Bixa orellana (Pharmacopées en Guyane) : Différence entre versions
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Version du 19 décembre 2020 à 17:06
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Sommaire
Synonymies
- Bixa acuminata Bojer ;
- Bixa americana Poiret ;
- Bixa urucurana Willd.
Noms vernaculaires
- Créole : roucou [roukou].
- Wayãpi : uluku.
- Palikur : ihap.
- Français : roucou, rocou (fruit) ; roucouyer, rocouyer (arbre).
- Wayana : onot,
- Kali’na : kusewe.
- Portugais : urucú.
Écologie, morphologie
Petit arbre commun cultivé [1].
Collections de référence
Berton 70 ; Capus 58 ; Grenand 1026 ; Jacquemin 2833.
Emplois
Cette plante d’Amérique tropicale n’est pas à présenter. Pour les populations amérindiennes de Guyane, elle est avant tout la base d’une peinture corporelle qui est à la fois, pour eux, une protection contre les mauvais esprits et une parure. Contrairement à une idée couramment répandue, ce n’est pas au roucou mais à son solvant, l’huile de carapa (cf. Carapa guianensis, Méliacées), que les Amérindiens attribuent des vertus médicinales.
Ce colorant sert aussi à teindre les vanneries (GRENAND et PRÉVOST, 1994).
Préparation : l’eau de lavage de l’arille des graines, saturée de colorant rouge, est mise sur le feu, additionnée de feuilles de la même espèce et d’écorces mucilagineuses (Sterculia villifera Steud., Sterculiacées) jusqu’à réduction en une pâte, laquelle est ensuite façonnée en boule et mise à sécher au soleil. Elle se conserve plusieurs mois. Pour l’application sur le corps, on utilise un solvant gras, très fréquemment l’huile de carapa, plus rarement l’huile de comou (cf. Oenocarpus bacaba, Arécacées) ou des graisses animales. En dehors de cet usage spécifique, d’autres parties de la plante présentent des usages proprement médicinaux.
Les Créoles et les Palikur utilisent la sève qui s’écoule des pétioles pour nettoyer les yeux encrassés par des sécrétions qui pourraient être dues à la blépharite chronique. Le remède consiste à lier trois pétioles et à les plonger brièvement dans de l’eau bouillante additionnée de rhum. Avec cet instrument improvisé, on instille dans les yeux quelques gouttes du liquide visqueux qui s’en écoule.
Le Dr RICHARD (1937) indique que la pulpe fraîche des graines était un vomitif utilisé comme contrepoison par les orpailleurs créoles [2].
Pour soigner les abcès, les Wayãpi utilisent les bourgeons chauffés à feu doux puis exprimés localement [3].
Chimie et pharmacologie
Dans les feuilles, on a signalé la présence de cyanidine et d’acide ellagique. Différents pigments flavonoïdiques ont été isolés des feuilles (HARBORNE, 1975) : 7-bisulfate d’apigénol et lutéolol, 7-glucoside d’apigénol et de lutéolol, 8-bisulfate d’hypolaétol (flavonoïde mineur). La coque du fruit contient 0,05 % d’huiles essentielles, 1 à 1,65 % de résine et beaucoup de tanins (TAKEMURA et al., 1995).
La pulpe entourant les graines qui fournit la matière colorante renferme 4 à 5,5 % de deux pigments caroténoïdes isomères, la bixine (9’z-6,6’-diapocarotène-6,6’-dioate) et la norbixine (9’z-6,6’-diapocarotène-6,6’-acide dioïque). La bixine et la norbixine, sont des matières colorantes utilisées à l’échelle industrielle [4]. D’autres caroténoïdes du type apocaroténoïdes ont été isolés des graines de Bixa orellana (MERCADANTE et al., 1996). On y trouve également 0,25 à 0,85 % d’huiles essentielles, 2,2 à 3,5 % de lipides, avec des saponines, des tanins et des traces d’alcaloïdes.
L’embryon renferme une matière toxique et drastique. La coque de la graine possède une substance cireuse qui serait vermifuge. La pulpe et la coque des graines sont en effet utilisées comme vermifuge. L’extrait alcoolique concentré des coques de fruits non mûrs est utilisé en cataplasme à la place de la moutarde dont il posséderait les propriétés (HEGNAUER, 3, 1964).
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- ↑ Cette espèce n'existe qu'à l'état cultivé dans les Guyanes et l'Amazonie septentrionale. Cependant, après l'abandon des villages, des pieds survivent parfois fort longtemps (cas observé à la source de l'Oyapock de pieds vieux de près d'un siècle). Les Wayãpi et les Palikur nous ont par ailleurs affirmé l'existence d'une espèce sauvage, nommée uluku tawa, « roucou jaune » pour les premiers et ihap kamwi, « qui ressemble au roucou » (Grenand 2137) pour les seconds.
- ↑ Ceci est à mettre en parallèle avec le fait que la teinture de roucou est considérée comme un antidote de la manihotoxine par les Siona-Sekoya d'Amazonie équatorienne (SCHULTES et RAFFAUF, 1990). Il semble important de rapporter ici ce qu'écrivait le père CROSSARD en 1718 : ce Jésuite, missionnaire chez les Amérindiens de Guyane, nous indique que « le suc de rocou est le contre-poison (du manioc) mais il faut le prendre aussitôt, car si on tarde d'une demi-heure, le remède est sans effet » (AIMÉ-MARTIN, 1840).
- ↑ Les Tacana de Bolivie préparent les feuilles en bain pour soigner la varicelle (BOURDY et al., 2000).
- ↑ L'industrie alimentaire emploie parfois le roucou pour teinter le beurre et le fromage. On ajoute également ce colorant dans la nourriture des poules pondeuses afin que le jaune de leurs œufs présente une couleur suffisamment intense.