Houblon (Candolle, 1882)
Nom accepté : Humulus lupulus L.
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Houblon. — Humulus Lupulus, Linné.
Le Houblon est spontané en Europe depuis l'Angleterre et la Suède jusque sur les montagnes de la région de la mer Méditerranée, et en Asie jusqu'à Damas, jusqu'au midi de la mer Caspienne et de la Sibérie orientale 3 ; mais on ne l'a pas trouvé dans l'Inde, le nord de la Chine et la région du fleuve Amour.
Malgré l'apparence tout à fait sauvage du Houblon en Europe, dans des localités éloignées des cultures, on s'est demandé quelquefois s'il n'est pas originaire d'Asie 4. Je ne pense pas qu'on puisse le prouver, ni même que cela soit probable. La circonstance que les Grecs et les Latins n'ont pas parlé de l'emploi du Houblon pour la bière s'explique aisément par le fait qu'ils connaissaient bien peu cette boisson. Si les Grecs n'ont pas mentionné la plante, c'est simplement peut-être parce qu'elle est rare dans leur pays. D'après le nom italien, Lupulo, on soupçonne que Pline en a parlé, à la suite d'autres légumes, sous le nom de Lupus salictarius 5. Que l'usage de brasser avec le Houblon se soit répandu seulement dans le moyen âge, cela ne prouve rien, si ce n'est que l'on employait jadis d'autres plantes, comme on le fait encore dans certaines localités. Les Celtes, les Germains, d'autres peuples
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3. Alph. de Candolle, dans Prodromus, vol. 16, sect. 1, p. 29 ; Boissier. Fl. orient., 4, p. 1152 ; Hohenacker, Enum. plant. Talysch, p. 30 ; Buhse, Aufzählung Transcaucasien, p. 202.
4. Hehn, Nutzpflanzen und Hausthiere in ihren übergang aus Asien, ed. 3, p. 415.
5. Pline, Hist. 1. 21, c. 15. Il mentionne à cet endroit l'Asperge, et l'on sait que les jeunes pousses de Houblon se mangent de la même manière.
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du Nord et même des peuples du Midi qui avaient la vigne faisaient de la bière 1 soit d'orge, soit d'autres grains fermentés, avec addition, dans certains cas, de matières végétales diverses, par exemple d'écorce de chêne, de Tamarix, ou de fruits du Myrica Gale 2. II est très possible qu'ils n'aient pas remarqué de bonne heure les avantages du Houblon et qu'après en avoir eu connaissance ils aient employé le Houblon sauvage avant de le cultiver. La première mention d'une houblonnière est dans l'acte d'une donation faite par Pépin, père de Charlemagne, en 768 3. Au xive siècle, c'était une culture importante en Allemagne, mais en Angleterre elle a commencé seulement sous Henri VIII 4.
Les noms vulgaires du Houblon ne fournissent que des indications en quelque sorte négatives sur l'origine. Il n'y a pas de nom sanscrit 5, ce qui concorde avec l'absence de l'espèce dans la région de l'Himalaya et fait présumer que les peuples aryens ne l'avaient pas remarquée et utilisée. J'ai cité jadis 6 quelques-uns des noms européens, en montrant leur diversité, quoique certains d'entre eux puissent dériver d'une souche commune. M. Hehn a traité de leur étymologie en philologue et a montré combien elle est obscure ; mais il n'a pas mentionné des noms tout à fait éloignés de Humle, Hopf ou Hop et Chmeli, des langues scandinaves, gothiques et slaves, par exemple Apini en lette, Apwynis en lithuanien, Tap en esthonien, Blust en illyrien 7, qui ont évidemment d'autres racines. Cette diversité vient à l'appui de l'idée d'une existence de l'espèce en Europe antérieurement à l'arrivée des peuples aryens. Plusieurs populations différentes auraient distingué, nommé et utilisé successivement la plante, ce qui confirme l'extension en Europe et en Asie avant l'usage économique.
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1. Tacite, Germania, cap. 25 ; Pline, 1. 18, c. 7 ; Hehn, Kulturpflanzen, etc., éd. 3, p. 125-137.
2. Volz, Beiträge zur Culturgeschichte, p. 149.
3. Volz, ibid.
4. Beckmann, Erfindungen, cité par Volz.
5. Piddington, Index ; Fick, Wörterb. Indo-Germ. Sprachen, 1, Ursprache.
6. A. de Candolle, Géogr. bot. rais., p. 857.
7. Dictionnaire manuscrit compilé d'après les flores, par Moritzi.