Anacardier (Pharmacopée malagasy)
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Sommaire
- 1 Description
- 2 Répartition géographique ; importance économique
- 3 Bibliographie générale
- 4 Produits utiles susceptibles d'être tirés de l'anacardier
- 5 Propositions
Nom scientifique : Anacardium occidentale Linné (Anacardiacées) (Synonymes : Semenocarpus Anacardium L. ; Cassuvium pomiferum Lamarck ; Acajuba occidentalis Gaertner).
- Nom accepté : Anacardium occidentale
Noms malagasy : Abiba ou abibo ; Mabiba ou Mabibo ; Mahabiba ou Mahabibo (du souahéli : bibo, pluriel: mabibo) sur la côte Ouest ; Voambarika sur la côte Est.
Description
Arbre de 4 à 6 mètres à port souvent tortueux en sol aride, mais pouvant atteindre 20 mètres dans des conditions favorables, à rameaux étalés. Feuilles persistantes, alternes, entières, grandes, largement obovales, en coin à la base, arrondies au sommet, généralement asymétriques et déprimées au sommet sur l'une de leurs moitiés, coriaces, souvent plus ou moins bullées, à nervures fortement marquées, courtement pétiolées.
Fleurs polygames (les unes fertiles, les autres stériles), en panicules terminales formées de cymes, à rachis et pédicelles courtement pubescents comprenant un calice à 5 lobes lancéolés-aigus, une corolle à 5 pétales étroits, connivents en tube vers la moitié de leur longueur et réfléchis vers le bas dans leur partie libre ; généralement une seule étamine fertile et 8 ou 9 étamines stériles ; l'étamine fertile 3 ou 4 fois plus longue que les stériles, dépassant toujours la longueur du style ; un seul carpelle monoovulé, atrophié dans les fleurs stériles, à style latéral, simple, filiforme.
Fruit ayant la forme d'un gros haricot ou d'un rein d'animal, de 2,5 à 3 centimètres de long, communément appelé Noix d'acajou, Noix de Cajou ou Noix à marquer (nom malagasy : koroso ou korosy), à péricarpe mince, peu charnu sur le fruit vert, se desséchant complètement et devenant coriace à maturité ; à mésocarpe spongieux et endocarpe scléreux formant dans leur ensemble une coque très dure, épaisse de 3 à 4 millimètres parsemée de poches sécrétant une substance épaisse, sirupeuse, caustique nommée baume de cajou (nom malagasy : tsiranoranonkoroso). L'amande riche en matière grasse, d'odeur et de goût agréables, est très appréciée comme aliment. Elle fournit une huile d'excellente qualité dite huile d'anacarde ou huile des Caraïbes. Ce fruit est porté par un énorme renflement du pétiole, en forme de poire ou de toupie, qu'on appelle Pomme-cajou ou Pomme d'acajou (souvent pris par erreur pour le fruit lui-même), charnu, comestible, de saveur sucrée et acidulée à la fois, à parfum rappelant un peu celui de la fraise, mais avec une âcreté qui peut être très désagréable surtout si on le consomme sans enlever la peau, de couleur jaune ou rouge à maturité, avec de nombreux types intermédiaires.
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Répartition géographique ; importance économique
Cet arbre, originaire d'Amérique tropicale, a été introduit au XVIe siècle aux Indes et dans tous les pays bordant l'océan Indien par les navigateurs portugais.
A Madagascar, on le trouve planté ou subspontané près de nombreuses localités habitées sur toutes les côtes et dans toutes les parties chaudes de l'Ile à basse altitude. Il a donné son nom au faubourg bien connu de Majunga : Mahabibo. Mais il s'est surtout naturalisé largement dans le Nord-Ouest, en particulier dans le canton d'Antsakoamanondro (sous-préfecture d'Ambanja), dans toute la presqu'île d'Ambato et la petite île de Nosy Faly. Ses peuplements couvrent une superficie de 4000 hectares environ.
La région étant peu peuplée, ces forêts de Mabibo sont restées longtemps à peu près inexploitées. Les noix étaient quelque peu ramassées comme produit de cueillette pour la consommation locale des amandes, mais la plupart d'entre elles pourrissaient sur le sol. De 1900 à 1925, plusieurs naturalistes tentèrent d'attirer l'attention sur le parti qu'on pourrait tirer de cette production spontanée, notamment Perrier de la Bâthie. Ce n'est guère cependant qu'avec la venue dans la région d'un ingénieur de l'IRHO (M. Braine) en 1933 que les autorités administratives commencèrent à s'intéresser à la question. M. Braine eut le mérite de montrer l'intérêt économique considérable que pouvaient présenter ces peuplements naturels et évalua à 1250 tonnes la production annuelle de noix de cajou (en anglais : cashew nuts ; en allemand : Kajunüsse) qui pourrait être exportée vers l'Europe ou les Etats-Unis. En 1955, un nouveau projet vit le jour en vue d'exporter les noix du Sambirano vers un établissement français de Pondichéry qui s'était spécialisé dans le décorticage des noix de cajou. L'Inde avait en effet depuis longtemps acquis le quasi-monopole du décorticage mécanique de ces noix, et en importait déjà à l'époque des quantités considérables de la côte d'Afrique orientale, du Mozambique et de Zanzibar, pour réexporter ensuite les amandes d'anacarde aux Etats-Unis (17500 tonnes exportées en 1952). Ce projet échoua en dépit de l'intérêt qu'y porta le gouvernement français qui y voyait une source possible de rentrée de dollars pour la zone franc.
Il a suscité néanmoins par contre-coup un certain intérêt pour le ramassage et l'exportation de ces noix vers la France. C'est ainsi que les exportations passèrent de 32,3 tonnes en 1958 à 93 tonnes en 1960 (Economie Malgache ; Evolution 1950-1960 ; Commissariat Général au Plan, Tananarive, 1962, p. 101).
La production moyenne pour les années 1960-1961-1962 a été de 700 tonnes représentant 10 millions de FMG et le Plan Quinquennal 1964-1968 (Annexe IX, tableau A) envisageait de la porter à 3600 tonnes en 1968 et à 8000 tonnes en 1973. Sur cette production, on envisageait 480 tonnes d'exportations en 1968 et 1200 tonnes en 1973. (Annexe XXXIII). Une partie des noix sont d'autre part décortiquées
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sur place pour la préparation des amandes utilisées en chocolaterie (kernels). Enfin le reste de la production sert à la consommation locale. L'Union des Coopératives du Sambirano et de l'Ifasy (UCASI) à Ambanja a été dotée de moyens plus modernes en vue de promouvoir cet accroissement de la production.
Dans une telle perspective de développement rapide d'une production, il est toujours utile de prévoir une meilleure utilisation des produits accessoires et sous-produits qui sont susceptibles d'être tirés de la même plante. Une telle utilisation contribue à réduire les prix de revient et à rendre l'entreprise plus compétitive. On connaît même en Europe de nombreux exemples d'industries qui seraient incapables de rester économiquement rentables sans une utilisation très poussée de leurs sous-produits. De plus, une telle utilisation diversifie la production à partir d'une même culture ou d'un même produit de cueillette et atténue, par là-même, les conséquences que peuvent avoir les fluctuations des cours du produit principal sur les marchés extérieurs.
C'est dans un tel contexte qu'il est intéressant d'étudier les diverses applications industrielles et notamment pharmaceutiques qui pourraient être tirées de cette exploitation de l'Anacardier.
Bibliographie générale
- Anonyme : De quelques produits de la province de Majunga, Bull. Econ. Madag., 4e ann., no 4 (4e trim. 1904), p. 441-442.
- Anonyme : Le Mahabibo, Anacardium occidentale, in Bull. Econ. Madag., 1906, pp. 225 à 229.
- Anonyme : Note au sujet du Mahabibo, Bull. Econ. Madag. 1er sem. 1925, p. 114.
- Rapport Braine, IRHO, 1933, inédit.
- R.S. : Une richesse spontanée de Madagascar : le Mahabibo, Bull. Inform. et Docum. du Gouvernement Général, Tananarive, 1941.
- B. Tkatchenko : L'Anacardier, Fruits d'Outre-mer, IV (1949), no 6, p. 199-205 ; n° 7, p. 241-248 ; n° 8, 281-287 (18 figures, 65 références bibl.).
- R. Schwob : Exploitation industrielle de l'Anacardier ; son importance, IFAC, Paris, 1954 ; une brochure de 66 pages.
Sur le plan mondial, d'après J.F. Leroy in « Les fruits tropicaux et subtropicaux », Paris, 1968 (PUF), p. 108, l'Anacardier se place au troisième rang par ordre de valeur des productions, immédiatement après la Banane et l'Ananas. L'Inde a produit elle-même en 1961 60800 tonnes de noix de cajou et en a introduit 140600 tonnes en provenance de l'Afrique Orientale et de Zanzibar.
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Produits utiles susceptibles d'être tirés de l'anacardier
Toutes les parties de l'Anacardier fournissent des produits utiles. Nous étudierons dans l'ordre ceux qu'on peut tirer : 1° de la noix de cajou ; 2° de la Pomme-cajou ; 3° des écorces ; 4° du bois ; 5° des feuilles.
Produits tirés de la noix de cajou
Ces produits variant suivant les modes de décorticage, nous devons commencer par donner les indications nécessaires concernant ces divers procédés :
Décorticage artisanal : Pour décortiquer les noix de cajou et en extraire les amandes, on se contente de faire chauffer une tôle à feu très vif, puis d'y placer les noix en les retournant à l'aide d'un bâton. On en fait ainsi suinter le baume extrêmement caustique — qui ne doit pas souiller les amandes sous peine de les rendre inutilisables ; lorsque les noix sont suffisamment chauffées, elles éclatent et on les retire alors du feu ; ou bien, lorsqu'on estime qu'elles ont perdu suffisamment de leur baume, on les casse à la main, d'un coup sec, avec un maillet. Après quoi, les amandes sont séparées des coques et mondées, c'est-à-dire débarrassées de la pellicule qui les recouvre. On trie ensuite les amandes entières, qu'on sépare de celles qui ont été cassées ou avariées. Seules les amandes entières et de bonne qualité sont ensuite conditionnées, telles quelles ou après salage, suivant la destination qu'on désire leur donner.
Ce procédé requiert une main-d'œuvre très nombreuse ; provoque des pertes très importantes au cours des manipulations ; de nombreuses amandes cassées sont impossibles à commercialiser. D'autre part, le baume de cajou que contient la coque est perdu ou, s'il est recueilli, il s'avère de qualité très inférieure ; enfin son élimination très imparfaite est une source continuelle d'accidents pour les travailleurs employés au décorticage.
Décorticage industriel à chaud : L'Inde en a, comme nous l'avons vu, le monopole de fait pour tout le bassin de l'océan Indien. Les noix de cajou de Madagascar y trouveraient un débouché facile, la demande étant constamment en hausse sur le marché mondial. Mais il convient d'étudier attentivement sur le plan économique, en fonction des prix proposés, si le décorticage sur place n'est pas préférable.
Le décorticage industriel à chaud dérive directement des méthodes artisanales. Le baume est d'abord extrait de la coque par un bain d'huile (végétale ou minérale) chauffée aux environs de 150°, par traitement à la vapeur surchauffée, dans un bain de métal fondu (alliages d'étain), ou par une combinaison de ces procédés. Après quoi on casse les coques, on extrait les amandes, on les monde après un bref blanchiment à la vapeur, on les trie et on les conditionne.
Ces procédés présentent des avantages appréciables sur la technique artisanale. Cependant, ils exigent encore une main-d'œuvre très importante. Ils livrent un baume dont les constituants naturels sont transformés
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par l'action de la chaleur et qui, du fait de sa haute teneur en composés phénoliques, est pratiquement réservé aux usages industriels, à l'exclusion des usages pharmaceutiques.
Décorticage à froid : Le décorticage à froid a fait l'objet d'un brevet français de M.R. Henry et d'une description détaillée de H. Wendling (in Comptes rendus du 1er Congrès International des Industries Agricoles et Alimentaires des Zones tropicales, Abidjan, 1964, tome 1, p. 399-406). Il consiste, après avoir calibré les noix, à les découper mécaniquement de façon à détacher la coque en deux parties qui sont ensuite séparées et libèrent l'amande sans aucune manipulation manuelle. Ce n'est qu'après cette séparation que les coques sont épuisées par un solvant approprié, à froid, de façon à en isoler le baume cru dont la teneur en composés phénoliques atteint alors au maximum 10 p. 100. Ce baume cru peut présenter un grand intérêt en pharmacie pour la préparation d'analgésiques et de produits bactéricides désinfectants.
Les amandes sont traitées comme dans le procédé à chaud, le pourcentage de déchet étant encore moindre. Un tel procédé pour lequel, d'après H. Wendling, on peut concevoir des unités traitant économiquement 750 tonnes de noix brutes par an, semble particulièrement intéressant à étudier pour Madagascar. Il aurait l'avantage de livrer des produits originaux, n'entrant pas directement en compétition avec les produits indiens, et dont certains pourraient facilement s'inclure dans les perspectives de développement de l'économie malagasy.
Quel que soit le mode de décorticage adopté, on obtient donc comme on vient de le voir, d'une part les amandes, d'autre part le baume.
Amandes d'anacarde ou Kernels (anglais : cashew kernel).
Les amandes d'anacarde, naturelles ou salées, constituent sur le marché mondial l'une des principales « petites spécialités pour cocktails ». L'accroissement de leur consommation résulte, en premier lieu, du développement de cette coutume anglo-saxonne dans de nombreux pays.
Mais les amandes d'anacarde voient aussi se développer leurs emplois en biscuiterie, chocolaterie, confiserie, pâtisserie. Une chocolaterie de Tananarive s'est fait depuis longtemps une spécialité réputée de « chocolat aux kernels ».
Pour toutes ces utilisations, il est indispensable que l'amande soit mondée, c'est-à-dire débarrassée de la pellicule colorée qui l'entoure. En effet, celle-ci renferme un glucoside anthocyanique : l’anacardioside, qui, lorsqu'il est consommé en quantités appréciables, provoque la formation de goîtres en bloquant le fonctionnement de la glande thyroïde (voir N.R. Mougdal, E. Raghupathy et P.S. Sarma : Goitrogenic agents in food, III : Goitrogenic action of some glucosides isolated from edible nuts, Journal of Nutrition, 66 (1958), p. 291-303).
Les amandes de cajou ont une excellente valeur nutritive. Elles renferment en moyenne 48 p. 100 de matière grasse, 26 p. 100 de glucides, 19 p. 100 de protides et 3 p. 100 d'eau. Leur teneur en phosphore est
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particulièrement élevée, ainsi que leur teneur en fer. En ce qui concerne les vitamines, elles renferment (en mg pour 100 grammes de poids frais) : 0,6 de B1, 0,12 de B2 et 2,10 de PP. Cette haute teneur en thiamine (facteur B1) et en riboflavine (B2) est particulièrement intéressante pour corriger les régimes trop exclusivement constitués de riz usiné (on pourra consulter sur ce sujet l'excellente revue de F.A. Moura Campos, loc. cit.).
Les amandes d'anacarde peuvent aussi fournir par expression à froid une huile de qualité très comparable à l'huile d'amandes douces et qui peut, sans inconvénient, être substituée à celle-ci dans toutes les préparations pharmaceutiques et cosmétiques. Une notice spéciale lui sera consacrée (voir Huile d'Anacarde).
Si cette expression est faite dans des conditions satisfaisantes, le tourteau qui en résulte peut lui-même recevoir d'intéressants usages alimentaires, notamment en biscuiterie, pour la préparation des farines destinées à l'alimentation des jeunes enfants, etc. Dans ce cas, il est indispensable que les amandes aient été préalablement mondées et que le tourteau soit utilisé frais.
D'après une analyse de l'Institut de Recherches Agronomiques et Forestières d'Indochine publiée par Tkatchenko (loc. cit.), la composition de ce tourteau est la suivante :
p. 100 | |
Eau | 13,17 |
Cendres | 3,72 |
Matières azotées | 23,54 |
Matières grasses | 10,00 |
Matières extractibles non azotés | 43,63 |
Cellulose | 5,94 |
Les tourteaux de seconde qualité ou qui ont dû être conservés un certain temps peuvent être utilisés pour l'alimentation du bétail.
Baume d' anacarde ou Baume de cajou (anglais : Cashew nut shell liquid ; allemand : cardoleum)
La coque de la noix de cajou renferme, comme nous l'avons vu, un baume, matière de consistance sirupeuse et douée de propriétés caustiques. Ce baume représente 32 à 34 p. 100 du poids de la coque (soit environ 20 p. 100 du poids de la noix entière). Son importance économique est considérable : les industries anglaise, américaine et japonaise en absorbent environ 40000 tonnes par an et pourraient en traiter des quantités beaucoup plus considérables encore si elles étaient disponibles. Prix de l'ordre de 250 dollars la tonne CIF.
Nous avons vu que la composition de ce baume varie considérablement suivant le procédé de décorticage utilisé. I. Joseph et J.J. Sudborough in Journal of the Indian Institute of Science (1923), p. 111-129, ont étudié les premiers les différences entre baume cru et baume extrait à chaud. Voici leurs principales données citées d'après J.S. Aggarwal (loc. cit.).
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Baume cru | Baume de noix grillées | |
Densité | 1,0131 | 0,9263 |
Indice de saponification | 119 | 32,8 |
Indice d'acide | 107 | 18,8 |
Indice d'iode | 298 | 328 |
Indice de réfraction à 41,5° C | 1,5158 | 1,5082 |
Le baume extrait à chaud est un liquide noir, extrêmement tachant (le nom de noix à marquer ou « marking nut » vient de son utilisation ancienne comme encre indélébile pour marquer les cargaisons maritimes). Il est extrêmement caustique : appliqué sur la peau, il y provoque des cloques, des phlyctènes, et est de manipulation d'autant plus dangereuse qu'on ne ressent rien à son contact, car il renferme encore une fraction acide à propriétés analgésiques. Comme on peut le voir d'après les chiffres cités, ce baume préparé à chaud a une acidité beaucoup moins prononcée que le baume cru et renferme par contre une fraction phénolique relativement plus importante.
N.K. Patel, dans la thèse qu'il a consacrée à l'étude de ce baume (loc. cit.), a montré qu'au cours du décorticage à chaud il se produit non seulement une décarboxylation des acides, mais aussi une diminution du poids moléculaire moyen des constituants (qui passe de 470 à 340) par rupture des chaînes latérales de ces acides.
Le baume cru est un liquide plus clair, également sirupeux, renfermant environ 90 p. 100 de constituants acides et 10 p. 100 de composés phénoliques ; à propriétés analgésiques beaucoup plus accentuées, mais présentant encore une action caustique bien que tout à fait indolore vis-à-vis de la peau. Ses propriétés bactéricides et surtout celles des sels surfactifs qu'on peut en obtenir sont nettement plus élevées que celles du baume obtenu à chaud. Il peut être une base des meilleurs désinfectants généraux actuellement disponibles et pourrait, de ce fait, jouer un rôle intéressant pour l'hygiène publique sans grever par trop lourdement les finances malagasy.
Pour ces diverses raisons, il semble que Madagascar pourrait avoir intérêt à se spécialiser vers la préparation du baume cru, dont une partie alimenterait la préparation locale sans grandes difficultés de produits analgésiques et de désinfectants, le surplus étant susceptible de trouver facilement preneur sur les marchés extérieurs.
La composition détaillée de ce baume et la préparation des produits qu'on peut en obtenir : solutions désinfectantes, acide 3-pentadéca-8, 11-diényl-salicilique, etc., feront l'objet d'une notice spéciale (voir Baume de cajou).
Quant au baume extrait à chaud, dont nous avons vu l'importance économique, c'est à l'heure actuelle l'une des principales sources de phénols pour la production des résines synthétiques, des produits de condensation avec le formaldéhyde et d'autres polymères utilisés dans l'industrie des matières plastiques. On en fait aussi des stabilisants pour
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maintenir les pigments en suspension dans les encres d'imprimerie et de timbrage, des peintures pour bateaux, des produits pour la protection des filets de pêche, pour la protection des bois contre les termites et les champignons notamment en charpenterie de marine, des antioxydants pour la vulcanisation des caoutchoucs naturels et synthétiques, etc. Plus de 30 brevets anglais et une cinquantaine de brevets américains couvrent les emplois industriels de ce baume (voir les revues publiées à ce sujet par Gregory (Th.) : Uses and Applications of Chemicals and related Materials, New York, 1944 (Reinhold Publ.) et dans la revue anglaise Paint Technology, numéros de nov. et déc. 1945 ; nov. 1950 ; janv. et fév. 1951 ; l'étude de J.S. Aggarwal citée ci-dessous, etc.).
Bibliographie sur la noix d'anacarde et ses produits :
- J.S. Aggarwal : La noix et le baume de cajou, Oléagineux, 9 (1954), no 8-9, p. 559-564.
- L. Gobert : Le kernel, graine du fruit de l'Anacardium occidentale ; Annales des Falsifications et fraudes (Paris), année 1931, n° 270.
- A.E. Haarer : The cashew nut, in World Crops, 6 (1954), no 3, p. 95-98.
- F.A. Moura Campos : Nutritive value of cashew nuts, in Hospital (Rio de Janeiro), 56 (1959), p. 229-236.
- N.K. Patel : Study of the cashew nut shell liquid, Thèse de Doctorat, Bombay, 1936.
- Sayed (I.A.) : The development of the cashew nut industry in India, Agriculture and Live Stock in India, 9 (1939), p. 26 et sq.
Produits tirés de la Pomme de cajou (anglais : cashew apple)
Le pédoncule renflé de l'Anacardier s'appelle Cajou, Pomme-Cajou ou Pomme d'acajou. Il reste actuellement pratiquement sans usage à Madagascar. Pourtant un arbre qui, en peuplement spontané, fournit 0,5 à 1 kilogramme de noix, pourrait donner en outre au moins 4 à 7 kilogrammes de pommes-cajou qui représentent des possibilités alimentaires et industrielles loin d'être négligeables.
Voici d'après les données de l'IRAFI reproduites par Tkatchenko (loc. cit.) quelle est la composition de ces pommes-cajou (pour 100 grammes de fruits frais) :
minimum grammes | maximum grammes | |
Eau | 84,50 | 86,67 |
Cendres | 0,30 | 0,51 |
Sucres totaux | 6,70 | 11,96 |
Matières azotées | 0,26 | 0,88 |
Matières grasses | 0,27 | 0,37 |
Pectines | 0,86 | 2,00 |
Tannins | 0,42 | 0,50 |
Cellulose | 0,40 | 3,56 |
Acidité (exprimée en ac. citrique) | 0,16 | 0,55 |
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La teneur en vitamines est particulièrement intéressante pour les facteurs B2 : 98,75 μg pour les variétés jaunes et 123,75 μg par 100 grammes de fruit frais pour les variétés rouges, et surtout C : 239,56 milligrammes pour les variétés jaunes et 186 milligrammes pour 100 grammes de fruits frais pour les variétés rouges.
Si on leur fait subir une préparation susceptible de les débarrasser de leur âcreté, ces pseudo-fruits ont une saveur très agréable rappelant un peu la fraise, et peuvent fournir des jus de fruits, des sirops, des confitures, des fruits confits et une multitude de produits de confiserie extrêmement appréciés en Amérique latine. On les emploie aussi aux Indes dans la confection des « mixed pickles » et des « chutneys », encore appelés « rougails ».
Le jus de cajou est surtout caractérisé par sa très haute teneur en acide ascorbique (2 à 3 fois plus que les jus d'orange et de citron pourtant déjà considérés comme très riches en cette vitamine). Pour les jus frais, cette teneur atteint 223 milligrammes par 100 grammes. Pour les jus stabilisés par ébullition, elle est encore, si l'opération est bien conduite, de 200 milligrammes environ pour 100 grammes. C'est d'ailleurs pour ces propriétés hautement antiscorbutiques de la Pomme-cajou, empiriquement découvertes, que l'Anacardier a été transporté par les navigateurs portugais de l'Amérique aux rivages de l'océan Indien.
Des procédés artisanaux ont été décrits notamment par Farrales (loc. cit.) aux Philippines, pour la préparation de ces jus de Pomme-cajou et la « Farm Opérations Division » du Ministère de l'Agriculture philippin a mis au point également la préparation d'un « vin de cajou » qui a rencontré (peut-être même un peu trop) la faveur des populations interessées.
La confiture d'anacarde a joui au XVIIIe siècle d'une extraordinaire faveur en France. Un confiseur habile la commercialisait sous le nom de « Confection des Sots » et affirmait dans une réclame qui n'avait rien à envier à nos modernes « slogans » ... qu'elle « donnait de l'esprit aux gens qui en étaient les plus dépourvus ». Si cette mode passa rapidement en Europe, les « doces de caju » jouissent encore en Amérique latine d'une réputation méritée. Au Mali, une usine expérimentale a été créée récemment à Baguineda en vue de la préparation de ces confitures. Les pommes-cajou sont d'abord brossées très énergiquement à la machine pour les débarrasser de l'enduit cireux qui les recouvre, lequel renferme une bonne partie de leur âcreté. On les coupe ensuite en quatre ; on fait blanchir les quartiers obtenus dans l'eau bouillante ; on jette l'eau ayant servi à cette opération. On fait alors cuire dans une autre eau, jusqu'à évaporation à peu près complète de celle-ci ; à ce moment on ajoute du sucre : environ 60 p. 100 du poids des pommes mises en œuvre ; on continue à cuire jusqu'à coloration rouge brun, et tout à fait en fin de cuisson on ajoute un peu d'acide citrique. D'après R. Stepanovic qui rendait compte de ces travaux, cette confiture de pomme-cajou aurait été placée par les experts européens immédiatement après la tranche d'ananas pour l'importance des débouchés commerciaux qu'elle serait susceptible
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de rencontrer (voir Compte rendu 1er Congrès International des Industries Agricoles et Alimentaires, Abidjan, 1964, vol. I, p. 413-414). Pour les autres utilisations des pommes-cajou, on pourra consulter les travaux de Costa et Carvalho et ceux de Jain et coll. cités ci-dessous.
Bibliographie concernant les emplois de la Pomme-cajou :
- Farrales (J.F.) : Cashew Juice expeller ; its design and development, Plant Industry Digest, 21 (1958), no 9-10, p. 1619.
- Costa (A.D.) et Carvalho (M.C.) : Contribuçao ao estudo do caju e daces de caju, Rivista Brasileiro de Medicina 5 (1948), n° 2, p. 81-88 (de nombreuses recettes et préparations intéressantes sont décrites).
- Jaïn (N.L.), Das (D.P.) et Lal (G.) : Utilization of cashew apple, Central Food Technological Research Institute (Mysore, India), 1956, p. 75-80.
- Tkatchenko (B.) : L'Anacardier, Fruits d'Outre-mer, IV (1949), déjà cité.
Ecorces et produits dérivés
Il faut distinguer dans l'écorce d'Anacardier la partie externe brune, riche en tannin (4 à 7 p. 100 de tannins catéchiques), de la partie interne ou cambium. C'est cette partie interne que les vieilles pharmacopées considéraient comme officinale sous le nom de Cortex Anacardi occidentalis.
Les arbres en pleine vigueur, lorsqu'on scarifie leurs écorces, fournissent un baume de couleur noire, visqueux, très caustique, analogue à celui qui s'écoule des noix de cajou, utilisé autrefois en Europe sous le nom pharmaceutique de cardoleum vesicans pour extirper sans douleur les verrues et cors. Il est riche en composés acides et notamment en acide 3-pentadéca-8, 11-diényl-salicilique, puissant analgésique, qui est aussi, comme nous l'avons vu, l'un des principaux constituants du baume cru.
Les arbres vieillis et affaiblis — ou peut-être attaqués par des bactéries dont on ignore la nature — sécrètent une gomme appelée gomme de cajou ou gomme d'acajou (en anglais : cashew-gum). Elle a été utilisée, d'après Perrot (Matières Premières du Règne végétal), pour frauder la gomme arabique, pratique qui n'est pas sans danger, car cette gomme-cajou présente elle aussi des propriétés caustiques dues à de petites quantités de constituants phénoliques analogues à ceux du baume.
Il semble intéressant de prévoir l'inscription à la Pharmacopée Malagasy de l'écorce interne d'Anacardier ou Cortex Anacardi. Celle-ci était connue empiriquement par les Indiens d'Amérique pour ses propriétés hypoglycémiantes. Elle fut ensuite inscrite dans les vieilles pharmacopées de langue anglaise sous le nom de « diabetes bark ». On l'a employée avec succès dans certains cas de diabète à Madagascar, pendant la seconde guerre mondiale, à une période où l'on ne disposait plus d'insuline.
On pourra consulter sur les propriétés hypoglycémiantes et antidiabétiques de cette écorce les travaux suivants :
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- Thébaud (M.) : Propriétés antidiabétiques de l'Anacardium occidentale in Gazette Médicale de Madagascar, 5e année, n° 15 (avril 1942), p. 18-24.
- Arduino (F.), Lourdes (M.) et Soares (N.G.) : Hypoglycemic action of Anacardium occidentale (cashew) in normal individuals, Brasil Medical, 65 (1951), p. 305-308.
- Costa de Aguiar (F.J.) et Cavalcanti Lins (L.J .) : Hypoglycemic action of inner bark (hast) of cashew tree (Anacardium occidentale) ; I - Action of a decoction on normal rats ; II - Comparative studies of the effect of the decoction and its filtrate on adrenalectomized rats ; Anais Fac. Med. Univ. Recife (Brazil), 18 (1958), p. 193-197 et 263-268.
Bois
Le bois, de dureté moyenne, est employé en ébénisterie, caisserie et charpenterie de marine. Dans ce dernier cas il est recommandable de l'imprégner de baume extrait à chaud pour le rendre imputrescible et résistant aux attaques des insectes.
D'après R. Pernet, Plantes Médicinales Malgaches, in Mémoires Inst. Scient. Madag. sér. B, VIII (1957), p. 4, ce bois serait employé à la préparation d'infusions contre la dysenterie. Ses constituants actifs sont sans doute des tannins, mais les petites quantités de dérivés phénoliques qu'il contient peuvent lui conférer aussi des propriétés amœbicides.
Feuilles
D'après les analyses de l'IRAFI publiées par Tkatchenko (loc. cit.), les feuilles auraient la composition suivante :
variétés à fruits rouges | variétés à fruits jaunes | |
Eau | 55 p. 100 | 65 p. 100 |
Matières minérales | 1,85 | 1,68 |
Matières solubles dans l'eau | 9,55 | 7,67 |
Tannins (exprimé en acide gallique) | 3,91 | 2,53 |
On y a décelé des traces des mêmes constituants acides et phénoliques que dans le baume et, en outre, de petites quantités de saponines.
Aux Indes, la poudre des feuilles sèches est appliquée en topique dans le traitement du pemphigus et des brûlures ; elle aurait des propriétés désinfectantes et faciliterait la régénération de l'épiderme.
D'après Pernet, l'infusion de ces feuilles serait administrée contre les maux de tête et la dysenterie.
Propositions
L'inscription à la Pharmacopée Malagasy est proposée pour les produits suivants :
1 - Huile d'anacarde.
2 - Baume cru de noix de cajou.
3 - Ecorce interne d'Anacardier.