Ahibitsika (Pharmacopée malagasy)

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Ahibalala
Rakoto, Boiteau, Mouton, Eléments de pharmacopée malagasy
Aidinono
Figure 13 : Ahibitsika : Oldenlandia Heynii G. Don : Au milieu à gauche : aspect des processus stipulaires reliant les deux feuilles opposées.

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Notice 13 - AHIBITSIKA (Merina)



Nom scientifique : Oldenlandia Heynii G. Don (Rubiacées).

(Synonyme O. Heynei Oliver).

Autres noms malagasy

Ahibahiny, Fozankoa, Isipopoka (Merina), Kiamalomata (Betsil.), Raiditra (Merina), Tamborombahiny.


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Description

Petite plante annuelle, herbacée, rameuse, plus ou moins étalée, de 10-20 centimètres de haut, à rameaux très grèles, subanguleux. Feuilles opposées deux à deux et reliées à la base par un processus stipulaire peu visible, parfois verticillées par trois à la base des tiges ; sessiles, entières, linéaires ou étroitement lancéolées (de 15-25 millimètres de long × 1 à 2 millimètres de large) ; pourvues à la face inférieure de quelques poils rudes qu'on sent du bout du doigt lorsqu'on frotte la feuille en sens inverse de leur implantation. Fleurs blanches, parfois légèrement lavées de lilas clair, petites, à 4 sépales et 4 pétales, ces derniers soudés en tube étroit, plus long que le calice ; isolées, portées par des pédicelles longs et grèles (de 10 à 12 millimètres de long). Le fruit est une petite capsule à deux loges ; graines nombreuses et très petites.

Bibliographie botanique

  • G. Don, A general System of Gardening. London, (1831-1839), tome III, p. 531 ;
  • Oliver in Transactions of the Linnean Soc. (London), XXIX (1873), p. 84.

Répartition géographique

Plante assez commune dans une grande partie de Madagascar ; messicole et rudérale, croissant souvent près des habitations, sur les terrains cultivés, au bord des chemins, sur les talus, mais aussi dans d'autres lieux relativement humifères : lisières de forêts encore peu dégradées, rocailles humides, alluvions des rivières en saison sèche, etc. ; dans l'Est, le centre et l'Ouest ; assez commune autour de Tananarive. L'espèce existe aussi en Afrique tropicale et dans toute l'Asie du Sud.

Observation

Le genre Oldenlandia, qui n'a fait l'objet d'aucune révision récente, compte au total environ 400 espèces. A Madagascar, nous en avons dénombré 24, dont une dizaine sont pantropicales. Toutes ces plantes sont des herbes à saveur amère lorsqu'on mâche leurs feuilles à l'état frais (O. trichoglossa Baker, commune dans les lieux frais autour de Tananarive, est souvent appelé pour cette raison : Mafaitra). Nous avons aussi constaté des confusions avec l’aferontany (voir ci-dessus), bien que les plantes ne se ressemblent pas.

L'étude chimique détaillée de ce genre sera difficile tant qu'une révision botanique n'en aura pas été faite. C'est une des raisons pour lesquelles la poursuite de la publication de la « Flore de Madagascar » du professeur Humbert présente un intérêt pratique et économique qui ne doit pas être sous-estimé.

Nous n'avons retenu, pour l'instant, qu’O. Heynii en vue de son inscription éventuelle à la Pharmacopée malagasy, mais plusieurs autres espèces mériteront sans doute dans l'avenir d'y être inscrites quand elles seront mieux connues.


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Étude chimique

C'est probablement O. Heynii qui a été étudiée par R. Pernet in Mémoires Instit. Scient. Madag., ser. B, IX (1959), p. 289. Il y signale la présence de quinones, de saponines, de flavones, de stérols et de traces d'alcaloïdes. Nous sommes en mesure de confirmer cette présence d'alcaloïdes et avons constaté qu'elle varie considérablement suivant que la plante pousse sur des sols riches en humus ou, au contraire, sur des terrains pauvres.

La présence d'alcaloïdes chez une espèce du genre Oldenlandia (O. auriculata) avait été tout d'abord signalée aux Indes par A.N. Ratnagiriswaran et K. Venkatachalam in Joumal of Indian Chemical Society, 19 (1942), p. 389. Plus tard, R.N.S. Chauhan et J.D. Tewari (Journ. Indian Chem. Soc., 29 (1952), p. 386, et 31 (1954), p. 741) rapportaient l'isolement de deux alcaloïdes à partir d’O. biflora et leur donnaient les noms de biflorine et biflorone, la biflorine C17 H17 O4 N (F = 206°) pou.vant être convertie en biflorone C17 H15 O4 N par une oxydation contrôlée. B.C. Joshi et J.D. Tewari in Vijnana Parishad Anusandhan Patrika (Allahabad), 2 (1959), p. 169-173, confirmaient cette présence d'alcaloïdes et isolaient en outre l'acide fumarique, du glucose, du fructose et du galactose, ainsi qu'un composé inconnu (stérol ?) en C24 H50 O (F = 75-76°). Mais ces travaux ont été mis en doute par T.R. Govindachari, K. Nagarajan, B.R. Pai et L. Rajappa in Journal of Scientific and Industrial Research (India), ser. B, 17 (1958), p. 73-75. Ces auteurs identifient la biflorine à la protopine des Fumariacées et pensent qu'ure confusion aurait eu lieu et que Chauhan et Tewari auraient étudié en réalité Fumaria parviflora au lieu d'un Oldenlandia. Ils n'ont pas trouvé d'alcaloïdes chez O. biflora, mais y ont montré la présence d'acide ursolique. D.S. Bakhuni in Journ. Sci. and Indust. Res., ser. B, 18 (1959), p. 445-446, n'a pas trouvé non plus d'alcaloïdes dans les graines de cette espèce. Il en a isolé, d'une part une huile dont l'insaponifiable a fourni du béta-sitostérol et du gamma-sitostérol et, d'autre part des sucres : lactose, glucose et fructose.

T.R. Govindachari et coll., dans le travail déjà cité (1958), ont, par contre, trouvé des traces d'alcaloïdes chez Oldenlandia herbacea. Tous ces faits donnent à penser que la teneur en alcaloïdes est assez inconstante chez les Oldenlandia et que la station où on les recueille présente une grande importance. Seules les plantes récoltées sur des sols riches en azote semblent donner toutes les garanties d'efficacité médicinale.

Signalons encore qu’Oldenlandia corymbosa Linné, fréquente sur les côtes malgaches (Tamatave, Maromandia, Majunga, îles de Nosy-Ee et de Sainte-Marie, etc.), a fait aussi l'objet de quelques études aux Indes et à Hong-Kong. H.N. Khastgir, S.K. Sengupta et P. Sengupta (Journal of American Pharm. Association, Scientific Edition, 49 (1960), p. 562-563), travaillant à Calcutta, n'ont pas trouvé d'alcaloïde dans cette espèce,


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mais en ont isolé le gamma-sitostérol, l'acide ursolique et l'acide oléanolique. W.H. Hui et C.N. Lam, travaillant à Hong-Kong, ont confirmé l'existence de ces trois composés et, en outre, celle du stigmastérol (Australian Journal of Chemistry, I7 (1964), p. 494-495).

Propriétés pharmacologiques et indications thérapeutiques

Comme le signale R. Pernet (loc. cit.), l'infusion de la plante est surtout utilisée en Imerina pour réduire les douleurs causées par les gonorrhées et les blennorrhagies.

Nous avons également constaté ses effets favorables dans les rectites, ainsi que dans les petits accidents nerveux, les troubles de la ménopause, etc.

En médecine indienne, divers Oldenlandia jouissent d'une grande réputation. D'après R.N. Chopra : Indigenous Drugs of India, Calcutta (1932), p. 265, ainsi que d'après K.P. Kirtikar et B.D. Basu : Indian Medicinal Plants, Allahabad (1933), vol. III, p. 1916, O. biflora serait surtout administré en décoctions dans les troubles gastriques consécutifs aux fièvres intermittentes et comme sédatif léger dans les états anormaux d'irritabilité et les dépressions nerveuses.

En médecine traditionnelle chinoise on fait également grand cas des Oldenlandia et notamment d’O. corymbosa et O. diffusa. Comme le rappellent Hui et Lam (loc. cit.) ainsi que Chun-Tsang Tsai et coll. dans Yao Hsueh Hsueh Pao (Pékin), 11 (1964), n° 12, p. 809-814 (en chinois), c'est surtout contre les affections entraînant des douleurs intestinales ou rectales (colites, rectites, etc.) que la médecine populaire emploie ces plantes, mais, dans les formations hospitalières, on a plus récemment considéré leurs préparations comme susceptibles de rendre des services dans le traitement de certaines formes de cancers.

Posologie, formes pharmaceutiques

La décoction de la plante fraîche paraît préférable à la simple infusion. On la prépare à raison de 20 grammes de plante sèche par litre d'eau. C'est le mode d'emploi le plus simple. Cette décoction est administrée à raison d'un verre après les deux principaux repas, dans les infections gastro-intestinales, et de 5 à 10 verres par jour dans les affections nerveuses. On peut aussi l'employer en lavements dans les rectites.

La poudre de plante, à raison de 1 à 20 grammes par jour, peut être administrée mélangée à du miel, sous forme d'électuaire. Ce mode


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d'administration est particulièrement recommandable pour les enfants (0,5 gramme èe poudre de plante par année d'âge).

L'extrait d’ahibitsika peut s'administrer en pilules, à raison de 0,5 à 2 grammes d'extrait par jour pour un adulte. Pour les enfants, on peut en préparer un sirop en incorporant 0,25 gramme d'extrait à du sirop simple pour obtenir un poids total de 20 grammes. La dose d'extrait étant pour l'enfant de 0,1 gramme par année d'âge, la cuillerée à soupe de sirop correspond à la dose journalière à prescrire pour un enfant de 2 à 3 ans. Il est cependant préférable de fractionner cette dose en 2 ou 3 prises.