Nom français de Citrus paradisi

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Introduction

Sur Wikipédia, les titres de pages par plante commençent par le nom français de la dite plante. Toute controverse sur le nom se traduit donc par une guerre d'édition. C'est le cas du choix de pamplemousse ou pomélo pour désigner Citrus paradisi.

Cette discussion se déroule sur pas moins de trois pages :

Elle mériterait d'être analysée par un sociolinguiste. D'une manière générale, la discussion frappe par l'absence de recherche historique et botanico-pomologique. Les wikipédiens participant semblent par ailleurs restreindre leur recherche à ce qui est sur Internet, ce qui est largement insuffisant. Je résume ici quelques-uns des arguments.

"Vrai" nom des plantes

On voit souvent qualifier un nom de vrai ou faux, ou l'associer aux adverbes abusivement, faussement, erronément...

Il convient donc de rappeler que pour un linguiste, il n'y a pas de "vrai" ou de "faux" nom. Il n'y a que des usages, qui varient dans le temps, dans l'espace et au travers des groupes sociaux. Le linguiste (et le lexicographe) ont une perspective descriptive, non normative.

Quand quelqu'un écrit "pamplemousse vrai" ou "endive vraie", c'est en fait un indice sûr du fait qu'il parle d'une plante qu'on n'appelle précisément pas (ou plus) "pamplemousse" ou "endive".

Voir aussi la page Noms populaires des plantes.

Citrus maxima et Citrus paradisi sont des espèces différentes

L'idée sous-jacente est que deux espèces différentes devraient porter des noms différents. C'est loin d'être le cas. On se débrouille très bien avec blé (3 à 5 espèces), cerise (2 espèces) et même orange (2 espèces).

De surcroît, la réponse n'est pas simple. Citrus maxima est une des rares bonnes espèces parmi les agrumes cultivés. La plupart des autres sont des groupes de cultivars, que l'on a qualifié d'espèces quand ils sont anciennement connus, et d'hybrides quand ils sont apparus à l'époque moderne. Ce qu'on appelle Citrus paradisi représente un très faible nombre de cultivars, mais ce type de fruit a acquis une grande importance économique. Il existe dans le monde bien d'autres "hybrides" analogues, qui sont commercialement appelés grapefruit en anglais, parce qu'il sont gros et jaunes, et qu'ils se mangent comme Citrus paradisi.

Citrus maxima est vert et a un goût amer

Cette affirmation est répétée par les manuels d'agrumiculture européens, mais elle repose sur une méconnaissance de l'espèce, dont on ne connaissait dans la Méditerranée que des cultivars de ce type avant les années 1980. Elle est simplement fausse, comme le montrent les fruits qui arrivent de Thaïlande depuis les années 1980.

Les botanistes appellent pomélo le Citrus paradisi

Les botanistes ont normalisé l'usage des noms scientifiques en latin. Ils ne sont pas compétents pour les noms populaires. En français, l'usage du nom pomélo vient en fait du secteur agrumicole en Algérie française. En Algérie, on connaissait le pamplemousse uniquement sous forme de cultivars ornementaux de faible qualité fruitière. Quand le fruit nouveau est arrivé de Floride, le nom grapefruit a été perçu comme un anglicisme, et les techniciens (commerciaux, agronomes) ont choisi pomélo. Cette tradition s'est maintenue dans les cercles des spécialistes des agrumes, et a été reprise par les services officiels français (dont la Répression des fraudes). Ceci explique que les importateurs et grossistes appellent le fruit pomélo.

Le grand public continue très largement à dire pamplemousse. Mais sachant qu'il y a deux noms, il a cherché à rationaliser cela (dans l'idée que s'il y a deux noms, il doit y avoir deux choses). Pour certains, le blanc est le pamplemousse et le rose est le pomélo… L'arrivée du "pomélo chinois" rebat les cartes et place tout le monde dans une situation d'incertitude linguistique.

Quelles sont les sources fiables ?

Les dictionnaires de langue ne sont généralement pas fiables, parce qu'ils accordent de l'attention aux mots, mais beaucoup moins aux choses. Ce ne sont pas des dictionnaires encyclopédiques. Le problème quand on cherche des sources techniques est inverse, puisqu'elles ont un objectif normatif.

Tela Botanica a aussi été mentionné comme un site sérieux. Mais est-il fiable ? La réponse est non pour ce qui est des noms vernaculaires, car ceux-ci résultent d'une simple compilation effectuée par quelques membres du réseau. C'est de toute façon une source secondaire. Actuellement, ces noms ne sont pas sourcés, et leur statut n'est pas validé. Quand Tela Botanica aura établi une liste de noms français normalisés, cela sera clairement indiqué, mais cette liste n'aura qu'un usage pour les botanistes, pas pour le grand public.

Pour en savoir plus :