Prunier (Darwin)

De PlantUse Français
Aller à : navigation, rechercher
Abricotier
Darwin, De la variation des animaux et des plantes à l'état domestique, 1879-80
Cerisier


[379]

Prunier (Prunus insititia). — On croyait, autrefois, voir dans le prunellier, P. spinosa, l'ancêtre de tous nos pruniers, mais actuellement on attribue généralement cet honneur au P. insititia, qu'on rencontre à l'état sauvage dans le Caucase et dans les parties nord-ouest de l'Inde, et qui a été naturalisé en Angleterre ". D'après les observations faites par M. Rivers 72, il n'est pas improbable que ces deux formes, que quelques botanistes regardent comme appartenant à une seule espèce, soient toutes deux les an-

71 llewitt C. Watson, CijMr llrilaimica, vol. IV, p. 80. 7:1 (ianlcner's Cliroiuclr, 180o, p. 27.


[380]

cêtres de nos pruniers domestiques. Une autre espèce, le P. domestica, se rencontre à l'état sauvage dans le Caucase. Godron " remarque qu'on peut diviser les variétés cultivées en deux groupes principaux, qu'il rattache chacun à une souche primitive et qui se distinguent, l'un par ses fruits ohlongs, à noyaux pointus à chaque extrémité, à pétales droits et à branches relevées; l'autre, par ses noyaux mousses, à pétales arrondis et à branches étalées. La variabilité des fleurs du pêcher et les divers modes de. croissance de nos arbres fruitiers ne nous permettent guère d'accorder beaucoup d'importance à ces derniers caractères. La forme du fruit est excessivement variable ; Downing7* a publié les figures des fruits produits par deux pruniers provenant de semis de la variété Claude-Claude ; ces fruits sont plus allongés que la Beine-Claude, dont le noyau est très-gros et très-mousse ; chez la prune Impériale il est ovale et pointu à ses deux extrémités. Les pruniers diffèrent aussi par leur mode de croissance : le prunier Reine-Claude est un arbre qui croît lentement et qui s'étale en restant peu élevé ; le prunier Impérial qui en descend, croît facilement, s'élève rapidement et pousse de longs rameaux. Le prunier Washington porte un fruit sphérique ; mais le fruit d'un de ses descendants, l'Emerald drop, est presque aussi long que la prune Manning, la plus allongée de toutes celles figurées par

Fig. 43. — Noyaux de prunes, grand, nat., tus de côté.— 1. Prune sauvage. — 2. Shrops-liire Darason. — 3. Blue Gage. — 4. Orléans. — 5. Elvas.'— 6. Denyer's Vicloria. — 7. Diamant. Downing. J'ai recueilli les noyaux de vingt-cinq variétés et y ai trouvé toutes les nuances de gradation, depuis les plus ronds et les plus mousses

73 O. C, t. II, p. 94. — Alph. de Candolle, 0. C, p. 878. — Targioni-Tozzetti, Joum. Ilorl. Soc, vol. IX, p. 164. —Babington, hlanual of Brilish Botamj, 1831, p- 87. 74 Fruits of America, p. 276, 278, 284, 310, 314. — M. Rivers, Gardener's Chron., 1863, p. 27, a obtenu, en semant le noyau d'une prune-pêche qui porte de grosses prunes rouges sur des tiges fortes et robustes, un arbrisseau dont les tiges grêles et pendantes portaient des fruits ovales et plus petits.


[381]

jusqu'aux plus tranchants. Vu l'importance systématique des caractères lires de la graine, j'ai figuré ici les formes de noyaux les plus distincts parmi ceux que j'ai eus à nia disposition ; on voit combien ils diffèrent par la grosseur, la forme, l'épaisseur la saillie des arêtes et la nature de la surface. La forme du noyau n'est pas toujours rigoureusement en corrélation avec celle du fruit : ainsi la prune Washington, qui est sphérique et déprimée au sommet, a un noyau un peu allongé, tandis que la prune Goliath, plus longue, a un noyau qui l'est moins que celui de la prune Washington. Les prunes Victoria de Denyer et Goliath se ressemblent beaucoup mais ont des noyaux fort dissemblables ; inversement, les prunes Harvest et Black Margate, qui ont un aspect très-différent, renferment cependant des noyaux presque identiques.

Les variétés de prunes sont nombreuses et diffèrent grandement les unes des autres par la grosseur, la forme, la qualité et la couleur, car on trouve des prunes jaune-vif, vertes, presque blanches, bleues, pourpres ou rouges. Il existe des variétés très-curieuses, telles que la prune double ou Siamoise, la prune sans noyau, dans laquelle l'amande est logée dans une cavité spacieuse, et entourée directement de la pulpe. Le climat de l'Amérique du Nord parait être tout particulièrement favorable à la production d'excellentes variétés nouvelles ; Downing n'en décrit pas moins de quarante, dont sept de première qualité ont été récemment importées en Angleterre 75. Il apparaît occasionnellement des variétés qui sont tout particulièrement adaptées à certains sols, et cela d'une manière aussi prononcée que pour les espèces naturelles, croissant sur les formations géologiques les plus distinctes ; ainsi en Amérique, la prune Impériale, au contraire de presque toutes les autres variétés, s'accommode à merveille de sols secs et légers, où beaucoup de variétés laissent tomber leur fruit, tandis que, dans un sol riche, elle ne donne que des fruits insipides 7G. Dans un verger sablonneux près de Shrewsbury, le prunier Wine-sour (Vin aigre), n'a jamais pu donner même une récolte moyenne, tandis qu'il produit abondamment dans d'autres parties du même comté, et dans celui d'Yorkshire dont il est originaire. Un de mes parents a aussi essayé en vain de cultiver cette variété dans un district sablonneux du Staffordshire.

M. Rivers 77 a cité un grand nombre de faits intéressants, prouvant que plusieurs variétés peuvent se propager par semis, et transmettre exactement leurs caractères. Il sema environ vingt boisseaux de noyaux de Reine- Claude pour former une pépinière, et observa avec soin toutes les plantes produites, il a constaté que toutes avaient les tiges lisses, les bourgeons saillants, et les feuilles luisantes de la Reine-Claude, mais que, chez la plupart, les feuilles et les épines étaient plus petites. Il y a deux sortes de pruniers de Damas>

75 Gardener's Chronicle, 1859, p. 726. 76 Downing, 0. C, p. 278. 77 Gardener's Chronicle, 1863, p. 27. — Sageret, Pomologie php., p. 345, énumère en France cinq variétés qui se propagent par semis. — Voir aussi Downing, 0. C, p. 303, 312, etc.


[382]

celui du Shropshire à tiges tomenteuses, et celui de Kent à tiges lisses ; ils ne diffèrent d'ailleurs pas sous d'autres rapports ; M. Rivers a semé quelques boisseaux de noyaux du prunier de Kent ; il obtint des plantes à tige lisse, dont les unes portaient des fruits ovales, les autres des fruits ronds, petits sur quelques individus, et, sauf la douceur, très-semblables a ceux du prunellier sauvage. Le même auteur cite encore d'autres exemples frappants d'hérédité ; ainsi il a obtenu par semis quatre-vingt mille plants de la prune Questche d'Allemagne, sans en trouver un présentant la moindre variation. La petite Mirabelle a fourni des faits analogues, et cependant cette forme (aussi bien que la Quetsche du reste), a donné naissance à quelques variétés bien constantes, mais qui, selon M. Rivers, appartiennent toutes au même groupe que la Mirabelle.