Sagaï (Potager d'un curieux, 1899)

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Safran comestible
Potager d'un curieux, Introduction
Sagittaires comestibles


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Pugionium cornutum

Nom accepté : Pugionium cornutum

SAGAI
Dserlin-lobine.
Pugionium cornutum Gærtn.


Notre attention a été appelée sur cette plante par quatre lignes du Manuel de l'Acclimateur, de MM. Naudin et Mueller : « Plante herbacée de la famille des Crucifères, de l'Asie centrale, depuis la mer Caspienne jusqu'à la Chine (1). Elle est employée en qualité de légume par les Mongols, peut-être est-elle cultivée sur quelques points. »

Le Pugionium n'est pas seulement rare ; il est introuvable. Nous pensons qu'il n'existe aujourd'hui dans aucun jardin botanique.

A notre prière, la Société nationale d'Acclimatation s'est adressée à Son Excellence M. Regel, directeur du Jardin impérial de Saint-Pétersbourg, qui a eu la bonté de nous en envoyer des graines. Nous lui devons, pour ce témoignage d'obligeance, dont il est coutumier, les plus vifs remerciements.

Ces graines, assez grosses, armées de cornes qui en font une véritable curiosité, ont été semées à Crosnes une première fois, sous verre, le 15 mai. Leur germination a demandé environ trois semaines. Pour donner de l'air aux jeunes plantes, nous avons dû soulever un peu le châssis et l'altise les a dévorées, hautes à peine de 6 centimètres.

Nous avons semé de nouveau et, cette fois, sous une

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(1) Il y a évidemment là une erreur ; la plante n'a été observée, jusqu'à ce jour, qu'en Mongolie.


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cage garnie de toile métallique. Cependant, le même ennemi a tué nos plantes. L'altise était dans le sol et son éclosion a eu lieu après le semis.

L'insecte disparaît habituellement dans les premiers jours de septembre, détruits par les pluies ou par le froid.

Il nous a donc semblé que nous pouvions semer de nouveau, sous châssis, le 6 septembre. Les hivers étant très froids en Mongolie, nous avons pensé que le Pugionium, avec un peu de protection, pourrait passer l'hiver dans les environs de Paris ; mais nous avons subi un troisième échec.

Nous avions envoyé des graines du Pugionium à M. Ch. Naudin, qui n'a pas été plus heureux que nous et qui nous a écrit : « Notre climat sec et peut-être trop chaud ne lui convient pas ».

Voici ce que nous écrivait, le 17 juillet 1889, M. Alexandre Bataline, du Jardin impérial de Saint-Pétersbourg : « Le Pugionium comutum Gærtn. est une plante vivace, originaire de Mongolie où on la cultive.

« Dans les steppes de Mongolie, elle est assez répandue, mais elle ne croît pas en Sibérie. Elle porté le nom de Sagaï, d'après la notice du savant voyageur russe, Grégoire Potanine. Quelle partie de cette plante mange-t-on ? Je ne puis vous le dire. Ses feuilles ont une odeur désagréable. Nous avons reçu deux fois des silicules de cette espèce et les graines avaient germé, mais les plantes n'ont vécu que quelques mois. Maintenant, nous ne possédons ni graines ni plantes. Les semences distribuées en Italie par notre Jardin botanique ont donné les mêmes résultats négatifs. Vous trouverez la description détaillée de cette plante peu connue dans les Diagnoses plantarum novarum asiaticarum, fasc. III, par C.-J. Maximowicz, mélanges biologiques tirés du Bul-


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letin de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, tome X, 1880.


Pugionium dolabratum

Nom accepté : Pugionium dolabratum


Il existe encore une espèce voisine, Pugionium dolabratum Maxim., bisannuelle, originaire aussi de Mongolie. Cette espèce a donné chez nous, à Saint-Pétersbourg, des graines mûres. J'ai étudié le mode de fécondation des fleurs de cette plante, et j'ai publié à ce sujet un petit article que je vous envoie aujourd'hui. »

Dans la relation de son troisième voyage, Prjevalski, savant voyageur russe, donne une figure du Pugionium cornutum et nous reproduisons ci-dessous la traduction (1) des détails intéressants qui l'accompagnent:

« Le Pugionium, que les Mongols appellent Dserlin-lobine, ce qui veut dire Radis sauvage, est de beaucoup inférieur au Soulkhir (2), au point de vue du rôle qu'il joue dans l'économie des nomades.
Les fruits verts ont, en effet, un goût et une odeur de Radis ou bien de Moutarde ; les Chinois préfèrent la plante elle-même, dont ils recueillent les sujets jeunes (de première année) pour en faire des salaisons, qu'ils mangent comme légume.
Le Pugionium était, jusque dans ces derniers temps, une rareté dans les herbiers, puisqu'on ne le connaissait que par deux rameaux que le naturaliste Gmelin avait eus au siècle dernier, probablement par une obligeance de pèlerins revenus dans la Mongolie du Nord d'un voyage au Thibet.
En 1861, j'ai eu la chance de rencontrer et de

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(1) Nous devons cette traduction à l'obligeance de M. Vilbouchevitch.

(2) Agriophyllum gobicum et arenarium.


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cueillir la plante dans le pays des Ordos. M. Maximowicz considéra les échantillons que j'avais rapportés comme appartenant à deux espèces différentes. L'une fut celle que Gmelin avait décrite sous le nom de Pugionium cornutum ; l'autre, une espèce nouvelle à laquelle Maximowicz donna le nom de Pugionium dolabratum.
Ces deux espèces semblent être bisannuelles. Ce sont des Crucifères et leur port est celui d'un petit arbuste.
La tige ne dépasse pas 1 pied de hauteur ; encore est-elle ordinairement couchée dans le sable. Dans la deuxième année, il naît au sommet de la tige une tête épaisse, sphérique ou plutôt ovale, formée de rameaux grêles et fragiles très rapprochés et enchevêtrés ; à l'extrémité des rameaux, de petites fleurs insignifiantes apparaissent ; elles sont blanches ou rosâtres. Cette tête verte du Pugionium a 3-4 pieds de diamètre maximum, 2-3 pieds de diamètre minimum et 2 pieds de haut. Dans l'Ordos, les sujets étaient par endroits beaucoup plus grands encore.
Dans le Tingueri, nous n'eûmes qu'une seule espèce, le P. dolabratum. Elle était assez fréquente et constituait des buissons isolés sur les bords des sables mouvants, plus rarement dans l'intérieur des sables. C'était fin août ; la floraison avait fini, mais les fruits étaient encore verts. Nous n'avons recueilli de graines mûres que sur un seul sujet. Ce sont ces graines-là que que nous avons remises au Jardin botanique de Saint-Pétersbourg. »

Dans la note relative au Soulkhir (Agriophyllum gobicum et arenarium) (1), nous avons reproduit la des-

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(1) Voir page 526.


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cription que nous donne Prjevalski des sables Tingueri, dans le désert de l'Ala-Chan, où croît le Pugionium.

On peut voir que c'est une plante salicole, et cela explique la difficulté que l'on éprouve à la cultiver.