Carapa guianensis (Pharmacopées en Guyane)

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Tibouchina multiflora
Pharmacopées traditionnelles en Guyane, 2004
Carapa procera


Carapa guianensis. Fruit de carapa (capsule ligneuse à quatre valves pour cette espèce)
Famille Meliaceae



Carapa guianensis Aublet

Noms vernaculaires

  • Créole : carapa [karapa, krapa] [1].
  • Wayãpi : yanɨ.
  • Palikur : tiβiru.
  • Portugais : andiroba.

Écologie, morphologie

Grand arbre commun en forêt primaire et dans les vieilles forêts secondaires.

Collections de référence

Grenand 539, 1408, 3170 ; Lescure 410 ; Prévost 3389.

Emplois

Le genre Carapa, dont la répartition à l’état naturel est très vaste – puisqu’il inclut l’Afrique forestière –, constitue un groupe de plantes caractéristiques des civilisations indigènes d’Amérique tropicale. Les données sur les propriétés de Carapa guianensis sont abondantes dans la littérature tant ethnographique que botanique. Elles sont par ailleurs très convergentes et nous en donnerons ici un résumé à la lumière de nos propres observations.

L’ensemble des parties de la plante possède une forte amertume, mais seules les graines et (ou) l’écorce sont en général utilisées. Le produit le plus élaboré qui soit tiré du carapa est la célèbre « huile de carapa » fabriquée artisanalement par toutes les communautés de Guyane, dont les Wayãpi et les Palikur, ainsi que par d’autres Amérindiens guyano-amazoniens. Elle est également utilisée industriellement dans la savonnerie au Brésil et en Guyana (LE COINTE, 1, 1922 ; POLAK, 1992).

Pour préparer cette huile, les Wayãpi font bouillir pendant plusieurs heures dans un vieux pot rempli d’eau, une grande quantité de graines qui est ensuite mise à reposer pendant plusieurs jours avant d’être débarrassée des enveloppes. La masse grisâtre des cotylédons ramollis et regorgeant de graisse est disposée au soleil dans une spathe de palmier inclinée, coupée à une extrémité et montée sur deux tréteaux pour permettre un écoulement. L’huile tombant goutte à goutte est recueillie dans un récipient placé au pied. Si le soleil est chiche, un petit feu peut être entretenu sous les tréteaux, cependant que par temps de pluie, l’édifice est couvert.

Chez les Wayãpi, comme ailleurs en Amazonie, cette huile est associée à l’usage du roucou (Bixa orellana, Bixacées) dont elle est le solvant majeur. Cependant, si le roucou est considéré comme une protection magique, l’huile de carapa, elle, protège contre la pluie et le froid et constitue un puissant répulsif contre les insectes (chiques, moustiques, tiques...). Des observations similaires aux nôtres ont été faites par ROTH (1924) chez les Amérindiens de Guyana, par le Dr RICHARD chez les Créoles sainte-luciens en Guyane française (1937), ou encore par CREVAUX (1883) chez les Amérindiens de Colombie. L’huile est en outre souvent ointe seule chez les Wayãpi, les Palikur et les Créoles pour faire lâcher prise aux tiques, aux poux de tête et aux poux d’agouti (Schongastia guianensis). Dans ce dernier cas, les informateurs insistent sur l’effet calmant et anti-inflammatoire sur les démangeaisons. Ce sont les mêmes propriétés que les Palikur ont retenues en utilisant l’huile en usage externe contre la gale (associée à Irlbachia alata, Gentianacées) ou en la mélangeant à la décoction de Potalia amara (Loganiacées) contre les dépôts de pus. On retrouve ce dernier usage pour l’écorce chez les Tiriyo (CAVALCANTE et FRIKEL, 1973) et pour l’huile chez les Caboclos amazoniens (LE COINTE, 1934). Un rôle non négligeable de l’huile de carapa est celui de liniment en cas de fatigue après la chasse chez les Wayãpi (dans ce cas, l’association avec le roucou pour se débarrasser des atteintes malignes des esprits est indispensable), ou en cas de claquage musculaire, en association avec l’amidon de manioc chez les Palikur et les Créoles. Pour un autre usage de l’huile chez les Palikur, cf. Gossypium barbadense (Malvacées).

Chez les Palikur également, la décoction de l’écorce sert à laver le visage des personnes atteintes d’acné, visage qui est ensuite oint d’huile seule. Par ailleurs deux cuillers à café par jour de cette décoction constitue un régime pour ne pas grossir et même pour maigrir. Pour d’autres usages, cf. Kalanchoe pinnata (Crassulacées) et Chromolaena odorata (Astéracées).

Chez les Créoles enfin, l’huile est un adjuvant dans de nombreuses préparations pour soigner les maladies de peau ainsi que pour diverses médications pour les enfants ; elle est aussi utilisée, additionnée de miel et de jus de citron, pour soigner les maux de gorge et pour faire baisser la fièvre [2].

Étymologie

  • Créole : carapa est un emprunt aux langues karib.
  • Palikur : tiβiru de tiβiye, « amer ».

Chimie et pharmacologie

Les composés amers sont des méliacines, terpènes oxygénés proches des quassinoïdes (cf. Simaroubacées) dont l’andirobine et la 6 α-hydroxygédunine (CONNOLLY, 1983). Pour les propriétés de ces composés, se reporter à Guarea guidonia (Méliacées). HILDITCH et WILLIAMS (1964) ont déterminé la composition en acides gras de l’huile de carapa (en pourcentage des molécules) : acide palmitique 30,7 ; acide stéarique 6,9 ; acide arachidique 2,0 ; acide hexadécénoïque 1,0 ; acide oléique 49,7 ; acide linoléique 9,0 ; acide linolénique 0,7. D’après NAKANISHI et al. (1965), les feuilles, les fruits et les écorces de tronc présentent un pouvoir bactéricide sur quelques germes, mais les graines sont sans action. Cependant, les propriétés anti-inflammatoires de l’huile sont généralement attribuées aux triterpènes présents dans les graines et les écorces de tronc.

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  1. Les populations de Guyane distinguent deux carapas (carapa rouge et blanc des Créoles et yanɨ pilã et des Wayãpi), mais il est peu probable qu'ils correspondent à Carapa guianensis et Carapa procera A. DC., le critère de distinction retenu par les diverses communautés étant la couleur du bois. Carapa procera est également une espèce de la forêt primaire.
  2. Enfin, d'autres usages de l'écorce sèche ou fraîche, signalés de la Guyane par RICHARD (1937) et LEMÉE (IV, 1956) n'ont pas été retrouvés par nous. Préparée en infusion ou en macération, elle constituait un remède contre les vers intestinaux et la dysenterie. L'infusion amère des écorces est utilisée en Amazonie brésilienne comme vermifuge, fébrifuge ainsi que comme tonifiant (SCHULTES et RAFFAUF, 1990). À côté d'usages similaires ou proches de ceux décrits pour la Guyane, AMOROZO et GÉLY (1988), signalent chez les Caboclos du bas Amazone l'utilisation en bain de la décoction de l’écorce pour les « problèmes utérins » ou de l’huile en onction pour soigner la desmentidura (équivalent à la blesse) tandis que VAN ANDEL (2000) pour le nord-ouest de la Guyana, indique la décoction de l’écorce bue pour traiter la malaria et pour nettoyer les ulcères dus à la leishmaniose. Ce dernier usage est aussi donné par FLEURY (1991) pour les Aluku ainsi que pour soigner plaies et coupures et par POLAK (1992) pour la Guyana.