Strychnos guianensis (Pharmacopées en Guyane)

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Strychnos glabra
Pharmacopées traditionnelles en Guyane, 2004
Strychnos oiapocensis


Strychnos guianensis



Strychnos guianensis (Aubl.) Mart.

Synonymies

  • Rouhamon guianensis Aublet ;
  • Strychnos curare (Kunth) Benth. ;
  • Strychnos rouhamon Benth.

Noms vernaculaires

  • Créole : —
  • Wayãpi : wɨlali, lali.
  • Palikur : ihip iβatye.
  • Wayana : ulalimö.
  • Portugais : urari.
  • Français : curare.

Écologie, morphologie

Arbuste sarmenteux assez commun en végétation ripicole et en forêt secondaire.

Collections de référence

Grenand 1284 ; Jacquemin 1793 ; Oldeman et Tiburce 781 ; Moretti 830, 857 ; Prévost 1381.

Emplois

Les Strychnos curarisants sont des plantes très connues, étudiées scientifiquement pour l’essentiel au cours des deux derniers siècles, et nous nous contenterons ici de préciser leur position et leur utilisation en Guyane.

Leur usage comme poison de chasse est actuellement totalement ignoré des Palikur qui les confondent parfois avec les Abuta (Ménispermacées). Les Kali’na évoquent l’utilisation ancienne de ces poisons à travers la mythologie, montrant qu’ils se procuraient le curare chez les populations de l’intérieur des Guyanes (AHLBRINCK, ([1931] 1956). C’est donc sur le plateau des Guyanes qu’existait, de l’Orénoque à l’Oyapock, un vaste complexe de fabrication des curares à base de Strychnos. Précisons que s’il existait un peu partout dans cette région, l’usage des curares a tendance à se restreindre, remplacé par celui des armes à feu.

Si dans l’ouest des Guyanes, l’usage du curare est associé soit à l’arc, soit à la sarbacane, dans l’est, au contraire, il est lié strictement à l’arc. Le type de flèche employé avec le curare possède en général une pointe lancéolée gracile, amovible chez les Tiriyo, ou incisée pour casser dans la plaie, chez les Wayãpi.

Parmi les cinq ethnies habitant actuellement l’est du plateau des Guyanes (Tiriyo, Wayana, Aparai, Emerillon et Wayãpi), toutes ont utilisé le curare au cours des cent dernières années, mais seuls les Tiriyo et les Wayãpi semblent l’avoir couramment fabriqué.

Le cas des Wayana est un peu particulier, puisque la meilleure description de préparation de curare a été faite chez eux par CREVAUX (1883), alors même que le préparateur disait tenir tout récemment son savoir des Tiriyo. Les Wayana contemporains déclarent par ailleurs avoir acheté l’essentiel de leur curare aux Tiriyo. La préparation que nous avons observée chez les Wayãpi du haut Oyapock, correspond grosso modo à celle observée par CREVAUX (ibid.) chez les Wayana. Nous présenterons donc nos observations en faisant quelques références comparatives à cet auteur.

Selon l’une des terminologies actuellement en vigueur (VELLARD, 1965 ; BIOCCA, 1968), il s’agit de curare par ébullition. Quatre Strychnos sont utilisés par les Wayãpi, quoique Strychnos guianensis soit le plus commun. Il en va de même pour les Tiriyo et les Wayana, bien que GEYSKES (1957) cite pour ces derniers d’autres plantes de base, Abuta grandifolia (Ménispermacées), Smilax schomburgkiana (Smilacacées) et Strychnos erichsonii (Loganiacées), espèces connues chez d’autres ethnies... pour leurs propriétés aphrodisiaques.

Chez les Wayãpi, l’opération est solitaire, de la récolte au produit final. Les racines seules sont prélevées ; chez les Wayana, celles-ci étaient mises à tremper pendant 24 heures, ce qui n’est pas le cas chez les Wayãpi, où elles sont directement raclées. Parallèlement, du piment est mis à sécher. Les raclures de curare et les piments sont alors disposés dans un pot et couverts d’eau. Le tout est porté à ébullition. À ce stade, sont ajoutés des fragments de Piper oblongifolium (Pipéracées) et particulièrement les racines au goût brûlant. Piment et Piper sont considérés comme rendant le curare plus fort.

La préparation des Wayana observée par CREVAUX était un peu plus complexe. Plusieurs Piper, malheureusement non identifiés, furent battus et exprimés dans l’eau froide ; une opération similaire fut répétée avec les palmes de parasa (non identifié, mais peut-être Socratea exorrhiza, Arécacées), qui donna un liquide moussant. Les raclures de Strychnos furent ensuite exprimées dans cette émulsion. Le liquide final et celui des Piper, tamisés ensemble puis additionnés de piment sec, furent portés à ébullition pendant dix minutes, mis à sécher au soleil, humectés puis séchés à nouveau. Chez les Wayãpi, l’ébullition est longue et le produit final, noir et pâteux. Pendant la période de fabrication du curare, Wayana et Wayãpi jeûnaient, cependant que ces derniers seuls consommaient le poisson mani’isĩ (Pimelodella cristata) aux nageoires venimeuses, afin de rendre le poison plus toxique.

Étymologie

Tous les mots vernaculaires sont des variantes d’un même terme propre aux langues Karib ayant diffusé dans toute l’Amazonie septentrionale, y compris dans les langues nationales.

Chimie et pharmacologie

Tableau VIII Activité curarisante et alcaloïdes de quatre Strychnos guyanais
d’après KRUKOFF (Lloydia, 1972, 35 : 193-310)
Espèces Effet curarisant Alcaloïdes
S. glabra Alcaloïdes avec action sur le SNC
S. guianensis +++ Guiacurarine I-VIII, guianine, guiacurine,
C-curarine, érythrocurarine I et II
S. tomentosa ++ C-alcaloïdes E, C-toxiférine I,
C-fluorocurine. C-curarine,
C-fluorocurinine
S. toxifera +++ C-toxiférine I-XII

C-toxiférine I et II, la et Ib
C-toxiférine I, caracurine l-VIII nor-dihydrotoxiférine I
C-toxiférine I, macusine A, B et C
C-mavacurine, fedamazine

Strychnos guianensis est, avec Strychnos glabra, S. oiapocensis, S. tomentosa et S. toxifera, l’une des cinq espèces du genre dont nous avons relevé l’emploi dans la préparation du curare. Ces cinq espèces ainsi que d’autres du même genre, ont été étudiées depuis longtemps pour leur action curarisante : elles sont les constituants actifs des « curares à calebasse », dénommés ainsi parce qu’ils sont préparés et conservés dans les fruits du calebassier (Crescentia cujete L., Bignoniacées).

Nous indiquons d’après KRUKOFF (1972), dans le tableau VIII, les alcaloïdes isolés de quatre des cinq espèces et qui leur confèrent une grande toxicité : 1 gramme de toxiférine peut paralyser 5 millions de souris. Ce sont les bases quaternaires qui sont responsables des propriétés curarisantes. Les tests chimiques que nous avons effectués montrent que la teneur en alcaloïdes est variable suivant les échantillons. Cette variabilité est déjà signalée par KRUKOFF (ibid.).

Nous ne décrirons pas les symptômes observés ; ils sont détaillés dans tous les ouvrages classiques de pharmacologie et de toxicologie. Signalons simplement que les Strychnos n’ont connu que très peu d’applications thérapeutiques du fait, probablement, de leur trop grande toxicité.