Violette (Cazin 1868)
Sommaire
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Violette
Nom accepté : Viola odorata
Viola martia purpurea, flore simplici odoro. C. Bauh., Tourn. — Viola martia. Brunf. — Viola martia purpurea. Ger. — Viola simplex martia. Park. — Viola purpurea. Plin.
Violette de mars, — violette de carême, — fleur de carême, — violier commun.
VIOLACÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE MONOGAMIE. L.
La violette croît dans les bois, le long des haies et dans les lieux un peu couverts. La culture rend la violette double aux dépens des étamines qui deviennent des pétales. On trouve dans les bois une variété à fleurs blanches.
Description. — Racines composées de fibres touffues, nombreuses. — Tiges traçantes, sortant du collet de la racine. — Feuilles toutes radicales, cordiformes, longuement pétiolées, crénelées, vertes, glabres, légèrement pubescentes. — Fleurs radicales portées sur de longs pédoncules très-simples, glabres, uniflores, munies de quelques bractées lancéolées (avril-mai). — Calice persistant à cinq divisions. — Corolle à cinq pétales inégaux, le supérieur plus grand, terminé en éperon à la base. — Cinq étamines adhérentes par leurs anthères. — Un ovaire supérieur. — Un style. — Un stigmate aigu. — Fruit : capsule trigone, uniloculaire, s'ouvrant en trois valves concaves, ovales, contenant des semences nombreuses, petites, arrondies et blanchâtres.
Parties usitées. — La racine, les feuilles, les fleurs et les fruits.
Récolte. — On cueille les fleurs de violette au mois de mars, lorsque le temps est sec. La violette simple et odorante des bois doit être préférée à celle des jardins pour l'usage médical. Suivant Guibourt, on remplace presque toujours dans le commerce la fleur de la violette odorante par celle de pensée sauvage (viola tricolor) récoltée dans le Midi. Celle-ci est, dans l'état sec, jaune, bleue et blanche ; la première est d'un bleu uniforme. Selon Soubeiran, la violette du commerce proviendrait de deux espèces de violettes de montagne, les viola suditica et calcarata. Dorvault se range plutôt à cette dernière opinion. On mélange quelquefois, par fraude, aux fleurs de violettes, celles de mauve, de vipérine, etc. ; mais cette falsification est fort innocente, tandis que celle par les fleurs d'ancolie aromatisées avec l'iris, dont parle Bergius, peut présenter du danger, ainsi que le sirop de violette qu'on en prépare.
Pour sécher les violettes, on sépare les pétales du calice, on les monde de leurs onglets, et on les fait sécher rapidement dans un grenier ou à l'étuve. On peut aussi les exposer au soleil, sur des tamis, couvertes d'un papier. Afin qu'elles conservent leur couleur, il faut, suivant le conseil de Save, les enfermer, pendant qu'elles sont encore chaudes et friables, dans des flacons que l'on a laissés à l'étuve pour être certain qu'ils soient bien secs ; on les bouche, on les goudronne de suite, et on les place à l'abri de la lumière et de l'humidité.
Les racines de violette doivent être récoltées en automne.
[Culture. — La violette odorante est cultivée dans les jardins en bordures. On la propage par éclats de pieds. Elle aime une bonne terre et l'ombre.]
Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur des fleurs de violette est douce, suave, mais fragrante et se répandant au loin, surtout le soir et la nuit. Les feuilles sont inodores, fades, un peu mucilagineuses. Les racines ont une saveur nauséeuse qui les rapproche de celle de l'ipécacuanha. Boulay a retiré, en 1823, de toutes les parties de cette plante, un alcaloïde analogue à l’émétine, et qu'il a nommé émétine indigène ou violine. La violine pure est une poudre blanche, d'une saveur âcre et nauséeuse, à peine soluble dans l'alcool, soluble dans l'eau, insoluble dans l'éther, les huiles fixes et volatiles ; elle se combine aux acides, mais sans donner de sels bien caracté-
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risés. Ce principe, déjà entrevu par Pelletier et Caventou, se rencontre plus abondamment dans les racines ; il est uni à l'acide malique dans la violette, au lieu de l'être à l'acide gallique comme dans l'ipécacuanha.
Paretti[1] a analysé les fleurs de violette dans un autre but ; il y a trouvé deux sortes d'acide, un rouge et un blanc, cristallisables, qu'il croit aussi exister dans l'indigo. Il y a constaté la présence du sucre, de la cire, d'une résine, de l'acide chlorhydrique, de la chaux, du fer. Les pétales renferment un principe colorant, très-soluble à l'eau, d'un reflet très-riche, mais fugace.
On connaît l'usage du sirop de violette comme réactif pour découvrir la présence des alcalis et des acides.
A L'INTÉRIEUR. — Décoction de la racine comme émétique, 8 à 12 gr. par 300 gr. d'eau, réduits à 100 gr. (la racine doit être coupée menu, cuite légèrement et longtemps), édulcorée avec du sucre blanc, à prendre en une dose. |
Comme béchique : |
L'arôme de la violette odorante, concentré dans un appartement fermé, peut donner lieu à divers accidents, tels que la céphalalgie, la syncope et même l'asphyxie. Triller rapporte l'histoire d'une dame qui mourut apoplectique pour avoir conservé la nuit un pot de violettes près de son lit. Cependant Dioscoride, et d'autres anciens médecins, ont dit que ces émanations odorantes avaient été utiles dans l'épilepsie des enfants. Baglivi affirme qu'elles sont efficaces dans les affections nerveuses ou convulsives.
Les FLEURS sont émollientes, anodines, béchiques et légèrement diaphorétiques. On les prescrit en infusion dans les bronchites aiguës, les catarrhes chroniques, les angines, les fièvres éruptives, les phlegmasies des organes digestifs, des reins, de la vessie. On édulcore cette infusion avec le sucre ou le miel. Les fleurs fraîches donnent un suc qui est laxatif comme la manne. Le sirop de violette est généralement employé dans les rhumes, les affections aiguës de la poitrine, la coqueluche.
Les FEUILLES fraîches sont mucilagineuses, émollientes, légèrement laxatives. Le suc qu'on en exprime purge légèrement à la dose de 60 gr. On s'en sert en cataplasmes, en fomentation sur les parties irritées, enflammées, et en lavement dans les irritations intestinales.
Linné et Hoffmann considéraient la SEMENCE de violette comme vomitive. D'après Bichat[2], l'émulsion de cette semence (12 à 15 gr. pour 150 gr. d'eau édulcorée) serait un purgatif doux et agréable. Il est surtout convenable pour les enfants. Schroeder[3] avait indiqué cette émulsion purgative. J'ai fait prendre plusieurs fois la semence de violette pilée avec du miel aux enfants constipés : elle a constamment lâché le ventre à la dose de 6 à 10 gr., suivant l'âge. On la regardait autrefois comme diurétique et lithontriptique. Schulz rapporte que son emploi fit expulser une grande quantité de calculs rénaux ou de graviers à l'empereur Maximilien, et Lauremberg[4] dit avoir retiré du péril, par l'administration de cette semence, une femme qui n'avait pas uriné depuis sept jours.
La RACINE jouit d'une propriété vomitive. Boerhaave[5] l'a signalée
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- ↑ Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. XVIII, p. 127.
- ↑ Cours manuscrit de matière médicale.
- ↑ In Ray, Catal.pl., p.305.
- ↑ Dissert. de calculo, p. 31.
- ↑ Hist. plant.; etc.
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comme possédant cette propriété, et Linné l'a indiquée comme succédanée de l'ipécacuanha. Les expériences de Bretonneau[1] ont démontré que la poudre de racine de violette, appliquée sur la peau dénudée et sur les membranes muqueuses, donnait lieu exactement aux mêmes accidents que celle d'ipécacuanha.
Coste et Wilmet ont administré la racine de violette odorante, séchée, alcoolisée et pulvérisée, comme éméto-cathartique. Mêlée à la dose de 2 gr dans une tasse de décoction légère de feuilles de la même plante, édulcorée avec une cuillerée de sirop violat, elle a provoqué un vomissement et trois petites selles. A la dose de 2 gr. 50 centigr. à 4 gr., cette racine a produit trois ou quatre vomissements et cinq selles copieuses. Quand on répugne à une aussi grande dose, on en donne 8 à 12 gr. en décoction (Voyez Préparations et doses). La racine sèche et alcoolisée peut être portée à 5 gr., et en décoction jusqu'à celle de 12 gr.
Gilibert a obtenu les mêmes effets que Coste et Wilmet. « Nous avons donné nous-même ce remède à la campagne, dit Roques, et chaque fois il a provoqué des évacuations plus ou moins abondantes. Une forte pincée de racine fraîche (deux ou trois gros) bouillie pendant un quart d'heure dans un verre d'eau, a fait vomir quatre fois un jardinier atteint d'une affection bilieuse, et l'a ensuite purgé trois fois copieusement. La même décoction, donnée trois jours après, a produit les mêmes résultats ; après ces évacuations, la maladie a pris un cours régulier, et elle s'est terminée vers le dixième jour. Dans la même campagne (au château d'Hellenvilliers, département de Loir-et-Cher), un jeune ouvrier éprouvait depuis environ huit jours un fort dévoiement accompagné de fièvre, de nausées fréquentes et de la perte totale de l'appétit. Une décoction préparée avec les feuilles et les racines de la même plante excita des vomissements et des évacuations intestinales. La diarrhée, l'inappétence, la fièvre disparurent, et, dix jours après, ce jeune homme avait déjà repris son travail. Ces observations prouvent l'efficacité de nos violettes indigènes, et leur analogie d'action avec les violettes exotiques, avec l'ipécacuanha blanc et autres racines vomitives[2]. »
Dans la plupart des maladies qui réclament l'emploi des vomitifs, je mets en usage le tartrate de potasse antimonié (émétique), que l'on manie avec précision, et dont le prix est tellement bas qu'il n'y aurait aucun avantage à lui substituer d'autres substances moins certaines, d'ailleurs, dans leurs effets. Cependant, il est des cas où l'ipécacuanha est spécialement indiqué, et dans lesquels la racine de violette peut être administrée avec avantage comme succédanée de la racine exotique. C'est surtout chez les enfants et les sujets délicats, dont l'estomac est très-irritable, dans les fièvres muqueuses et la dysenterie sporadique ou épidémique sévissant sur la classe indigente de nos campagnes, que notre racine indigène trouve sa place pour cette substitution. Je l'ai souvent employée en poudre et en infusion dans ces circonstances, et je puis affirmer qu'elle m'a toujours aussi bien réussi que la racine du Brésil. Je l'ai aussi mise en usage à dose nauséeuse comme l'arum, l'asaret et la bryone, dans la coqueluche, l'asthme humide, le catarrhe pulmonaire chronique, etc. Lorsqu'un long emploi de l'ipécacuanha est nécessaire, il devient trop coûteux pour la thérapeutique du pauvre. Si la pratique urbaine donne au médecin la facilité de puiser, à l'aide des bureaux de bienfaisance, dans l'officine du pharmacien, il n'en est pas ainsi de la pratique rurale ; ici le praticien emploie, le plus souvent, ce que la nature lui offre avec cette générosité et cette profusion émanée d'une bonté providentielle qui a voulu mettre à la portée de tout le monde ce qui est vraiment et généralement utile.
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- ↑ In Trousseau et Pidoux, Traité de thérapeutique, 8e édition, t.I, p. 747.
- ↑ Plantes usuelles, t. I, p. 386.
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Violette de chien
Nom accepté : Viola canina
VIOLETTE DE CHIEN. — VIOLETTE SAUVAGE. — VIOLETTE RAMEUSE. — VIOLETTE INODORE. (Viola canina, L. ; viola martia inodora sylvestris, G. Bauh., Tourn. ; viola ramosa, Gater. ; viola martia canina, Besl.) — Cette espèce croît dans les bois, dans les buissons, au bord des bruyères, et varie dans son port suivant son âge.
Description. — Racine ramifiée, un peu ligneuse. — Tige grêle, couchée, qui se redresse en vieillissant. — Feuilles alternes, cordiformes, crénelées, à pétioles inégaux fort longs, munis à leur base de stipules linéaires. -— Fleurs penchées, bleues, inodores, de la grandeur de celles de la violette odorante. — Calice à cinq folioles étroites, pointues. — Capsules glabres et trivalves.
Coste et Wilmet ont obtenu de la racine de cette espèce, administrée à la même dose que la violette odorante, un vomissement et sept évacuations alvines. Niemeyer[1], qui soumit cette racine à de nouveaux essais, observa qu'elle agit plutôt comme purgatif que comme émétique. Il résulte des observations comparatives de Hanin sur la violette odorante, la violette de chien et la violette hérissée, que la poudre des racines de la violette odorante, a la dose de 2 gr. 50 centigr., fait constamment vomir ; que celle de la violette canine provoque le vomissement à la dose de 1 gr. et même à celle de 50 centigr. quand la poudre est très-fine et récemment préparée. Suivant cet auteur, la poudre de violette est plus vomitive que purgative, l'infusion et la décoction plus purgatives qu'émétiques. J'ai constaté cette différence d'effet suivant l'un ou l'autre de ces deux modes d'administration.
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- ↑ Dissert. de violæ caninæ in medicina usu, 1785.