Avoine (Maison rustique 1, 1842)

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Orge
Maison rustique du XIXe siècle (1836-42)
Sarrasin


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Section IV. — De l'Avoine.


L'Avoine {Avenu sativa, Lin.); en anglais, Oat, en allemand, Haber ; en italien, Vena, et en espagnol, Avena, sert beaucoup moins fréquemment qu'aucune d<is céréales précédentes à la nourriture de l'homme. Ses grains rendent peu ù^Jarine, et le p;iiu qu'on en obiient esl noir, lourd, amer et d'une saveur désagréable. Cette même farine sert à faire des bouillies et des gAteaux de plusieurs sortes. — Le gruau d'avoine, tel qu'on le fabrique en assez grande quaulité dans une partie de la Bretagne, est aussi utilisé

en quelques lieux comme aliment; on l'emploie dans la médeciiie hygiénique. — On extrait de l'eau-de-vie du grain de celte plante. — Ses fanes vertes procurent un fourrage abondant et très-sain pour tous les ruminans; — sa paille, quoiquelie ne leur plaise plus autant, leur convient cependant encore. D.ms les provinces du centre de la France, on la destine particulièrement aux vaches, pour lesquelle. on la considère comme un excellent fourrage. Parfois on la donne en petite quantité sans l'avoir battue; — Mais ce sont ses grains qui font incontestablement le principal mérite de l'avoine pour la nourriture des animaux de travail. Les chevaux auxquels on veut donner de l'ardeur, les moutons qu'on engraisse, les brebis nourrices dont on veut augmenter la quantité du lait, les oiseaux de basse-cour doni on cherche à accélérer la poule piinlanière, se trouvent également bien d'en manger. — Les balles davoiiie ont de plus quelques usages économiques.

§ 1". — Espèces et variétés»

Les caractères généraux de l'avoine sont d'avoir une glume bivalve, qui renferme le plus souvent deux, quelquefois un plus grand nombre de fleurs hermaphroilites à côté desquelles on en rencontre parfois de stériles par déiaut d'organes femelles. La balle est aussi à deuxvalves pointues, dont rextérieure porte une arête genouillée. Celte aréie nanque ou tombe de bonne heure dans beaucoup de variétés. Les fleurs sont disposées en paiiicules.

1. L'Avoine commune {Avena sativa) (^.557)

Fig. 557.

a les fleurs disposées en panicules lâches;— les

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épillets sont orHinairemenl à deux fleurs. Les grains swiil aloiigés, lisses et de coiiltur varia ■ ble.Celle espèce,comme son nom rindiqne,est la pins générulement cultivée. Elle a donné naissance à diverses races d'un mérite reconnu, mais dont il est difficile de déterminer la valeur relative, attendu que l'abondance et la qualité de leurs produits sont étroitement dépendantes de circonstances de cl-imat et de terrain peu appré(;iables autrement que par des essais locaux. Nous indiquerons les principales seulement de ces varié! «'S.

?. L'Jvoine d'hit er se distingue de la précédente plutôt par sa rusticité plus grande que par ses caractères botaniques. Cependant file en diffère assez st^nsihlement par la couleur de ses balles rayées de gris brun. — Dans une partie du sud-ouest et de l'ouest de la France, notamment en Bretagne, on la sème en septembre et au couimencement d'octobre. Sa maturité esl précoce, sa paille fort abondante, et ses grains, à la fois plus nombreux et plus i>esans,sont par cela même de meillture qualité que ceux de l'avoine commune. — Malheureusement elle parail être d'une réns-ite fort incertaine dans le centre, l'est, et à plus forte r.iison le nord de la France. Dans ces contrées, on peut néanmoins l'employer très-utilement, comme on le lait dans une partie du Berry, pour les premiers semis de février ou même de la fin de janvier. La propriété qu'elle possède de mieux résister aux froids que les avoines printanières, lui donne en pareil cas, sur elles, un avantage marqué, en certaines années.

3. L'Avoine noire de Brie est une des variétés les phis productives dans les bons terrains ; son grani, noir comme son nom l'indique, court, mais renflé, est de très-bonne qualité.

4. L' Avoine de Géorgie, nouvellement introduite, et, selon nous trop peu connue encore dans nos départemens, a le grain d'un blanc jaunâtre. Ce grain, remarquablement gros, lourd et si bon qu'il faut éviter de le donner en trop grande quantité, na d'autre inconvénient que la dureté de son écorce, qui le rend d'une mastication difficile pour les vieux chevaux. Sa paille est {{russe, élevée el cependant douce et fort bonne comme fourrage. Ses feuilles sont très-larges. Cette vai'iélé, précoce el féconde, au moins sur les bonnes terres, nous parait devoir attirer l'attention des cultivateurs.

5. L'Avoine patate, A.pomme-dc-terre,z le grain blano, court, mais pesant et farineux. Cette variété s'est beaucoup répandue depuis un certain nombre d'années en Angleterre. Dans les essais faits en France, du moins dans ceux qui nous sont connus, elle s'est d'abord montrée excellente, muis elle n'a pas soutenu Isng-lemps celle supérioiité. Elle nous a paru particulièrement sujette au charbon.

6. V Avoine iinilaièrale; — A. de Hornsne:— de Russie{Avtnauiientali.s)(Jig. 5.58). est considérée par la plupart des botanistes comme une espèce distmcle, facileà reconnaitre à ses panicules resserrées, dont les grains, portés sur de très-courts pédicules, s'inclinent tous (lu même cèté. On en cultive deux variétés,

l'une à grains Fig. 558.

blancs, l'autre à grains noirs. Cette dernière est extrêmement productive dfins les bons terrains. D'après plusieurs essais répétés chez l'un de nous, elle est au contraire inférieure à l'avoine commune dans les terrains pauvres; son grain est, surtout en pareil cas, maigre et d'un faible poids; elle est, d'un autre côté, assez sujette à échauder. Malgré ces inconvéniens, son grand produit en grain el en paille lui fait donner dans plusieurs lieux la préférence sur toutes les autres. — L'avoine unilatérale blanche est remarquable par la force et la hauteur de sa paille. Son grain est souvent encore inférieur en qualilé à celui de la noire, mais elle réussit mieux sur les mauvais fonds.

7. L' Avoine nue ( Avena nuda) {fig. 559) esl aussi considérée Y\s,. 559. comme une espè» ce; elle diffère de» autres par ses épillets de 4 à 5 fleurs réunies en petites grappes, et par la disposition de ses graine à sortir tout mondés delà balle par l'effet du battage. Cette espèce, qui, au dire de M. De Candolle, est préférée dans certains pays pour la confection du gruau, nous a toujours paru d'un faible produit.

8. L'Avoine courte; {Avena brevis) {fig. 560 ), a les feuilles courtes Irèsérigées, d'un vert blond; — la panicule est lâche et légère; — les barbes, persistantes el fortement genouillées, sont plus courtes que celles des autres espèces ou varié

A. pied de mouche Fig. 560.


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tés;— les grains sont aussi sensiblement plus courts. Cette espèce, cultivée dans plusieurs contrées montagneuses, notamment en Auvergne, dans le ïorez, l'Espagne, etc., est regardée au 3Iont-Dore con)nie préférable à loule autre pour l'emploi des mauvais terrains. Elle s'élève beaucoup, est très-hàtive ; son grain, à volume égal, est moins nourrissant que celui de l'espèce ordinaii-e, mais, dit on, plus sain; — ses tiges, longues et fines, produisent, ver les ou sèches, un excellent fourrage.

§ II.— Choix et préparation du terrain.

Si l'orge se plait de préférence dans les régions méridionales de l'Europe, Vavoine préfère celles du nord; — l'une prospère souvent en dépit des longues sécheresses ; — l'autre aime la Jraîcheur et ne redoute l'humiditéqu'autant qu'elle est trop permanente. Aussi sa culture, tiès-importante dans les départemens du nord et du centre de la France, l'est- elle beaucoup moins dans ceux du midi.

De toutes les céréales, celle-ci est la moins difficile sur le choix du sol. Les argiles compactes; — les terrains tourbeux, les marais, les étangs nouvellement desséchés;— les graviers, les sables suffisamment humectés, lui conviennent presque également. — On la voit prospérer sur de riches défriches ; sur un défoncement qui ramène à la surface une quantité notable de tei-re vierge;— comme sur une lande écobuée, et après toutes les cultures qui ne contribuent pas ainsi qu'elle à faciliter l'eavahissementdes mauvaises herbes. On la cultive même fréquemment à la suite d'un blé; mais une pareille coutume, résultat inévitable du triste assolement tiiennal avec jachère, est aussi vicieuse eu ihéorie qu'en pratique. La véritable place de l'avoine est après une culture sarclée, ou sur le défrichement d'une prairie naturelle ou artificielle.

De même que l'avoine est peu difficile sur le choix du terrain, elle l'est fort peu aussi sur sa préparation, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne puisse bien payer les Irais d'uue culture plus soignée que celle qu'on lui accorde d'ordinaire. I! n'y a rien à ajouter, à ce sujet, à ce que disait, il y a peu d'années, feu Vict. Yvart: "Cette plante robuste et peu délicate est une de celles quisoufirent le moins de la négligence du cultivateur qui prend souvent peu de soins pour assurer son succès. Toute sa culture se borne communément à un simple labour; mais, s'il suffit quelquefois, comme nous en citeronsdesexemples,il ne faut pas en conclure cependant, comme on ne le fait que trop souvent, qu'il soit le seul, dans tous les cas, rigoureusement indispensable. Un assez grand nombre de faits démonirenl que deux et même trois labours sont très-souvent amplement payés par un accroissement proportionnel de produit, indépendamment du nettoiement de la terre, objet qui est toujours de la plus haute importance; et, parce que, dans la routine ordinaire, la terre destinée à cette culture ne reçoit point immédiatement d'engrais, il est aussi absurde d'en conclure qu'elle peut et doit toujours s'en passer, qu'il le serait d'avancer que, quoiqu'elle n'exige pas toujours, pour prospérer, le terrain le plus fertile el le mieux préparé, ses produits ne sont pas généralement proportionnés à la qualité et à l'état de la terre.»

§ III. — Choix et préparation de la graine.

Dans quelques lieux, parsuite d'un faux calcul d'économie, on sème h s avoines les plus menues, dans le but de diminuer la quanlité de semence, afin de ré>ei'ver les autres pour les chevaux. Une p ireille pratique est si évidemment vicieuse que nous ne nous arrêterons pas à la combattre. L'expérience a démontré à tous ceux qui ont voulu faire des essais comparatifs, que la méthode contraire est, en résultat, beaucoup plus avantageuse. Dans d'autres localités, on néglige les criblages, ou, tout au moins, en les exécutant, on ne prend pas assez le soin de rejeter les graines étrangères, telles que celles de la sauve ou moutarde des champs, de l'ivraie et surtout de lafolle-avoine, dont les grains plus légers se rassemblent cependant d'eux-mêmes au-dessus des autres. — Cette dernière plante, l'une des plus rustiques de celles qui envahissent nos moissons, se multiplie de préférence dans les terrains frais qui conviennent à l'avoine, dont elle devance la maturité. Ses semences se conservent longtemps en terre sans perdre leur faculté geriiîinHtive,de sorte qu'on ne peut trop attentivement les séparer des bonnes graines, préalablement aux semis. La moindre négligence, à cet égard, pourrait occasioner plus tard de graves uicon\éniens, et, à coup sur, nous ne sommes pas les seuls à avoir remarqué des cultures tellement infestées de folle-avoine, qu'il ne restait au propriétaire daulre ressource que de faucher, vers l'époque de la floraison, les avoines dont il espérait récolter le g'ain, et de laisser en jachère les cham|>s qu'à l'aide, peutêtre, d'un seul criblage attentif, il aurait pu soustraire à cette fâcheuse nécessité. Dajis lecasoii lespauicules d'avoineseraient entachés de charbon, il pourrait être fort utilede f/irt«/e'/lrs grains quien proviendraient; car, quoiqu'il ne soit pas rigoureusement démontré que celle étrange maladie soit contagieuse, il est d'observation qu'en certaines circonstances, qui jusqu'à présent n'ont pu être bien appréciées, le chaulage eu diminue les effets.

§ IV. —De l'époque des semailles et de la quantité des semences

Selon les variétés que nous avons fait con naitre, on sème l'avoine depuis septembre jusqu'en mars et même t-n avril. — La premièie époque est préféreeavec raison dans le midi et une partie de l'ouest de la France, et devrait l'être, pour tous les sols légers, partout oii le.*; froids ne sont point assez intenses pour endommager cette céréale, parce qu'elle aurait moins à redouter les sécheresses du printemps. Aux environs de Paris, on choisit février et mars. En général, conformément au vieux proverbe : Avoine de février remplit le grenier, on se trouve bien de semer aussitôt qu'on n'a plus à redouter les très-fortes ge

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lées et l'excessive humidité du sol. Non seulement les avojnes mises les premières en terre sont les plus belles, si le temps leur est favorable, mais elles mûrissent plus tôt, de sorte qu'elles ont moins à crainlre ks eCft'ts de la grêlf, des vents, et qu'elles dontu-nl plus de temps pour préparer le sol à recevoir d'autres cultures. — Dans plusi<*urs loraiiié'J, ou donne pour motif des semailles tardives de i'avoinfy la nécessité de détruire, en faisant ce semis, la raveluche ou sau\e{Sinapis arvensi-^)y (|ui,sanscf la, serait beaucoup plusabondanie et nuirait à Tavoiiie.

Il est toujours fort d/J/îa le, en agrirullure, d'indiquer des quantités précises. C'est surtout par rapport aux semisd'avi'ineque retie uifficullé se (ait sentir. Non s> ulemt-nl il faut plus de grains pniir les seiuailU-s à la heise que pour les semis sous raies; — nour ceux qu'on effectue en automne, quand on a encore tout à redouter des j^elées, que pour ceux qu'on diffère jusqu'à la fin de l'hiver ; mais l'état de fécondité du sol et les coutumes locales, en général, basées sur la connaissance du climat, apporlentdf si grandes différences qu'il serait fort imprudent de chercher à formuler ce qui doit varier sans cesse. De toutes les céréales, l'avoine est cependant celle qu'il y a le moins d'inconvénient à semer épais. Dans quelques parties de l'Angleterre, ou ne craint pas d'employer, au dire de M. de Dombasle. jusqu'à 6 hectol. par heciare.— En France, la quantité la plus ordiuaireesl, comme pour l'orge, de2 à 3 hect., bifu que, sur divers points, on en répande quelquefois moins encore sur les bonnes terres.

§ V.— Du mode des semis et des cultures d'entretien.

Quoiqu'on ait proposé, à diverses reprises, de semer l'avoine en lignes comme les blés, à l'aide du semoir ou du (tlaiitoir, ni l'une ni l'autre de ces coulumes n'ayant prévalu nulle part, nous ne nous occuperons ici que des semis à la volée. — Ils ne se pratiquent pas partout de la même mani»'re : tantôt on la'toure le sol préalablement aux seniailles ; on sème, et on recouvre à la herse. — Tantôt on répand la graine sur le vieux labour, et on l'enterre par une seule façon à lextirpateur ou à la charrue. — D'autres fois, entin, on sème à la surface du champ non labouré, el on couvre à la charrue.

Le premier moyen convient sur les sols coujpactesqui exigent plusieurs labours préparatoires; dans lesquels les graines lèveraient mai et tardivement, si elles étaient trop profondément enterrées ; et qui ne se prêteraient d'ailleurs que fort diflicilemeut aux deux autres moyens. C'est la méthode la plus ordinaire.

Le second est excellent sur les terres de consistance moyeime, lorsqu'elles ne sont pas rassises, depuis le Jernier labour, assez pour rendre l'action de l'exlirpateur pénible ou incomplète.

Le troisième moyen remplit suffisamment le but qu'on se propose dans les terrains légers, parce «ue, dune part, un seul labour

les divise suffisamment, el que, de l'autre, il polygonées. Il se re importe qnc les semences soient à une assez grande profondeur pour profiter du peu de (raiclipur qu'elles ne trouveraient pas plus près de la surface.

Les cultures d'entretien se bornent à des sarclages, et, selon les circonstances, fies roulages on des hersages. Vour ces trois npera'ioiis, nous renvoyons à ce qui a été dit ptécédemnient à l'occasion du froment.— Afin d'éviter un double emploi, nous prions éj^alement le lecteur de consulter, pour les récolles des blés et de l'avoine, la 3" section du chap. XI de ce livre. Pour le javelage et les diverses manières de l'exécuter, voir page 299, et la figure 412.)

ç Vj. — De la quantité des produits.

On a souvent cherché à comparer les produits de l'avoine à ceux de i'orpe, pour faire ressortir les avantages de la culture de l'une ou de l'autre de ces céréales. Técuniairement parlant, la différence tient surtout à deux causes dont on n'a pas toujours assez tenu compte : le climat et les moyens de consommation. — Si, dans le midi, l'orge est généralement plus productive, dans le nord il arrive souvent le contraire. A cet égard, c'est au cultivateur, avant de se fixer, à bien étudier le pays qu'il habite. —D'un autre côté, le prix relatif de ces deux graius varie selon les besoins du comiuerce, pour la fabrication de la bière ou la nourriture des chevaux, de manière que chicun, sous ce second point de vue, ne doit encore prendre conseil que de la position dans laquelle il se trouve.

En Belgique, daprès les calcids de ScHWERTZ, la production de l'avoine est en volume à celle de l'orge, comme 24 à 17. Arthur YouNG est arrivé à très- peu près aux mêmes résultats pour l'Angleterre. La différence est au moins aussi forte au nord et au centre de la France.

Oscar Leclerc-Thouin et Vilmorin.