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1-3 Ramassage d'aliments (Maurizio)

50 octets supprimés, 11 février 2018 à 13:55
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== Ramassage d'animaux ==
§ 1. — Dans les sociétés humaines vivant de « ramassage » la recherche de la nourriture exige beaucoup d'efforts. Aucune partie des plantes utilisables n'échappa jadis au sens aigu des ''ramasseurs''. Mais le monde animal fut lui aussi inventorié. Les quadrupèdes et les oiseaux ne fournirent pas seuls à l'homme des éléments utilisables, mais aussi les vers, les chenilles, les limaçons <font color=#901040>[les escargots]</font>. Rien ne fut dédaigné.
Une poignée de poux, récoltés sur la tête d'un de ses compagnons, met le nègre d'Afrique d'une excellente humeur.
Wißmann vit sur le lac Tanganyika d'épais essaims constitués par des milliards de petites mouches, des nuages vivants, que l'on nomma Cungu. Les indigènes suivent ces essaims aussitôt qu'ils sont arrivés sur la terre ferme et récoltent ces mouches si elles se posent après la fatigue de la traversée du lac. La masse des insectes ainsi rassemblés sert à faire une farine que l'on rôtit après l'avoir mise en forme de gâteaux et qui constitue une nourriture appréciée<ref>HERMANN VON WISSMANNHermann von Wissmann, ''Meine zweite Durchquerung Aequatorial-Afrikas'', Neue Ausg, Berlin (Globus) 1890, 168.</ref>.
Des renseignements concordants établissent que les peuples polaires, les Indiens de l'Amérique du Nord et les populations sauvages des zones chaudes récoltent en même temps des produits animaux et des produits végétaux et parfois les consomment ensemble. Il peut arriver qu'un heureux hasard les mette en possession d'un gros animal, par exemple, en Afrique, chez les Batua, leur procure un sanglier sauvage, un singe ou même un éléphant ;
== Formes primitives de la cuisson des viandes ==
§ 2. — Mais nous sommes bien moins renseignés sur la nourriture animale des populations préhistoriques que sur leur nourriture végétale. La chasse est sans contredit une occupation qui donne lieu à une activité cérébrale intense. Au contraire la préparation des viandes pour les manger n'est en elle-même susceptible d'aucun perfectionnement. En fait nous n'avons encore trouvé rien de mieux que de rôtir ou de griller les viandes.
Morgan<ref>MORGANMorgan, LEWIS Lewis (H.), ''Urgesellschaft'', 2 ed. Stuttgart, 1908 (1ère édition en 1876 renfermant déjà toute la théorie du Hackbau).</ref> peut avoir raison en considérant les poissons comme ayant été l'objet des premières préparations culinaires parce qu'ils sont inutilisables à l'état cru. J'ajoute comme figurant aussi parmi les premiers produits du même art les quartiers de viande cuits dans la cendre, la viande bouillie avec son jus, les morceaux de viande ou de poissons séchés ou râpés et jetés dans la soupe ou cuits avec elle, la viande grillée à feu libre. Encore à présent, dans l'est de l'Europe, les petits bergers savent garnir d'argile un jeune corbeau et le rôtir à feu libre.
Mais la nourriture animale et son évolution ne nous occuperont pas. Il n'en faut pas moins caractériser l'instinct de ramassage aussi en ce qui la concerne. Les débuts de l'utilisation de l'animal par l'homme s'y rattachent, question qui reste enveloppée de beaucoup d'obscurité.
== Origine religieuse (Hahn) de la « thésaurisation » du bétail ==
§ 3. — De toutes les idées de Hahn, c'est bien son hypothèse sur la domestication des animaux qui a suscité le plus de contradicteurs. Il pense que le culte des astres, fondé sur le retour saisonnier des constellations, évolua dans le sens d'une religion agricole réglant le retour du travail de la pioche et de la charrue : Dans cette religion, la conduite de l'homme vis-à-vis des animaux révèle ses conceptions de la divinité. Sans détailler certains faits ethnologiques ou certaines traditions d'ailleurs importantes (Hahn 1905-1909), signalons seulement ce qui suit, comme marquant l'influence sur l'homme de cette religion agraire. Le sang fortifie la divinité : d'où l'élevage ou au moins l'apprivoisement des animaux, tenus en réserve en prévision des sacrifices. A cela se relie l'existence du char rituel. Si le char était sacré, l'animal qui le tirait l'était aussi. Puis nous trouvons la magie solaire et
== Jeûnes rituels et bombances rituelles ==
§ 4. — Qui donc, s'affranchissant des idées préconçues et des points de vue directeurs traditionnels, aura le courage de ''mettre tout simplement en ordre'' les nombreux faits connus sur l'évolution de l'alimentation animale ? Apprivoiser un animal n'est pas la même chose que le domestiquer.
Seulement apprivoisé, un animal reste le plus souvent infécond. Il y a aussi des cas où des animaux vraiment domestiqués sont, non pas utilisés, mais seulement « thésaurisés » et on peut se demander quel profit on y trouve. Certains peuples africains attendent pour abattre le bétail et en tirer quelque parti que les bêtes soient à peu près mourantes. Beaucoup de peuples ont des troupeaux considérables et ne traient pas leurs vaches. Ils ignorent absolument l'usage du lait. Dans le même ordre d'idées, citons l'interdiction rituelle d'utiliser beaucoup de sortes de viandes, le tabou, la prohibition de la viande pour des castes entières ou des peuples entiers, le jeûne, poussé jusqu'à la perte de connaissance et, d'autre part, les bombances rituelles<ref>ANDREE Andree (R.), ''Die Anthropophagie'', Leipzig, 1887. Sur le cannibalisme en Nouvelle-Calédonie et son caractère religieux : SARASINSarasin, FRITZFritz, (''Verh. Schweiz. Naturf. Ges.'' 107, Jahresvers. 1926, II, 231-6.)</ref>. L'usage de la chair humaine, qui s'est conservé en cas de famine jusqu'à une époque très récente, est le reste clandestin d'un usage qui a fait partie de pratiques communes jadis à tous les hommes. Il y a, pénétrant notre monde, des énergies étrangères au domaine des choses sensibles.
Jadis elles étaient toutes-puissantes, comme on l'observe encore chez les Australiens sauvages, à qui les cérémonies religieuses réclament la moitié de leur temps. Aucun souci, en pareil cas, d'économiser le temps si précieux pour la récolte des produits alimentaires naturels, aucune modération dans le gaspillage de la nourriture (''Zizania, Nymphea'') au moment où les Indiens de l'Amérique du Nord procèdent à leur récolte. Comme beaucoup d'autres populations primitives, ils sacrifient tout souci de leur propre bien lors des cérémonies qui marquent la récolte et à l'occasion de la danse rituelle. Mais il reste dans notre propre
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civilisation des survivances de coutumes du même genre ; l'énormité des repas pris à l'occasion de baptêmes ou de funérailles, le volume, excessif pour l'estomac, des repas pris lors de nos grandes fêtes religieuses. Et à cela s'ajoute le gaspillage de temps auquel donnent lieu les pèlerinages des catholiques. La contrepartie nous est fournie par les jeûnes que prescrivent les religions de caractère universel et qui semblent subsister tout exprès pour nous apprendre comment les populations primitives procédaient. Il suffit aux médecins de constater le fait démontré que ces jeûnes ont pour résultat de compromettre la nutrition, et agissent défavorablement sur le développement du corps (Morgulis, ''loc. cit.''). Les écoliers subissent une perte de poids, les adultes ont dans une certaine mesure des troubles scorhutiques, pellagreux, oculaires<ref>Nombreux renseignements dans FLINKER Flinker (A. D.), ''Religiöse Fasten i. hygien. und sozialpolit. Beziehung. Vierteljahrsschr. öffenttl. Gesundspflege'', 40, 1908 345-359 ; KRÜNITZ Krünitz (J. G.), ''Ökonom-technolog. Enzyklopädie'', Bd. 12, 283, avec nombreux renseignements sur le XVIIIe siècle.</ref>. La population catholique jeûne environ 100 jours par an, les catholiques grecs bien plus encore, et il y a, dans le nombre, des journées d'inanition religieuse complète. S'agit-il de cérémonies commémorant des périodes de famine du passé ? Le jeûne est-il en rapport avec la constitution de provisions d'hiver, comme on le voit chez les animaux qui se montrent extrêmement économes de ces provisions ? Faut-il classer ce fait dans le ''filum'' des idées de la mortification, du renoncement méritoire, destiné à rendre l'âme plus libre ? Enfin il se peut très bien que l'usage du jeûne se rattache à des prescriptions hygiéniques ou fasse partie des idées très répandues que constituent les tabous.
On s'est peu occupé de toutes ces catégories de faits et pourtant le « côté idéal de la vie » mérite, bien entendu, une sérieuse attention. Hahn objecte à l'ethnologie sa tendance à considérer la notion d'utilité comme le seul ressort agissant de toute l'activité économique et surtout de tout « devenir » historique, comme si, selon la conception régnante au XIXe siècle, comme si toute chose se mesurait en fonction du succès, évalué lui-même en marks et en pfennigs, ou, mieux encore, en dollars, ce qui assimile une grande découverte philosophique ou physique à l'acquisition d'un sac de pommes de terre.
== Plantes magiques. Caractère religieux du bâton à fouir, de la houe et de la charrue.<br>Travail masculin et travail féminin. La chasse, plus récente que le ramassage ==
§ 5. — On sait que beaucoup de plantes et surtout des plantes utiles ont été associées par l'homme à des conceptions relatives au maître invisible de sa destinée. Suivant une idée généralement admise, c'est peut-être pour cela que certaines plantes d'utilité
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essentielle ont été considérées comme sacrées, car, si elles venaient à manquer, c'en était fait de l'homme même. Chaque époque a considéré sa nourriture végétale comme la meilleure et l'a déifiée à sa manière. Une bonne partie des pratiques religieuses relatives au culte des arbres, à l'exorcisme des esprits, à l'imploration des esprits, aux pratiques destinées à détourner leurs maléfices, une partie de la magie relative à la fécondité de ces arbres est bien à considérer « objectivement » sous cet aspect. Il y a d'autres plantes, comme les plantes des sorcières, les plantes médicinales que l'homme supposa en relation avec toutes sortes d'esprits, indépendamment de leur utilité ou de leur nocuité véritables<ref>NETOLITZKY Netolitzky (Fr.), ''Erläuterungen z. einig. Volksheilmitteln. Pharmazeut. Nachr. a. Wissensch. u. Praxis'', 1924, I. 57 ; 1925, II, H. 2, 5, et 12; 1926, III. H. 3 ; MARZELL Marzell (H. D.), ''Heimische Pftzwelt Pflzwelt i. Volksbrauch u. Glauben'' (Wissensch. u. Bildung, n° 117) Leipzig, 1922.</ref>. Le folklore s'est depuis longtemps emparé de ce domaine, mais le plus souvent en s'interdisant d'aborder toute recherche des relations causales et en envisageant seulement des questions d'utilité pratique, etc. II y a là un trésor caché qui attend un chercheur heureux. Ce n'est pas d'un simple signe qu'on peut faire savoir comme quoi la première culture et le choix des plantes firent partie des pratiques religieuses, comme aussi l'utilisation des animaux, laquelle fut précédée, selon Hahn de l'usage rituel qu'on faisait des animaux. En ce qui concerne le ''bâton à fouir'', on peut, en ce sens, arriver à des conclusions précises, et des relations du même ordre sont à prévoir pour la charrue (V. ch. 1, p. 23).
A partir du moment où on a envisagé ce que fut le ramassage de l'aliment naturel, on a commencé à opposer la condition de l'homme et de la femme : d'une part, ''l'homme'' gai chasseur, bon vivant et brave, d'autre part la ''femme'', misérable passant sa vie à extraire péniblement du sol des racines. La femme, qui est maltraitée, a, de plus, à s'occuper des enfants et on l'a imaginée comme presque écrasée par ses autres occupations. Mais on ne doit pas schématiser d'une façon aussi simple l'opposition des deux sexes. Il est bien vrai qu'il existe une certaine dualité dans l'économie domestique. En même temps, pourtant, il y a collaboration. L'homme, naturellement, aide, lorsque la femme ne suffit pas. Il y a lieu de croire qu'il en était déjà ainsi aux temps préhistoriques<ref>Description de cette division du travail dans : KNABENHANS Knabenhans (A.), (''loc. cit.'' ch. 1).</ref>. On a d'assez bonnes raisons de le penser. Les enfants en bas-âge ne peuvent s'aider eux-mêmes et exigent les
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semble, toutes choses qui caractérisent une activité déjà économiquement organisée<ref>Voir aussi, outre KNABENHANS Knabenhans (''loc. cit.''), sur les Australiens le livre attrayant de SOERGEL Soergel (W D.), ''Jagd der Vorzeit.'', Jena, 1922, 149 p.</ref>. Ainsi, pour nous résumer, nous pouvons dire, considérant ensemble la ''chasse'' et le ''ramassage'', que ces deux formes d'activité ont dû être fort souvent associées selon le type d'association dont les Australiens nous ont donné le premier et symbolique exemple. Le ''ramassage'' remonte certainement aux temps les plus lointains puisqu'il suffit pour le pratiquer d'appliquer des dispositions naturelles et instinctives. La chasse au contraire, avec la technique perfectionnée qu'elle suppose, est nécessairement d'acquisition beaucoup plus récente. Les façons de chasser très évoluées de peuples sauvages très bas situés dans l'échelle des races révèlent un long passé de développements et de progrès.
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