le nom de bastinedj bastīniǧ, qui n’est autre que l’akholla aḫulla (l’ammi) des Egyptiens ; leur odeur est âcre. Cette plante a une racine souterraine, arrondie, du volume d’une noix, quelquefois plus, quelquefois moins, d’une couleur blanche, compacte, se ridant par la dessiccation, couverte d’une écorce noire, d’une saveur douce, rappelant celle de la châtaigne, mêlée à un peu d’âcreté. Elle pousse principalement dans les champs cultivés et sur les montagnes. Chez nous, en Espagne, on la rencontre sur les montagnes de Ronda et dans les environs. On la trouve aussi, mais plus rarement, dans les bois de Carmona, de la province de Séville.
  • L’AUTEUR. J’ai observé cette plante en Syrie, dans la localité connue sous le nom d’A’lmin el-oulamâ calmīn al-culamā, au milieu des semis de sorgho. Je l’ai trouvée aussi dans une autre localité de Syrie, connue sous le nom de Château d’Afra qaṣar cafrat, non loin de Naoua nawa (2).
  • LE CHERIF EL-EDRISSY. Les Berbères récoltent cette plante dans les années de disette et font avec sa racine un gâteau qu’ils mangent chaud avec du beurre, de même qu’ils mangent dans le pain cette espèce d’arum connue en Berbérie sous le nom d’Irna. Elle croît dans les lieux habités. Sa racine, ayant le volume d’une noix tout au plus, est couverte de nombreux boutons. Son usage prolongé, soit comme aliment, soit comme médicament, à la dose de deux mithkals, pris à jeun, dans la décoction de tribulus ḥasak rompt les calculs et expulse les vers intestinaux. Prise sous forme de pain, elle procure un bon sommeil. Mangée à même et sans l’intermédiaire d’un corps gras, elle provoque des éruptions à la langue et de l’ardeur à la gorge. On en fait aussi des épithèmes pour les tumeurs pituitaires (œdème) des jambes. On laisse une nuit, la tuméfaction se dissipe, et l’on éprouve un grand soulagement.

(1) Cette plante ne figure pas dans l’ouvrage arabe intitulé le Ma-la-iessâ mālāīsac On la range dans le genre arum. Les traducteurs allemands en ont ignoré la synonymie. Elle est généralement connue en Algérie sous le nom de talr’oudha; cependant on nous a dit que dans l’Aurès le nom d’Ouctsîr ūkṯīr, qui rappelle Aacoutsâr, s’était conservé, et nous l’avons même constaté dans la grande Kabylie. Nous avons rencontré le talr’oudha sur tous les points de l’Algérie, à Mascara, en Kabylie, à Sétif et abondamment dans les environs de Constantine. On l’emploie toujours dans les années de disette, et nous avons eu l’occasion de le voir sur une assez grande échelle, au printemps de 1863. Les trois dernières années avaient été sèches et mauvaises; la misère était grande et les récoltes futures étaient déjà engagées. Par tout le cercle de Constantine nous vîmes récolter le Talr’oudha. Chez les Dambar, non loin de la route de Sétif à Constantine, chaque tente avait sa provision de Talr’oudha étendu au soleil, dépouillé de son écorce et coupé en menus morceaux. Dans la même tournée nous pûmes observer aussi l’emploi de l’arum. Les Kabyles du nord de Constantine s’occupaient tout particulièrement de sa récolte. Le 24 avril, nous promenant dans un jardin de Mila, nous vîmes arriver des montagnards qui marchandèrent, au prix de 2 fr. 50 cent, l’extraction de tous les tubercules d’arum de ce jardin. Une des arches naturelles du ravin de Constantine en nourrit beaucoup, et nous en avons vu faire la récolte. Cet arum se dit à Constantine Kerryoua qrrīwat. La plupart des mss. donnent balcūẓat au lieu de talġūẓat, mais nous considérons cela comme une faute de copiste. Nous verrons un autre synonyme ǧaūz arqam au n° 542.

Nous devons aussi relever plusieurs erreurs des traducteurs allemands, ils ont rendu par Orient, pris absolument, la partie orientale de la Terre de Passage. La terre de passage bar al-cdūat, dit Abou’1-féda, est la partie du continent des ports de laquelle on passait en Espagne pour y faire des incursions, et c’est le Maghreb moyen et le Maghreb extrême. Ainsi l’indication d’Abou’l-Abbâs s’appliquerait à la province de Constantine. Ce nom de Terre de Passage parait ancien. L’Anonyme de Ravenne dit que la Mauritanie Gaditane porte en langue barbare le nom de Abrida: or âbrid, en berbère, signifie chemin. Le cheikh Daoud parle de cette plante sous le nom de Djaouz arkam, et dit qu’elle pousse dans les montagnes de Syrie.

(2) La ville de Naoua est située dans le Djaoulân, à environ douze lieues S. O. de Damas.