Piper oblongifolium (Pharmacopées en Guyane)

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Piper obliquum
Pharmacopées traditionnelles en Guyane, 2004
Piper trichoneuron


Piper oblongifolium



Piper oblongifolium (Klotzsch) C. DC.


Noms vernaculaires

  • Créole : radié paopao [radjé-paopao] (St-Georges).
  • Wayãpi : yemɨlã.
  • Palikur : kaboye.
  • Portugais : nhambi.

Écologie, morphologie

Arbrisseau rare du sous-bois de la forêt primaire humide [1].

Collections de référence

Grenand 36, 277 ; Haxaire 476 ; Moretti et Damas 137.

Emplois

La sève contenue dans les racines et le collet de cette espèce a une saveur particulièrement brûlante. Ce fait, également partagé par d’autres Pipéracées américaines, n’a pas échappé aux Amérindiens de Guyane.

Chez les Wayãpi, la tige et la racine écrasées sont frottées sur les dents et les gencives en guise d’analgésique dentaire. On peut également utiliser aux mêmes fins l’écorce grattée ou tout simplement mâchonner les tiges et les racines. La puissance du remède et le goût brûlant du suc décroissent des racines vers les feuilles. Les tiges et les racines écrasées sont également enfoncées dans le nez des chiens de chasse pour exciter leur odorat. Les mêmes parties de la plante entrent enfin dans la préparation du curare (cf. Strychnos guianensis, Loganiacées) [2].

Chez les Palikur, hormis le rôle joué dans la préparation du curare, on retrouve des utilisations du même ordre avec pourtant, des préparations et applications un peu différentes. Pour soigner les rages de dent, ces Amérindiens n’appliquent, avec un coton, que deux ou trois gouttes d’un liquide obtenu à partir d’un broyat de la plante entière dans un peu d’eau.

Pour dresser un chien à la chasse, on prépare une grande macération à base de plantes entières broyées ou une décoction à laquelle on ajoute les racines de Spigelia multispica (Loganiacées) et on asperge la bête à l’aide d’une calebasse ; l’immerger dans l’un des bains pourrait entraîner sa mort. On complète le dressage en instillant deux gouttes de l’une des préparations dans chaque narine. Ce dernier usage est également connu de quelques chasseurs créoles de l’Oyapock. Enfin, la macération des feuilles est utilisée en bain contre les poux d’agouti et autres parasites de la peau [3].

Les Palikur en font aussi un charme pour pacifier les personnes avec qui l’on est en conflit.

Chimie et pharmacologie

La présence assez générale dans le genre Piper d’amides ayant des propriétés narcotiques et paralysantes sur la muqueuse buccale peut être corrélée avec l’usage de cette espèce comme anesthésiant buccal. La pipérovatine, aux propriétés anesthésiantes, a été isolée des racines de Ottonia frutescens Trel. (Pipéracées).

Il y a tout lieu de croire que ce type de composés est largement répandu dans cette famille.

La pipérovatine a une action anesthésiante assez fugace ; elle provoque une salivation, ce qui représente certainement un handicap pour son usage en odontologie (MAKAPUGAY et al., 1983).

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  1. Cette espèce semble particulièrement typique du bassin de l'Oyapock où elle forme des petits peuplements assez denses. Elle est souvent confondue par les Créoles, les Palikur et les Wayãpi avec Piper bartlingianum (Miq.) C. DC. (Grenand 2121 ; Jacquemin 1709) et Piper alatabacum Trel. et Yunck. (Grenand 2103 ; Haxaire 583), d'aspect similaire et présentant les mêmes propriétés.
  2. Cette espèce, ainsi que P. alatabacum et P. bartlingianum, dont les propriétés n'avaient jamais été décrites, semble pouvoir être rattachée au groupe des « faux jaborandi », Pipéracées à saveur brûlante, telles que Piper jaborandi Vell. et P. corcovadensis (Miq.) DC. du Brésil méridional ou Piper dactylostigmum Yuncker, Piper daguanum C. DC., Piper darienense C. DC. et Piper ottonoides Yuncker d'Amazonie (MORS et RIZZINI, 1966 ; SILVA et al., 1977 ; SCHULTES et RAFFAUF, 1990 ; BALÉE, 1994 ; MUNOZ et al., 2000a).
    Plusieurs Piper non identifiés cités, pour les Guyanes, par divers auteurs (CREVAUX, 1883 ; GEYSKES, 1942 ; FRIKEL, 1973) comme adjuvants du curare, se rattachent sans doute à ce groupe.
    L’usage de Piper entrant dans la préparation des curares (Piper caudatum Vahl, P. dumosum Rudge ou P. hispidum Swartz) a également été observé en Amazonie occidentale (SCHULTES et RAFFAUF, 1990).
  3. Le jus d’une petite Pipéracée, Piper consanguineum Kunth, est appliqué chez les Waimiri-Atroari sur les morsures de serpent et les coupures infectées (MILLIKEN et al., 1992).