Thé (Candolle, 1882)

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Nom accepté : Camellia sinensis (L.) Kuntze

Herbe de Guinée
Alphonse de Candolle, Origine des plantes cultivées, 1882
Lin

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Article 3. — Emplois divers des tiges ou des feuilles.

Thé. — Thea sinensis, Linné.

Au milieu du XVIIIe siècle, lorsqu'on connaissait encore très peu


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l'arbuste qui produit le thé, Linné le nomma Thea sinensis. Bientôt après, dans la seconde édition du Species plantarum, il crut mieux faire en distinguant deux espèces, Thea Bohea et Thea viridis, qu'il croyait répondre à la distinction commerciale des thés noirs et verts. On a prouvé depuis qu'il n'y a qu'une espèce, comprenant plusieurs variétés, et qu'on obtient des thés noirs ou verts au moyen de toutes les variétés, selon les procédés de fabrication. Cette question était réglée lorsqu'il s'en est élevé une autre sur la réalité du genre Thea, en tant que distinct du Camellia. Quelques auteurs font du Thea une section de l'ancien genre Camellia ; mais, si l'on réfléchit aux caractères indiqués d'une manière très précise par Seemann 1, il est permis, ce me semble, de conserver le genre Thea, avec la nomenclature ancienne et usitée de l'espèce principale.

On mentionne souvent une légende japonaise racontée par Kæmpfer 2. Un prêtre venu de l'Inde en Chine, dans l'année 519 de notre ère, ayant succombé au sommeil lorsqu'il voulait veiller et prier, aurait coupé ses deux paupières, dans un mouvement d'indignation, et elles se seraient changées en un arbuste, le Thé, dont les feuilles sont éminemment propres à empêcher de dormir. Malheureusement pour les personnes qui admettent volontiers les légendes en tout ou en partie, les Chinois n'ont jamais entendu parler de celle-ci, quoique l'événement se fût passé chez eux. Le thé leur était connu bien avant l'année 519, et probablement il n'avait pas été apporté de l'Inde. C'est ce que nous apprend le Dr Bretschneider, dans son opuscule, riche de faits botaniques et linguistiques 3. Le Pent-sao, dit-il, mentionne le Thé 2700 ans avant Jésus-Christ, le Rya 5 à 600 ans aussi avant Jésus-Christ, et le commentateur de ce dernier ouvrage, au quatrième siècle de notre ère, a donné des détails sur la plante et sur l'emploi de ses feuilles en infusion. L'usage est donc très ancien en Chine. Il l'est peut-être moins au Japon, et s'il existe depuis longtemps en Cochinchine, ce qui est possible, on ne voit aucune preuve qu'il se soit répandu jadis du côté de l'Inde ; les auteurs ne mentionnent aucun nom sanscrit, ni même des langues indiennes modernes. Le fait paraîtra singulier quand on verra ce que nous avons à dire sur l'habitation naturelle de l'espèce.

Les graines de Thé se répandent souvent hors des cultures et mettent les botanistes dans le doute sur la qualité spontanée des pieds qu'on a rencontrés çà et là. Thunberg croyait l'espèce sauvage au Japon, mais MM. Franchet et Savatier 4 le nient com-

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1. Seemann, dans Transactions of the linnæan Society, 22, p. 337, pl. 61.

2. Kæmpfer, Amæn. Japon.

3. Bretschneider, On the study and value of Chinese botanical works, p. 13 et 45.

4. Franchet et Savatier, Enum. plant. Jap., I, p. 61.


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plètement. Fortune 1, qui a si bien examiné la culture du Thé en Chine, ne parle pas de la plante spontanée. M. H. Fontanier 2 affirme que le Thé croît généralement à l'état sauvage en Mandschourie. Il est probable qu'il existe dans les districts montueux du sud-ouest de la Chine, où les naturalistes n'ont pas pénétré jusqu'à présent. Loureiro le dit « cultivé et non cultivé » en Cochinchine 3. Ce qui est plus certain, les voyageurs anglais l'ont recueilli dans l'Assam supérieur 4 et la province de Cachar 5. Ainsi le Thé doit être indigène dans les pays montueux qui séparent les plaines de l'Inde de celles de la Chine, mais l'emploi des feuilles n'était pas connu jadis dans l'Inde.

La culture du Thé, introduite aujourd'hui dans plusieurs colonies, donne des résultats admirables à Assam. Non seulement le produit y est d'une qualité supérieure à la moyenne des thés de Chine, mais la quantité obtenue augmente rapidement. En 1870, on a récolté dans l'Inde anglaise treize millions de livres de thé, en 1878 trente-sept millions, et l'on espérait pour 1880 une récolte de soixante et dix millions de livres 6 ! Le Thé ne supporte pas la gelée et souffre par la sécheresse. Comme je l'ai dit une fois 7, les conditions qui le favorisent sont tout à fait l'opposé de celles qui conviennent à la vigne. On m'a objecté que le thé prospère aux îles Açores, où l'on a du bon vin 8 ; mais on peut cultiver dans les jardins ou sur une petite échelle bien des plantes qui ne donnent pas, en grand, des produits rémunérateurs. On a de la vigne en Chine, et la vente des vins y joue un très petit rôle. Inversement aucun pays de vignobles n'a donné du thé pour l'exportation. Après la Chine, le Japon et Assam, c'est à Java, à Ceylan et au Brésil qu'on fait le plus de thé, et assurément on n'y cultive pas du tout ou fort peu la vigne, tandis que les vins de régions sèches, comme l'Australie, le Cap, etc., se répandent déjà dans le commerce.

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1. Fortune, Three years wandering in China, 1 vol. in-8°.

2. Fontanier, Bulletin soc. d'acclimatation, 1870, p. 88.

3. Loureiro, Fl. cochinch., p. 414.

4. Griffith, Reports ; Wallich, cité par sir J. Hooker, Flora of brit. India, I, p. 293.

5. Anderson, cité par sir J. Hooker.

6. The colonies and India, d'après le Gardener's Chronicle, 1880, I, p. 659.

7. Discours au congrès bot. de Londres, en 1866.

8. Flora, 1868, p. 64.