Protection de la nature (chapitre 4, Chauvet et Olivier)

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Chapitre 3
La gestion des ressources génétiques
Chauvet et Olivier, La biodiversité, enjeu planétaire, 1993
Chapitre 5
Biodiversité et environnement


Chapitre 4
La protection de la nature


« Comment peut-on acheter ou vendre le ciel ou la chaleur de la terre ? Cette idée nous paraît étrange.

Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l'air ou le scintillement de l'eau, comment pourriez-vous nous l'acheter ?

... Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple, chaque aiguille de pin qui brille, chaque rivage sablonneux, chaque clairière, chaque insecte bourdonnant est sacré dans la pensée et l'expérience de mon peuple.

La sève qui monte dans les arbres porte le souvenir de l'homme rouge.

Nous sommes une partie de cette terre et elle est une partie de nous.

Les fleurs parfumées sont nos sœurs, les chevreuils, le cheval, l'aigle majestueux sont nos frères.

Les hauteurs rocheuses, les prés verdoyants, la chaleur du corps, celle des poneys et celle des hommes, ils font partie de la même famille.

... Ce qui atteint la terre atteint aussi les fils de la terre. Si les hommes crachent sur la terre, ils se salissent eux-mêmes. Car nous savons que la terre n'appartient pas à l'homme, l'homme fait partie de la terre. Cela, nous le savons. Tout est relié comme par le sang qui unit une famille.

Ce n'est pas l'homme qui a fait le tissu de la vie, il n'en est qu'un fil. Ce que vous ferez au tissu, vous le ferez à vous-même.»

Discours du grand Chef Duvamish, Seattle, devant le président Pierce des États-Unis en 1855.


Sommaire


Doit-on dire protection, conservation ou préservation ? La question n'est pas de pure forme. Ces mots quasi synonymes en apparence induisent des stratégies de gestion très différentes suivant les langues, les pays et les groupes qui les emploient, et nous arrivent chargés d'histoire.

Ainsi, la définition proposée par l'UICN pour la conservation de la biodiversité inclut « la préservation, le maintien, l'utilisation durable, la restauration et l'amélioration des éléments constitutifs de la biodiversité ». Dans cette traduction décalquée de l'anglais, le francophone reste perplexe devant la notion d'amélioration (en anglais : enhancement), mais surtout ne comprend pas bien ce que vient faire l'utilisation, fût-elle durable. Quand on assigne un objectif de conservation à un territoire, il est implicite que cela exclut un objectif de production. Si les impératifs de gestion imposent de mettre en place des pratiques comme le fauchage ou le pâturage, ces pratiques restent toujours subordonnées aux impératifs de conservation.

En poursuivant plus loin la réflexion, on constate que le mot préservation n'est guère utilisé en français, et qu'il est aux États-Unis synonyme de protection intégrale. On touche là au nœud du problème. Les États-Unis ont eu un rôle de pionniers en créant les premiers parcs nationaux. Possédant des territoires immenses et peu peuplés, ils ont développé une politique de préservation où toute intervention humaine est exclue, ce qui les a amenés récemment à un cas limite : laisser se propager des incendies naturels dévastateurs. Par contre, ils appellent conservation le fait d'exploiter une forêt en en coupant les arbres, mais en assurant ensuite sa régénération. Pour eux, conserver une forêt signifie pratiquement ne pas la transformer en champs cultivés. La conservation au sens anglo-américain est ainsi ce que nous appellerions une gestion écologiquement rationnelle.

On observe là le poids de l'histoire. En Europe, la quasi-totalité des milieux ont été modelés et utilisés par les populations humaines depuis des millénaires. Les politiques de conservation commencent donc nécessairement par une phase où l'on s'efforce de limiter les pressions anthropiques. Ce n'est qu'avec la récente déprise agricole que l'on commence à souhaiter le maintien de certaines activités agricoles.

Faut-il donc inclure l'utilisation durable dans la définition de la conservation ? Peut-être, mais le risque est alors de diluer cette notion au point de découvrir que tout le monde fait de la conservation, autrement dit personne. A notre avis, autant il est essentiel que toutes les activités humaines soient évaluées en fonction de leur impact sur l'environnement, autant il est souhaitable de garder au mot conservation le sens d'une stratégie de gestion dont l'objectif prioritaire est la qualité biologique des milieux.

A supposer d'ailleurs que l'accord se fasse sur le sens précis à donner à l'utilisation durable, on court le risque d'arriver à un consensus de façade sur les mots, consensus qui masquerait de profondes divergences sur le fond. Il est à cet égard significatif que les négociateurs de la Convention sur la diversité biologique aient finalement renoncé à définir le mot conservation, tant les désaccords persistaient.

Les menaces sur les espèces sauvages

Les menaces qui pèsent sur les espèces sauvages peuvent être directes, en réduisant leurs effectifs, ou indirectes, quand elle s'exercent sur les milieux qui les hébergent. La réflexion doit intégrer ces deux types de menaces, car une politique de conservation des espèces qui négligerait la conservation des milieux serait sans issue, mais une politique ne portant que sur les milieux n'entraîne pas ipso facto la conservation des espèces.

Les menaces directes

La surexploitation pour la consommation directe

Elle concerne les activités traditionnelles de chasse, de piégeage, de pêche et de cueillette. En Europe, et plus particulièrement en Europe méditerranéenne, la quête de nourriture et la nécessité de se vêtir sont probablement responsables de la disparition des grands mammifères herbivores et, en partie par voie de conséquence, des carnassiers.

En Méditerranée, par exemple, la régression dramatique de la faune est le résultat à la fois de la destruction des biotopes et d'une pression de chasse considérable, qui remonte au paléolithique. La faune méditerranéenne des mammifères et des oiseaux n'est aujourd'hui qu'un pâle reflet de ce qu'elle était il y a seulement un siècle ; elle est a fortiori fort éloignée de la richesse et de l'abondance qui la caractérisaient au début de notre ère. A l'exception de certains systèmes insulaires tropicaux (les Caraïbes, par exemple), c'est sans doute cette région biogéographique qui a subi les plus grandes pertes de diversité de toute la biosphère au cours de la période historique, en ce qui concerne les vertébrés supérieurs.

La période historique est malheureusement riche en relations des méfaits des migrations des peuples et des épisodes de colonisation. En Amérique du Nord, l’arrivée des colons européens a contribué à parachever l’action des premiers hommes, venus moins de 10 000 ans auparavant, et à qui était imputable la disparition d’espèces comme le mammouth (Lavoie, 1985). Le nouvel équilibre qui s’était établi fut rompu. Le grand pingouin, le wapiti de l’est et le pigeon migrateur américain furent victimes de la chasse intensive.

L’exemple du bison d’Amérique est dans toutes les mémoires. Exploités depuis longtemps par les Amérindiens pour leur subsistance, le bison d’Amérique comptait plus de soixante millions de têtes avant l’arrivée de l’homme blanc. Les bisons furent systématiquement massacrés au début du xixe siècle, non seulement pour la viande et les peaux, mais surtout pour affamer les populations indiennes afin de les soumettre. Vers 1894, le nombre de bisons atteignait à peine 300.

On évalue à 500 le nombre d’espèces et de sous-espèces d’animaux sauvages disparus d’Amérique du Nord depuis le début du xviie siècle. Ce même phénomène s’est observé sur tous les continents à l’occasion de toutes les phases de colonisation. En fait, tous les continents ont connu leur lot de destructions de la faune et de la flore par l’homme. Ainsi ce n’est que grâce à la réserve de chasse de l’Empereur de Chine que fut sauvé le célèbre cerf du Père David, éteint dans la nature depuis près de 4 000 ans.

La mise en place de réserves de par le « fait des princes » a eu souvent des effets bénéfiques pour la conservation des espèces les plus spectaculaires (réserve de Bialowieza, créée au xviie siècle par le Roi de Pologne pour protéger l’aurochs, qui disparut cependant, et le bison d’Europe qui lui survécut ; réserve de chasse du Grand Paradis qui évita la disparition du bouquetin d’Europe). Ces exemples montrent d'ailleurs que les disparitions d’espèces ne sont pas seulement le fait des hommes de notre siècle. Le même constat peut être fait pour les végétaux. L'exploitation de bois de construction a largement contribué à la disparition des forêts de cèdres du Liban et à celle du cyprès du Tassili. Dans le Sahel, les besoins en bois de feu ont des conséquences dramatiques sur les écosystèmes.

La surexploitation pour la commercialisation

Au-delà de sa consommation personnelle, l’homme s’est attaché très tôt à développer des activités de transformation ou de commercialisation, utilisant les produits et les sous-produits des animaux et des végétaux qu’il chassait ou récoltait dans la nature. Ce type d’activités se perpétue aujourd’hui, entraînant dans certains cas des régressions, voire des disparitions d’espèces. Celles-ci ont pu être constatées dès l’Antiquité. Une ombellifère proche des Ferula, le silphium, utilisée comme panacée par les Romains, a été récoltée jusqu'à l'extinction, en Cyrénaïque, où elle était pourtant abondante. De même, le commerce des fourrures avec l’Europe fut fatal au grand castor canadien.

Aujourd’hui se perpétuent encore de par le monde des activités d’exploitation de la vie sauvage susceptibles de mettre en péril l’existence de certaines espèces déjà en voie de raréfaction. On peut citer :

- les mammifères chassés pour l’ivoire, ou le rhinocéros dont la corne est un objet de superstition ;

- les oiseaux chassés pour leurs plumes (autruches, aigrettes) à des fins vestimentaires ;

- les orchidées dont les bulbes sont récoltés massivement pour la confection d'un féculent, le salep ;

- l’ensemble des plantes à bulbes de l'Est méditerranéen arrachées dans la nature pour confectionner les mélanges dits « sauvages » commercialisés en Europe ;

- nombre de plantes médicinales récoltées pour le marché local ou international.

Le déclin le plus connu du grand public reste celui des cétacés. Depuis le xviiie siècle, l’homme s’est intéressé à une exploitation industrielle de ces mammifères (huile, viande et os). La fin de la marine à voile, l’introduction des canons à harpons, les bateaux-usines permirent d’augmenter le nombre de proies et d’étendre la chasse à d’autres espèces plus rapides. En 1946, devant la régression vertigineuse des effectifs, fut constituée la Commission baleinière internationale, chargée de protéger les stocks et de définir des quotas. Face à la mauvaise volonté de certains pays, la mission de la Commission baleinière n’a pu être qu’imparfaitement assurée. Aujourd’hui le Japon, les pays de l’ex-URSS et la Norvège se refusent toujours à mettre fin définitivement à l’exploitation des cétacés. Pis encore, certains prétendent qu’ils envisagent l’exploitation d’autres espèces de mammifères marins.

La destruction « par ricochet »

L’exploitation intensive peut être à l’origine de la destruction d’autres espèces que celles qui sont commercialisées. La pêche au thon aux États-Unis serait responsable de la mort de près de 1 000 dauphins par an (Lavoie, 1985). Dans le monde, on estime que 500 000 dauphins seraient blessés ou tués par des techniques de pêches non adaptées. L’utilisation des filets dérivants serait responsable de la perte d’un nombre très important d’oiseaux et de mammifères marins. Sur ce point, un protocole international a été élaboré. L’adhésion de tous les pays concernés est loin d’être acquise. En Méditerranée, les gouvernements italien et français ont proposé la création d'un sanctuaire exempt de filets dérivants, entre la Corse et le continent, pour sauver plusieurs espèces de dauphins.

En France, on a pu accuser la cueillette intensive des myrtilles de contribuer à la régression du grand tétras qui s'en nourrit.

Les collectionneurs

Les pays développés participent activement au pillage de la faune et de la flore sauvages par la constitution de collections privées ou publiques. Chez les animaux, tous les groupes sont concernés : mammifères (éléphants, félidés, primates), oiseaux (rapaces, perroquets, perruches), poissons - essentiellement tropicaux -, reptiles et amphibiens, invertébrés (carabes et papillons). Chez les végétaux, toutes les plantes rares ou endémiques font l’objet de collectes, au moins pour la constitution de planches d’herbiers que s’échangent les collectionneurs (les centuries). Cependant, les activités commerciales illicites concernent essentiellement les plantes dites de collection comme les orchidées, les cactées et autres plantes succulentes (euphorbes cactiformes, Asclépiadacées, Composées), les Cycadales et les fougères. Les plantes épiphytes (Broméliacées majoritairement, dont les Tillandsia à la mode depuis quelques années) font aussi l’objet de ramassages dans la nature pour des tonnages importants. Il coûte en effet bien moins cher de récolter de jeunes plants pour les vendre directement ou les faire grossir en pépinière, que de reproduire en culture ces plantes dont on connaît souvent mal la biologie. Les cueilleurs arrivent vite à distinguer les espèces banales des plus rares, qui leur sont mieux payées.

Pour les végétaux, des spécimens de grande taille sont souvent recherchés par des collectionneurs pressés d’obtenir ce qui par la culture demanderait plusieurs dizaines d’années. Dans tous les cas, le gâchis est considérable : moins d’un spécimen sur dix, voire un sur cent arrive à destination en état. Le reste meurt au cours du transport.

La réponse internationale à ces différents trafics a été la mise en place d’une convention internationale sur le commerce d’espèces végétales et animales menacées d’extinction, dite convention CITES ou convention de Washington. Malgré des progrès spectaculaires, ce commerce reste toujours aussi lucratif (entre 5 000 et 15 000 F en moyenne pour des spécimens de végétaux de collection de grande taille) et florissant. On a coutume de désigner Amsterdam comme la plaque tournante de ce trafic pour l’Europe. En fait, la pénétration se fait par toutes les frontières. La France n’est pas plus vertueuse dans ce domaine. Sur la Côte d’Azur, la demande en plantes succulentes et en Cycadales reste forte. Les importations frauduleuses continuent. On a même vu récemment des propositions de Welwitschia, pré-angiosperme rarissime de la Namibie, dont l'importateur se faisait fort de fournir cent spécimens âgés si nécessaire.

La peur et la superstition

Chez les animaux, les prédateurs ont fait l’objet, souvent par ignorance et superstition, d’une élimination systématique de la part de l’homme. Cette pratique se maintient encore, bien qu'il ait été démontré scientifiquement que la présence de tels prédateurs était nécessaire au maintien de l’équilibre et du bon état sanitaire des populations d’animaux sauvages. L’homme y a vu aussi des concurrents, qu’il a systématiquement cherché à éliminer. Concurrents menaçant son bétail ou ses productions agricoles (de là la notion de nuisible souvent basée sur des considérations plus subjectives que réelles), mais aussi concurrent direct dans l’exploitation du milieu naturel. Ainsi, le phoque moine continue encore à être systématiquement éliminé par les pêcheurs de Méditerranée. Très répandu en Méditerranée au début de notre ère, on en dénombre moins de deux cents aujourd’hui (auxquels s’ajoute un nombre un peu supérieur sur la côte de Mauritanie). De même, le béluga était accusé d’être un important prédateur de la morue et du saumon atlantique. La chasse au béluga fut encouragée par le gouvernement du Québec qui versa des primes pour tout béluga tué jusqu’en 1945. Aujourd’hui, la population de bélugas représente le dixième de ce qu’elle était en 1885.

Certains groupes d'êtres vivants comme les serpents ou les chauves-souris suscitent la peur de bon nombre de gens. Si cette peur est parfois justifiée, dans le cas des serpents venimeux par exemple, l'ignorance l'étend au groupe entier. C'est ainsi que couleuvres et orvets peuvent être exterminés en toute bonne conscience.

La destruction des habitats

A quelques exceptions près, l'homme a contribué à modeler l'ensemble des paysages et des écosystèmes d'Europe et de Méditerranée. Il n'existe vraisemblablement pas en France de milieu naturel qui n'ait été transformé par l'action de l'homme depuis le néolithique. Il est possible que l'homme ait causé la perte de certains éléments de biodiversité liés aux forêts primaires post-glaciaires, bien que cette richesse n'ait certainement rien eu à voir avec celle des refuges pléistocènes des forêts tropicales, justement parce que les glaciations ont laminé la biodiversité en Europe.

La France est relativement bien placée en Europe, puisqu'elle héberge près de 80 % des habitats naturels d'intérêt communautaire cités dans l'annexe I de la « directive habitat ». Le niveau de perception de la biodiversité qui est celui des paysages et des écosystèmes présente un intérêt en soi, mais aussi en tant qu'habitat d'espèces. Ces différents ensembles abritent une flore et une faune spécifiques qui leur sont inféodées. Ils sont constitués d'une mosaïque de milieux s'imbriquant dans le cadre d'une ou plusieurs séries dynamiques, progressives ou régressives, ce qui en fait la richesse exceptionnelle.

Si le nombre d'espèces qui ont totalement disparu est très faible en France, cette situation peut vite changer du fait de l'intensité des pressions humaines. Les effectifs de nombreuses espèces se réduisent rapidement, entraînant une érosion génétique et la disparition de nombreux écotypes. Il nous faut donc être vigilants.

Les écosystèmes marins et littoraux

Une mention particulière est à faire pour les deltas, espaces fragiles et menacés tant par les éléments naturels que par les activités humaines (pollution des cours d'eau, consommation d'espace). La France a la chance d'en posséder un : celui de la Camargue.

Les écosystèmes littoraux forment un ensemble qui comprend en mer les écosystèmes benthiques et pélagiques, et sur terre les écosystèmes dunaires et lagunaires.

Ces écosystèmes font aujourd'hui partie des plus menacés en France, ainsi que sur l'ensemble de la Méditerranée. Plus de la moitié du littoral est urbanisé à des degrés divers. Les causes de destruction ou de dénaturation sont aujourd'hui bien identifiées :

- pollution, altération physique, remblayage pour la création d'infrastructures, pour les écosystèmes marins ;

- surpiétinement et destruction pure et simple pour faire place à des systèmes artificialisés consécutifs aux opérations d'aménagement touristique, pour les écosystèmes dunaires ;

- remblayage, drainage ou dénaturation chimique par les déchets agricoles pour les écosystèmes lagunaires.

Les écosystèmes agricoles

L'évolution de l'agriculture a montré que la plupart de nos milieux réputés naturels ont en fait été façonnés par les pratiques agricoles traditionnelles. Ainsi, l'intensification des productions céréalières a entraîné la forte régression des messicoles. Les prairies permanentes, en particulier les prairies inondables, contiennent une flore très riche. Leur intensification par fumure ou resemis, ou leur conversion à la culture du maïs, fait régresser cette flore intéressante.

A l'opposé, l'abandon de pratiques traditionnelles met en péril certains milieux. L'élevage extensif avait modelé nombre de pelouses calcaires, de tourbières..., qui ont tendance à évoluer en forêt en l'absence de pâturage. Les haies, souvent perçues comme inutiles, ont fortement régressé, alors qu'avec les talus qui leur sont associés, elles constituent des refuges d'une avifaune particulière, des micro-mammifères et des lézards.

La déprise agricole pose des problèmes encore plus graves. Les premiers protecteurs croyaient qu'il fallait exclure l'homme des milieux naturels pour favoriser la nature. Dans les conceptions actuelles, on considère plutôt que l'optimum de diversité biologique est obtenu par une structuration de l'espace en mosaïque. C'est pourquoi dans une forêt, un botaniste ou un entomologiste s'intéressera surtout aux clairières.

Les écosystèmes forestiers

Les écosystèmes forestiers sont localement soumis à une pression permanente liée à l'incendie, à laquelle s'ajoutent dans le sud et l'est du bassin méditerranéen les méfaits du surpâturage et d'une surexploitation pour la fourniture de bois de feu. Plusieurs écosystèmes forestiers relictuels sont d'ailleurs menacés de disparition en Méditerranée : il s'agit notamment des formations à sapins méditerranéens du sud et du sud-est du bassin (l'espèce Abies nebrodensis étant réduite à moins de cent individus en Sicile) et des formations de cyprès spontané du sud et de l'est, qui comprennent des races locales comme celle de la forêt de Maktar en Tunisie.

La forêt en tant que milieu n'est pas menacée en France. Il est d'ailleurs difficile de parler de milieu au singulier, alors que la forêt française présente une multitude de variantes, depuis les forêts de plaines jusqu'aux forêts d'altitude, et depuis les forêts thermo-méditerranéennes de type nord-africain jusqu'à celles de certaines zones sub-alpines qui rappellent les contrées les plus septentrionales d'Europe. A l'échelle de l'Europe, la France est certainement le pays qui présente la plus grande diversité forestière. Des divergences dans les objectifs assignés à la gestion existent cependant entre partisans d'une gestion productiviste et partisans d'une gestion patrimoniale. Elles concernent essentiellement des forêts anciennes parfois qualifiées de « primaires », comme les forêts riveraines du Rhin. Mais les idées évoluent vite ; un réseau écologique forestier s'est récemment constitué (Rameau, 1991), et l'Office national des forêts est maintenant sous la co-tutelle des ministères de l'Agriculture et de l'Environnement. Tout cela laisse augurer l'émergence, au moins dans les forêts d'État, d'une politique nouvelle qui, sans négliger les impératifs de production, intégrerait la prise en compte de la biodiversité.

La forêt constitue aussi l'habitat ou le territoire de chasse d'espèces rares ou menacées de disparition. Dans ce cas, il peut s'avérer nécessaire d'intervenir de façon spécifique pour favoriser telle ou telle espèce. Ainsi, pour améliorer la reproduction des tortues d'Hermann dans les Maures, les agents de l'ONF ameublissent le sol dans un certain nombre de zones afin de les rendre propices aux pontes.

Le maintien des rapaces dans un territoire exige le maintien de la productivité en nourriture de ce territoire. En fonction de cette productivité, le territoire de chasse sera plus ou moins grand. Pour les rapaces méditerranéens, toute fermeture du milieu par envahissement par la garrigue, le maquis ou les essences pionnières comme le pin d'Alep, altère grandement la productivité. Pour maintenir un aigle de Bonelli, il est par exemple nécessaire de conserver des mosaïques de pelouses et de buissons bas alternant avec des formations plus hautes, ce qui peut être obtenu par intervention manuelle ou mécanique, mais aussi en maintenant des activités dans la zone.

Intervenir dans les milieux forestiers pour en améliorer la biodiversité ne correspond pas à notre approche culturelle habituelle, qui nous prédispose plutôt à la sacralisation de l'arbre. Si les gestionnaires trouvent normal que des interventions soient réalisées pour corriger les impacts des aménagements (effaroucheurs pour rapaces mis en place sur les pylônes électriques, organisation de passages sous les autoroutes pour décloisonner l'espace, etc.), ils ont quelques réticences à admettre qu'il faille parfois « contrarier le cours de la nature ». En fait, ils oublient souvent que la réduction en superficie de certains écosystèmes, ou la suppression de composants aussi essentiels que les grands herbivores sauvages, sont le fait de l'homme. Il est vrai cependant que le maintien de toute la biodiversité potentielle en un même lieu n'est pas possible : le gestionnaire doit choisir le type de biodiversité qu'il souhaite conserver. L'optimum est souvent obtenu par une gestion des milieux en mosaïque. Ainsi dans les formations forestières, le vieillissement du peuplement favorise une avifaune (autour, pic noir, chouette de Tengmalm) et des coléoptères particuliers (rosalie des Alpes, coléoptères endogés) au détriment de certaines espèces végétales de lumière comme la pivoine. Au-delà des débats idéologiques sur les forêts primitives, la réflexion doit se porter au niveau régional, où l'on peut faire un constat objectif : les forêts anciennes sont rares en France et il convient d'en conserver les représentants existants.

Le problème de l'incendie des forêts méridionales françaises devrait être abordé avec plus de lucidité. Certes, les incendies de forêt ont pu détruire ces dernières années de véritables monuments biologiques comme une partie de la forêt du Dom, qui n'avait pas brûlé depuis plus d'un siècle. Mais dans la plupart des cas, il s'agit d'incendies concernant des formations pionnières (à pin d'Alep par exemple) ou ouvertes comme les chênaies-lièges autrefois entretenues par le parcours ovin. Au-delà du problème de sécurité civile dont il n'est pas question de nier l'importance, le problème des incendies en région méditerranéenne ne pourra être résolu sans une définition préalable des objectifs que l'on assigne à la gestion forestière, qui ne peut se concevoir que sur le long terme, s'accommodant mal des modes et des coups médiatiques. Quoi que l'on fasse, ces forêts garderont des caractéristiques méditerranéennes, à savoir qu'elles souffrent d'un déficit hydrique en été et présentent des caractéristiques particulières du cycle de la matière organique.

Les pelouses sèches

La surexploitation du milieu, et notamment le surpâturage dans le sud de la Méditerranée et le développement de l'agriculture intensive, menace dans leur existence même les pelouses sèches et les écosystèmes steppiques qui se rencontrent à divers étages sur l'ensemble du pourtour méditerranéen.

Les autres pelouses sèches sont très dispersées en France, sous des climats très divers. Depuis trente ans, ces formations ont fortement régressé, essentiellement sous l'effet de l'agriculture intensive. Les conséquences pour l'avifaune très spécialisée qui nichait dans ces habitats sont dramatiques.

L'écosystème steppique de la Crau, qui héberge le fameux ganga, commence à être bien connu, bien qu'il continue à se réduire comme une peau de chagrin. Ce type d'écosystème, chez nous relictuel et en limite septentrionale de son aire, est beaucoup plus développé en Espagne du Sud, qui se trouve être l'unique pays d'Europe de l'Ouest à en présenter des superficies importantes. Ces formations steppiques permettent la conservation d'une avifaune spécifique, parmi laquelle se rencontrent des espèces très menacées. Elles hébergent en plus des espèces nord-africaines dont on rencontre ici les seuls exemplaires européens. Les mesures de gestion proposées restent classiquement le pâturage extensif, particulièrement des ovins. Aujourd'hui ce pâturage extensif peu rentable est fortement menacé de disparition. Il doit faire l'objet de soutiens financiers. Il s'agit par ailleurs de zones pouvant bénéficier des dispositions du fameux article 21 (ex 19) du règlement communautaire.

Les écosystèmes d'eau douce

Ils regroupent les cours d'eau et les zones humides. Celles-ci sont menacées dans leur ensemble par l'abaissement du niveau des nappes phréatiques et les rejets de pesticides et d'engrais. Mares, marécages, prés inondables sont drainés. Ce sont autant de zones indispensables à l'accomplissement des stades larvaires des batraciens qui disparaissent. En France, on estime que ce phénomène se produit à la vitesse de 10 000 à 80 000 hectares par an. Entre 1960 et 1985, 40 % des marais côtiers bretons ont disparu.

La protection des zones humides en France constitue une priorité, car notre pays se trouve sur les grandes voies de migration de l'Europe occidentale. La plupart des habitats de ce type en France figurent d'ailleurs sur les listes d'habitats prioritaires de la directive européenne. Bien que de sérieux efforts soient encore à réaliser, les milieux humides en général font l'objet d'une attention suffisamment soutenue de la part des décideurs pour que l'on puisse lancer un cri d'alarme dans une autre direction : celle des cours d'eau.

Au travers de la mobilisation pour conserver une « Loire vivante », le public français a découvert que ses rivières étaient en voie de « normalisation ». Il s'agit d'un phénomène inquiétant dont les conséquences pour la biodiversité peuvent s'apprécier notamment au travers des poissons.

Il existe dans les cours d’eau de plus en plus d’obstacles rendant difficile voire impossible leur remontée par les poissons migrateurs. Les plus connus sont les barrages hydro-électriques. Mais les ouvrages destinés à régulariser le débit ou à créer des plans d’eau à usage récréatif sont les plus fréquents. Malgré la mise en place d’ouvrages spécialisés, les poissons migrateurs ont de plus en plus de difficultés à atteindre les lieux de frayère.

La reproduction de la plupart des espèces de poissons d’eau douce est directement liée au maintien d’habitats très particuliers : graviers et galets propres pour les salmonidés, existence de feuilles ou de tiges de végétaux en eaux peu profondes pour d’autres, moules d’eau douce pour les bouvières. Les lieux de frai sont aujourd’hui menacés par la pollution, le colmatage par des boues ou des limons, les dragages et extraction de graviers, ou dans d’autres cas, l’assèchement des berges marécageuses des cours d’eau ou des étangs, les variations brusques du niveau des eaux, ou encore l’ennoyage des vallées encaissées par la construction de retenues et de barrages.

Le plus souvent à la charge des collectivités publiques, les cours d’eau et surtout leur berges sont entretenus épisodiquement, par de grands travaux laissant une large part à la mécanisation. De ce fait, les rivières sont de plus en plus calibrées, de manière à en faciliter l’entretien futur. Les berges, rectilignes et peu végétalisées, n’offrent plus alors les abris et lieux de nourriture recherchés par les poissons. La diversité des fonds est elle aussi atteinte. La disparition ou l’appauvrissement des ripisylves a des conséquences sur les apports trophiques dans le cours d’eau, et par voie de conséquence sur sa richesse en invertébrés et donc en poissons.

Les pollutions chimiques

Elles représentent une menace très sérieuse pour la vie sauvage et la biodiversité en général. Les polluants agissent à la fois sur la composition des communautés et sur les effectifs des espèces en modifiant et détruisant les habitats et en agissant directement sur la physiologie des espèces et parfois sur leur patrimoine génétique.

Les pollutions chroniques sont les plus dangereuses car, moins spectaculaires, elles mobilisent moins les médias et l’opinion publique. On a coutume de différencier les pollutions de type physique de celles de type chimique, bien que dans la plupart des cas, différents agents polluants agissent de manière concomitante.

Les pollutions de type physique concernent principalement les milieux aquatiques et se traduisent par l'augmentation de la température et de la turbidité de l'eau.

L'augmentation de la température de l'eau est un phénomène bien connu à l'aval des zones de rejet des centrales thermiques ou nucléaires. Mais des phénomènes identiques peuvent survenir en cas de réduction importante de débit dans les rivières ou de diminution de l'épaisseur de la couche d'eau dans les mares, lacs ou marécages. La conséquence en est dans les deux cas la disparition des poissons d'eau fraîche ou froide, et celle d'espèces et de communautés particulières d'invertébrés ou de végétaux, comme les stations abyssales d'espèces arctico-alpines.

L'augmentation de la turbidité par rejet direct ou par apport de « fines » lors des orages est aussi importante en lac qu'en rivière ou en mer. En Méditerranée par exemple, l'augmentation de la turbidité des eaux par pollution tellurique à proximité des fleuves côtiers a comme conséquence de limiter la pénétration de la lumière solaire et donc de réduire l'extension altitudinale de l'herbier de posidonie.

Les polluants de type chimique peuvent agir à la fois sur les habitats et sur les espèces. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut distinguer comme exemples de polluants altérant la biodiversité : les pesticides, les rejets industriels et les fertilisants chimiques.

Le terme générique de pesticides désigne une gamme de produits essentiellement utilisés dans l’agriculture intensive et comprenant les herbicides, les insecticides, les rodenticides, les acaricides et les fongicides. Leur nocivité pour la biosphère a été notamment portée à l’attention du grand public par le livre de Rachel Carson, Printemps silencieux. Elle citait l’exemple du DDT, dont 3 000 000 de tonnes ont été répandues sur terre de 1947 à 1972 et dont l’accumulation tout au long de la chaîne alimentaire a contaminé jusqu’aux animaux polaires. Progressivement, les pays industrialisés mettent en place des réglementations sévères dans le but d’augmenter la sélectivité des produits et de diminuer leur rémanence. Certains produits interdits d’utilisation en France ou en Europe sont largement utilisés dans les pays du Tiers monde. Ainsi les nématicides, produits extrêmement toxiques, sont interdits en France pour toutes les cultures destinées à la consommation humaine (fruits, légumes, plantes aromatiques, médicinales, cosmétiques). Ils sont cependant encore largement utilisés dans certains pays tropicaux pour la protection des grandes cultures, comme les bananeraies par exemple, qui produisent des fruits réexpédiés dans les pays industrialisés. Le risque dit individuel n’est pas lui aussi à minimiser. Le plus sélectif des produits peut causer des destructions involontaires s’il n’est pas utilisé par des personnes suffisamment formées. Passons sur les pratiques qui consistent à « finir » un appareil chargé de produit herbicide sur le bord du chemin, à doubler les doses de produit « pour que cela soit plus efficace ». Intéressons-nous à un cas concret, celui de la toxine de Bacillus thuringiensis utilisée par exemple dans le traitement contre la chenille processionnaire des pins. Cette toxine (dont l’apparition sur le marché en tant que produit de traitement constitue, disons-le clairement, une avancée manifeste) agit indifféremment sur l’ensemble des chenilles défoliatrices de lépidoptères. La sélectivité est donc double : limitée d’une part aux papillons et d'autre part seulement à ceux qui, au moment du traitement, se trouvent au stade de chenille en période d’ingestion. L’efficacité du produit dépend donc d’une bonne connaissance du cycle du parasite, et sa toxicité pour d’autres espèces de papillons aussi. Or, les traitements étant dans la majorité des cas effectués par hélicoptère ou ULM, c’est l’ensemble de la végétation d’un espace qui est traité, et toute autre espèce de lépidoptère au même stade de développement peut être atteinte. Tout dépend de la compétence technique de celui qui effectue le traitement, et de la date de ce dernier. Aux mois d'octobre-novembre, par exemple, la plupart des lépidoptères méditerranéens sont au stade de nymphose, et ne sont pas touchés.

Dans les zones de culture intensive, les traitements aériens et le ruissellement des eaux tendent à entraîner les pesticides (comme les engrais, d’ailleurs) vers les milieux humides et les nappes phréatiques. Les batraciens sont les premiers vertébrés à souffrir de ce type de pollution. Les poissons et les larves d’amphibiens sont sensibles aux biocides, même à très faibles doses. La contamination suit la chaîne alimentaire pour atteindre les reptiles qui se trouvent à son sommet. Les traitements insecticides pour la démoustication produisent des résultats similaires, d’autant plus que l’apparition d’individus mutants résistant aux doses habituelles oblige à multiplier le nombre de produits utilisés ainsi qu’à augmenter la quantité et la fréquence des traitements.

Les pesticides ne sont pas les seules substances chimiques à avoir un impact écologique. Citons-en un exemple inattendu : les médicaments utilisés contre les parasites du bétail se retrouvent dans les bouses, entraînant la raréfaction des insectes coprophages et empêchant le recyclage des dits excréments.

Les rejets industriels constituent l'une des préoccupations majeures des organisations internationales qui, à travers des normes de plus en plus strictes et une incitation à la mise en place de procédés industriels moins polluants, tendent à faire diminuer l’impact de ce type d’activités humaines sur la biosphère. La CEE en particulier publie régulièrement des directives (n° 87-21 sur l’amiante, 87-219 sur la teneur en soufre de certains combustibles liquides, etc.). Le Rhin a fait partie des fleuves les plus pollués de la planète. Nombre d’usines chimiques déversaient régulièrement et sans traitement ou presque leurs déchets toxiques dans le fleuve. Chacun se souvient de l’incendie des entrepôts de Bâle de la firme Sandoz, qui avait en 1986 gravement pollué le Rhin. Cette catastrophe s’est soldée par le versement de 46 millions de francs à la France en guise de dédommagement. Les activités de l’usine Rohm & Haas de Lauterbourg étaient moins connues du grand public français. En 1988, l’agence de bassin Rhin-Meuse signait avec cette usine un accord visant à diviser par dix la pollution rejetée (100 à 300 kg de déchets toxiques par an en 1988) et par 5 à 8 la pollution organique (12 à 20 tonnes par an en 1988).

Les rejets industriels apportent dans le milieu naturel des produits toxiques et métaux lourds comme le mercure qui agissent directement sur la micro-flore et la faune du sol et des eaux, et indirectement par concentration au fil de la chaîne alimentaire sur les prédateurs et les superprédateurs. Le plomb, additif de certains carburants pour véhicules, fait dans les pays industrialisés l'objet d'une politique active. Il est aussi dispersé dans la nature par le biais des plombs de chasse, responsables de saturnisme chez les oiseaux et leurs consommateurs. Aux États-Unis, Iker (1984) estimait que 2 à 3 millions d’oiseaux aquatiques décédaient chaque année par empoisonnement au plomb, la quantité de plombs de chasse dispersée par an dans la nature dans ce même pays étant estimée à 3 000 tonnes.

L'usage immodéré de fertilisants chimiques, dont les surplus sont véhiculés dans les milieux naturels par le cycle de l'eau, est directement impliqué dans l'altération des communautés aquatiques, mais aussi terrestres, qui occupent des habitats dont l'oligotrophie était la principale caractéristique. Il est cependant à signaler pour les rivières que les apports en phosphore sont souvent majoritairement réalisés à partir de rejets urbains ou industriels. Les communautés d'invertébrés sont les premières à se modifier. Leur composition est d'ailleurs utilisée comme test d'évaluation de la qualité des eaux en hydrobiologie. Ainsi les communautés animales et végétales des « laurons », véritables puits d'eau froide trouant la croûte caillouteuse et les marécages de la Crau, sont en voie d'appauvrissement et de banalisation rapide, conséquence du développement de l'agriculture intensive dans cet espace que l'on cherche par ailleurs à protéger.

Sur terre, des modifications identiques affectent la composition floristique des parcelles concernées. Les plantes nitratophiles majoritairement annuelles supplantent la végétation habituelle. Les orchidées sont particulièrement sensibles à ce type de changement. Les excès d'usage de fertilisants azotés se retrouvent par exemple dans la composition des formations naturelles sur talus, le long de certaines voies rapides ou autoroutières où la végétation herbacée pérenne a beaucoup de mal à s'installer. Sur ces voies prolifèrent des espèces appartenant aux familles botaniques des Chénopodiacées et des Ambrosiacées, dont les pollens sont en grande partie responsables de l'augmentation du nombre d'allergies en France.

Les pluies acides

Elles constituent sans aucun doute l'agent de dépérissement majeur des forêts d'Europe centrale. Des polluants comme le SO2 ou des oxydes d'azote peuvent être impliqués pour expliquer les phénomènes observés en Bavière, en Tchécoslovaquie ou dans l'est de l'Allemagne, où des forêts ont été soumises pendant des décennies aux rejets d'industries archaïques sans équipement de dépollution.

En France, les symptômes de dépérissement observés semblent s'être cantonnés dans l'Est et plus particulièrement dans le Nord-Est (Vosges, Jura). Ils présentent de grandes similitudes avec ceux observés en Europe centrale.

L'action des pluies acides semble par contre se combiner avec les sécheresses rencontrées par le passé (1947, 59, 72, 76): l'action des polluants par vents d'est dominants apportant la pollution d'Europe centrale, comme ce fut le cas en 1976, vient se combiner à celle de l'ozone naturellement plus abondant dans l'air lors des années sèches et ensoleillées, et elle a d'autant plus d'impact qu'elle se porte sur des arbres affaiblis par le stress hydrique. Les dépôts acides de toute origine (pluies, neige et brouillards) ont pu aussi contribuer au lessivage accru des éléments nutritifs présents dans des plantes qui se trouvaient par ailleurs en situation de déficience nutritive, car installées sur des roches mères initialement pauvres.

Les pluies acides sont donc malgré tout à considérer comme un facteur polluant à combattre d'autant plus fortement que, si les hypothèses de changement climatique se précisent, les forêts d'altitude auront à affronter d'autres contraintes.

Les projets d'aménagement

L'argument économique, voire le chantage au chômage, est souvent utilisé pour justifier le maintien d'activités polluantes destructrices de biodiversité. L'approche économique de la nature, lorsque l'étude des différents paramètres aura suffisamment progressé, permettra sans doute de disposer d'arguments plus percutants pour convaincre les décideurs.

Déjà ce type de préoccupation gagne les pays du Sud. Citons à titre d'exemple ce que rapporte Acosta (1992) au sujet de la réserve de « production faunistique » de Cuyabeno, localisée en Amazonie équatorienne et grandement menacée par des activités de surexploitation pétrolière. La comptabilité patrimoniale réalisée sur le site, intégrant les solutions alternatives possibles, permet d'émettre quelques doutes sur la rentabilité économique réelle de l'exploitation dans les conditions où elle est menée actuellement.

De telles interrogations devraient se généraliser dans les années à venir, dans la mesure où le citoyen est en droit de se demander non seulement ce que l'État et les collectivités locales font de l'argent public, mais encore ce qui est fait avec les délégations qu'il donne aux hommes politiques par son bulletin de vote. Beaucoup de projets polluants ou destructeurs de biodiversité n'auraient aucune raison de voir le jour, dans la mesure où ils ne seront jamais rentables, ce que leurs promoteurs savent parfaitement. Il s'agit de projets qui seront en permanence « sous perfusion d'argent public », faute de quoi ils déposeraient leur bilan. L'État n'a pas le privilège de tel projets, bien qu'il ait à son actif de belles réalisations comme celle de l'usine sidérurgique de la Solmer à Fos-sur-mer, près de Marseille, créée de toutes pièces dans les années 1970, entre la Crau et la Camargue, avec toutes les infrastructures nécessaires, très loin des bassins sidérurgiques traditionnels, qui plus est dans un contexte de crise internationale prévisible, et tout ceci, bilan écologique en plus, pour être fermée une quinzaine d'années après. La décentralisation a permis aux collectivités locales de rivaliser avec l'État dans ce domaine. Ainsi sont nés les golfs « dix-neuf trous », dont le dix-neuvième trou est celui de leur budget de fonctionnement, régulièrement comblé par les finances communales. Ainsi sont nés aussi d'ambitieux projets de ports de plaisance et de zones d'activités portuaires dans les Côtes d'Armor, dont on peut prédire sans se tromper qu'ils finiront à la charge du contribuable de ces communes et du département. Comment instaurer un débat responsable et non passionnel au sujet de la protection de la nature en France, alors que le citoyen est ainsi floué ?

L'impact des espèces introduites

Lors de ses migrations, l'homme a toujours transporté avec lui, volontairement ou non, animaux et plantes qu'il a introduits dans les espaces qu'il colonisait.

Si elles ont été accentuées par les déplacements de l'homme et facilitées par les moyens de transport modernes, les migrations d'espèces n'ont en fait pas cessé depuis l'origine de la vie sur terre. Ce n'est donc pas un phénomène récent, et il serait vain de chercher à s'en prémunir de façon absolue.

Dans la plupart des cas, les espèces introduites sont incapables de coloniser de nouveaux milieux. En l'absence de processus d'introduction continuelle ou d'action humaine spécifique, ces espèces disparaissent. C'est le cas de la flore des lavoirs à laine des ports de la Méditerranée (Marseille, Sète), qui ne s'est maintenue dans les environs que le temps des importations.

Dans d'autres cas, l'espèce a pu se maintenir à la faveur d'une niche plus ou moins vacante, ou encore s'installer dans une niche déjà occupée par des espèces indigènes, mais moins compétitives, au point de contribuer à leur disparition. Ce phènomène a été particulièrement dramatique dans les îles anciennes, qui hébergeaient une flore et une faune fortement endémiques. Ainsi 60% des espèces terrestres d'oiseaux des îles Hawaï ont disparu suite à l'introduction de prédateurs. Plus de 250 espèces introduites menacent aujourd'hui la flore et la faune des îles Galapagos. Des inquiétudes semblables existent pour l'île de la Réunion.

En France métropolitaine, bien que les arrivées d'espèces nouvelles soient continuelles, aucune situation grave au niveau national n'a encore été observée, bien que des situations préoccupantes existent localement, nécessitant un suivi scientifique (l'algue Caulerpa taxifolia en Méditerranée, par exemple). Malgré tout, la vigilance s'impose dans la mesure où, régionalement, des problèmes de diminution d'effectifs d'espèces indigènes sont constatés. Ainsi, l’introduction de la truite arc-en-ciel dans certains lacs pyrénéens a-t-elle provoqué la régression de l’euprocte des Pyrénées, espèce endémique dont les larves sont consommées par la truite. Chez les végétaux, la composée américaine Baccharis halimifolia, introduite des États-Unis à des fins ornementales vers le milieu du xixe siècle, tend à devenir envahissante sur le littoral atlantique, où elle forme des buissons denses qui étouffent la végétation spontanée. De même, Buddleia davidii envahit des torrents dans le Sud-Ouest.

La pression touristique et l'accès à la nature

L'accès à la nature est souvent considéré comme un droit, dont nos sociétés démocratiques veillent à favoriser l'exercice. L'accueil du public est une des fonctions officielles des Parcs nationaux. On le conçoit également comme une source d'activités économiques dans des régions qui en sont démunies.

L'expérience montre que nombre d'écosystèmes fragiles ne résistent pas à une fréquentation même moyenne. Le piétinement des dunes littorales par les promeneurs, ou la destruction du tapis de mousses des sous-bois par les motos vertes en sont de bons exemples. Même en prenant toutes les précautions, la surfréquentation a des effets dévastateurs. Certains sentiers de randonnée dans les Parcs nationaux ressemblent ainsi aux drailles que laissaient les troupeaux transhumants. Des réserves africaines offrent le spectacle d'un lacis de pistes créées spontanément par les milliers de véhicules qui les sillonnent à longueur d'année.

Les gestionnaires ont donc été amenés à prendre des mesures pour en contrôler ou en limiter l'accès. Une mesure simple comme l'interdiction aux automobiles suffit souvent. Mais il est difficile d'interdire l'accès à des sites prestigieux comme la pointe du Raz. La solution trouvée pour protéger le site culturel unique de la grotte de Lascaux a été de construire une deuxième grotte artificielle à côté. Il faudra bien se résoudre à limiter l'accès à des sites particulièrement réduits et fragiles, et cesser de considérer que la fonction première d'un parc est de favoriser l'accès du public. Il y a suffisamment de « nature ordinaire » à observer en France pour soulager la pression sur les sites les plus précieux. Après tout, personne ne revendique l'accès le plus large aux manuscrits et incunables de la Bibliothèque nationale sous prétexte de démocratisation de la lecture.

La protection des espèces

La protection réglementaire des espèces animales et végétales en France est basée sur la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, aujourd'hui intégrée avec ses décrets d'application dans le Code rural (Livre II). Trois statuts de protection différents sont prévus.

Le statut de protection intégrale s'applique aux spécimens sauvages des espèces les plus menacées. Pour les plantes, sont interdits la destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette, le transport, le colportage, l'utilisation, la mise en vente, la vente et l'achat. Pour les animaux, la destruction, la mutilation, la capture ou, que les animaux soient vivants ou morts, le transport, le colportage, l'utilisation, la mise en vente, la vente et l'achat. Seuls les prélèvements à des fins scientifiques peuvent être autorisés par le ministre de l'Environnement. Les listes d'espèces ainsi protégées sont publiées par arrêtés. Pour les plantes, une liste nationale de 400 espèces est progressivement complétée par des listes régionales. Pour les animaux, ces mesures portent en particulier sur tous les amphibiens, toutes les chauves-souris, 240 espèces d'oiseaux, 26 de papillons...

Le statut de protection partielle soumet à autorisation la production, la détention, la cession, l'utilisation, le transport, l'introduction, l'importation, l'exportation et la réexportation. Ce statut concerne 35 plantes au niveau national, dont certaines plantes médicinales, et de nombreux vertébrés.

Le régime de réglementation préfectorale temporaire permet aux préfets de prendre des mesures adaptées aux conditions locales pour des espèces dont la liste est fixée par arrêté national. Elle concerne des espèces qui, sans être rares, peuvent faire l'objet d'un ramassage abusif, comme tous les champignons sauvages, tous les Vaccinium (airelles et myrtilles) et les escargots. L'arrêté du 13 octobre 1989 a étendu ce régime à une cinquantaine d'espèces végétales communes mais susceptibles de faire l'objet d'une exploitation massive, parmi lesquelles plusieurs plantes médicinales ou aromatiques.

La parution au Journal officiel d'une liste de noms latins, si elle satisfait certains naturalistes, ne suffit certainement pas à la protection des espèces. Il faut d'ailleurs préciser que les « opérations d'exploitation courante sur les parcelles habituellement cultivées » sont exclues du champ d'application de la loi. Ces mesures permettent néanmoins aux préfets de prendre des arrêtés de biotope, qui protègent les espèces contre la destruction de leur milieu.

L'interdiction de la commercialisation de plantes posait le problème de la distinction entre spécimens sauvages et cultivés. Une centaine d'espèces sont en effet cultivées tout en gardant une apparence sauvage, et cette culture doit être encouragée précisément pour diminuer et rendre inutiles les prélèvements dans la nature. L'arrêté du 12 octobre 1987 a donc prévu un système d'enregistrement et d'étiquetage des spécimens issus de culture.

Le monde végétal

Avec environ 4 700 espèces supérieures (plantes à fleurs et fougères au sens large) la France héberge près de 40% de la flore de l'Europe communautaire, ce qui la situe au quatrième rang, assez proche de la Grèce ou de l'Espagne. La France héberge 21 % des espèces d'intérêt communautaire figurant dans l'annexe II de la directive habitat.

La flore française est l'expression de la diversité des influences biogéographiques et des conditions de milieu très variées que l'on rencontre dans ce pays. Du point de vue phyto-écologique, pas moins de 14 grandes régions ont pu être distinguées en métropole par les phytogéographes (Dupias et al., 1985) : massif schisteux rhénan, Bassin parisien et vallée de la Loire, Vosges, Massif armoricain, Jura, bassins du Rhône et de la Saône, Alpes, région méditerranéenne, Massif central, Bassin aquitain, région landaise, Pyrénées, Corse.

La richesse en espèces et l'originalité des groupements que ces espèces forment entre elles, sont l'expression directe de la diversité des conditions de sol et de climat.

La richesse floristique de la France peut s'apprécier à travers l'endémisme, qui concerne environ 150 espèces de plantes exclusivement françaises pour la métropole, et près de 500 espèces si l'on intègre des espèces endémiques à l'échelle d'une région naturelle bien délimitée intégrant une partie du territoire français. L'endémisme est essentiellement concentré en région méditerranéenne (Corse, Alpes-Maritimes, Pyrénées-Orientales...), dans les zones de montagne (Alpes et Pyrénées) et secondairement sur le littoral atlantique. La Corse héberge à elle seule environ 270 espèces de plantes supérieures endémiques (au sens large).

En ce qui concerne la flore non vasculaire, on estime que la France héberge environ 3 000 espèces de lichens, 4 500 espèces d'algues d'eau douce, 2 000 espèces de mousses et 5 000 espèces de champignons. La répartition de cette flore non vasculaire est actuellement mal connue, pour des raisons qui tiennent soit au manque de spécialistes et en conséquence de données (lichens, algues et mousses), soit au caractère aléatoire de l'apparition des espèces en ce qui concerne les champignons. Les bactéries et les autres micro-organismes sont par ailleurs considérés comme indénombrables.

On estime à 40 le nombre de végétaux vasculaires disparus depuis le début du siècle, dont 12 endémiques. Sept de ces espèces sont des messicoles ou des adventices des cultures, dont deux étaient inféodées à la culture du lin (Lolium remotum et Silene linicola). Figurent aussi parmi ces plantes disparues des tulipes endémiques de Savoie. Dans beaucoup de cas, des actions humaines précises et datées sont à l'origine de la disparition. La dernière disparition en date est celle du statice de Duby (Limonium bellidifolium subsp. dubyi) disparu sous les bulldozers qui ont dévasté la rive occidentale du lac d'Hossegor. Dans le cas d'une violette (Viola cryana), la plante mal conservée en jardin botanique s'est hybridée avec d'autres violettes et a fini par disparaître.

Sur les 4 700 espèces que compte la flore française, près de 500 sont aujourd'hui menacées et un nombre identique nécessite une surveillance régulière de l'évolution de leurs populations. L'essentiel de ces espèces menacées se rencontre sur le littoral, dans les zones humides, dans les moissons et dans la périphérie des grandes agglomérations qui ne cessent de s'étendre.

Le sauvetage : une entreprise complexe

L'exemple du narcisse des Glénans éclaire bien l'enchaînement des problèmes que l'on peut rencontrer quand on veut sauver une espèce. Créée en 1974 à l'initiative de la Société d'étude et de protection de la nature en Bretagne, la réserve de Saint-Nicolas des Glénans avait pour principal objet de protéger le narcisse des Glénans (Narcissus triandrus subsp. capax), narcisse endémique protégé mais menacé par le piétinement des touristes et la cueillette des bulbes par des bulbiculteurs. Une clôture de châtaignier fut implantée pour protéger la population dunaire. Le résultat ne s'est pas fait attendre, avec le développement d'une végétation arbustive à base de fougère aigle, de genêt à balais et de ronces. Entre 1974 et 1984, l'absence de suivi entraînait une fermeture généralisée du milieu, au point que seuls quelques milliers de pieds résistaient sur la réserve. Les observations (carrés permanents) et les essais réalisés par le Conservatoire botanique national de Brest confirmaient la nécessité du débroussaillement. Aujourd'hui cette opération est régulièrement réalisée. Elle a permis un accroissement régulier du nombre des individus. La mise en place d'un pâturage permanent utilisant le mouton d'Ouessant (race elle-même menacée) est actuellement tentée. De même, divers essais sont réalisés, comme le grattage de l'épaisse litière organique empêchant la germination des graines qui sont produites en nombre chaque année. On constate aussi une concurrence interspécifique avec une autre plante à bulbe, la jacinthe Hyacinthoides non-scripta, dont la dynamique reste à comprendre.

Sur les îlots voisins, le problème vient des populations de goélands, dont les déjections et le piétinement favorisent d'autres espèces, comme Beta maritima et Lavatera arborea. Le narcisse tend alors à disparaître (Bioret et Malengreau, 1989). On voit par cet exemple, qui est loin d'être unique, que l'approche thématique initiale qui consiste à protéger une espèce cible s'élargit peu à peu sous la pression des faits, et que le gestionnaire est amené à gérer globalement un écosystème, et pour cela à bien en connaître le fonctionnement.

Nombre de plantes menacées dépendent en tout cas du maintien de milieux ouverts par le pâturage. On le constate en des lieux très divers, comme les prairies alpines avec la reine des Alpes (Eryngium alpinum) et les landes bretonnes avec son cousin Eryngium viviparum.

Il arrive que dans des cas extrêmes on doive recourir à la multiplication ex situ avant une réintroduction. C'est ce qui a été réussi avec le bois de senteur blanc (Ruizia cordata) dans l'île de la Réunion. Victime de la déforestation et de la surexploitation du milieu, Ruizia cordata se trouvait au bord de l'extinction. Ce genre endémique et monospécifique de la zone sèche de basse altitude de la Réunion n'était plus représenté en 1988 que par deux spécimens dans la nature et par cinq spécimens en culture, dont un individu mâle et un individu femelle conservés au Conservatoire botanique national de Brest, et provenant de deux boutures prélevées dans des ravines différentes de l'île. Le Conservatoire botanique de Brest réussit, par fécondation artificielle, à obtenir plusieurs milliers de graines et enfin 2 000 plants. Une partie de ces plants a été diffusée dans des jardins de l'île de la Réunion où cette espèce se maintient avec succès. L'autre partie a été implantée dans les falaises d'origine, grâce à l'aide d'alpinistes locaux, et les plantes semblent se maintenir de façon satisfaisante. Entre temps, quelques autres individus avaient été retrouvés dans la nature par la Conservatoire botanique de Mascarin. On a là un cas limite, et seul l'avenir dira si la diversité génétique contenue dans ces quelques individus est suffisante pour assurer la survie de l'espèce.

Dans le cas de Limonium dendroides, statice menacée des Canaries, la culture in vitro a permis la multiplication des quelques individus subsistants. On dispose maintenant de plusieurs dizaines de plants, mais il faut rappeler que ce procédé donne des clones, ce qui éloigne le risque de perte des individus, mais n'élargit pas la diversité génétique disponible.

Les messicoles

Le grand public s'est ému de la disparition du bleuet (Centaurea cyanus) de nos champs. Favori des bouquets d'antan, le bleuet est perçu comme un élément de notre patrimoine. Il symbolise même le champ cultivé dans les cérémonies du souvenir de nos soldats « fauchés comme les blés ». Il faut cependant préciser que le bleuet, caractéristique des champs calcaires, n'était pas présent partout en France. Si sa raréfaction est certaine, il n'est pas pour l'instant menacé de disparition. Au niveau européen, il était encore fréquent en Europe de l'Est, du fait de l'archaïsme de l'agriculture, mais la situation va changer rapidement. Le bleuet n'en reste pas moins un bon porte-drapeau des messicoles, dont bien d'autres espèces sont plus menacées que lui.

Au sens strict, les messicoles sont des plantes qui poussent dans les moissons, autrement dit les champs de céréales. Mais on l'applique souvent à l'ensemble des plantes adventices des cultures. Ces plantes ont des caractéristiques biologiques très particulières. La plupart sont annuelles, les plantes pérennes étant défavorisées par les labours. Certaines d'entre elles ont évolué depuis des millénaires en échappant aux pratiques culturales, et sont devenues des « plantes mimantes » : elles germaient en même temps que la céréale, atteignaient la même hauteur, donnaient des graines de même taille et au même moment. L'agriculteur était donc contraint de les cultiver malgré lui. D'autres types biologiques comme les plantes à bulbes ont été favorisés par les labours, en particulier dans les vignes ; en effet, un bulbe qui se retrouve la tête en bas peut repartir avec moins de problème qu'une plante à racine pivotante, et les bulbilles sont disséminés par les labours.

La situation a commencé à changer au début du siècle avec le tri des semences et l'achat de semences du commerce. La généralisation de l'usage des herbicides a porté un coup fatal à nombre de messicoles, mais des pratiques telles que le déchaumage précoce ont aussi contribué à la raréfaction d'espèces dont la stratégie adaptative était de fleurir et fructifier après la moisson.

Il est certes difficile de plaider pour le maintien dans les récoltes de graines toxiques. Le paradoxe est que beaucoup de ces espèces n'étaient pas très gênantes et n'ont pu s'adapter, alors que de nouvelles espèces sont devenues de redoutables fléaux. La sélectivité accrue des herbicides a favorisé la prolifération d'espèces botaniquement proches des formes cultivées, comme Agrostis spica-venti et Avena fatua dans les céréales. Certaines d'entre elles ont vu leur diversité génétique réduite, mais aussi l'apparition d'écotypes envahissants, voire résistants à l'herbicide. Par ailleurs, la présence de champs nus une partie de l'année peut poser des problèmes de lessivage des nitrates et d'érosion, sans parler de la micro-faune et de la micro-flore du sol. Il n'est pas interdit d'espérer que les études sur l'écologie des champs cultivés permettent un jour de réhabiliter des pratiques plus douces fondées sur l'assolement classique.

En attendant, que pouvons-nous faire pour protéger les messicoles ? Poussant dans des parcelles cultivées, elles ne sont pas couvertes par les règlements protégeant les espèces. Mais surtout, elles ont besoin du maintien d'une forme d'agriculture. Il faudra donc passer par des essais destinés à mettre au point des techniques qui auraient des effets équivalents aux pratiques traditionnelles, et les proposer par exemple à des agriculteurs biologiques, ou trouver des créneaux où le rendement et la pureté des récoltes ne soient pas contraignants, comme les cultures pour le gibier, les écomusées et musées d'agriculture. Des viticulteurs pourraient se donner une image de marque particulière en précisant que leur vin provient de vignes où poussent de l'ail des vignes et des dames-d'onze-heures (Ornithogalum umbellatum). Il y faudra de l'imagination.

Mais la conservation des adventices n'obéit pas uniquement à des objectifs éthiques ou esthétiques. Le maintien de champs « infestés de mauvaises herbes » dans les zones de diversité de ces dernières est une garantie du maintien du polymorphisme des pathogènes et des ravageurs qui les attaquent. L'efficacité de la lutte biologique à long terme en dépend. Cette conservation pourra poser des problèmes d'organisation, car les groupes intéressés à la conservation sont souvent très éloignés des lieux où cette conservation doit se réaliser. La lutte contre Chondrilla juncea est ainsi une priorité pour l'Australie, alors que la diversité de la plante et de ses pathogènes se trouve en Méditerranée.

Les parents sauvages des plantes cultivées

Si les espèces sauvages en général constituent un patrimoine génétique précieux pour l'avenir, cela est particulièrement vrai pour les plantes sauvages apparentées aux plantes cultivées. Les outils de la biologie moderne permettent de recourir aux formes sauvages de la même espèce biologique que la plante cultivée (son ancêtre direct) pour introduire des gènes intéressants, mais aussi aux espèces voisines (les « cousins »), à toutes les espèces d'un même genre, voire d'une tribu ou d'une famille botanique. Pour améliorer le colza (Brassica napus) ou le chou (Brassica oleracea), on cherche actuellement des caractères de stérilité mâle ou de résistance aux maladies aussi bien dans des radis (Raphanus sativus), des moutardes (Brassica nigra), que dans le Diplotaxis muralis ou des Thlaspi.

La conservation des parents sauvages d'espèces cultivées constitue l'une des recommandations majeures des organisations internationales qui se préoccupent de ressources génétiques (Hoyt, 1992 ; Conseil de l'Europe, 1991). La France est particulièrement bien pourvue dans ce domaine puisqu'elle possède des parents sauvages pour toutes les espèces cultivées originaires d'Europe et de la Méditerranée nord-occidentale (tableau xv). Actuellement, des interrogations existent sur le niveau réel de protection dont bénéficient ces espèces en France. Certes, toutes les populations sauvages concernées ne sont pas, à l'heure actuelle, menacées. Mais de profonds bouleversements peuvent cependant affecter les milieux naturels dans les années à venir, notamment sur le littoral, et en conséquence amputer définitivement les espèces d'une part importante de leur variabilité. Ce propos sera illustré par un rapide examen de quatre groupes d'espèces.

Les betteraves (Beta)

Actuellement, la stérilité mâle utilisée dans les cultivars européens de betterave sucrière provient d'une population sauvage de Beta maritima de la baie de Saint-Nazaire. Cette espèce est présente sur toutes les côtes françaises, et affectionne les zones humides plus ou moins saumâtres et les arrières-dunes. D'autres populations présentent des individus mâles-stériles, qui pourraient se révéler intéressants. Sur l'ensemble de son aire française, Beta maritima n'est pas menacée de disparition. Par contre, dans certains départements méditerranéens, l'espèce a considérablement régressé : c'est le cas du Var et des Alpes Maritimes.

Les chiendents du littoral (Agropyron)

Dans ce genre complexe, l'espèce présentant à l'heure actuelle le plus grand intérêt est certainement Agropyron elongatum des terres et marécages plus ou moins salés du littoral méditerranéen et de la Corse, qui possède notamment des gènes de résistance à certaines viroses des blés cultivés. Agropyron elongatum a fortement régressé, même si certaines populations font l'objet de mesures de protection comme en Camargue. La protection de ce taxon paraît donc à l'heure actuelle insuffisamment assurée.

Les pruniers sauvages (genre Prunus)

Ils sont représentés en France par de nombreuses espèces indigènes ou de naturalisation ancienne qui appartiennent toutes, peu ou prou, au pool génétique des Rosacées arborescentes fruitières à noyau (ou de leurs porte-greffes). Les espèces spontanées sont pour la plupart des espèces forestières, de ripisylves ou de haies. Certaines, comme Prunus mahaleb ou Prunus padus, sont assez largement répandues. Les connaissances à leur sujet demandent cependant à être complétées et approfondies. Dans le cas du marmottier Prunus brigantina, endémique des Alpes du Sud et qui fournit un porte-greffe de l'abricotier, les inventaires ont montré l'existence d'une variabilité morphologique et écologique importante. Cette espèce n'est pas menacée à l'heure actuelle, mais ne bénéficie d'aucune mesure de protection spécifique.

Le chou sauvage (Brassica)

A ce genre sont rattachées de nombreuses espèces ou sous-espèces spontanées en France et en Corse, qui se rencontrent dans la nature essentiellement en tant qu'espèces rupestres ou chasmophytes, mais aussi en bord de chemin. A l'heure actuelle, les différents taxons se protègent généralement d'eux-mêmes, étant situés sur des falaises peu accessibles. Mais la faiblesse de leurs populations nous conduit à une grande vigilance. La France assume là une responsabilité particulière. Il est à noter que les Conservatoires botaniques nationaux assurent déjà la préservation ex situ de cette espèce.

Au niveau international, la préoccupation est assez récente, et c'est un peu par hasard que la Réserve de biosphère des monts Tchaktal, près de Och en Kirghizie, conserve des parents sauvages d'arbres fruitiers (noyer, pommier, poirier, certains Prunus). Mais la prise de conscience est rapide, comme en témoigne la Réserve de biosphère de la Sierra de Manantlán au Mexique, première réserve à avoir été créée spécifiquement en 1988 pour préserver les trois seules stations connues de l'ancêtre sauvage du maïs, le téosinte Zea diploperennis (Hoyt, 1992). L'IPGRI a défini dès 1984 des priorités qui portent surtout sur des plantes qu'il est difficile de conserver ex situ (tableau xvi). Le Conseil de l'Europe a également entamé une réflexion sur ce thème, qui devrait ainsi s'ajouter aux objectifs de protection de la nature dans le monde entier (Conseil de l'Europe, 1991a).

Le monde animal

La diversité de la faune française de métropole peut être appréciée à travers le nombre d'espèces recensées par grands groupes taxinomiques. Même si ces données sont sujettes à discussion suivant les conceptions adoptées par leurs auteurs, on peut retenir les ordres de grandeur suivants (source : Secrétariat de la faune et de la flore) : les vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons) regroupent environ 520 espèces, alors que les invertébrés (insectes, crustacés, arachnides, mollusques, etc.) en regroupent 50 à 70 000, soit 10 fois plus.

Le nombre d'espèces, la complexité du sujet, ajoutés au manque dramatique de spécialistes en France, font que le monde des invertébrés est peu connu. De ce fait, il est impossible de réaliser un panorama général de ces groupes d'animaux qui ont pourtant un rôle biologique et une importance économique de premier plan si l'on se place d'un point de vue anthropocentrique.

L'intérêt de la faune française pour la biodiversité peut s'apprécier par la richesse en espèces endémiques (cf. tableau xvii pour les vertébrés).

La biodiversité des vertébrés présente en France peut aussi s'apprécier en comparaison avec les contrées voisines. La référence communautaire est de loin la plus logique, puisqu'elle constitue déjà une approche synthétique du problème. Ainsi la France abrite plus de 40 % des espèces de vertébrés d'intérêt communautaire (citées dans l'annexe II de la directive habitat). Globalement, pour l'ensemble des espèces animales, la France se retrouve pratiquement au même niveau de diversité que l'Italie, l'Espagne ou la Grèce (cette dernière étant déjà représentative de la partie orientale de la Méditerranée). Toujours à partir des seuls vertébrés, on peut apprécier le degré de menace de cette biodiversité et les mesures de protection réglementaires dont ils bénéficient sur le plan national (tableau xviii).

La gestion des espèces

Les modifications des activités humaines peuvent avoir des conséquences rapides sur les populations de certains animaux. Les oiseaux migrateurs en offrent de nombreux exemples. Ainsi, l'oie rieuse a disparu de France, où elle hivernait en masse dans les marais de Vilaine et du Mont-Saint-Michel. Il semble que les populations se soient déplacées vers les Pays-Bas, qui ont mis en place un important programme de protection.

Le fuligule morillon et le fuligule milouin se sont progressivement établis en Europe, à la suite du dessèchement des lacs d'Asie centrale. Leur expansion a été favorisée par la multiplication des plans d'eau artificiels.

Deux espèces de goélands se sont mises à proliférer grâce à la nourriture qu'ils trouvent sur les dépôts d'ordures. Alors que le goéland argenté ne se reproduisait auparavant qu'en Bretagne et le goéland leucophée au sud de la France, leurs aires de reproduction se chevauchent maintenant.

Le pinson du nord, consommateur de faines, hiverne maintenant en Aquitaine, où il se nourrit de maïs. Il en est de même du pigeon ramier, qui colonise aussi les villes.

D'autres animaux sont perçus par l'homme comme des concurrents. C'est le cas général des prédateurs, considérés comme nuisibles depuis des siècles. Les conflits peuvent aussi porter sur l'aménagement de l'espace. Par exemple, le rat musqué originaire d'Amérique du Nord et le ragondin d'Amérique du Sud ont été introduits au début du siècle pour la production de fourrure. Ils se sont progressivement répandus en Europe. Les galeries qu'ils creusent dans les berges causent de nombreux problèmes. Quant au castor, espèce autochtone qui avait quasiment disparu, il occupe actuellement le bassin du Rhône et une dizaine de départements où il a été réintroduit. Les débats auxquels donnent lieu ces rongeurs montrent la difficulté que l'homme a à accepter la concurrence d'une autre espèce pour « aménager » les rivières.

Quelques exemples d'actions de sauvetage

Plusieurs centres de sauvetage et de reproduction des tortues terrestres et aquatiques sont en cours de constitution en Italie, en Espagne, en Grèce et bien entendu en France (Maures et Corse). L'action de ces centres est en passe d'être coordonnée par l'intermédiaire du projet européen Carapax. Les plus avancés sont le Centro Visite Carapax dans la localité La Venetta à Massa Marittime (Italie) et le « village des tortues » de la Station d'observation et de protection des tortues des Maures (SOPTOM).

Les activités de ces deux centres sont à peu près similaires. Elles concernent essentiellement la tortue de Hermann, la tortue grecque et la cistude. Elles comprennent :

- la récupération de tortues pour la reproduction (animaux donnés par des particuliers, trouvés malades ou blessés) ;

- la mise en quarantaine des animaux recueillis et la fourniture de soins (comme la réparation des carapaces endommagées par des rustines en polyester ou la mise en maison chaude pour traiter les tortues grecques atteintes de bronchite virale) ;

- la mise en enclos de reproduction, pour accouplement, puis la mise en écloserie des femelles pour la ponte, avec éventuellement utilisation d'un incubateur artificiel ;

- la conservation en terrarium d'hiver pour les juvéniles ;

- la mise en enclos d'adaptation ;

- la réintroduction dans la nature dans des lieux appropriés.

La conservation des populations d'espèces animales requiert souvent la mise en place de mesures de gestion actives de leur habitat. L'exemple des flamants roses est à citer pour illustrer ce propos. La Camargue est le seul lieu de Méditerranée occidentale où le flamant niche toutes les années (une année sur deux en Andalousie et une année sur cinq en Tunisie).

En Camargue, les conditions de reproduction sont beaucoup plus stables, dans la mesure où l'eau est maintenue artificiellement dans le salin où a été installé un îlot pour la reproduction, dont le terrain est spécialement aménagé pour recevoir les pontes, à l'abri des différents prédateurs et perturbateurs (dont l'homme).

Le résultat de cette opération est tout à fait spectaculaire : cet îlot de Camargue assure pratiquement à lui seul le maintien des effectifs de flamants pour la Méditerranée occidentale.

Cette réalisation qui doit beaucoup à la personnalité d'Alan Johnson, mais aussi au Parc naturel régional de Camargue, à la Société des Salins du Midi, au WWF et à la station de la Tour du Valat, montre que dans le contexte généralisé de réduction de la surface et de la diversité des espaces naturels, le gestionnaire doit définir ses choix dans une perspective régionale (au sens des régions naturelles). Dans certains cas, il sera amené à spécialiser un milieu pour privilégier l'accroissement des effectifs d'une espèce qui se trouverait grandement menacée ailleurs.

Les associations spécialisées

En France le mouvement associatif s'est investi dans tous les domaines concernant l'étude, l'inventaire ou la préservation de la biodiversité. Beaucoup d'initiatives concernent le niveau local ou régional. Il existe aussi des associations nationales qui fonctionnent en général sous forme de fédérations de comités implantés localement ou de réseaux spécialisés. C'est le cas de France-Nature-Environnement, qui traite de protection de la nature en général, du Centre de recherche sur la biologie des populations d'oiseaux (CRBPO), de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ou du Fonds d'intervention pour les rapaces (FIR). C'est ce dernier organisme qui nous servira à illustrer l'action menée par ces associations dans le domaine de la conservation de la biodiversité.

Le FIR est une association loi 1901, agréée en tant qu'association de protection de la nature au titre de la loi du 10 juillet 1976. Avec un budget annuel de 3,5 millions de francs et 3 800 adhérents, elle se situe au niveau des grandes associations de protection de la nature. Le bilan de ses activités est plus qu'éloquent :

- organisation d'un réseau couvrant l'ensemble des régions de métropole ;

- plus de 1 700 aires de rapaces (faucon pèlerin, faucon crécerellette, balbuzard pêcheur, vautour fauve, gypaète barbu, vautour percnoptère, aigle royal, aigle de Bonelli, busards) surveillées en 1991 par 1 000 personnes au moment de la couvaison et de l'élevage des jeunes, pour éviter que l'aire ne soit dérangée par des activités humaines ;

- réintroduction réussie du vautour fauve dans les Causses, ce qui constitue une première mondiale ;

- mise en place d'un réseau de récupération de rapaces en relation avec l'Union des centres de sauvegarde de la faune sauvage ;

- développement d'actions de sensibilisation du public, avec un catalogue de 150 documents sur les rapaces, 500 000 documents diffusés en 4 ans, une cinémathèque et une vidéothèque.

Au niveau international, les actions concernant plus spécifiquement la protection des espèces animales sont plus souvent le fait d'ONG nationales ou internationales : le WWF, Friends of the Earth, Med Mar Avis ou le BIROE en sont les plus importants. Ces actions se font souvent en coordination avec des organisations intergouvernementales comme le Plan d'action méditerranéen (PAM) du PNUE par exemple, et portent sur des thèmes précis comme :

- le plan d'action pour la conservation des tortues marines, réalisé autour de la Méditerranée, l'action la plus spectaculaire et la plus récente étant l'acquisition par le WWF d'un site dans l'île de Zante (mer Ionienne). Il s'agit d'une baie dont la plage constitue l'un des sites de reproduction des tortues marines (couanne) les plus importants de Méditerranée. Créée également avec le soutien du WWF, la réserve de Lara à Chypre protège la nidification de Chelonia mydas. Pour le même objet, la Turquie envisage le gel d'une part importante de sa frange littorale et la mise en réserve de sites stratégiques comme la baie de Dalyan ;

- le plan d'action pour la protection du phoque moine ;

- le plan d'action pour la protection des oiseaux migrateurs ;

- le plan d'action pour la lutte contre la désertification, etc.

Dans le bassin méditerranéen, les recherches menées par les ONG, avec souvent un objectif de gestion, tendent à prendre une place prépondérante. Citons par exemple :

- les travaux de l'International Council for Bird Preservation qui tient à jour et publie une liste des « zones importantes pour les oiseaux en Europe » ;

- l'Organisation pour les investigations phytotaxinomiques de la zone méditerranéenne (OPTIMA) ;

- l'organisation Med Mar Avis pour les oiseaux marins ;

- le BIROE pour les oiseaux d'eau.

Les parents sauvages des animaux domestiques

Jusqu'à maintenant, les ancêtres sauvages de nos animaux domestiques intéressaient surtout les historiens et les biogéographes. Les spécificités de la sélection animale faisaient qu'il aurait été très hasardeux de croiser les races performantes avec leurs cousins sauvages. Le génie génétique et les perspectives nouvelles d'utilisation des animaux sont en passe de changer complètement les perspectives. On trouvera dans les cartes 6 et 7 la répartition des ancêtres de nos espèces domestiques principales, telle qu'elle est attestée par l'histoire et l'archéologie. Pour le bœuf, l'ancêtre sauvage (l'aurochs) est éteint. Il a dû subir le même type d'évolution que le renne : chez cette espèce, des troupeaux domestiques coexistent actuellement avec des troupeaux plus ou moins sauvages que les Lapons suivent dans leurs déplacements. Le chien n'a pas été reporté sur les cartes parce que l'on en trouve des formes pratiquement sur tous les continents.

Un certain nombre d'espèces apparentées aux animaux domestiques sont menacées (tableau xix) et méritent une attention particulière. En tant que ressources génétiques, il ne faut pas oublier non plus les populations marronnes, abandonnées dans des îles par des marins ou à la suite d'essais de colonisation infructueux.

La chasse et la pêche : alliées ou ennemies de la biodiversité ?

Contrairement à ce que pourraient laisser croire certains rapports, par ailleurs très sérieux, émanant de services de l'administration, l'intérêt de la faune est bien loin de se limiter aux espèces qui se chassent ou se pêchent. Force est de constater cependant que la chasse et la pêche constituent en France des activités pratiquées par une part significative de ses habitants, qui d'une manière ou d'une autre interviennent dans la gestion de la biodiversité. Par ailleurs, ces activités bénéficient du soutien scientifique et technique de structures spécialisées : l'Office national de la chasse et le Conseil supérieur de la pêche, qui contribuent à l'étude de la biodiversité.

La pêche en eau douce

Est-elle néfaste à la biodiversité ? Cette question peut surprendre pour une activité dont l’adage prétend qu’elle est si paisible que Dieu décompte les heures passées à la pratiquer sur le temps de vie qu’il accorde à tout homme.

Plus que sur l’activité elle-même, c’est peut-être sur l’ensemble des pratiques qui l’environnent qu’il convient de s’interroger : les introductions et repeuplements d’une part, la pêche excessive et le braconnage d’autre part.

Les introductions d’espèces en eau douce constituent une pratique courante depuis l’Antiquité. Ainsi, la carpe commune aurait été importée par les Romains, bien qu’elle soit aujourd’hui considérée comme un élément à part entière de la faune indigène. Le xixe et le xxe siècles ont connu de nombreuses tentatives d’acclimatation d’espèces nord-américaines. Certaines ont été couronnées de succès (truite arc-en-ciel, saumon des fontaines) sans pour autant mettre en péril la faune indigène, à l’exception du poisson-chat. Citons cependant le cas des corégones endémiques du lac Léman (Coregonus hiemalis et Coregonus fera), qui ont totalement disparu suite aux déversement d’alevins de corégones issus d’autres territoires (Allardi et al., 1983).

Les naturalistes montrent d’ailleurs presque autant de réticences envers les opérations de repeuplement mal conduites qu’envers les introductions stricto sensu. Ces opérations présentent toujours le danger d’introduire des maladies infectieuses auxquelles la faune locale ne serait pas adaptée (cas d'un parasite de la vessie natatoire introduit avec des anguilles japonaises), ainsi que d’abâtardir, voire de détruire définitivement, le pool génétique d’une population locale souvent très réduite en effectif. L’idéal serait de réussir à suffisamment maîtriser l’élevage des différentes espèces, de manière à pratiquer le réempoissonnement à partir de provenances régionales, à défaut d'être totalement autochtones.

En ce qui concerne la pêche excessive, il faut rappeler qu'en France la pêche n’est interdite pour aucune espèce. La réglementation porte sur les périodes d’ouverture, les heures, les engins de pêche et la taille minimale des prises. En termes de destruction d’habitats et de pollution, il ne semble pas que la pêche de loisir doive être accusée de causer un préjudice particulier à certaines espèces. Il s’agit simplement d’un facteur supplémentaire, qui peut localement se surajouter à d’autres. Ainsi la pêche de l’esturgeon a-t-elle été interdite à titre de mesure conservatoire. Étant donné le niveau très critique de leurs effectifs actuels, la pêche peut être considérée comme un facteur aggravant pour 5 des 6 espèces de poissons très menacés en France, à savoir l’esturgeon, le saumon, la grande alose, la lamproie marine et la lamproie fluviatile.

La régression du saumon (Salmo salar) a en fait des causes multiples. La surpêche dans les estuaires s'ajoute à la construction de barrages pour l'expliquer. Il ne subsiste plus guère que la souche Allier, qui remonte la Loire et l'Allier sur plus de mille kilomètres, et la souche Gave, du bassin de l'Adour. Or la disparition d'une souche de saumon semble à peu près irréversible. Les expériences de lâchers massifs de jeunes saumons ont donné des retours significatifs à la première génération, mais très faibles dès la seconde génération.

Enfin, la responsabilité des pêcheurs a pu être mise en cause dans la régression de la tortue aquatique, cistude d’Europe, et des couleuvres aquatiques, considérées comme nuisibles par les pêcheurs. Ces comportements qui tiennent surtout de la superstition tendent à disparaître aujourd’hui.

Le bilan de l’action des pêcheurs, et plus particulièrement des fédérations, apparaît positif quand il contribue à restaurer les milieux, mais beaucoup moins quand il conduit à l'artificialisation de certaines lacs. Les causes les plus importantes de régression des populations de poissons d’eau douce sont néanmoins à rechercher dans les obstacles à la remontée des cours d’eau, la détérioration ou la disparition des frayères, les recalibrages et la pollution des rivières ou des plans d’eau. Dans ce domaine, les fédérations départementales ont joué un rôle considérable, en maintenant une pression constante sur les pouvoirs publics et les collectivités locales, notamment pour que les communes et les industries riveraines s’équipent de stations d’épuration et pour exercer grâce à leurs agents assermentés une surveillance régulière des cours d’eau. Par leurs actions de réempoissonnement, malgré les réserves exprimées ci-dessus, elles ont permis le maintien de certaines espèces qui auraient pu disparaître, au moins à une échelle régionale, comme le saumon. Malgré leur discrétion naturelle, les pêcheurs devront certainement monter au créneau beaucoup plus qu’ils ne le font actuellement. Le problème de la ressource en eau douce risque de devenir le plus important du xxie siècle. Le maintien d’une pêche de loisir véritable passera par des combats successifs visant à maintenir le caractère sauvage des cours d’eaux naturels, un débit minimal dit réservé notamment à l’étiage, une lutte incessante contre toutes les formes de pollution et une action permanente pour le maintien des espèces autochtones - et parmi elles les espèces endémiques.

La chasse

Nous laisserons de côté dans ce livre les considérations morales et philosophiques sur la chasse pour ne considérer que les effets objectifs des pratiques de chasse sur la biodiversité. De ce point de vue, c'est le devenir des espèces et des populations qui importe, et non celui des individus.

On peut s’interroger sur les conséquences à long terme de la pratique du tir sélectif qui se généralise dans les plans de chasse, notamment pour le grand gibier. Cette pratique, intuitivement considérée comme protectrice, n'est-elle pas en réalité porteuse à terme de risques d’appauvrissement de la diversité génétique des espèces, seule garante de leur maintien à long terme ? Une récente étude réalisée par Hartl (1988, cité par Etienne 1990) sur les cerfs des Vosges du Nord tendrait à le démontrer. Ainsi la sélection dirigée y privilégie les cerfs grands porteurs. Elle tend par contre à éliminer les cerfs contrefaits non conformes aux critères cynégétiques retenus, qui s’appuient sur des caractères morphologiques identifiables (caractères phanéroptiques). Les études enzymatiques réalisées montrent que cette pratique tend à privilégier l’homozygotie des populations, le nombre élevé de cors étant principalement lié au caractère homozygote d’un locus particulier. Globalement, les conclusions de cette étude recommandent la mise en œuvre de pratiques de gestion tenant mieux compte des données de la biologie des populations. Cette réflexion devrait s'étendre à toutes les pratiques qui s'écartent de la sélection naturelle. Les prédateurs tuent par exemple plutôt des jeunes et des femelles, alors que les chasseurs s'efforcent de ne prélever que les mâles.

D’autres interrogations méritent réponse. Les lâchers quasi systématiques de gibier d’élevage avant chaque période d’ouverture ne concourent-ils pas à restreindre de manière inquiétante la diversité génétique des populations naturelles de certaines espèces de gibier comme le colvert ? Par de telles pratiques, ne compromet-on pas de manière définitive toute chance de retour à des pratiques de chasses plus naturelles fondées sur le principe du prélèvement de la productivité annuelle de la population ?

Il est clair qu'au-delà des conflits liés à la non-application des règlements européens se pose le problème de fond de l'avenir de la chasse en France et de la contribution des chasseurs à la conservation de la biodiversité. C'est une évidence de dire que l'espace rural a changé depuis la dernière guerre. Dans les zones d'agriculture intensive, il est devenu moins productif de diversité, et donc de gibier : les espaces sont « nets », désherbés jusqu'aux lisières forestières pour éliminer les adventices ou limiter les risques de départ de feu (dans les régions méridionales); le remembrement a supprimé l'hétérogénéité des milieux, en un mot tout ce qui faisait la diversité des habitats ; la richesse en faune n'existe donc plus. Dans les zones où l'agriculture est en déclin, au contraire, les milieux se referment, s'homogénéisent ; pour la faune, les conséquences de ces deux phénomènes sont identiques.

Les sources et les plans d'eau superficiels disparaissent par drainage et assèchement des nappes superficielles. Dans les collines méridionales, la faune éprouve de plus en plus de difficultés à trouver de l'eau. L'usage parfois immodéré des pesticides agricoles tue l'entomofaune qui constitue une nourriture particulièrement recherchée par les jeunes oiseaux.

Est-il possible d'identifier un responsable de cet état de fait ? Globalement, oui et non. Ce n'est la faute de personne si « les temps changent ». Il est par contre de la responsabilité de tous de s'investir dans la recherche et l'application de nouveaux modes de gestion de la diversité de la flore et de la faune, ce que le monde rural assurait gratuitement au siècle dernier et qu'il ne fait plus aujourd'hui.

En l'absence de prédateurs, ce qui correspond à la situation actuelle en France pour la majorité des espèces chassées, le contrôle de certaines espèces est inéluctable. A dire vrai, nous ne voyons pas de différence notable entre une chasse bien conduite et des battues administratives qui seraient rapidement rendues indispensables en l'absence de toute pression de chasse.

Nous ne prétendrons pas proposer de solution miracle pour clore ce qui constitue un débat national. Nous suggérons simplement que le dialogue s'installe. Dans cette optique, les chasseurs pourraient élaborer et rendre public un plan d'action national de gestion de la biodiversité en France qui intégrerait la notion d'utilisation durable des ressources, de manière à ce que le débat, aujourd'hui passionnel, se déplace sur le terrain de la confrontation d'idées. Les chasseurs pourraient aussi, localement et en complément des actions menées par l'Office national de la chasse, s'associer aux opérations de comptage et d'évaluation réalisées par les naturalistes et les protecteurs de la nature.

Un tel dialogue suppose bien sûr que chacun y soit prêt. Les protecteurs de la nature doivent montrer qu'ils connaissent bien le terrain et que leur souci est de gérer pragmatiquement la biodiversité ; les chasseurs ont beau jeu de se gausser de l'idéalisme de citadins ignorants des processus écologiques élémentaires. A l'inverse, les chasseurs doivent admettre qu'ils ne sont pas les seuls utilisateurs de la nature, et leurs organisations doivent tout faire pour éliminer les comportements agressifs et irresponsables de trop de porteurs de fusils, et favoriser des formes de chasse plus « naturelles ».

La principale menace pour la biodiversité est l'indifférence de nos sociétés citadines, trop facilement enclines à demander une nature « propre » et agréable pour les vacances, mais ignorantes de la diversité des milieux. Combien de nos concitoyens savent faire la différence entre une vraie forêt et un parc péri-urbain, ou entre une pelouse naturelle et un golf ? La conjonction des efforts des chasseurs, des pêcheurs et des protecteurs de la nature ne sera pas de trop pour freiner les tendances à l'artificialisation et la banalisation des milieux, et lutter contre les pollutions.

La création de la Fondation nationale pour la protection de la faune sauvage s’inscrit dans le cadre de ce nouvel engagement. Cette initiative, qui se concrétise par l’acquisition d’espaces constituant des habitats précieux pour le maintien de la faune, doit être saluée. Elle complète heureusement les diverses mesures de protection réglementaires existantes (réserves de chasse notamment). Il reste cependant à voir cette action réellement relayée au niveau local, sous la forme d’engagements moins timides qu’aujourd’hui vers une gestion moins orientée, prenant en compte l’intégralité de la biodiversité présente.

Les insectes

L'attention portée aux divers groupes d'êtres vivants par le grand public et les protecteurs de la nature eux-mêmes est très hiérarchisée. Lovejoy l'a qualifiée de « chauvinisme vertébré », puisqu'elle ignore largement l'ensemble des invertébrés et des plantes, sans parler des micro-organismes que seuls les spécialistes peuvent observer. On peut ajouter que même parmi les vertébrés, certains groupes comme les petits rongeurs sont délaissés.

Cependant, les insectes suscitent l'intérêt de nombreux amateurs, à condition qu'ils aient une taille supérieure à quelques millimètres.

L'Office pour l'information éco-entomologique (OPIE) est une structure originale et dynamique hébergée à la Station de lutte biologique de l'INRA, à La Minière. Il assure un rôle important d'information et de sensibilisation des amateurs et du public, en publiant deux revues (Insectes et Imago), en organisant des expositions et des stages de formation et en collaborant avec les médias. Il coordonne des actions d'inventaire et de recherche, et participe activement aux mesures de protection des espèces et de leurs biotopes.

A son initiative, un Groupe national d'études et de réflexion pour la conservation des insectes et de leurs milieux (GNERCIM) s'est constitué en 1988. Ses objectifs sont :

- « de coordonner une réflexion et établir un bilan de l'état de la faune entomologique française ;

- d'évaluer les actions à entreprendre et promouvoir des études pour y parvenir ;

- d'être le partenaire privilégié de tous ceux qui souhaitent assurer la conservation des insectes ;

- de développer la protection des insectes à travers une meilleure gestion des ressources naturelles ».

La protection des espaces

Les parcs nationaux

Il existe actuellement sept parcs nationaux en France, représentant avec leur zone périphérique une superficie de 12 800 km2, soit 2,5% du territoire national (3 600 km2 pour les zones centrales, soit 0,7% du territoire national). Plusieurs projets de parcs nationaux sont à l'étude, dont un seul semble bien avancé : il s'agit de la mer d'Iroise. Quatre autres sont à l'étude, au Mont Blanc, dans l'île de la Réunion, en Guyane et en Corse. Ce dernier serait en fait un parc franco-italien, englobant le sud de la Corse et le nord de la Sardaigne.

En France, les parcs nationaux sont constitués d'une zone centrale, qui correspond à la zone parc stricto sensu et sur laquelle s'applique la réglementation spécifique du parc national, et d'une zone périphérique, généralement plus étendue, sur laquelle ne s'applique que la réglementation de droit commun.

Souvent implanté dans des territoires isolés, le parc national contribue de façon significative à assister les particuliers, notamment les agriculteurs âgés, dans leur vie quotidienne. Il contribue aussi d’une manière importante à financer des équipements collectifs, en apportant son concours aux collectivités locales.

En zone périphérique, la direction du parc national dispose d'un droit de regard sur tous les aménagements et peut intervenir, soit en donnant son avis sur les projets, soit plus efficacement par l'intermédiaire de la maîtrise de crédits d'investissements spécifiques, dits « de zone périphérique », destinés à financer des réalisations d'intérêt public. Au début, la collectivité publique s'est surtout attachée à fournir des compensations économiques aux populations locales.

Dans de nombreux cas, les zones périphériques des parcs nationaux, qui sont habitées (à l'inverse de la plupart des zones centrales), ne sont pas gérées comme de véritables zones tampons par rapport à une zone parc proprement dite.

Dans la pratique, les directions des parcs ont éprouvé, et éprouvent parfois encore, de grandes difficultés à faire valoir leur droit de regard auprès de collectivités locales déjà frustrées par la perte de compétence de fait sur une partie du territoire communal. Les décisions préfectorales en ce qui concerne la gestion des crédits « zone périphérique » n'ont pas toujours été concordantes avec les souhaits des directions des parcs nationaux.

Par ailleurs, la zone parc elle-même n'est pas non plus à considérer comme un sanctuaire. De nombreux territoires aménagés pour l’accueil du public souffrent, entre autres problèmes, d'une fréquentation excessive.

Aujourd'hui, les élus et les résidents des zones périphériques semblent progressivement accepter la présence du parc national. La montée des « Verts », le vieillissement des opposants de la première heure, mais aussi la prise de conscience de l'argument économique que représente le label vert, y sont certainement pour quelque chose. De ce fait, les zones périphériques apportent leur contribution à l'accueil et à l'information dans le parc, en veillant à conserver leur attrait fait de paysages et de traditions locales. Les agents des parcs nationaux y effectuent un travail de conseil et d’information près des communes concernées, et une animation des populations locales, dans le but de mieux les associer à l’action du parc et de contribuer à la protection de richesses naturelles souvent bien différentes de celles de la zone centrale, mais présentant un intérêt patrimonial aussi important.

La loi du 22 juillet 1960

Elle constitue la base juridique à partir de laquelle sont créés les parcs nationaux en France. Selon les termes de cette loi, les espaces susceptibles de bénéficier de ces dispositions doivent constituer un milieu naturel présentant « un intérêt spécial, et qu'il importe de préserver contre tout effet de dégradation naturelle et de soustraire à toute intervention artificielle susceptible d'en altérer l'aspect, la composition et l'évolution ».

Malgré une sémantique datée qui correspond aux conceptions des années soixante, la loi du 22 juillet 1960 reste un outil bien adapté à son objet ; elle intégrait déjà, d'une certaine manière, des notions qui s'imposent aujourd'hui sans contestation, comme celle du développement durable. La trop grande liberté d'interprétation qu'elle offre, et que ne sont pas venus corriger ses décrets d'application, a pu laisser la porte ouverte à des dérives ; en fait, celles-ci tiennent davantage à des problèmes de personnes qu'à des problèmes réellement structurels, et peuvent être mises sur le compte de la jeunesse de la loi.

La gestion des parcs

Traditionnellement, la gestion administrative de chaque parc national en France est confiée à un établissement public à caractère administratif créé par un décret en Conseil d'État, bien que cet état de fait ne corresponde pas à une exclusive de la loi. Deux instances distinctes interviennent directement dans le fonctionnement de cet établissement public :

- le conseil d'administration, composé de représentants des collectivités locales concernées par la présence du parc national, notamment des communes dont une partie du territoire se trouve dans l'emprise du parc national, de représentants des administrations et de personnalités qualifiées (universitaires, représentants d'associations, acteurs marquants de la vie locale, ou personnalités politiques, culturelles ou scientifiques d'envergure nationale). Le conseil constitue l'instance délibérative du parc national. Il vote le budget, approuve les grands principes de l'aménagement et de la gestion du parc et en arrête les programmes. Dans les faits, le ministère de l'Environnement, qui assure l'essentiel des ressources de l'établissement, constitue un contre-pouvoir réel au conseil d'administration. Le conseil élit un président et un ou plusieurs vice-présidents. La fonction de vice-président est dans la plupart des cas honorifique. Le président est souvent choisi parmi les élus locaux proches du pouvoir en place, mais aussi parmi les personnalités qualifiées. Pour expédier les affaires courantes, le conseil d'administration désigne un bureau exécutif dénommé commission permanente, composée de membres du conseil élus par leurs pairs ;

- le directeur du parc, seule instance exécutive, responsable de l'ensemble de la gestion de l'établissement et sous la responsabilité duquel se trouvent l'ensemble des personnels de l'établissement. Il met en œuvre les grands axes de la politique définie par le conseil d'administration, exerce les pouvoirs de police prévus par la loi et le décret de création, bénéficie d'un pouvoir réglementaire dans certaines conditions. Contrairement à une croyance bien établie, la loi a prévu que le comité scientifique du parc soit placé auprès du directeur (et non du conseil d'administration) pour donner un avis sur la gestion qu'il met en œuvre et les aménagements réalisés. Dans les faits, si le comité scientifique du parc national ne donne que des avis, ils sont souvent, sinon suivis, du moins intégrés dans la réflexion de la direction de l'établissement. Il est cependant à noter que des situations conflictuelles graves ont pu être constatées par le passé.

Chaque parc national est doté d'un service administratif et financier, de services scientifiques, techniques et d'information. La mise en application des programmes d'aménagement, la gestion courante, la police de la nature, l'animation du public et, malheureusement plus rarement, la surveillance continue de la biodiversité présente dans la zone centrale du parc, les actions spécifiques d'animation et d'information des populations locales dans la zone périphérique, sont dévolues à des gardes moniteurs regroupés par secteurs géographiques placés sous la responsabilité d'un chef de secteur. Celui-ci constitue le véritable représentant du directeur sur place, traite en pratique directement avec lui sans intermédiaire et dispose donc, dans les faits, de pouvoirs importants. Ce mode d'organisation, inspiré de l'Office national des forêts, a pour l'instant fait la preuve de son efficacité. Tout se joue sur la personnalité des responsables, qui doivent être à la fois techniquement compétentes, motivées, douées d'un sens aigu du service public et posséder une culture générale suffisante, notamment scientifique, pour pouvoir exercer une activité dans laquelle les relations tiennent une place privilégiée. Le secteur constitue l’échelon privilégié utilisé par le parc national pour s’investir dans la vie locale.

Les parcs nationaux français et la biodiversité

Pris isolément, les parcs nationaux français ne sont pas suffisamment nombreux et étendus pour assurer une part essentielle de la conservation de la biodiversité en France. Le rôle qu’ils peuvent jouer à ce niveau doit être examiné en complémentarité avec les autres espaces protégés français.

Les parcs nationaux alpins, Vanoise, Ecrins et Mercantour, constituent un ensemble cohérent de conservation des milieux d’altitude des Alpes françaises, très diversifié biologiquement parlant, car intégrant des variantes orientales et ligures (pour le Mercantour), méridionales et internes (pour les Ecrins), septentrionales (pour la Vanoise), heureusement situé selon un gradient latitudinal sud-nord (atout important dans l’hypothèse d’un changement climatique); cet ensemble mériterait d’être complété par un réseau de réserves naturelles plus représentatif, nécessaire à la protection des écosystèmes situés dans des étages de végétation sylvatiques.

Le seul parc national des Pyrénées occidentales devrait être impérativement complété par d’autres espaces protégés, compte tenu de la diversité des variantes altitudinales et chorologiques existant sur la chaîne.

Le parc national des Cévennes, par sa situation à la charnière de plusieurs grands ensembles biogéographiques (charnière des climats atlantique, continental et méditerranéen) participe à la conservation d’entités biologiques très diverses, des Causses calcaires aux Cévennes schisteuses. Il pourrait constituer un point d’accroche pour développer un réseau d’espaces protégés, essentiellement des réserves naturelles (signalons l’existence de la réserve de biosphère de l’Aigoual), pour la conservation de l’ensemble des écosystèmes et des espèces particulières du sud du Massif central.

Situés dans des régions particulièrement riches et originales, le parc national de Port-Cros et celui de la Guadeloupe constituent des entités plus localisées, dont la logique doit être trouvée dans le rôle de catalyseur et de coordinateur qu’ils peuvent jouer dans leurs régions. Il n’en demeure pas moins qu’ils conservent des écosystèmes souvent relictes, du fait des phénomènes de régression rencontrés dans leurs environs immédiats.

L'avenir des parcs nationaux en France

Il dépendra essentiellement de la clarification des positions des pouvoirs publics en ce qui concerne leurs missions fondamentales.

Ces espaces, contestés dès leur création à la fois par les populations locales et par les naturalistes dogmatiques, ont été ballottés au gré des fluctuations politiques. Ainsi, vers la fin des années soixante-dix, il leur fut demandé de chercher à s’autofinancer au maximum. Au début des années quatre-vingt, décentralisation oblige, on s’interrogea sur leur suppression pure et simple et sur leur transformation en parcs naturels régionaux. Parmi les arguments invoqués, celui de leur « faible » fréquentation prévalait. A cette époque, un groupe de journalistes spécialisés en environnement organisa un colloque à l’intitulé provocateur : « Faut-il supprimer les parcs nationaux ? ». On créa une commission heureusement présidée par le père de la loi de 1960, Edgar Pisani. Son action, ainsi que l’arrivée d’Huguette Bouchardeau à la tête du ministère de l’Environnement, permirent d’éteindre l’incendie. On prétend souvent que la commission Pisani n’a abouti à rien. Elle a permis de laisser passer l’orage et de casser une entreprise qui n’aurait contribué qu’à laisser le champ libre à la promotion immobilière dans des massifs encore préservés et à ridiculiser la France sur le plan international.

L’exemple des parcs naturels régionaux étant très en vogue, on demanda aussi aux parcs nationaux de faire du développement. De cette époque date le recrutement d’agents pastoralistes dans certains parcs nationaux. Un peu plus tard, dans le cadre de la préparation de la loi montagne, les parcs nationaux furent encore cloués au pilori : leurs agents étaient accusés de cultiver le farniente. Il était alors envisagé de les transformer en agents de service pour distribuer le courrier, entretenir la voirie... Il est édifiant de constater que jamais le pouvoir politique ne s’est réellement interrogé sur le rôle que ces espaces pouvaient jouer dans le maintien de la biodiversité en France et en Europe.

Le dernier épisode en date concerne le récent rapport de la Cour des comptes, abondamment repris par la presse et qui, pour certains, constituait le constat d’échec des parcs nationaux. La Cour s’est étonnée que l’on poursuive encore des inventaires dans les parcs nationaux français après trente ans d’existence pour certains. A l’époque où elle menait ses auditions, il aurait été facile de lui montrer que d’une part, les connaissances étaient loin d’être acquises (des groupes entiers d’animaux ou de végétaux n’ont pratiquement jamais été inventoriés dans les parcs faute de moyens, faute aussi de spécialistes en France) et que d’autre part, la surveillance continue ou la réalisation d’inventaires diachroniques sont considérées par les organismes internationaux comme des actions élémentaires et routinières de gestion. Pour quelles raisons ces évidences n’ont-elles pas été portées à la connaissance de la Cour ?

A la lumière de leurs trente années d’existence en France et de l’expérience des parcs étrangers, l’avenir des parcs nationaux français nous semble devoir être recherché dans les voies suivantes :

- la reconnaissance effective, de la part des pouvoirs publics en général, du monde de la politique et de l’opinion publique, de leur principale mission, la gestion de la biodiversité ;

- l’extension de leur territoire de compétence nettement au-delà de leur zone centrale ; cette extension pourrait se concrétiser, notamment en zone périphérique, par la création de réserves naturelles dans les lieux de plus grand intérêt, dont les parcs assureraient la gestion. Les parcs littoraux se verraient confier la gestion des terrains acquis par le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. Au-delà, cette extension prendrait la forme d'une implication dans la vie départementale et régionale, valorisant ainsi leur savoir-faire ;

- leur participation active à des réseaux internationaux pouvant aboutir, dans des situations particulières, à la création de parcs transfrontaliers, auxquels la Communauté européenne pourrait apporter son appui ; seraient concernés au premier chef des parcs de montagne comme ceux des Pyrénées, de la Vanoise ou du Mercantour ;

- la création d’un véritable service technique interparcs, dont l’atelier technique actuel, faute de moyens, ne peut constituer qu’une ébauche, et qui pourrait plus particulièrement apporter son concours aux directions des parcs nationaux dans la généralisation des politiques d’inventaires d’espèces et de milieux, de surveillance continue et de gestion dynamique de la biodiversité, ensembles de thèmes qui ne sont que partiellement abordés dans les parcs nationaux pour l’instant.

Les parcs naturels régionaux

Il existe à l’heure actuelle en France 27 parcs naturels régionaux, représentant une superficie de 40 737 km2, soit 9,4 % du territoire national (15 projets de création sont à l’étude). Ces parcs sont habités par une population avoisinant 1,7 million d’habitants. Créé en 1967 (décret du 1er mars 1967), le concept de parc naturel régional était initialement considéré par ses promoteurs comme un instrument d’aménagement adapté aux territoires hébergeant un patrimoine naturel et culturel original, globalement bien conservé et dans lequel la population était généralement en déclin. La vocation touristique de ces espaces était affirmée, notamment en tant que « lieu de détente et de repos des hommes ». La tutelle de ces espaces était d’ailleurs assurée par la DATAR et non par le ministère de l’Environnement. En 1975, un décret les reconnaissait comme outils de gestion des espaces naturels et d’aménagement des régions.

La refonte des textes relatifs à leur création (décret du 25 avril 1988), après passage des parcs naturels régionaux sous tutelle du ministère de l’Environnement, a conduit à la situation actuelle : les parcs doivent apporter des modifications à leur charte constitutive dans le sens d’une meilleure intégration des préoccupations de protection sous peine de perdre leur label, et dans l’affirmation de leur rôle économique et social.

Depuis 1972, les parcs naturels régionaux adhèrent à la Fédération des parcs naturels de France, structure fédérative informelle d’animation et de coordination.

Aujourd’hui, la décision de créer un parc naturel régional relève du pouvoir de la Région. Les élus des communes et des départements concernés adhèrent à une charte constitutive, à l’élaboration de laquelle ils ont souvent contribué. Le classement du territoire considéré est prononcé par le ministre de l’Environnement pour une durée de dix ans, renouvelable après une procédure de révision de la charte.

La charte constitue donc l’élément contractuel essentiel. Elle engage ses signataires sur la base d’un programme de réalisations, de protection, de développement d’activités ou d’obligations - celle d’établir un plan d’occupation des sols par exemple. Elle définit les statuts de l’organisme de gestion du parc, qui peut être un syndicat mixte (la majorité des parcs), une fondation (le parc de Camargue) ou une association (le parc de Lorraine). Le parc dispose d’un budget autonome alimenté principalement par des subventions des collectivités locales et territoriales et l’État. L’organisme de gestion constitue en général une équipe pluridisciplinaire placée sous la responsabilité d’un directeur.

Le bilan global de quinze ans d’existence des parcs naturels régionaux apparaît contrasté. Certains ont eu des résultats positifs : ralentissement, sinon arrêt, du déclin démographique dans les régions où ils ont été implantés, redynamisation de la vie économique locale, création de zones protégées par une utilisation intelligente des possibilités réglementaires, développement de produits touristiques nouveaux... D'autres parcs, cependant, n’ont pas su correctement maîtriser leur destin. Les dérives des chartes ont été nombreuses, les crédits spécifiques ont souvent été utilisés pour des réalisations fort éloignées de leur objet premier. Certains parcs n’ont pas su ou voulu s’opposer à des projets très mutilants pour l’environnement qu’ils avaient à préserver, comme dans le Marais poitevin. La plupart n'ont pas vraiment répondu à ce que l'on attendait d'eux dans le domaine de la biodiversité, une exception notable étant le parc des Vosges du Nord, qui est également une réserve de la biosphère.

La loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages devrait donner une meilleure assise juridique aux parcs naturels régionaux. Son article 2 stipule que :

« Les parcs naturels régionaux concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation du paysage et du patrimoine naturel et culturel.

La charte du parc détermine pour le territoire du parc les orientations de protection, de mise en valeur et de développement et les mesures permettant de les mettre en œuvre. Elle comporte un plan élaboré à partir d'un inventaire du patrimoine indiquant les différentes zones du parc et leur vocation, accompagné d'un document déterminant les orientations et les principes fondamentaux de protection des structures paysagères sur le territoire du parc.

La charte constitutive est élaborée par la région avec l'accord de l'ensemble des collectivités territoriales concernées et en concertation avec les partenaires intéressés. Elle est adoptée par décret portant classement en parc naturel régional pour une durée maximale de dix ans. La révision de la charte est assurée par l'organisme de gestion du parc naturel régional.

L'État et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent. Les documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations et les mesures de la charte ».

Les grands principes qui ont présidé à la création de ces espaces se trouvent ainsi confirmés. L’innovation réside dans le fait que la structure parc en tant que telle pourra mettre en place de véritables outils d’aménagement qui s’imposeront aux communes adhérentes. Ces propositions visent à rendre obligatoire ce qui par le passé relevait de la seule bonne volonté des acteurs. Il n’est malheureusement pas sûr qu’un tel projet remporte l’adhésion de l’ensemble des collectivités locales des parcs naturels régionaux existants. Il reste à attendre la parution des décrets d'application.

Les parcs naturels régionaux devraient voir leur nombre s’accroître de façon substantielle dans les années à venir, car ils constituent un instrument privilégié de mise en œuvre de la politique de conservation de la nature dans les régions, et donc de la biodiversité. La responsabilité de la conservation des écosystèmes secondaires liés au maintien d’activités rurales traditionnelles devrait plus particulièrement leur revenir. Les parcs naturels régionaux devraient se voir reconnus par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture comme lieu privilégié d’application de l’article 21 (ex article 19) du règlement CEE. La loi du 8 janvier 1993 devrait par ailleurs leur permettre de mieux se positionner vis-à-vis des collectivités locales de manière à prendre en compte, à travers la réglementation de droit commun, mais aussi par la seule mise en place de mesures de gestion appropriées, des éléments patrimoniaux plus réduits en surface, plus diffus ou plus instables comme la flore adventice ou messicole, les agrosystèmes, les haies...

Les réserves

Il existe, comme on va le voir, un grand nombre de statuts conférant à des milieux naturels le titre de réserve. Celui-ci veut simplement dire que l'on s'abstient d'y exploiter les populations d'une espèce (arbres, gibier...) ou de transformer le milieu. Il nous a semblé nécessaire d'énumérer ces statuts pour évaluer leur contribution éventuelle à la gestion de la biodiversité.

Les réserves naturelles

Les réserves naturelles (nationales) se distinguent généralement des parcs par leur petite surface, bien que certaines réserves, comme la réserve nationale de Camargue, dépassent 13 000 hectares. Pour la plupart, elles ont été créées en application de la loi du 10 juillet 1976 (la réserve naturelle de Roquehaute dans l’Hérault constituant à ce titre une exception), par décret après instruction administrative sous la responsabilité des préfets, consultation des collectivités locales concernées et avis du Conseil national de la protection de la nature.

Les réserves sont créées pour préserver des éléments particuliers ou représentatifs du patrimoine naturel, écosystèmes remarquables, ensembles paysagers et biologiques de grand intérêt, terrestres ou marins comme la réserve de Scandola en Corse, habitats d’une espèce particulièrement rare ou menacée, gisements de fossiles...

Elles sont gérées par des associations, des collectivités locales, mais aussi des organismes publics comme les parcs nationaux ou des parcs naturels régionaux, et bénéficient généralement d’un comité scientifique propre à la réserve.

Il existe actuellement 105 réserves naturelles en France. Quatre-vingt-treize d’entre elles adhèrent à la Conférence permanente des réserves naturelles (CPRN), qui vise à coordonner leur action.

Les réserves naturelles sont actuellement conviées à la mise en place de plans de gestion, de manière à ce que chacune conserve de manière dynamique ce qui a justifié son classement. Ces plans de gestion comprennent une description analytique de la réserve, une évaluation de sa valeur patrimoniale et la définition des objectifs de gestion, celle des opérations à mener, les échéanciers de réalisation et les outils d’évaluation dont se dote le gestionnaire de la réserve pour évaluer les conséquences de la gestion qu’il met en œuvre. Il s’agit d’une opération exemplaire, qui mériterait d’être généralisée à l’ensemble des espaces protégés français.

Par ailleurs, à l’initiative des propriétaires concernés, des réserves dites réserves naturelles volontaires peuvent être créées sur certains espaces privées dont la faune, la flore ou les milieux présentent un intérêt reconnu par la communauté scientifique. Un décret en Conseil d’État précise la durée de l’agrément, ses modalités, les mesures conservatoires dont bénéficie le territoire de la réserve ainsi que les obligations du propriétaire (cf. art. R 242-26 et suivants du Code rural).

Il existe à l’heure actuelle près de 70 réserves naturelles volontaires, dont 30 représentées à la CPRN.

Le tableau xxii présente le répartition, par région et par département, des réserves naturelles et des réserves naturelles volontaires (en gras, les régions et les départements en possédant au moins une, quelle qu’en soit la catégorie). A titre de comparaison, la présence d’une portion de territoire de parc national ou de parc naturel régional dans un département considéré a été signalée en dernière colonne.

Ce tableau fournit des indications intéressantes sur la prise en compte de la conservation des espèces et des milieux dans les différents départements et régions de France.

On remarque que des régions comme la Haute-Normandie, le Limousin et la Guyane n’ont ni parc national, ni parc naturel régional, ni réserve naturelle nationale. Il existe néanmoins une réserve naturelle volontaire en Seine-Maritime et deux en Corrèze.

Les départements suivants se trouvent dans le même cas : Ariège, Aveyron, Charente, Cher, Creuse, Gers, Haute-Garonne, Haute-Vienne, Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Oise, Paris, Seine-Saint Denis, Tarn-et-Garonne, Territoire de Belfort, Val d’Oise, Val de Marne.

Par contre les départements suivants, s'ils ne possèdent pas de réserves naturelles, possèdent tout ou partie d’un parc national : Alpes-maritimes, Gard, Lozère, Var ; ou d’un parc naturel régional : Aube, Cantal, Côte-d’Or, Eure, Haute-Loire, Marne, Mayenne, Nièvre, Orne, Sarthe, Rhône, Seine-Maritime, Tarn.

La consultation d’une carte de France fait ainsi apparaître de vastes territoires dépourvus de mesures de protection d’envergure.

Les réserves naturelles constituent un outil de protection pratique, qui permet notamment de prendre en compte la conservation de micro-espaces. Plus de 100 000 hectares font actuellement l’objet d’une protection au titre des réserves naturelles (nationales). On peut cependant s’interroger sur leur répartition actuelle et sur la manière dont, en complément d’autres mesures de protection de l’espace, elles permettent de prendre en compte la conservation de la biodiversité sur le territoire national en métropole et outre-mer.

Le tableau xxiii donne un aperçu de la prise en compte des grands types de milieux par le réseau actuel de réserves naturelles.

Il montre à l’évidence que les mesures de protection mises en place dans les départements d’outre-mer restent faibles. Si l’on affine cet examen en étudiant la répartition des différents types de réserves dans les grandes unités biogéographiques, l’analyse met en relief des lacunes dans le réseau de protection, que les terrains acquis par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres n’ont pas pour l’instant comblées :

- pour les zones humides de plaine et de moyenne altitude : des lacunes incompréhensibles apparaissent. En région méditerranéenne, en dehors de la Camargue, aucune protection forte concernant les milieux humides des plaines ou de moyenne altitude en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans les départements de l’Aude et du Gard, pas de prise en compte des zones humides temporaires (groupement à Isoetes, prairies inondables) et des marais d’eau douce... La même absence en Bretagne et dans le nord de la région des Pays de la Loire ; la même absence dans le Limousin ;

- pour les milieux d’altitude : dans l’ensemble de la chaîne alpine française, si la densité d’espaces protégés semble forte, dans les faits elle ne couvre qu’imparfaitement la diversité des milieux d’altitude existants. Seuls les étages situés au-dessus de la limite supérieure de la forêt sont correctement pris en compte. En deçà, un complément de mesures de protection serait nécessaire, en particulier dans la périphérie des parcs nationaux, pour assurer la protection des marais et zones humides d’altitude, et des forêts anciennes.

La chaîne pyrénéenne bénéficie d’un réseau d’espaces protégés encore moins représentatif. Si les milieux d’altitude semblent en voie de prise en compte dans les Pyrénées orientales, le parc national des Pyrénées occidentales n’assure que la conservation des milieux de haute montagne (d'où le problème de l’ours, qui vit à des altitudes plus basses, dans des milieux forestiers), et la montagne des départements de la Haute-Garonne et de l’Ariège ne bénéficie pas plus de protections institutionnelles. Comme dans les Alpes, les zones de plus basses altitudes sont très mal prises en compte.

Dans son ensemble, la stratégie de conservation des milieux d’altitude est à réexaminer. La mise en place de protections institutionnelles devrait là aussi être programmée, à froid, non pas en fonction des menaces du moment, mais sur la base du strict intérêt biologique et des contraintes de gestion liées aux milieux concernés ;

- pour les milieux côtiers : les terrains acquis par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres viennent heureusement pallier l’absence de réserves, notamment sur le littoral méditerranéen et le littoral de la Bretagne. Les milieux dunaires méditerranéens restent insuffisamment pris en compte. Dans les départements d’outre-mer, la prise en compte de ces milieux littoraux reste tout à fait insuffisante ;

- pour les milieux boisés et les landes : la concentration de la quasi-totalité des réserves de ce type dans l’est de la France reflète mal la diversité des forêts françaises. Heureusement, la prise en compte par l’Office national des forêts des patrimoines naturels forestiers, entre autres à travers les réserves biologiques domaniales, devrait permettre d’atteindre la conservation d’un échantillonnage représentatif, incluant les quelques forêts anciennes et vieillies existant en France. Il ne faut cependant pas oublier que les deux tiers de la forêt française sont propriété privée. Dans les départements d’outre-mer, la protection des forêts tropicales primaires dont il ne reste parfois que des vestiges (comme certaines forêts de basse altitude de la Réunion), mérite la mise en place de mesures de conservation immédiates. Là aussi il en va de la crédibilité de la France au niveau international ;

- pour les ripisylves et les portions de cours d’eau : le nombre de réserves reste dérisoire en France, compte tenu du nombre de cours d’eau, de leur diversité, mais aussi des dégradations constatées. Le statut de réserve ne suffit d'ailleurs pas à régler les problèmes de niveau et de qualité des eaux, dont la solution ne se conçoit qu'à l'échelle du bassin versant.

Les réserves de chasse et de pêche

Certaines relèvent de protections réglementaires. Les réserves nationales de chasse, créées en application de l’arrêté du 19 mai 1982, modifié par arrêté du 26 février 1986, permettent la protection des espaces nécessaires à :

- la conduite d’actions de protection d’espèces animales, classées gibier ou susceptibles de le devenir, dont les effectifs sont en diminution ; de conservation de races de gibier présentant des qualités remarquables, de sélection ou de création par croisement de races de gibier particulières ;

- la réalisation d’études scientifiques ou techniques sur le gibier ou de modèles de gestion cynégétique ;

- la formation de personnels à la gestion de la faune sauvage.

Des réserves de chasse sur le domaine public maritime peuvent être constituées dans le but de protéger le gibier d’eau et l’avifaune aquatique, au titre de la loi du 24 octobre 1968 et du décret du 25 septembre 1972. Les territoires mis en protection, dont le périmètre est défini par arrêté ministériel, peuvent comprendre les étangs et les plans d’eau salés et la partie des plans d’eau, fleuves et canaux affluant à la mer, qui sont situés en aval de la limite de salure des eaux, ainsi que la mer elle-même dans la limite des eaux territoriales. Par délégation préfectorale, elles sont effectivement gérées par les fédérations départementales de chasseurs.

La constitution de réserves de chasse sur le domaine public fluvial est prévue par le décret du 7 mars 1986 (modifiant le décret du 18 octobre 1968) fixant les règles d’exploitation de la chasse sur le domaine public fluvial, aux fins de protection du gibier d’eau et de l’avifaune aquatique.

D'autres réserves relèvent d’initiatives privées : créées à l’initiative des propriétaires, les réserves de chasse approuvées sont constituées en référence à l’arrêté de 2 octobre 1951 (modifié par l’arrêté du 17 avril 1979), sur des territoires aptes à permettre la reproduction du gibier et le repeuplement des territoires avoisinants.

Enfin, les réserves nationales de pêche sont constituées sur des portions de cours d’eau du domaine public fluvial et des eaux non domaniales aux fins de favoriser la reproduction et la conservation ou la migration d’espèces particulières de poissons (ou d’écrevisses). Leur constitution est réalisée en référence à la loi du 29 juin 1984 relative à la protection du patrimoine piscicole et à la protection du milieu aquatique (article L. 435 du code rural) et au décret du 20 décembre 1985.

Les réserves en forêt

Le 3 février 1981, les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et l’Office national des forêts signaient une convention créant les réserves biologiques domaniales. Sont susceptibles d’être classés en réserves biologiques domaniales des espaces naturels, situés à l’intérieur de forêts domaniales (propriétés de l’État, donc soumises au régime forestier), présentant un intérêt scientifique ou patrimonial reconnu. La création de ces réserves ne se justifie que dans la mesure où les espèces ou les milieux à protéger nécessitent la mise en œuvre d’une gestion particulière, différente de la gestion appliquée aux parcelles forestières concernées.

Dans certains cas, le territoire mis en réserve peut être géré en réserve biologique intégrale (on parle alors de RBI), le milieu concerné évoluant alors en dehors de toute intervention humaine. C’est le cas de la réserve biologique domaniale des hauteurs de la Solle, située en forêt de Fontainebleau, de la tourbière de la Maxe dans le massif du Donon (Bas-Rhin) ou de la réserve de Peyrebesse dans la forêt domaniale de l’Aigoual (Gard).

La réserve intégrale ne constitue cependant pas la panacée, dans la mesure où beaucoup de milieux et d’espèces végétales ou animales ont besoin d’habitats régulièrement ouverts par l'intervention humaine pour se maintenir, l’homme venant par exemple suppléer les éléments naturels et notamment la disparition des grands herbivores. Dans d’autres cas, le passage d’une futaie régulière à une forêt naturelle nécessite une intervention préparatoire de l’homme. D'où l’existence d’autres formes de réserves biologiques domaniales : les réserves biologiques dirigées (RBD). On peut citer à titre d’exemple la réserve « futaie Colbert » de la fameuse forêt de Tronçais (Allier), la réserve des crêtes et des balcons du Luberon (Vaucluse), ou l’ensemble des réserves dirigées de la forêt de Rambouillet (Yvelines).

Une réserve biologique domaniale de 700 hectares a été mise en place dans les Pyrénées pour la protection des habitats forestiers nécessaires à la survie de l’ours.

Cent quinze réserves biologiques domaniales ont déjà été approuvées. Environ quarante projets sont en instance d’approbation, et autant à l’étude. Elles sont pour l’essentiel réparties dans le nord-est de la France, au nord d’une ligne allant de l’embouchure de la Seine au lac Léman, dans la région parisienne et, plus minoritairement, en quelques points des départements méditerranéens (carte 9). Dans les départements d’outre-mer, il n’existe de réserves biologiques domaniales qu’à la Réunion. Il faut cependant signaler qu’à la Guadeloupe, une réserve naturelle et un parc national en tiennent avantageusement lieu.

Le bilan actuel de la prise en compte de la biodiversité des milieux forestiers par le réseau de réserves biologiques domaniales fait apparaître des lacunes géographiques importantes avec, par exemple, l’absence de réserves biologiques domaniales dans les régions Rhône-Alpes, Centre, Bretagne, Poitou-Charentes, Limousin, Aquitaine, ou leur insuffisance en nombre dans les régions Picardie, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de Loire, Auvergne... Le département des Alpes-Maritimes, le plus riche et le plus diversifié de France, ne compte pour sa part qu’une seule réserve biologique domaniale.

Les réserves biologiques forestières sont l’équivalent des précédentes dans les forêts non domaniales, propriétés des communes ou des établissements publics, soumises au régime forestier. Elles peuvent être mises en place dans le cadre des dispositions de la convention du 14 mai 1986 entre les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et l’Office national des forêts, lorsque des mesures de protection ou de gestion particulières sont requises pour assurer la conservation d’espèces ou de milieux rares, fragiles ou menacés.

Contrairement à une croyance bien établie, les forêts de protection ne constituent pas à proprement parler des réserves. Il s’agit de territoires boisés, propriétés publiques ou privées, qui sont classés au titre des articles L. 411-1 et suivants (et R. 141-1) du code forestier, afin de garantir leur simple conservation à l’état de forêts, reconnues nécessaires au maintien des terres en montagne, sur pentes fortes, dans des couloirs d’avalanche ou dans des zones soumises à l’érosion. Le statut de forêts de protection peut aussi être conféré à des boisements situés à la périphérie des grandes agglomérations, ou dans des secteurs agricoles soumis à des défrichements importants, pour des raisons de maintien des équilibres écologiques, sociaux et paysagers.

Le Conservatoire du littoral

Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est un établissement public à caractère administratif créé par la loi du 10 juillet 1975. Cette loi lui confère la possibilité de mener une politique d'acquisition foncière de sites naturels remarquables, dans les cantons littoraux et les communes riveraines de lacs de plus de 1 000 hectares de superficie. Cette compétence, le Conservatoire peut l'exercer sur près de 7 000 kilomètres de côtes (5 500 kilomètres en métropole) répartis sur 20 régions, 43 départements et près d'un millier de communes.

Placé sous tutelle du ministère de l'Environnement, le Conservatoire du littoral est pourvu d'un conseil d'administration de 34 membres, représentants de ministères, d'administrations et d'associations de protection de la nature, qui fixe les grandes orientations de la politique du Conservatoire et approuve le détail des politiques régionales d'acquisition et de gestion par grands secteurs. Sept conseils de rivage, dans lesquels siègent des conseillers généraux et régionaux, donnent des avis sur les acquisitions proposées. Lorsqu'elles existent, des délégations régionales assurent la mise en œuvre concrète de la politique du Conservatoire du littoral dans les régions sensibles.

Conformément à la loi, le Conservatoire du littoral assure, au moyen de l'acquisition foncière, la sauvegarde d'espaces naturels ou peu modifiés, présentant un intérêt patrimonial original, ou au contraire représentatifs de la région où est réalisée l'acquisition. Ces espaces deviennent ainsi inaliénables, leur revente ne pouvant être effectuée que sur autorisation donnée par décret en Conseil d'État. La loi fait aussi obligation au Conservatoire du littoral d'ouvrir les espaces acquis au public dans le respect du patrimoine qui a justifié l'acquisition. Il n'assure pas lui-même la gestion des espaces, qu'il confie en priorité aux collectivités locales du lieu si elles le demandent, mais aussi à des syndicats mixtes, des établissements publics ou des associations, dans le cadre de conventions qui définissent un véritable cahier des charges destiné à garantir le maintien de l'intérêt biologique et paysager du site.

Le Conservatoire intervient pour financer des travaux de restauration ou d'aménagement des sites après acquisition. Le fonctionnement et l'entretien de ces sites sont, par contre, assurés par l'organisme gestionnaire, avec de plus en plus souvent l'intervention de fonds provenant de la taxe départementale sur les espaces sensibles (mise en place par les conseils généraux et perçue à l'occasion de la délivrance de chaque permis de construire).

Pour assurer ses acquisitions, le Conservatoire privilégie la recherche d'un consensus, tant avec les propriétaires qu'avec les collectivités locales concernées. Cependant, il peut bénéficier de procédures particulières, comme le droit de préemption, par désistement à son profit de la part du département, ou le droit d'expropriation.

L'acquisition foncière ne constitue cependant pas le seul moyen d'action du Conservatoire, qui peut bénéficier de donations et de legs de la part de particuliers, mais aussi d'affectations de terrains de la part de certaines collectivités locales et bien entendu d'autres administrations d'État.

En 1991, soit quinze ans après sa création, l'action du Conservatoire du littoral pouvait se résumer en quelques chiffres éloquents. Le nombre total de sites acquis s'élève à 276, représentant une superficie totale de 35 981 hectares et un linéaire côtier de 473 kilomètres, soit 7% du littoral maritime et 2% des rivages lacustres.

Les conservatoires des sites régionaux

Les Conservatoires régionaux des espaces naturels ou des sites (qui associent des associations et des collectivités territoriales) achètent et gèrent des milieux naturels pour en préserver la qualité biologique. Ils contribuent ainsi à la conservation des plantes in situ.

C’est dans les années 1970 que l’Association fédérative de protection de la nature en Alsace prenait l’initiative d’acquérir quelques dizaines d’hectares de la plaine du Ried, plaine humide de grand intérêt biologique, afin de les préserver de la maïsiculture intensive. De cette initiative est née l’idée de constituer une association autonome qui puisse acquérir, louer et gérer des milieux naturels : le Conservatoire des sites alsaciens, association loi 1901 officiellement créée en 1976. L’originalité de cette initiative est d’avoir recherché dès le départ à se constituer une base populaire d’appui par la mise en vente d’« actions vertes » destinées à l’acquisition de ces terrains.

Au fil des ans, le Conservatoire acquérait expérience et notoriété. Des contacts étaient établis avec les collectivités locales d’Alsace et aboutissaient à la signature de baux (emphytéotiques ou simples) pour la préservation d’un verger traditionnel haute tige de 5 hectares, ou une ancienne glaisière présentant un grand intérêt biologique. Le département du Haut-Rhin acceptait d’acquérir des terrains en copropriété avec le Conservatoire des sites alsaciens. De leur côté, le département du Bas-Rhin prenait des parts pour aider certaines acquisitions, alors que la région Alsace préférait le principe des conventions de gestion.

Chaque site acquis ou pris à bail bénéficie d’un plan de gestion, mis en œuvre par un conservateur. Protection et information du public en sont les thèmes directeurs.

C’est sur cet exemple que se sont constitués en France d’autres associations régionales pour la conservation des sites (le Conservatoire des sites lorrains est né en 1984). On en dénombre treize aujourd’hui. Leur objectif à terme est d’établir de véritables accords de partenariat avec les collectivités locales, ce qu’a réussi le Conservatoire des sites alsaciens, les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et la Région Alsace ayant accepté d’en faire partie en tant que membres de droit, ce qui est loin d’être acquis dans les autres régions de France.

A l’initiative de Daniel Daske, président de ce Conservatoire, s’est créée une fédération nationale des conservatoires des sites régionaux, dénommée Espaces naturels de France.

Les autres mesures de protection

La loi Montagne

La loi du 9 janvier 1985 (voir aussi l'article L 145-7 du nouveau code de l’urbanisme), relative au développement et à la protection de la montagne, s’applique à un territoire délimité par arrêté interministériel, dénommé « zone de montagne », dans lequel les conditions topographiques (altitude, pentes) et climatiques engendrent des handicaps : difficultés d’exploitation des terres agricoles, renchérissement des coûts d’exploitation, caractère saisonnier très marqué des activités, enclavement important, difficultés de communication.

Cette loi s’applique à des communes et des parties de communes en France métropolitaine, mais aussi outre-mer. Ainsi, elle concerne à la Réunion les terrains situés au-dessus de 500 mètres d’altitude, et aux Antilles, les zones situées au-dessus de 350 mètres.

Cette loi pour le développement prévoit aussi la protection des paysages et milieux les plus remarquables de la montagne : territoires de haute montagne, tourbières, lacs, cours d’eau de première catégorie, grottes...

Les territoires devant bénéficier de mesures de protection sont délimités après des études réalisées par des spécialistes. Après concertation avec les collectivités locales, les mesures de protection sont intégrées dans des « prescriptions de massif ».

La loi Littoral

La loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (voir aussi l'article L. 146-6 du nouveau code de l’urbanisme), permet la protection des espaces et milieux littoraux (y compris les zones marines) des communes littorales. Elle prévoit la protection d’éléments remarquables ou caractéristiques de la région concernée, qu’ils aient une importance paysagère majeure (comme les caps, les rias), ou une grande importance biologique comme les deltas, les dunes, les zones de nidification, de gagnage, de repos de l’avifaune protégée au titre de la directive CEE sur la conservation des oiseaux sauvages, les grottes, les forêts littorales, les plans d’eau de plus de 1 000 hectares, les herbiers de posidonie ou les mangroves dans les DOM. Après réalisation d’études préalables destinées à délimiter les espaces prévus par la loi, le préfet de chaque département littoral, en général après consultation des différents élus locaux concernés, notifie aux communes les zonages arrêtés en leur demandant de modifier leur plan d’occupation des sols si nécessaire. Avec la création du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, cette loi constitue sans conteste l’outil essentiel pour le maintien de la biodiversité sur le littoral. Il convient cependant de préciser que cette loi est actuellement contestée par bon nombre d’élus des communes et départements littoraux qui la trouvent trop contraignante, car elle empêche de fait la genèse de tout nouveau projet d’urbanisation, et souhaitent, sinon son abrogation, du moins son profond remaniement.

Les autres protections réglementaires

L’État dispose d’autre moyens que la création de parcs ou de réserves pour s’assurer de la conservation de la qualité biologique ou esthétique de certains espaces.

Il peut décider de l’inscription d’un site au titre de la loi du 2 mai 1930 et du décret du 13 juin 1969 ; relèvent de telles mesures des sites d’intérêt esthétique, artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. Le classement prévoit la consultation de l’architecte des bâtiments de France pour tout projet susceptible de modifier l’aspect des paysages ou des bâtiments.

Il peut décider du classement d’un site au titre des mêmes textes réglementaires que pour les sites inscrits ; cette mesure est largement utilisée pour la protection d’espaces naturels, de paysages remarquables, de grands sites comme la Pointe du Raz ou les gorges du Verdon, de villages. Par le passé, des arbres remarquables ont pu bénéficier de telles mesures de protection. Le classement au titre des sites prévoit la demande systématique d’autorisation avant la réalisation de travaux susceptibles de modifier l’aspect des lieux. L’avis de la commission départementale des sites est en général sollicité.

Après en avoir été saisi par les administrations, les maires ou les associations de protection de la nature, le préfet d’un département peut décider, en application des articles R 211-12 et suivants du Code rural, de promulguer un arrêté préfectoral de conservation de biotope, qui peut concerner tout ou partie d’un département, y compris les milieux habituellement utilisés par l’homme, afin de protéger les biotopes, zones humides, pelouses humides, pelouses sèches calcaires, mares, landes... nécessaires à la survie d’espèces végétales ou animales protégées en application des articles L 211.1 et L 211.2 du Code rural. L’arrêté de conservation des biotopes consiste principalement à interdire sur le territoire concerné toute activité susceptible de porter atteinte à l’habitat de l’espèce considérée.

L’action des collectivités locales

Les départements et les espaces naturels sensibles

Au titre de la loi du 18 juillet 1985 et des articles L. 142-1 à L. 142-13 et R. 142-1 à R. 142-18 du code de l’urbanisme, les départements peuvent définir des zones de préemption concernant les zones naturelles de tout ou partie du territoire départemental, ainsi que les sentiers figurant dans le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnées. En utilisant les fonds provenant d’une taxe prélevée sur les permis de construire, le département peut acquérir les dits terrains afin d’assurer la protection du patrimoine naturel qu’ils hébergent et leur ouverture au public. Moyennant une gestion adéquate, dont l’efficacité passe souvent par une bonne information des services départementaux responsables, ces territoires peuvent constituer des lieux très précieux pour la conservation de la biodiversité. Ainsi, dans le département des Alpes-Maritimes, la nivéole de Nice (Leucojum nicaense), endémique française strictement localisée à ce département, figurant sur l’annexe II de la directive communautaire habitat, bénéficie de mesures de protection foncière grâce à l’existence de propriétés départementales acquises dans le cadre de la politique sur les espaces naturels sensibles du département.

Les communes et les plans d’occupation des sols

Par le plan d’occupation des sols, par le zonage, mais aussi par le règlement lié à chaque type de zone qui y figure, les communes peuvent intervenir de façon notable sur la conservation de la biodiversité. Plus particulièrement, le code de l’urbanisme leur permet d’assurer :

- la conservation des zones naturelles à préserver (zonage ND), au titre des articles L. 123-1 à L. 123-12 et R. 123-1 à R. 123-36 ; il pourra s’agir de sites remarquables pour l’intérêt esthétique, biologique ou historique qu’ils présentent ;

- la préservation de terrains boisés classés (zonage TCB), au titre des articles L. 130-1 à L. 130-6, R. 130-1 à R. 130-16 et L. 142-11 et R. 142-2 ; il s’agira bien évidemment de bois ou forêts présents sur la commune, mais aussi de parcs publics intra-urbains, existants ou à créer, mesure qui peut présenter de l’intérêt pour préserver des spécimens particuliers d’arbres situés à l’intérieur des agglomérations.


Comme on l'a vu, les pouvoirs publics disposent de nombreux instruments pour protéger les espaces qui présentent un intérêt particulier. Il ne faudrait pas en conclure que le reste du territoire peut être abandonné aux pratiques les plus destructrices. La biodiversité a besoin d'un minimum de continuité territoriale pour que les processus écologiques continuent à jouer leur rôle, et la diversité qu'il s'agit de gérer réside aussi dans la « nature ordinaire ». Chaque fois que nous gérons un espace, nous devons donc nous poser la question de l'impact de nos pratiques sur la biodiversité. Est-il vraiment nécessaire de traiter aux herbicides les bords de route ? Les haies et les bosquets sont-ils devenus à ce point inutiles qu'on les laisse brûler par négligence ? Dans certaines régions, les talus de chemin de fer et d'autoroutes représentent une fraction non négligeable des espaces qui ne sont ni bâtis ni cultivés. Les terrains militaires jouent aussi un rôle, non seulement parce que le public en est écarté, mais aussi parce que les trous d'obus et les chenilles des chars recréent en permanence des milieux pionniers.

Avec la déprise agricole et la réforme de la politique agricole commune, on perçoit plus que jamais l'importance de l'espace rural et des pratiques agricoles pour la gestion de la diversité. Ce pourrait être l'occasion d'une réflexion d'ensemble sur l'intensification des techniques et l'impact des pratiques agricoles sur les milieux.

Le pâturage extensif constitue un excellent exemple de renversement des perspectives. Longtemps accusé de détruire les paysages, il revient à la mode dans les espaces protégés où la fermeture progressive du milieu, constatée depuis une décennie, inquiétait les gestionnaires, qui voyaient progressivement disparaître un certain nombre d'espèces végétales et animales inféodées aux pelouses.

L'abandon progressif des méthodes de gestion pastorale extensives héritées du xixe siècle a conduit certains responsables de réserves naturelles à rechercher des animaux rustiques capables de recréer l'action des herbivores sauvages qui équilibraient la dynamique végétale avant que l'homme du néolithique ne les remplace par le bétail domestique. Aujourd'hui, la surface totale d'espaces naturels protégés « gérés » par des animaux représente plus de 1 800 hectares (marais Vernier, réserve des Mannevilles, etc.), essentiellement des zones humides. Ce chiffre n'intègre pas la Camargue, où le mode de gestion traditionnel utilisant taureaux et chevaux correspond à une pratique ancestrale. Quatre espèces (âne, cheval, mouton, bœuf) et 27 races animales différentes, dont la célèbre Highland Cattle, sont utilisées (source : CPRN). Résultat : les espèces végétales rares que l'on croyait disparues réapparaissent, les insectes et les oiseaux aussi. Bien que les superficies en cause soient encore faibles, il s'agit sans aucun doute d'une voie à poursuivre pour faciliter l'entretien de la diversité des milieux naturels, sans que cela soit une panacée.

Le rôle des organisations et des conventions internationales

Les problèmes de protection de la nature se posent au niveau international. Les espèces et les milieux ne connaissent pas de frontière, pas plus que les impacts des activités humaines. C'est ce qui explique le nombre de conventions internationales - certains diront même leur prolifération - qui portent sur des groupes d'espèces, des types de milieux ou des régions géographiques. Au-delà d'une certaine « langue de coton » propre aux organisations internationales, ces programmes jouent un rôle important pour stimuler les pays qui sont tous peu ou prou sensibles à l'image qu'ils donnent à l'extérieur. On trouvera dans les pages qui suivent les grandes lignes des conventions et des programmes qui concernent la France.

La Communauté économique européenne

La directive « oiseaux sauvages »

La directive du Conseil de la CEE n° 79/409 concernant la conservation des oiseaux sauvages, modifiée par la directive n° 85/411, s'applique à tous les territoires européens des états membres. Elle prévoit la protection des habitats nécessaires à la survie et à la reproduction d’espèces d’oiseaux considérées comme rares ou menacées à l’échelle de l’Europe et inscrites à l’annexe I de la directive. La notion d’habitat y est très large puisqu’elle intègre les zones de reproduction, de mue, d’hivernage, de gagnage, ainsi que les zones relais pour les espèces migratrices. Chaque pays de la CEE a charge d’inventorier, de protéger et de restaurer de tels territoires, appelés zones de protection spéciale. Il est à noter que la directive interdit la détention de ces espèces, et réglemente l'exploitation de certaines d'entre elles. Ces dispositions concernent les individus, mais aussi leurs œufs et leurs nids, et prévoient en outre l'interdiction de toute perturbation intentionnelle, notamment pendant les périodes de reproduction.

Pour l’ensemble du territoire national, la France a désigné 64 zones de protection spéciale, couvrant une superficie de 517 612 hectares.(fin décembre 1990). Ces zones de protection spéciale font l’objet de mesures de protection diverses. On y trouve en effet des parcs nationaux, des réserves naturelles, des réserves de chasse, des propriétés du Conservatoire du littoral, des arrêtés de biotopes, des réserves naturelles volontaires et des terrains loués par les conservatoires des sites.

La directive « habitat »

La directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la flore et de la faune sauvages, dite directive « habitat », a été publiée au Journal officiel des communautés européennes le 22 juillet 1992. Elle a été saluée comme une avancée significative, dans la mesure où elle était annoncée depuis longtemps. Il faudra cependant attendre douze ans pour que son application soit totale. En effet, trois ans sont accordés aux pays pour établir la liste des espaces à protéger. Trois nouvelles années seront consacrées aux négociations avec la Commission pour arrêter les mesures de protection. Enfin, les États et la Commission se donnent six autres années (donc de 1998 à 2004) pour mettre définitivement en place le réseau d'espaces protégés au titre de cette directive.

Cette dernière se donne pour objet « d'assurer la conservation des habitats ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres », y compris leurs territoires maritimes. Elle est articulée autour d'un certain nombre de points forts :

- des habitats naturels, dont une liste en annexe I fait référence à une classification de l'ensemble des habitats communautaires connue sous le nom de Corine biotopes ;

- des espèces sauvages, dont la conservation nécessite la désignation de « zones spéciales de conservation », et dont une liste figure à l'annexe II ; y dominent les espèces endémiques ;

- des espèces d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte et dont la liste figure à l'annexe IV ;

- des sites d'importance communautaire destinés à contribuer de manière significative au maintien ou au rétablissement d'habitats naturels (annexe I) ou d'espèces (annexe II).

L'ensemble de ces mesures doit aboutir à la réalisation d'un réseau écologique européen, que la directive dénomme Natura 2000.

La directive souffre néanmoins du caractère approximatif de certaines listes, susceptible de créer des controverses d'ordre scientifique. Les difficultés d'interprétation du document du point de vue juridique vont de plus susciter des contestations, qui risquent de subordonner sa mise en œuvre à l'instauration d'une jurisprudence.

L'imprécision qui règne au niveau des groupements végétaux provient en partie de l'utilisation d'une terminologie phytosociologique désuète. Dans d'autres cas, les formations les plus typiques, à protéger, sont englobées dans des ensembles où elles cohabitent avec des habitats intermédiaires. Il faudra donc procéder à un travail d'interprétation du texte des annexes.

La directive « eaux douces »

La directive du Conseil de la CEE, du 18 juillet 1978, relative à la qualité des eaux douces ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie du poisson prévoit notamment la protection et la restauration des rivières et des lacs et insiste sur l'intérêt de la protection des espèces indigènes présentant une diversité naturelle.

Les fonds structurels européens

La Communauté européenne consacre une part croissante de ses ressources à des aides destinées à favoriser le développement économique des régions des pays membres. Des sommes importantes sont ainsi attribuées à la Grèce, au Portugal ou à l’Irlande, aux DOM français, mais aussi à toutes les régions rurales.

Ces aides sont versées à travers trois fonds structurels :

- le FEDER, Fonds européen pour le développement régional, qui a pour but de contribuer à la réduction des principaux déséquilibres régionaux dans la Communauté ;

- le FSE, Fonds social européen, qui a pour but de contribuer à la promotion de l’emploi ;

- le FEOGA, Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, qui comporte deux sections ; l’une doit soutenir les prix agricoles, l’autre veut accélérer l’adaptation des structures agricoles et contribuer au développement des zones rurales.

L’importance des sommes en jeu (60 milliards d’ECU sur 10 ans) fait que ces fonds guident en partie la politique d’aménagement du territoire et le développement des régions.

En dépit des déclarations optimistes de la CEE, et en infraction avec les termes du règlement régissant l’utilisation de ces fonds (« les actions des fonds structurels doivent correspondre aux politiques communautaires, y compris en ce qui concerne [...] la protection de l’environnement »), 90% de leur montant est utilisé pour des opérations qui font bien peu de cas de l’environnement. Pis encore, sous le vocable environnement se cachent parfois des opérations curieuses, des traitements insecticides aériens sur la forêt, par exemple. Très souvent, le fonds finance une maison de la nature alibi au milieu d’espaces naturels bouleversés par la grâce des crédits des fonds structurels.

La Communauté se trouve souvent en contradiction avec elle-même. Ainsi, dans le sud de la France, elle finance à la fois la préservation des prairies steppiques de la Crau et leur destruction par la reconversion en terrains agricoles voués à l’agriculture intensive. Il s’agit là d’un nouveau sujet de vigilance pour les citoyens européens que nous sommes.

Le Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe, dont le siège est à Strasbourg, regroupe la quasi-totalité des pays d'Europe de l'Ouest. Les pays de l'Est le rejoignent au fur et à mesure de leur démocratisation, qui est une condition de l'adhésion. Son objectif est de faire progresser les différents pays vers une plus grande union, d'améliorer la qualité de la vie des Européens et de défendre leurs droits sous toutes leurs formes (L’Hyver, 1988).

Le Conseil de l'Europe est très actif depuis trente ans dans les domaines de l'environnement. Malgré des moyens limités, il a su organiser de nombreux colloques, réunir des comités d'experts et élaborer un certain nombre de recommandations, de normes et de projets de réglementations. Bien qu'elles n'aient pas de valeur contraignante, ces propositions ont été souvent suivies d'effet.

Elles concernent les domaines suivants:

- la conservation des espèces de flore et de faune, concrétisée par les dispositions de la convention de la vie sauvage et des habitats naturels, plus connue sous le nom convention de Berne (voir ci-après), et par la Charte sur les invertébrés ;

- la gestion de l’environnement naturel ; la Charte sur les sols européens et la Charte écologique pour les régions de montagne ont été réalisées dans ce cadre ;

- le développement de réseaux d’espaces protégés destinés à la protection d’exemples représentatifs de sites et d’espèces rares ou en danger en Europe ; les réseaux des sites bénéficiant du diplôme européen et le réseau des réserves biogénétiques européennes en sont la matérialisation ;

- l’information et l’éducation, l’essentiel des actions étant réalisé par le Centre européen pour la conservation de la nature et de l’environnement et ses vingt-et-une agences situées dans les différents pays adhérents.

Le Conseil de l'Europe joue également un rôle pilote en réunissant des groupes d'experts sur des thèmes comme la conservation des invertébrés ou la conservation des plantes sauvages progénitrices de plantes cultivées.

La convention de Berne

Cette convention, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, du 19 septembre 1979 (publiée en France par décret du 22 août 1990) s'applique aux États signataires, membres du Conseil de l'Europe. Elle concerne tout à la fois des espèces végétales et animales. Elle prévoit pour certaines d’entre elles, qui figurent dans deux listes annexées, l'interdiction de la capture, de la mise à mort des individus et de leurs œufs et du commerce de ces derniers ainsi que la protection des habitats, et demande qu'une attention particulière soit portée, pour les espèces animales, aux voies de migration et à la protection des zones utilisées comme « aires d'hivernage, de rassemblement, d'alimentation, de reproduction ou de mue ».

Par décision de la CEE, les dispositions de la convention de Berne sont automatiquement intégrées dans les directives européennes, dont la directive « habitat ».

Le diplôme européen

Le diplôme européen est un label de qualité institué en 1975 et attribué aux espaces naturels protégés européens. Il constitue à la fois une reconnaissance de la qualité de leur activité de conservation et un argument pour les aider à assurer une conservation à long terme. Il est attribué pour cinq ans, sur la base d’une expertise réalisée par un consultant indépendant et un représentant du Conseil de l’Europe. A chaque renouvellement, une nouvelle expertise est réalisée, à l’issue de laquelle le diplôme peut être reconduit ou retiré.

Trois différentes catégories d’espaces naturels peuvent se voir attribuer le diplôme :

- la catégorie A correspond aux aires strictement protégées, constituées dans le but de conserver des espèces ou des écosystèmes rares, remarquables ou endémiques en Europe, sans population permanente et sans activités d’exploitation du milieu ; l’accès du public y est interdit ou strictement contrôlé ;

- la catégorie B concerne les espaces constitués pour la protection de paysages, ou de sites de haute valeur esthétique ou culturelle ; les espaces ruraux typiques dont l’aspect et les écosystèmes doivent leur maintien à des activités traditionnelles peuvent entrer dans cette catégorie, ainsi que dans la suivante ; l’accès du public y est autorisé ;

- la catégorie C concerne des sites qui combinent des fonctions sociales et récréatives tout en maintenant leur intérêt paysager ou biologique.

En France, deux parcs nationaux sur sept (Ecrins et Vanoise) bénéficient de diplômes européens, tous les deux en catégorie A, et deux réserves naturelles (la réserve nationale de Camargue et la réserve de Scandola en Corse) sont dans le même cas.

Récemment, le parc national des Pyrénées occidentales s’est vu retirer son diplôme. A la suite d'une visite d'expert réalisée en 1989, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a décidé la non-reconduction du label - les motifs étant le non-respect des conditions d'attribution et la nette dégradation d'un site important. Il n'en demeure pas moins que malgré divers aléas, dont la politique n’est pas exempte, le parc national des Pyrénées Occidentales contribue de façon significative à la conservation de la flore et de la faune de haute montagne de la chaîne pyrénéenne, parmi lesquelles on compte plusieurs endémiques strictes.

Le réseau européen des réserves biogénétiques

La conférence ministérielle européenne sur l'environnement de Vienne lança l'idée d'un programme de conservation de la flore et de la faune par la protection d'exemples représentatifs des différents milieux naturels de l'Europe. Elle fut concrétisée en 1976 (résolutions 76-17 et 79-9 du comité des ministres du Conseil de l'Europe) par la création du réseau européen de réserves biogénétiques. Ce réseau rassemble des espaces présentant un grand intérêt pour la conservation des équilibres biologiques de la diversité génétique dans la nature, par exemple des sites hébergeant des espèces rares, uniques, typiques ou en danger. Seuls les états membres sont habilités à désigner les sites intégrés au réseau.

Fin 1991, la France avait désigné 35 sites dont on trouvera la répartition dans le tableau xxv. Elle prévoit de désigner 39 sites supplémentaires, au titre des forêts anciennes ou semi-naturelles.

La convention de Bonn

La convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage a été signée à Bonn le 23 juin 1979 (amendée à Bonn le 26 octobre 1985 et publiée en France par décret du 23 octobre 1990). Cette convention, qui s'applique aux états européens signataires, prévoit d’une part la mise en place de mesures immédiates de protection, comportant notamment l'interdiction de prélèvement pour des espèces comme les tortues marines, le goéland d'Audoin, plusieurs chiroptères et un certain nombre d'oiseaux migrateurs, et la réglementation des modes de chasse pour d'autres espèces. Elle prévoit d’autre part l’obligation pour les Etats de conserver et de restaurer les habitats des espèces figurant dans une liste annexée.

Le rôle de l'UNESCO

L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, plus connue sous le nom d’UNESCO, a son siège à Paris. Ses interventions concernent en particulier la protection du patrimoine culturel et naturel. Par sa compétence pour les questions scientifiques, l'UNESCO est également bien placée pour coordonner au niveau international les actions de recherche sur la biodiversité.

La convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel

Adoptée par la xviie conférence générale de l'UNESCO le 16 novembre 1972, elle fut publiée en France par décret du 10 février 1976. Cette convention affirme que « le patrimoine culturel et naturel fait partie des biens inestimables et irremplaçables, non seulement de chaque nation, mais de la terre entière » et que la perte de l'un de ces « biens éminemment précieux constitue un appauvrissement du patrimoine de tous les peuples du monde ». Elle préconise, afin de protéger ce patrimoine contre « les dangers croissants qui les menacent », d'en réaliser l'inventaire et d'en diligenter « la protection, la conservation et la mise en valeur adéquates ». L'emblème du patrimoine mondial, un carré central figurant l'œuvre de l'homme, entouré d'un cercle figurant la nature, l'ensemble généré par une même ligne continue pour renforcer l'idée d'interdépendance, a été choisi par l'UNESCO en 1978.

Pour faciliter la mise en œuvre effective de la convention ont été créés en 1976 un Comité du patrimoine mondial et un Fonds du patrimoine mondial. Le comité a pour fonctions essentielles :

- « d'identifier, sur la base des propositions d'inscriptions soumises par les États parties (de la convention), les biens culturels et naturels à protéger ;

- de décider parmi les biens inscrits ceux qui sont à inclure dans la liste du patrimoine mondial en péril ;

- de déterminer de quelle manière les ressources du Fonds du patrimoine mondial seront utilisées ».

L'originalité de cette convention est qu'elle prévoit, à la fois, l'inscription et la protection de biens culturels et naturels « considérés comme ayant une valeur universelle exceptionnelle ». Selon la nature du bien considéré, l'inscription est assujettie à la conformité à des critères précis. Ainsi, pour les biens qualifiés de culturels, il s'agit de monuments, d'ensembles architecturaux ou de sites, œuvre de l'homme ou œuvre conjuguée de l'homme et de la nature, dont la valeur universelle réside à la fois dans le critère d'authenticité et dans l'un des critères suivants :

- réalisation artistique unique ;

- bien ayant exercé une influence considérable pendant une période donnée ;

- témoignage unique ou exceptionnel sur une civilisation disparue ;

- exemple éminent d'un type de construction illustrant une période historique significative ;

- exemple éminent d'un habitat humain traditionnel ;

- bien directement et matériellement associé à des événements ou des idées ou croyances ayant une signification universelle exceptionnelle.

Pour les biens qualifiés de naturels, il s'agit de « monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique ». Entrent dans cette catégorie les formations géologiques et physiographiques, les zones constituant l'habitat d'espèces végétales ou animales menacées, les sites ou zones naturelles ayant une valeur scientifique, patrimoniale ou esthétique exceptionnelle. L'inscription de tels biens est assujettie au respect simultané de conditions d'intégrité et de conditions plus spécifiques comme :

- être des exemples représentatifs de grands stades de l'évolution de la Terre ;

- « être des exemples éminents représentatifs des processus géologiques en cours, de l'évolution biologique et de l'interaction entre l'homme et son environnement naturel ;

- représenter des phénomènes, formations ou particularités naturels éminemment remarquables ;

- contenir les habitats naturels les plus importants et les plus représentatifs où survivent des espèces animales ou végétales menacées ayant une valeur universelle ».

Dans le cas de sites naturels, le critère d'intégrité est pris dans son acception la plus large, imposant d'intégrer dans la délimitation des sites retenus, « la totalité ou la plupart des éléments principaux connexes et interdépendants, la diversité et la complexité des systèmes retenus, les composantes d'écosystèmes nécessaires à la conservation des espèces ou à la continuité des processus ou éléments naturels à sauvegarder ».

Qu'il s'agisse de biens culturels ou naturels, l'inscription est liée à la mise en œuvre par l'autorité du pays concerné de mesures de protection réglementaires et de mesures concrètes de gestion. Cependant, les termes mêmes de la convention donnent à penser qu'il ne s'agit d'une obligation que pour les biens de nature culturelle.

Au cas où le bien concerné se serait détérioré depuis son inscription, ou si son inscription a été établie sur la base d'indications erronées de la part de l'État concerné, ou encore si les mesures correctives demandées par le Comité n'ont pas été réalisées, ce dernier peut éventuellement exclure le dit bien de la liste du patrimoine mondial.

Le nombre de biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, correspondant à la dernière liste approuvée par le comité en décembre 1990, s'élève à 250 pour les biens de type culturel, 14 pour les biens de type mixte culturel - naturel et 80 pour les biens de type naturel. Ils sont répartis sur tous les continents, dans soixante-treize pays. On constate cependant une plus forte densité de sites inscrits, de type culturel essentiellement, autour de la Méditerranée.

On y trouve, parmi les sites et monuments à caractère culturel, des lieux prestigieux comme le site de Pétra en Jordanie, la mosquée de Cordoue en Espagne, le centre historique de Rome en Italie, la Médina de Fez au Maroc, le temple du soleil à Konarak en Inde, les monuments nubiens d'Abou Simbel à Philae et les palais royaux d'Abomey au Bénin.

Les sites à caractère mixte culturel et naturel rassemblent des exemples tout aussi célèbres que le sanctuaire historique de Machupicchu au Pérou, le Tassili n'Ajjer en Algérie, le mont Athos en Grèce, mais aussi le mont Taishan en Chine.

Les sites à caractère naturel sont proportionnellement plus abondants en dehors du continent eurasiatique : parc national de Kahuzi-Biega au Zaïre, Grande Barrière de corail en Australie, Parc national de Yellowstone aux États Unis.

La France, pour sa part, a fait inscrire seize sites, monuments ou ensembles de monuments à caractère culturel :

- le Mont-Saint-Michel et sa baie ;

- la cathédrale de Chartres ;

- le palais et le parc de Versailles ;

- la basilique et la colline de Vézelay ;

- les grottes ornées de la vallée de la Vézère ;

- le palais et le parc de Fontainebleau ;

- le château et le domaine de Chambord ;

- la cathédrale d'Amiens ;

- le théâtre antique et ses abords, et l'arc de triomphe d'Orange ;

- les monuments romains et romans d'Arles ;

- l'abbaye cistercienne de Fontenay ;

- la saline royale d'Arc-et-Senans ;

- les places Stanislas, de la Carrière et d'Alliance à Nancy ;

- l'église de Saint-Savin sur Gartempe ;

- le pont du Gard ;

- la Grande Ile de Strasbourg.

Un seul site à caractère naturel a pour l'instant été inscrit. Il s'agit des caps de Girolata et de Porto et de la réserve naturelle de Scandola en Corse.

Les réserves de la biosphère

En 1971, l’UNESCO lançait le programme MAB (l'homme et la biosphère), programme international dans lequel recherche scientifique et formation des acteurs tiennent un part égale, dans la perspective de réconcilier dans une approche unifiée le souci de la protection de la nature et des systèmes traditionnels et celui du développement des populations locales. Le concept de réserve de biosphère fut défini en 1974.

A compter de cette date, l'UNESCO désigna les aires bénéficiant du label de réserve de la biosphère, sur la base des propositions des États membres de son programme MAB, l’objectif avoué étant d’assurer la conservation d’un échantillonnage représentatif des grands biomes terrestres et des écosystèmes côtiers et marins.

Les premières réserves furent créées en 1976. En 1991, 110 pays participaient au programme MAB. Soixante-quinze d'entre eux possédaient des réserves de la biosphère, pour un total de 300 réserves, couvrant 164 millions d'hectares et une très large variété d’écosystèmes.

Dans le monde, elles sont majoritairement concentrées sur l’ensemble du continent européen, sur les deux tiers sud du continent nord-américain, sur les montagnes et les hauts plateaux de l’Amérique du Sud, en Afrique équatoriale, et plus minoritairement dans le sud-est de l’Australie et sur la côte est du continent asiatique. L'analyse par pays montre que ceux qui disposent d'un vaste territoire possèdent logiquement un nombre important de réserves :Australie : 12 ; États-Unis, 47 ; Russie, 14 ; ce qui contraste avec le Brésil, qui n'en a désigné que deux. Par ailleurs, certains pays de taille moyenne se distinguent par leur nombre de réserves : Bulgarie, 17 ; Espagne, 10 ; Royaume-Uni, 13.

La France, quant à elle, compte sept réserves de biosphère, dont six en métropole : la réserve de biosphère de la Camargue, la réserve des Cévennes, la réserve d’Iroise, la réserve des Vosges du Nord, le mont Ventoux, la réserve du Fango, en Corse, et l'archipel de la Guadeloupe.

Une réserve de biosphère est une aire protégée, dans laquelle les mesures de gestion mises en place visent à conserver les ressources naturelles présentes, tout en garantissant leur utilisation durable par les populations locales qui, en général, y exercent des activités traditionnelles d'exploitation des ressources naturelles ayant souvent contribué à créer des grands ensembles d'écosystèmes transformés. La réserve de biosphère est donc conçue et gérée dans un souci de cohabitation harmonieuse de ses multiples fonctions. De ce fait, elle est structurée par un zonage permettant de définir :

- une zone centrale qui comprend un échantillonnage représentatif des écosystèmes les moins artificialisés de la réserve, par ailleurs caractéristiques de l’un des grands biomes mondiaux. Cette zone centrale bénéficie de protections légales de la part du pays qui l’abrite, de manière à garantir la conservation des richesses naturelles présentes. Les activités humaines y sont limitées à celles qui contribuent au maintien des écosystèmes ainsi préservés. Dans le monde, ces zones centrales concernent des espaces aussi prestigieux que le territoire des populations menacées de gorilles de montagne du parc national des volcans au Ruanda, des hauts lieux de l’endémisme comme la réserve de biosphère des Galapagos, ou le parc national de Manu en Amazonie ;

- une zone tampon, qui entoure la zone centrale et est destinée à la protéger de toute perturbation. Les activités possibles concernent les usages traditionnels du milieu naturel mais aussi le tourisme, les activités pédagogiques et de recherche. Des actions de restauration du milieu naturel peuvent y être programmées, par exemple lorsque celui-ci a été très fortement dégradé par surpâturage. Les limites de la zone tampon coïncident habituellement avec celles de l’espace protégé qui lui sert de support (parc national, réserve naturelle, parc naturel régional, mais aussi dans le monde, zone à utilisation multiple) ;

- une zone de transition, non délimitée et qui correspond habituellement à une zone de coopération dynamique orientée vers la mise au point de méthodes de gestion et de mise en valeur de l’espace naturel au bénéfice des populations locales.

Le concept de réserve de la biosphère est cependant appliqué avec souplesse, de manière à s’adapter aux situations locales. Ainsi, aux États-Unis, le concept de réserve « en grappe » a été mis au point pour tenir compte de situations juridiques diverses.

Le programme des réserves de la biosphère bénéficie d’appuis multiples. Outre l’UNESCO, le PNUE, la FAO et l’UICN participent aux actions engagées et, à des titres divers, à leur financement. L'UNESCO a lancé en 1990 avec l'UISB et le SCOPE un programme de recherche qui s'appuie sur ce réseau pour mieux comprendre le rôle de la biodiversité et en observer les changements dans une perspective de développement durable.

La convention de Ramsar

La convention internationale du 2 février 1971 relative aux zones humides d'importance internationale, particulièrement comme habitats de la sauvagine, amendée par le protocole de Paris du 3 décembre 1982 (publiée en France par décret du 20 février 1987) est connue sous le nom de convention de Ramsar. Elle insiste tout particulièrement sur les zones humides ayant une importance internationale, non seulement pour les oiseaux d'eau en toute saison, mais plus largement pour la flore et la faune.

Elle prévoit que les pays signataires créent des réserves naturelles et s'efforcent par leur gestion d'accroître les populations des oiseaux d'eau sur les zones humides appropriées.

Dès l’entrée en application de la convention, les parties contractantes ont désigné, en tant que zones humides d’importance internationale, plus de 500 sites représentant au total plus de 31 millions d’hectares. En 1990 fut établie la base de données de Ramsar, gérée depuis Slimbridge, au Royaume-Uni, en association avec le Bureau international de recherches sur les oiseaux d'eau (BIROE).

L’UNESCO est l’organisme dépositaire de la convention. Le secrétariat de la convention, plus connu sous le nom de bureau de la convention de Ramsar, est un organe indépendant administré par l’UICN. Il se trouve à Gland en Suisse, et l'un de ses objectifs est de promouvoir l'idée d'une utilisation rationnelle des zones humides.

La France a officiellement désigné huit sites de zones humides d’importance internationale. Elles couvrent au total 418 000 hectares (tableau xxvi). Les ornithologues français considèrent pour leur part qu’une soixantaine de sites ou ensembles de sites supplémentaires, répondant aux critères de la convention de Ramsar, mériteraient d’être désignés. Certains de ces sites font déjà l’objet de protections fortes.

Les autres conventions internationales

La plus ancienne convention internationale signée dans le domaine de la préservation des espèces sauvages est certainement la convention pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture du 19 mars 1902. Elle prévoit l'interdiction de la destruction des individus, des œufs et des nids ainsi que leur commerce, transport et colportage pour un certain nombre d'espèces utiles à l'agriculture comme certains rapaces nocturnes, les pics, les rolliers et guêpiers, les cigognes, etc. Par contre, elle prévoit aussi une liste de « nuisibles », dans laquelle figurent toutes les espèces d'aigles, le grand duc, l'autour de palombes, les hérons cendrés et pourprés... ce qui ne manque pas de nous étonner aujourd’hui.

La convention de Washington

La convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES, 1973) vise à limiter, voire à interdire, l'exportation et l'importation de plantes ou d'animaux ou de produits qui en sont issus, de manière à limiter la prédation sur les espèces dans leurs pays d'origine.

La mise en application effective de cette convention dépend des États eux-mêmes et des moyens administratifs qu'ils dégagent pour cela . En France, la mise en application de la convention est assurée par un bureau spécialisé de la Direction de la protection de la nature au ministère de l’Environnement, les contrôles aux frontières, dans les aéroports et sur l’ensemble du territoire étant pour leur part assurés par les Douanes, avec la participation d’agents spécialisés de l’Office national de la chasse. Les organisations non gouvernementales exercent pour leur part une surveillance parallèle (bureau TRAFFIC du WWF).

La convention concerne plusieurs espèces végétales et animales présentes en France, comme par exemple l'ours brun, la loutre d'Europe..., mais aussi la vipère d'Orsini et les papillons porte-queue de Corse.

Cette convention a vu son champ d'application prolongé et élargi par le règlement CEE n° 3143/87, modifié par le règlement CEE n° 197/90, qui s'applique à tous les États membres de la CEE et a ajouté un certain nombre d'espèces aux listes CITES : par exemple, l'ensemble des espèces de la famille des orchidées, les cyclamens, le lépidoptère Parnassius appolo, la tortue grecque et la tortue de Hermann.

La convention de Barcelone

La convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution a été signée à Barcelone le 16 février 1976 (ratifiée par la France et publiée par décret du 29 septembre 1978) et adoptée par tous les pays méditerranéens. Quatre protocoles ont été déjà approuvés :

- le protocole relatif à la prévention de la pollution par les opérations d’immersion effectuées à partir de navires et d’aéronefs, par lequel les États signataires s’engagent à interdire ou à contrôler sévèrement toute immersion de déchets contenant des substances dangereuses pour le milieu marin réparties dans trois listes ;

- le protocole sur la coopération en Méditerranée en matière de lutte contre les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique ; dans le cadre de ce protocole, un centre régional d’information et d’alerte chargé de coordonner la lutte en cas d’accident a été mis en place à Malte ; ces deux premiers protocoles ont été ratifiés par la France dès 1978 ;

- le protocole relatif à la protection de la Méditerranée contre les pollutions d’origine tellurique, signé à Athènes en mai 1980 et désormais ratifié par la France ; les États s’engagent à éliminer les rejets de substances d’une première liste (noire) de polluants et de réduire ceux qui figurent sur une seconde liste (dite grise); il prévoit par ailleurs la définition de normes concernant la qualité du milieu marin pour la baignade ou la conchyliculture ;

- le protocole de Genève, relatif aux aires spécialement protégées de la Méditerranée, signé le 3 avril 1982, (ratifié par la France et publié par décret du 23 décembre 1986). Ce protocole a pour but d’inciter les États riverains à la sélection, la création et la gestion d'aires protégées marines, zones humides ou zones terrestres côtières, présentant un intérêt particulier du fait de leur valeur biologique, écologique, culturelle, esthétique ou archéologique et permettant la préservation d’écosystèmes particuliers, comme les herbiers de posidonie, ou d’espèces particulièrement menacées. Un centre des aires protégées a été mis en place à Tunis pour aider à la mise en place du protocole.

Un cinquième protocole est en cours de préparation : il concerne la protection de la Méditerranée contre la pollution résultant de l’exploration et de l’exploitation du plateau continental, du fond de la mer et de son sous-sol.

La convention sur la protection des Alpes

Encore dénommée convention alpine, cette convention a vu son texte approuvé à Salzbourg et ouvert à signature depuis le 7 novembre 1991 par les représentants des gouvernements de l’Allemagne, de l’Autriche, de la France, de l’Italie, du Liechtenstein, de la Suisse, de la Yougoslavie de l’époque, et de la Communauté européenne. L’Autriche a été désignée comme dépositaire de la convention.

Cette convention constitue une première en Europe en matière d’environnement, car pour la première fois divers partenaires vont s’imposer des contraintes de gestion communes au sujet d’une région naturelle transfrontalière. Son originalité tient aussi au fait que cette convention aborde la gestion du massif, non pas de façon sectorielle, mais dans sa globalité.

Le texte de la convention reconnaît dans son préambule que « les Alpes constituent l’un des plus grands espaces naturels d’un seul tenant d’Europe », ainsi qu’ « un habitat et un refuge indispensable, pour nombre d’espèces animales et végétales menacées » et que « l’espace alpin et ses fonctions écologiques sont de plus en plus menacés par l’exploitation croissante que l’homme en fait ». Elle prévoit que les parties contractantes assurent une politique globale de préservation et de protection des Alpes et que la coopération transfrontalière en faveur de l’espace alpin soit intensifiée et élargie du point de vue géographique aussi bien que thématique. Le principe du pollueur-payeur y est explicitement cité.

Les différents pays s’engagent à prendre des mesures appropriées dans de très larges domaines : population et culture, aménagement du territoire, qualité de l’air, protection du sol, régime des eaux, protection de la nature et entretien des paysages, agriculture de montagne, forêts de montagne, tourisme et loisirs, transports, énergie et déchets. Plus original est l’engagement des parties contractantes d’effectuer travaux de recherches, évaluations scientifiques et constitution de bases de données en commun.

Une conférence des parties contractantes est instituée pour examiner les questions d’intérêt commun. Elle mandate un comité permanent en tant qu’organe exécutif.

La convention alpine prévoit que les modalités concrètes de son application soient réalisées à travers des protocoles, dont cinq projets sont déjà élaborés et en voie de discussion. Ils concernent :

- le tourisme ;

- l’aménagement du territoire ;

- les transports ;

- l’agriculture, la sylviculture et la tutelle du paysage rural ;

- la protection de la nature et l’entretien des paysages.

Ce dernier protocole est actuellement fortement controversé par certaines des parties contractantes, notamment au niveau de ses annexes qui prévoient :

- des inventaires obligatoires pour une série d’éléments comme l’état de la flore et de la faune sauvage et de leurs biotopes, les aires protégées, l’organisation de la protection de la nature et de la conservation du paysage, les bases juridiques de la protection, les activités de protection de la nature et de conservation du paysage et l’information du public ;

- une liste des activités pour lesquelles une étude d’impact sur le milieu naturel est requise ;

- la liste des biotopes à protéger ;

- la liste des espèces indigènes menacées dans l’arc alpin ;

- la liste d’espèces soumises à l’interdiction de prélèvement et de commercialisation ;

- les thèmes de recherche prioritaires.

La conservation ex situ

On entend par conservation ex situ toute méthode permettant de conserver des êtres vivants ou du matériel génétique apte à reproduire ces individus en dehors de leur milieu naturel. Cela comprend aussi bien la conservation en jardin botanique ou en parc zoologique que les institutions qui conservent au froid des graines, du pollen, des cellules végétales, du sperme ou des embryons animaux.

Les jardins botaniques et arboretums dans l'histoire

Les jardins botaniques ont une longue histoire, faite d'explorations, d'étude et de tentative de culture de la diversité des plantes. Nous n'en retracerons ici que les grandes lignes, qui permettent de comprendre la situation actuelle, afin de mieux évaluer les potentialités de ces structures pour la conservation de la biodiversité.

Pendant longtemps, les jardins botaniques ont été l'annexe indispensable des facultés de médecine et de pharmacie, où les étudiants apprenaient à reconnaître les plantes qui faisaient partie de la materia medica de l'époque. Châteaux et abbayes se devaient de disposer d'un jardin des simples pour leurs besoins. Le nom même de botanique porte la trace de ce passé pluriséculaire, puisque botanai désigne en grec les herbes que l'on ramasse, les simples.

Dès les temps les plus reculés, on trouve la trace d'une autre motivation pour constituer des jardins. Les riches et les puissants aimaient à s'entourer d'objets rares et curieux, qu'ils avaient pu voir lors de leurs voyages. C'est ainsi que la reine égyptienne Hatchepsout fit venir du pays de Pount des arbres à encens. Les jardins étaient aussi un microcosme où l'on pouvait rêver, méditer ou se consacrer aux plaisirs de la vie. L'enclos, le para-daeza des Perses de l'époque avestique allait donner le mythe du Paradis. On retrouve ce goût pour des jardins de collection agréables à l'œil dans les parcs botaniques, qu'ils soient privés ou publics.

La découverte de nouveaux continents par les Européens est aussi la découverte de la prodigieuse diversité des flores tropicales. Dès le xviiie siècle apparaissent en Europe des jardins d'acclimatation de plantes exotiques, avant même que la révolution industrielle permette de suppléer aux orangeries et aux cloches par des châssis vitrés et des serres pour protéger les plantes de climat chaud.

Sous les tropiques, les Européens constituaient des réseaux de jardins d'introduction, afin de mettre en valeur les régions dont ils avaient pris le contrôle. L'exemple le plus illustre est celui du Jardin des Pamplemousses, créé par Pierre Poivre à l'Ile Maurice en 1767. On allait alors assister au xviiie et xixe siècles à un prodigieux brassage des flores tropicales.

En Europe, de nombreux particuliers, aristocrates au xviiie siècle puis riches bourgeois au xixe, aimaient se lancer dans des collections thématiques et dans l'obtention de variétés horticoles.

Le xxe siècle, avec son cortège de guerres mondiales et de transformations sociales, a mis en péril tout ce patrimoine. Par ailleurs, les sciences biologiques ont connu une évolution et une spécialisation de plus en plus rapides, délaissant le jardin pour le laboratoire. Des organismes de recherche spécialisés sont apparus. Le monde des amateurs et celui des spécialistes ont distendu leurs liens. Tous ces changements ont affaibli les jardins botaniques, qui sont à la recherche d'une nouvelle dynamique.

Les fonctions des jardins botaniques modernes

Les jardins botaniques comportent le plus souvent plusieurs sections. L'école de botanique offre un échantillon représentatif des familles et des genres, organisés suivant un système de classification, ce qui donne cette allure typique de plates-bandes bien alignées. De nombreux jardins anciens sont classés suivant Engler ou Bentham et Hooker. Les plus récents suivent le système de Cronquist ou de Takhtadjian.

Suivant l'importance du jardin, on trouve des sections thématiques comme un jardin alpin, un jardin de plantes médicinales, une roseraie, un jardin d'iris... La mode des potagers médiévaux s'est développée depuis quelques années, et plus généralement les jardins ethnobotaniques orientés vers la présentation des rapports entre les plantes et l'homme.

Les jardins qui disposent de serres s'efforcent d'en réserver une à des plantes de climat aride (serre mexicaine) et une autre au climat humide.

Une notion récente est celle de réserve jardinée, qui désigne un milieu naturel où l'on s'efforce d'entretenir la dynamique des populations végétales autochtones, ou de la restaurer si le milieu était dégradé. De même, les jardins écologiques, reconstitution de milieux naturels comme une mare, une dune, donnent une idée des associations végétales.

Ces objectifs sont essentiellement pédagogiques. Mais les jardins botaniques maintiennent aussi des collections scientifiques. Celles-ci sont souvent menacées quand la recherche est finie, trop de chercheurs se désintéressant alors de leur matériel. Or elles sont importantes, précisément parce qu'elles sont bien connues et qu'elles ont fait l'objet de publications.

Les jardins botaniques anciens, comme à Montpellier et Paris, sont chargés d'histoire. Situés en centre ville, ils ont du mal à résister à la pression urbaine. Ils représentent un patrimoine historique et culturel méconnu, à la différence par exemple du jardin de Linné à Uppsala, de celui de Charles de l'Ecluse à Leyde ou du Jardin botanique de Pise, qui ont été réhabilités récemment.

Le double souci de la spécialisation et de la participation à des réseaux doit guider les jardins et arboretums désireux de constituer des collections utiles aussi bien aux chercheurs qu'aux sélectionneurs et aux pépiniéristes. La diversité des plantes est trop grande pour que quiconque puisse prétendre tout connaître et tout conserver. Le mieux est donc pour chacun de se spécialiser dans un nombre restreint de familles et de genres, pour lesquels on visera à rassembler les collections les plus exhaustives possibles, mais aussi à constituer les bases de données indispensables à leur utilisation. L'intégration de ces collections dans des réseaux nationaux et internationaux permettra de relancer une dynamique, et de montrer le rôle irremplaçable des jardins et arboretums comme pôles de connaissance de la diversité des plantes.

Les arboretums

Un arboretum est une collection d'arbres. Cette définition simple cache en fait des structures qui ont des objectifs très différents.

Les arboretums de collection se sont constitués à partir du xixe siècle, à l'époque des grandes prospections botaniques inventoriant les arbres du monde entier. Les noms des Vilmorin, des Michaux sont attachés à cette tâche de pionnier. Ces arboretums se caractérisent par leur grand nombre d'espèces, représentées par peu d'individus. Du fait de leur ancienneté, ils présentent des arbres en complet développement. Ils permettent à l'amateur ou au pépiniériste d'avoir une idée de l'intérêt d'une espèce, de l'allure de son écorce, de son feuillage ou de ses fleurs. Mais ils ne donnent une idée de la variabilité génétique de l'espèce que si un nombre suffisant de provenances a été rassemblé. Les grands jardins botaniques ont le plus souvent des collections d'arbres importantes et sont à considérer aussi comme des arboretums, même s'ils n'en portent pas le nom.

Un arboretum à vocation pédagogique, par contre, présente un échantillonnage d'espèces des familles les plus diverses, en insistant sur les espèces spectaculaires, d'intérêt économique ou écologique. De nombreuses collectivités locales intègrent ce type d'arboretum dans des parcs récréatifs ou des forêts suburbaines.

Les parcs paysagers méritent le nom d'arboretums paysagers dans la mesure où l'on dispose de données précises sur leurs collections (identification, provenance).

Les arboretums d'élimination sont des dispositifs mis en place par les instituts de recherche forestière dans le but de repérer les espèces susceptibles d'être introduites en forêt. Chaque espèce, chaque provenance est représentée par plusieurs placettes d'au moins dix individus, de façon à ce que les observations soient valables statistiquement. Un suivi scientifique permet d'évaluer leur comportement au froid, à la sécheresse ou dans des sols particuliers. Ces arboretums sont habituellement gérés en France par l'INRA ou le CEMAGREF.

Les arboretums forestiers ou arboretums de comportement sont beaucoup moins spectaculaires. Il s'agit en fait de placeaux de plusieurs centaines d'individus par provenance dans une forêt, qui permettent d'évaluer leur comportement dans les conditions normales de la production forestière. Ils sont le plus souvent gérés par l'ONF.

Un fruticetum est une collection d'arbustes. Ce nom vient du latin frutex, arbuste, et n'a donc rien avoir avec le mot fruit.

Parmi les arboretums de collection, deux seuls sont en fait dotés des moyens minimaux pour être utilisés à des fins scientifiques : l'arboretum de Chèvreloup (MNHN) et celui des Barres. A l'initiative du ministère de la Recherche, ce dernier a été doté d'un conseil scientifique, qui peut également donner des avis sur l'ensemble des arboretums français. Force est de reconnaître que le manque d'intérêt des tutelles et un certain esprit de routine n'ont pas permis d'amorcer le renouveau de ces institutions, bien qu'elles soient l'objet de l'attention épisodique des médias.

Les conservatoires botaniques

Si certains estiment que le mot conservatoire a une connotation trop tournée vers le passé, on doit reconnaître qu'il est à la mode. En France, le nom de conservatoire s'applique à des structures qui conservent des collections ou des milieux à long terme. Cependant, l'utilisation de ce vocable est libre, et n'importe qui peut s'intituler conservatoire.

Les mots conservatoire botanique national constituent une marque déposée par le ministère de l'Environnement, qui l'attribue sur proposition de la Commission des conservatoires botaniques nationaux, créée par la Direction de la protection de la nature, après étude d'un dossier de candidature et sur la base d'un cahier des charges précis. Elle ne concerne que les plantes sauvages menacées du territoire français.

Compte tenu du grand nombre d’espèces concernées et de la disparition progressive des naturalistes dans les universités et les instituts de recherche, le ministère de l’Environnement a été conduit à développer ses propres outils pour mener à bien ses missions.

La mise en place du réseau de conservatoires botaniques nationaux a commencé en 1988. L'objectif est de disposer à terme d’un réseau d’établissements couvrant l’ensemble du territoire et assurant pour le compte de l’État des missions coordonnées d’inventaire, d’étude, de conservation et d’information du public sur la flore rare ou menacée du territoire national.

Les conservatoires sont les partenaires du ministère de l’Environnement dans la mise en œuvre de la politique nationale de protection de la flore :

- livre rouge des plantes menacées en France ;

- listes d’espèces protégées ;

- aides à la protection des espèces dans leur milieu ;

- mise en œuvre de la conservation ex situ de la flore rare, endémique et des parents sauvages d’espèces cultivées ;

- mise en œuvre des conventions internationales dans leurs dispositions concernant la flore.

Présents dans les régions et les départements, les conservatoires botaniques nationaux tendent à devenir des partenaires techniques pour les collectivités locales et les services techniques déconcentrés de l’État.

Au niveau international enfin, les conservatoires botaniques interviennent pour prêter assistance à un certain nombre de structures d’autres pays pour des opérations de sauvetage ou de réintroduction de flore menacée ou pour les aider à la mise en place de structures de conservation.

En France, quatre établissements font aujourd’hui l’objet d’un agrément : Brest, Nancy, Porquerolles et Bailleul (près de Lille), et leur territoire de compétence couvre au total quarante-deux départements (carte 12).

Deux autres conservatoires sont en cours d’agrément : celui de Mascarin, dans l’île de la Réunion, et le conservatoire botanique alpin de Gap-Charance. Ainsi la prise en compte de la flore alpine et de celle de l’Océan Indien sera assurée. Il n’en demeure pas moins qu'en métropole, des zones aussi riches que les Charentes et l’Aquitaine, les Pyrénées, le Massif central ou la Bourgogne pour ne citer qu’elles, ou dans les DOM, les Antilles ou la Guyane, ne bénéficient pas actuellement de cet outil précieux. Dans l’avenir, c’est donc six à sept conservatoires supplémentaires qu’il conviendrait de créer.

Le Secrétariat international des jardins botaniques pour la conservation

Le BGCI, appelé BGCS à ses débuts, a été créé en 1987 par l'UICN. Cette création doit beaucoup à la personnalité de son fondateur, Vernon Heywood, un des coordonnateurs de l'ouvrage Flora Europæa, grand spécialiste de la flore menacée de par le monde. Aujourd'hui, le BGCI, bien que continuant à entretenir des liens étroits avec l'UICN, est un organisme distinct, avec statut de fondation.

L'idée de départ est que les jardins botaniques sont des structures qui concentrent un savoir-faire important dans la culture des plantes sauvages. Ils maintiennent ainsi de nombreuses espèces menacées, mais dans une grande dispersion et dans l'ignorance de ce que font les autres. De plus, la grande majorité des jardins botaniques est située dans les pays du Nord, principalement en Europe, alors que la plupart des plantes menacées sont dans les pays du Sud. La coordination et l'information apparaissaient donc comme les points faibles à renforcer pour mobiliser les jardins botaniques au service de la conservation.

Le BGCI assure maintenant la coordination mondiale d'un réseau de plus de 300 jardins botaniques qui ont accepté de consacrer une partie de leurs moyens à la préservation des espèces végétales menacées de disparition, et auxquels il apporte des informations et un soutien technique dans des domaines concernant la conservation, mais aussi l'éducation du public. D'après une enquête réalisée par le BGCI de 1985 à 1990, sur 1 545 jardins botaniques, 528 déclarent avoir une banque de graines, mais seulement 144 disposent d'installations de stockage au froid (Heywood et al., 1990).

Le BGCI assure par ailleurs une mission de conseil aux structures non adhérentes, notamment dans les pays du Sud, et s'emploie à promouvoir la création de jardins botaniques dans les contrées qui n'en possèdent pas. Sa banque de données sur les espèces végétales rares et menacées dans le monde comprend plus de 6 000 entrées.

Si l'on doit saluer cette volonté du BGCI de faire des jardins botaniques et des arboretums des outils au service de la conservation, il faut reconnaître que pour nombre d'entre eux, cette « mission » représente une véritable révolution culturelle. Depuis des siècles, ils étaient tournés vers l'introduction de plantes exotiques, et voilà qu'on leur demande maintenant de s'intéresser prioritairement à la flore de leur région. Conçus pour montrer quelques individus de chaque espèce, ils doivent apprendre à gérer des populations capables de maintenir un minimum de diversité génétique. Alors qu'ils visaient à présenter côte-à-côte des taxons proches pour en faciliter l'observation, on leur explique que cette pratique est à proscrire parce qu'elle favorise l'apparition d'hybrides indésirables. Et pourtant, c'est à ces conditions que les jardins botaniques pourront mériter leur rôle de conservatoires de la diversité végétale.

Les parcs zoologiques

Les parcs zoologiques sont très anciens. On y trouve des représentants d'espèces le plus souvent exotiques et spectaculaires. Ils ont permis la sauvegarde de plusieurs espèces. Le bison d'Europe n'existait plus qu'en captivité en 1923. Il a pu être réintroduit avec succès dans les forêts polonaises. Plus récemment, l'oryx d'Arabie, anéanti dans les années 1960, a pu être réintroduit en Arabie séoudite et en Oman. Un programme est en cours pour le cheval de Przewalski, avec un troupeau en semi-captivité dans le Parc national des Cévennes, avant l'étape décisive de la réintroduction en Mongolie.

Les plus célèbres centres de sauvetage et de conservation ex situ pour la faune sont sans contestation le zoo de San Diego en Californie, célèbre pour son action sur le grand condor de Californie, et le centre de Slimbridge au Royaume-Uni, spécialisé dans la reproduction des Anatidés.

Pour gérer les populations captives au niveau mondial, une série de livres généalogiques ou stud-books ont été mis sur pied. Cent quatre stud-books et registres internationaux sont actuellement reconnus par la Commission pour la survie des espèces (SSC) de l'UICN. Ils sont coordonnés par l'Annuaire international des zoos (IZY) et le Groupe de spécialistes de l'élevage en captivité (CBSG). Quatre-vingt cinq d'entre eux concernent les mammifères, 1 les amphibiens, 4 les reptiles et 19 les oiseaux (WCMC, 1992).

L’espérance de survie d’une population donnée dépend directement de sa faculté de réponse aux variations de l’environnement, et donc de l’existence en son sein d’une diversité génétique suffisante.

La conduite de la reproduction en captivité devra en tenir compte. L’importance de la population-souche, qui doit servir de point de départ à la reproduction en captivité, est capitale. La variabilité ainsi réunie dépendra à la fois du nombre d’individus fondateurs, participant effectivement à la reproduction, et de la diversité de la population d’origine. Très souvent, les programmes de sauvegarde sont réalisés à partir de populations relictuelles dont la variabilité est peu ou pas connue. La règle voudrait alors que l’on réunisse en captivité le plus grand nombre d’individus possible. Ceci n’est pas toujours réalisable, autant pour des raisons techniques que déontologiques ou médiatiques.

Les collections captives devraient être gérées en tant que population biologique à part entière. Etienne (1990) cite l’exemple de la population captive de tigres, Panthera tigris, qui n’est gérée qu’à 30% de ses possibilités génétiques. Un recensement réalisé en 1983 par l’International Tiger Studbook montrait que sur 1 200 tigres de Sibérie captifs (P. t. siberianus), 60 seulement étaient issus du milieu sauvage, et parmi eux, 6 seulement avaient contribué à l’apport de 60% des gènes. La plus grande partie de la diversité originelle a ainsi été perdue. Le taux de consanguinité dans cet ensemble est très élevé.

Divers auteurs ont étudié les méthodes les plus adéquates pour conserver la diversité génétique maximale dans les populations captives. Mace (1986) recommande notamment l’égalisation du sex ratio parmi les reproducteurs et la diminution des fluctuations de la dimension efficace du groupe (c’est-à-dire du nombre d’individus participant effectivement à la reproduction). Pour assurer un brassage génétique optimal, Wemmer (1983, cité par Etienne) propose de gérer la rotation des mâles dans les troupeaux polygames.

De Rochambeau et Chevalet (1985) recommandent un mode de reproduction en groupes, s’apparentant à une panmixie restreinte ; il s'agit de diviser les populations en une dizaine de groupes dans chacun desquels on cherche à rassembler les animaux les plus apparentés, et de faire régulièrement circuler les mâles entre les différents groupes de reproduction. Ce même souci devra être présent à l’esprit lors de la réintroduction d’animaux captifs.

Si l’on considère que la conservation ex situ n’est pas une fin en soi, l’adaptation des individus à la captivité devra donc être évitée, de manière à garantir les perspectives de survie dans les habitats sauvages ou semi-sauvages où les animaux sont destinés à être relâchés.

D'une manière générale, les herbivores se réadaptent mieux que les carnivores. Car il ne faut pas oublier que chez les animaux, il ne suffit pas de maintenir le patrimoine génétique. L'apprentissage maternel joue un grand rôle dans la transmission du comportement, qu'il s'agisse d'apprendre au jeune à ne pas consommer les plantes toxiques, à se méfier des prédateurs ou à maîtriser les techniques de chasse.

Les exemples d'espèces éteintes malgré leur conservation en zoos sont là pour nous inciter à la modestie. Le cas le plus connu est celui du pigeon migrateur américain, qui a été chassé jusqu'à son extinction en 1900. Le dernier pigeon captif est mort en 1914 au zoo de Cincinnati. De même, la perruche de Californie a disparu en captivité en 1914 après son extinction dans la nature en 1910. L'intervalle a été encore plus court avec le bison du Caucase, de 1923 en nature à 1925 en zoo. Le dernier bubale d'Afrique du Nord s'est éteint en 1923 à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, après son extermination sur les hauts plateaux algéro-marocains au début du siècle (Panda, 1991a).

De plus, de telles opérations demandent pour réussir la constitution de programmes internationaux avec des équipes pluridisciplinaires, un budget important et une capacité à soutenir l'effort sur une vingtaine d'années. Il faut ajouter que la conservation ex situ suppose la capture préalable d'un nombre suffisant d'animaux, ce qui ne se fait presque jamais sans une certaine mortalité. Par ailleurs, beaucoup d'espèces ne se reproduisent pas en captivité, et le seul résultat de ces opérations est alors de diminuer encore plus les effectifs sauvages. Le recours à des techniques sophistiquées, comme la fécondation artificielle et la conservation de sperme ou d'embryons, relève d'actions de recherche lourdes dont le résultat est loin d'être acquis. Il y a donc quelque hypocrisie à présenter ce mode de conservation comme une alternative à la conservation in situ.

Avec la vogue écologiste, nombreux sont les parcs zoologiques qui affichent un rôle de conservation. Nombre d'entre eux sont des institutions privées qui tirent leurs revenus de leurs nombreux visiteurs. Il existe actuellement deux associations regroupant l'une les zoos publics : le Syndicat national des directeurs de parcs zoologiques français (SNDPZ); l'autre les zoos privés : l'Association nationale des parcs zoologiques privés (ANPZP). Les zoos sont très critiqués par ceux qui n'admettent pas l'idée même de captivité. Certains mènent cependant dans la discrétion des actions méritoires, qu'il conviendrait de mieux coordonner et faire connaître. On ne peut que souhaiter la création d'une association des zoos pour la conservation, qui permettrait d'élaborer un code déontologique et d'impulser des programmes sur des bases scientifiques strictes. Parmi les parcs zoologiques français actifs dans la conservation, on peut citer le zoo de Vincennes (du Muséum) et celui de Mulhouse, qui développent en particulier des programmes d'étude de la biologie des lémuriens, ces primates endémiques et menacés de Madagascar. Enfin, le zoorama européen de Chizé (Deux-Sèvres), qui s'appuie sur des laboratoires de recherche du CNRS et de l'ONC, présente exclusivement des espèces européennes, ce qui est suffisamment original pour être signalé.

En dehors des zoos proprement dits, certaines pratiques d'élevage peuvent contribuer à renforcer des populations sauvages à des phases critiques de leur évolution. Les tortues marines pondent une grande quantité d'œufs dans le sable des plages, mais une bonne partie des œufs et des jeunes juste éclos sont mangés par des prédateurs, crabes ou oiseaux. Le ramassage de ces œufs et leur incubation artificielle permet d'augmenter sensiblement le nombre de jeunes qui vont survivre. Mais à long terme, c'est bien le maintien des milieux qui conditionne la survie des espèces.

L'élevage est aussi un moyen d'éviter le prélèvement d'individus sauvages chez les espèces d'intérêt économique. Les fermes à crocodiles, les ranchs à antilopes, l'aquaculture du saumon sont des exemples réussis d'utilisation durable des ressources, pour peu que l'on arrive à éviter la pollution génétique due à des animaux domestiques qui s'échappent.

Les collections d’embryons et les banques de sperme

La conservation d’embryons congelés et les banques de spermes constituent des techniques intéressantes pour la conservation de la diversité génétique d’espèces menacées dont la conservation dans la nature est aléatoire. Il s’agit d’un moyen pour des espèces menées en captivité de reconstituer rapidement un effectif sans perte de diversité, en facilitant au mieux le brassage génétique. De telles techniques sont aujourd’hui couramment utilisées par les généticiens et améliorateurs pour les animaux domestiques. Elles restent par contre encore marginales pour la conservation de la faune sauvage. De nombreuses expériences ont cependant déjà été réalisées dans ce domaine. En théorie, la mise au point de telles techniques devrait permettre le stockage dans l’azote liquide d’embryons ou de sperme pour des durées supérieures à 3 000 ans.

Ainsi, en matière de congélation de sperme, diverses expérimentations ont été réalisées sur plus de 50 espèces de mammifères non domestiques, plus de 25 espèces de poissons et plusieurs espèces menacées d’oiseaux.

La congélation d’embryons semble aujourd’hui maîtrisée pour l’ensemble des animaux-bétail, les rats, souris, chevaux, lapins, antilopes, babouin et un certain nombre d’autres singes. Dans un certain nombre de cas d’espèces en danger, des transferts d’embryons dans des utérus d’espèces voisines ont été réalisés avec succès, comme dans le cas du cheval de Przewalski ou du zèbre de Grant vers des juments domestiques, des embryons de mouflon vers des brebis domestiques et des antilopes Bongo vers des élans africains.

L’utilisation de la cryoconservation pour les insectes et autres invertébrés est en voie d’extension en tant que technique de laboratoire. Ainsi des pupes de machaon ont-elles pu être conservées à des températures négatives. Des succès identiques ont été obtenus dans tous les groupes d’invertébrés (diptères, orthoptères, hyménoptères, gastéropodes, arachnides, crustacés...).

Au-delà de simples techniques de laboratoire, la cryoconservation d’embryons et de sperme pourrait être appelée à jouer un très grand rôle dans la conservation de la diversité génétique des animaux rares ou en voie de disparition.

Vers une gestion intégrée

Si l'on considère les espèces du point de vue de leur répartition mondiale (à l'exception, vraisemblablement, de quelques espèces de micro-organismes et de certaines espèces marines), le statut normal d'une espèce est d'être confinée à un territoire donné, plus ou moins vaste, et d'être absente des autres points de la planète.

Les espèces sont donc limitées dans leur extension pour des raisons diverses, qui tiennent à la fois à leurs aptitudes intrinsèques (liées à leur génome) et à la nature du milieu environnant (au sens le plus large du terme, incluant les autres espèces végétales et animales).

Toute action de conservation exige donc au préalable une identification, puis une maîtrise, même intuitive, des facteurs qui régulent la taille et la répartition des populations et communautés d'espèces : biologie de la reproduction, génétique des populations, nature et importance des facteurs discriminant le nombre des individus.

Les actions de conservation peuvent donc intervenir à plusieurs niveaux, que l'on peut regrouper en deux catégories : les espèces et les populations ; le milieu ou les habitats qui leur servent de support.

Agir sur les espèces et les populations

L'aptitude génétique d'une espèce à s'adapter aux variations du milieu et à se reproduire dépend pour une large part de la diversité qu'elle renferme. C'est elle qui détermine la faculté que possède une population à s'adapter à un environnement continuellement changeant, en produisant au cours des générations des individus différents génétiquement.

Cette diversité génétique réside à la fois dans les individus eux-mêmes - on parle alors d'hétérozygotie -, et globalement, dans l'ensemble des individus d'une même population - on parle alors de polymorphisme de la population (ces notions sont souvent utilisées pour un locus déterminé). On considère par ailleurs que sur un plan évolutif, la présence de gènes dits neutres, c'est-à-dire non impliqués dans l'adaptation des individus au milieu ambiant à un moment donné, constitue la réserve la plus importante d'adaptabilité.

Contrairement aux idées anciennes, on pense aujourd'hui que c'est essentiellement sur la fréquence des gènes les plus adaptatifs que la sélection naturelle joue un rôle, et que la production de la variabilité, elle, est plutôt liée au hasard, à savoir aux mutations et aux recombinaisons chromosomiques.

La perte de diversité se produit avec certitude par diminution des effectifs de la population entraînant des phénomènes de dérive génétique et de consanguinité et, au moins dans certains cas, par perte de diversité des habitats où cette espèce est susceptible de vivre, ou par fragmentation des populations ayant pour conséquence de limiter ou d'empêcher les échanges de gènes entre les différentes sous-populations ainsi formées. Cependant, quand les sous-populations ont une taille suffisante, cette dernière situation peut être source de spéciation, ou maintenir une diversité globale supérieure si des « corridors » se maintiennent, permettant des échanges de gènes mêmes faibles.

Plus concrètement, les actions de conservation viseront donc à la fois :

- à conserver pour une population donnée les effectifs les plus élevés, à s'opposer à leur diminution ou à en favoriser l'augmentation, artificiellement s'il le faut, par des interventions qui pourront comporter des phases pendant lesquelles une partie des effectifs seront conservés ex situ et plus tard introduits ou réintroduits dans la nature ;

- à favoriser la panmixie, c'est-à-dire l'échange de gènes entre les individus, et à agir sur la diffusion ou la dispersion des individus, ou au contraire (dans certains cas particuliers) à protéger de toute pollution génétique un isolat particulier ;

- à favoriser l'implantation ou le maintien des individus de l'espèce dans les milieux les plus diversifiés, dans le cadre de l'amplitude écologique propre à l'espèce.

Ce schéma théorique de portée assez universelle doit bien entendu être adapté en fonction de l'espèce, de ses caractéristiques et de son mode de reproduction. L'examen des modalités de la reproduction s'avérera par ailleurs tout à fait essentiel pour apprécier la vitalité et les chances de maintien d'une population. Le nombre total de géniteurs, ou celui des seules femelles, permettra de définir l'effectif réel ou efficace de la population ; le déséquilibre du sex ratio, le taux de recouvrement des générations discrètes, les variations du nombre de descendants et les subdivisions géographiques seront à prendre en considération pour moduler l'évaluation des effectifs. Une action spécifique dans ce domaine pourra s'avérer nécessaire, avec des interventions possibles sur le cycle de reproduction à toutes ses phases.

Agir sur le milieu

Les espèces animales ou végétales s'organisent plus ou moins en communautés pour constituer des assemblages hétérogènes et plus ou moins transitoires. Chaque espèce occupe un espace précis de manière temporaire (même si à l'échelle de l'homme la perception peut en être différente), et est destiné tôt ou tard à être remplacée par une autre dans le cadre d'une succession écologique. Le maintien d'une espèce déterminée dans une communauté déterminée dépendra de sa faculté de dispersion et de migration continuelles. En fonction de l'évolution du milieu, l'espèce découvrira et colonisera un milieu donné, alors qu'elle mourra ou disparaîtra d'un milieu voisin. Le laps de temps pour de telles évolutions est plus ou moins court. Pour certaines espèces végétales annuelles connues pour fonctionner en métapopulations, il pourra être de l'ordre de quelques années.

Globalement, l'abondance de l'espèce dépendra :

- de sa taille ;

- de l'abondance et de la taille des différents milieux supports (qui pourront être adaptés à une phase particulière du cycle de développement de l'espèce) ;

- du temps pendant lequel le milieu correspondant est colonisable ou habitable ;

- de la distance existant entre les différents milieux favorables, en corrélation avec sa capacité de mouvement ou de dispersion ;

- de l'existence de corridors entre les différents milieux favorables.

En théorie, et de nombreux exemples accréditent cette hypothèse, l'homme peut agir sur chacun de ces facteurs par une intervention délibérée.

Faut-il le rappeler, à l'heure actuelle, un grand nombre de données fondamentales nous manquent encore dans ce domaine car, faute de moyens, il a été beaucoup plus aisé de cerner les facteurs responsables de la disparition des espèces (on parle alors de facteurs discriminants) que ceux qui sont susceptibles de favoriser leur extension.

De ce fait, nombre d'initiatives de conservation relèvent encore de l'empirisme plus que d'une véritable démarche scientifique.

D'une manière plus concrète, les actions de conservation programmées viseront à :

- maintenir le milieu en état, en veillant notamment à interdire toute dégradation artificielle ;

- intervenir au contraire sur le milieu pour retarder, annuler ou favoriser un processus évolutif, restaurer ou adapter, voire étendre un milieu de manière à favoriser une ou plusieurs espèces ;

- limiter, compenser, voire éliminer les effets indésirables d'une réalisation humaine déterminée.


En conclusion, les stratégies de conservation de l'avenir devront intégrer l'ensemble des outils disponibles. L'opposition entre conservation in situ et ex situ apparaît peu pertinente de ce point de vue. De même, on a vu que la protection des espèces débouche nécessairement sur celle des espaces, et que cette dernière, loin d'impliquer l'élimination de toute influence humaine, passe par une gestion globale du territoire qui prenne en compte la dynamique des écosystèmes.