Tanaisie (Cazin 1868)
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Nom accepté : Tanacetum vulgare
Tanacetum vulgare luteum. C. Bauh., Tourn. — Tanacetum flore luteo. J. Bauh.
Tanaiaie commune, — herbe aux vers, — herbe Saint-Marc, — barbotine indigène, — herbe amère.
COMPOSÉES. — SÉNÉCIONIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE, L.
Cette plante vivace (Pl. XXXLX) croît spontanément en France dans les prairies, le long des chemins, dans les terrains incultes et un peu humides. On la cultive dans les jardins comme plante d'ornement et pour l'usage pharmaceutique. Elle produit une belle variété à feuilles presque frisées.
Description. — Racines ligneuses, rameuses, longues. — Tiges dressées, fortes, glabres, assez nombreuses, striées, cylindriques, rameuses, à rameaux paniculés. - Feuilles alternes, amples, pétiolées, planes, glabres, incisées et dentées à folioles décurrentes et pinnatifides. — Fleurs d'un beau jaune, nombreuses, hémisphériques, disposées en corymbes terminaux très-compactes (juillet-septembre). — Calice imbriqué, hémisphérique, d'un vert un peu jaunâtre. — Corolle à peine plus longue que le calice. — Fleurons du disque hermaphrodites, tubuleux, quinquéfides, à cinq étamines synanthères ; fleurons de la circonférence femelles, à trois lobes. — Fruits : akènes couronnés par un rebord membraneux.
Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs et les fruits.
Récolte. — Les fleurs se récoltent au mois d'août ; les graines en septembre et octobre. On fait ordinairement sécher les fleurs, sans les racines ni même les tiges, la dessiccation ne lui fait rien perdre de ses qualités.
[Culture. — La tanaisie demande une exposition chaude, une terre franche, sablonneuse et fraîche. On la sème en place au printemps, ou en pépinière à l'automne. Le plus souvent on la multiplie d'éclats de pied faits vers la fin de l'hiver. Elle se propage seule et très-rapidement.]
Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de la tanaisie exhalent une odeur forte, pénétrante ; leur saveur est aromatique, très-amère, nauséeuse. L'infusion des feuilles noircit le sulfate de fer. L'analyse des fleurs et des feuilles réunies, faite par Peschier[1], y a démontré : une huile volatile, une huile grasse, une résine, une matière tenant le milieu entre la cire et la stéarine, de la chlorophylle.
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- ↑ Journal analytique de médecine, t. II, p. 132.
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de la gomme, un principe colorant jaune, et de l'extractif. Les feuilles isolées offrent en outre de l'acide gallique et du tannin ; les fleurs (une substance non azotée, cristallisable d'une amertume intense, que Leroy a nommée tanacétine), un acide particulier, cristallisable (acide tanacétique) et du phosphate de chaux. L'eau, le vin et l'alcool s'emparent des principes actifs de cette plante. En Allemagne et dans quelques autres contrées de l'Europe, on substitue quelquefois la tanaisie au houblon dans la préparation de la bière. Les habitants du Nord emploient ses semences comme condiment, en aromatisent leurs gâteaux, et en tirent, dit-on, une couleur verte.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à. 30 gr. par kilogramme d'eau bouillante. |
Extrait alcoolique (1 sur 4 d'alcool et 1 d'eau), de 30 centigr. à 1 gr., en bols, pilules, etc. |
La tanaisie est tonique, excitante, anthelminthique, emménagogue. Elle convient dans l'atonie des voies digestives, les fièvres intermittentes, la chlorose, l'aménorrhée avec asthénie, la leucorrhée, l'hystérie, les affections vermineuses.
Congénère en vertus à l'absinthe, la tanaisie peut être employée dans tous les cas où cette dernière est indiquée. Elle convient, par conséquent, dans toutes les maladies caractérisées par l'atonie des organes ; mais c'est surtout comme vermifuge que la tanaisie a été plus particulièrement signalée et répandue traditionnellement dans la médecine populaire. Je l'ai souvent employée à l'intérieur et en lavement contre les lombrics et les ascarides vermiculaires. Les semences sont pour moi aussi précieuses que le semen-contrà ; elles produisent tout autant d'effet que ce dernier, soit en décoction, soit en poudre, mêlées avec le sirop simple, avec du miel, ou délayées dans un peu de vin. Un vieillard, au rapport de Dubois, de Tournai, s'est débarrassé d'un ténia long de plusieurs mètres, en mangeant une espèce de salade préparée avec de l'huile d'œillette et les feuilles encore tendres de tanaisie, cueillies au commencement du printemps. Ce remède lui avait été conseillé par une femme de la campagne, qui prétendait l'avoir employé avec succès sur elle-même et sur d'autres personnes.
Coste et Wilmet affirment que la semence de tanaisie, dont ils vantent les propriétés anthelminthiques, se vend, dans les pharmacies de la Lorraine, pour le semen-contrà. Wauters la préfère à ce dernier, qui, le plus souvent, contient diverses substances avec lesquelles on le falsifie.
Dans les campagnes, on emploie fréquemment la tanaisie infusée dans le vin, la bière ou le cidre, pour combattre les fièvres intermittentes, contre lesquelles elle a la même efficacité que l'absinthe, la camomille, la petite centaurée, etc. Césalpin préconise le vin de tanaisie comme fébrifuge et surtout comme emménagogue. Je le donne par cuillerées aux enfants lymphatiques, à ceux qui sont tourmentés par les vers, aux chlorotiques, et dans les cas de dysménorrhée atonique ou nerveuse, de menstruation irrégulières.
L'odeur repoussante de cette plante l'a fait employer dans les affections nerveuses, l'hystérie, les vertiges, la gastrodynie, les coliques spasmodiques, l'épilepsie, la chorée, etc. Suivant Simon-Pauli, les fleurs sont très-utiles dans l'hystérie. Clerk et Bradley ont attribué à la tanaisie une vertu antigoutteuse qu'on ne peut rationnellement rapporter qu'à ses propriétés toniques, lorsque ces affections sont accompagnées de débilité. On en a fait
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aussi usage dans l'hydropisie. Payer[1] rapporte qu'un soldat atteint de cette maladie, ayant pris de la décoction de tanaisie au lieu de celle d'absinthe, rendit une si grande quantité d'urine que son anasarque se dissipa promptement.
À l'extérieur, la tanaisie est employée en cataplasme sur le bas-ventre comme vermifuge. Geoffroy, médecin de l'Hôtel-Dieu[2], rapporte qu'ayant fait appliquer de la tanaisie sur le ventre d'un sujet affecté de maladie grave, il évacua trente-deux vers lombrics. Ce cataplasme m'a souvent réussi chez les enfants ; j'y ajoute quelquefois de l'ail, des feuilles de pêcher, d'absinthe, d'hièble, de gratiole, etc.
En fomentations ou en cataplasmes préparés avec l'eau ou le vin, la tanaisie est résolutive, détersive et antiseptique. Elle s'est montrée utile dans les entorses, les contusions, le rhumatisme chronique, les engorgements lymphatiques, les ulcères atoniques, sordides, vermineux ou gangreneux. Elle a, comme antiseptique, la même énergie que l'absinthe. Tournefort dit qu'on emploie en lotions, contre le rhumatisme, un esprit préparé avec la tanaisie et l'alcool. Hercule Saxonia se servait du suc de cette plante pour guérir les gerçures des mains. « Je connais une dame, dit Dubois, de Tournai, qui prétend s'être guérie d'une carie très-ancienne au cubitus, en prenant des bains locaux préparés avec la décoction de tanaisie. »
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