Oignon (Cazin 1868)
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Nom accepté : Allium cepa
Cepa vulgaris, floribus et tunicis candidis. C. Bauh., Tourn.
Oignon, — ail-oignon, — oignon commun, — oignon blanc.
LILIACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L.
Cette plante, que l'on croit originaire de l'Afrique, est cultivée dans les jardins potagers pour l'usage alimentaire.
Description. — Racine : bulbe composé d'écaillés charnues, superposées, formant inférieurement une sorte de plateau d'où naissent des radicules blanchâtres qui sont les véritables racines. — Tige : hampe fistuleuse, ventrue inférieurement, glabre, nue. — Feuilles radicales, fistuleuses, arrondies, pointues, d'un vert glauque. — Fleurs blanches, nombreuses, en ombelle globuleuse, terminale (juin-juillet-août). - Six pétales oblongs peu ouverts. — Six étamines. — Un style court.
Parties usitées. — Le bulbe.
Culture et récolte. — La culture de l'oignon est facile et trop connue pour que nous ayons à nous en occuper. On le récolte en automne, pour être conserve, aussitôt que les feuilles sont jaunes. On expose ce bulbe sur la terre dans un lieu sec, et mieux encore au soleil ; on le laisse ainsi pendant quinze jours avant de le serrer. Au printemps, lorsque les germes y naissent, l'oignon, perd beaucoup de ses propriétés et ne doit plus être employé.
L'oignon, doux et sucré dans le Midi, où il convient mieux comme aliment, est âcre et plus actif comme médicament dans le Nord.
Propriétés physiques et chimiques. Ce bulbe répand une odeur piquante qui excite le larmoiement quand on le coupe ou qu'on écrase ses tuniques ; sa saveur est âcre, alliacée. Il contient, suivant Fourcroy et Vauquelin, de l'huile blanche, âcre, volatile et odorante ; du sucre incristallisable, de la gomme, une matière animale, des acides phosphorique et acétique, du phosphate de chaux, du citrate calcaire. Le suc de l'oignon devient rose à l'air ; il est acide et susceptible de se convertir en vinaigre par la fermentation. Mêlé à l'eau et à la levûre de bière, et fermenté, il donne à la distillation une liqueur alcoolique.
Quand l'oignon a été soumis à la coction, l'huile volatile s'est dissipée et le produit n'est plus excitant.
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A L'INTÉRIEUR. — Décoction miellée, pour boisson. |
Vin (oignons n° 2, vin blanc 1 kilogr.), 60 à 120 gr. |
L'oignon cru est un aliment fort sain ; mais il ne convient pas à tous les estomacs ; beaucoup de personnes ne peuvent le digérer. Il est nuisible aux tempéraments sanguins ou bilieux, aux sujets irritables, aux personnes sujettes aux hémorrhagies, aux affections dartreuses, etc. Comme médicament, il possède la plupart des propriétés de l'ail, mais à un moindre degré. Il est excitant, diurétique, vermifuge. On l'emploie dans la gravelle, la rétention d'urine atonique, les hydropisies, les affections scorbutiques, les scrofules, etc. Appliqué sur la peau, il y produit une légère excitation.
L'oignon cru possède réellement une propriété diurétique assez prononcée. Son suc a été utile dans certains cas de rétention d'urine et dans les hydropisies. Pilé et appliqué sur l'hypogastre, il agit comme excitant sur les voies urinaires. Murray cite la guérison d'une anasarque due à la simple application de la pulpe crue, soit à l'hypogastre, soit à la plante des pieds. « Voulez-vous, dit Roques, un diurétique puissant ? ajoutez 6 onces (180 gr.) de suc d'oignon à une livre d'infusion de thé vert. » J'ai vu l'anasarque survenue à la suite de la scarlatine chez plusieurs enfants, disparaître en peu de temps par l'administration de 30 à 60 gr. de suc d'oignon mêlé avec autant de vin blanc sucré. Lanzoni rapporte que des sujets ont été guéris de l'hydropisie ascite par l'usage abondant de l'oignon pendant plusieurs mois, soit en boisson, soit comme aliment. Il est bien évident que ce bulbe serait nuisible dans l'ascite produite par une phlegmasie péritonéale plus ou moins douloureuse. On oublie trop que l'hydropisie est le plus souvent une maladie secondaire, subordonnée à une affection primitive qui doit avant tout attirer l'attention du médecin. Serre, d'Alais[1] a trouvé dans l'usage de la diète lactée et de l'oignon cru, et dans l'abstention de toute autre boisson et de tout antre aliment que la soupe au lait, l'effet diurétique que l'oignon n'avait pu produire aussi efficacement en compagnie d'autres substances, qui pouvaient en neutraliser l'action. Le malade prend trois soupes au lait par jour pour toute nourriture, en mangeant de l'oignon. Serre a guéri plus de soixante anasarques par ce traitement. Quelle que soit la cause de cette affection, qu'elle dépende d'une suppression de transpiration, de la scarlatine, de la rougeole, d'une maladie de Bright, d'un obstacle quelconque à la circulation veineuse, d'une altération dans la composition du sang, ou simplement de l'influx nerveux, l'infiltration séreuse, l'œdème des membres abdominaux, la diminution dans la quantité des urines, cèdent à la diète lactée avec accompagnement d'oignons, et à l'abstinence de toute boisson. Au huitième jour, amélioration très-sensible, bien-être général indéfinissable ; au quinzième jour, flux abondant des urines ; au trentième jour, guérison dans l'immense majorité des cas, lorsque ce traitement simple est appliqué en temps utile. (On a même été plus loin, et on a prétendu que le modeste oignon aurait ainsi raison des hydropisies de l'ovaire[2]. Je ne puis m'empêcher d'avoir des doutes sur la précision du diagnostic. Cela serait trop beau : Koeberlé et Spencer Wells n'auraient plus qu'à dire adieu à la chirurgie.
L'oignon cuit se digère plus facilement. Il est adoucissant, émollient, pectoral. On l'emploie dans les catarrhes bronchiques et vésicaux, aigus ou
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- ↑ Bulletin général de thérapeutique, 1853.
- ↑ Voyez Journal de médecine et de chirurgie pratiques, août 1860.
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chroniques. On le met dans les bouillons pectoraux. J'ai vu des paysans se débarrasser promptement du rhume au moyen d'un oignon cuit sous 1a cendre, après l'avoir enveloppé dans une feuille de choux, pilé, écrasé, réduit en pulpe, et mêlé dans une tasse de décoction chaude d'extrait de réglisse. Cette potion, prise matin et soir, calme la toux et facilite l'expectoration. L'oignon cuit sous la cendre et mangé avec de l'huile ou du beurre est un remède populaire contre l'enrouement. A l'extérieur, l'oignon cuit est un bon maturatif dont on se sert en cataplasme sur les boutons, phlegmons, clous, panaris, etc.
Le vin rouge, dans lequel on fait macérer un oignon coupé par morceaux et qu'on a exposé à l'air pendant deux jours, pris le matin à jeun, est un vermifuge que j'ai souvent vu employer avec succès.
Le cœur d'un oignon, en suppositoire, est un moyen populaire mis en usage pour rappeler les hémorrhoïdes supprimées. Quand on veut en modérer l'action, on l'enduit de saindoux, d'huile de lin, d'œillette ou d'olive. Le suc de ce bulbe, introduit dans l'oreille, à la dose de quelques gouttes, a été vanté contre la surdité ; mais les lésions de l'ouïe sont si variées, et la pathogénie en est si obscure, qu'un semblable remède n'a pu avoir qu'un succès relatif et dû au hasard.
La pulpe d'oignon cru, appliquée à la plante des pieds, agit comme un doux révulsif qu'on a toujours sous la main, et que le médecin de campagne peut employer avec avantage dans les affections où ce genre de médication est indiqué. J'ai vu des commères appliquer cette pulpe, ou tout simplement des oignons grossièrement écrasés, sur des brûlures, et empêcher ainsi la production des phlictènes. Cette application cause d'abord une douleur assez vive qui s'apaise peu à peu et cesse ensuite entièrement : similia similibus curantur. C'est faire de l'homœopathie sans s'en douter.