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1-5 Ramassage chez les Indiens (Maurizio)

214 octets ajoutés, 6 septembre 2017 à 08:43
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<center>LE RAMASSAGE ET LA PRÉPARATION DES ALIMENTS CHEZ LES INDIENS DE L'AMÉRIQUE. L'ÉBULLITION DE L'EAU A L'AIDE DE PIERRES INCANDESCENTES <font color=#901040>[Steinkochen]</font>. — SURVIVANCES EN EUROPE</center>
 
 
§ 1. Ramassage chez les Indiens de Californie. Farines de glands.
 
§ 2. L'ébullition de l'eau et la préparation des soupes à l'aide de pierres incandescentes.
 
§ 3. Survivances en Europe de l'usage des pierres chaudes.
 
§ 4. Ramassage chez les Iroquois et les Menomini.
 
§ 5. Ramassage chez les Indiens Klamath. Récolte et usages de la ''Nymphea polysepala''.
B. Petit établissement de bains russes, de nouvelle construction, avec plafond de 2 mètres à 2 m. 50, antichambre et deux salles de bains. ''b''. lits des baigneurs ; ''a'', foyer véritable avec cheminée et les pierres qui, une fois chaudes, sont arrosées d'eau (d'après Holynski).
chaudes pour la cuisson des aliments. Cette sorte de bains est très répandue dans les campagnes russes et on en suit les dernières traces jusqu'en Suisse, où autrefois la chambre du bain de vapeur, et la cuisine constituaient un seul local <ref>WEHRLI (1Gust.-Ad.), ''D. Schwitzstübli d. Zürcher Oberlandes. Schweiz. Arch. f. Volksk.'', t. 22, 1919, p. 129 et suiv. Avec des remarques sur les bains de vapeur du moyen âge.</ref>. Mais, en Russie, même dans les villes, encore aujourd'hui, cette sorte de bain de vapeur existe. Il y a trente ans ce système était encore en usage à Varsovie. Du moins y avait-il encore certains bains où on obtenait la vapeur en jetant de l'eau sur des pierres chaudes, ce qui n'empêchait ____________________ <references/>
(1) WEHRLI (Gust.-Ad.), D. Schwitzstübli d. Zürcher Oberlandes. Schweiz. Arch. f. Volksk., t. 22, 1919, p. 129 et suiv. Avec des remarques sur les bains de vapeur du moyen âge.
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pas qu'il y eût aussi pour cela des dispositifs plus perfectionnés. Voici, d'après des renseignements verbaux, comment est organisé dans le gouvernement de Mohilew l'antique et traditionnel bain de vapeur russe, qui n'y est pas rare. La hutte (fig. 3, A) ne comprend qu'une seule pièce, haute de 1 1/2 à 2 mètres et sans cheminée. Il y a deux portes, qui conduisent directement au dehors. On allume le feu sur un âtre ''a''. En ''b '' sont des couchettes superposées pour les personnes qui prennent le bain de vapeur. Le foyer est représenté en vue latérale (fig. 3, A) au-dessus du plan qui vient d'être décrit. La fumée s'échappe en partie par la porte mal jointe, mais le bain est cependant une espèce de bain mixte de vapeur et de fumée, de sorte que parfois il s'y produit des cas d'asphyxie mortelle. Les nouvelles générations se moquent des vieilles gens qui utilisent ces installations, car, pour elles, il y a quelque chose de mieux : l'établissement représenté fig . 3, B. La salle de bain est également très basse : 1 à 2 mètres seulement, mais il y a du moins une cheminée par où la fumée s'en va. On voit de même en haut du plan, le foyer avec l'amas de pierres et, en ''b'', les couchettes des baigneurs. J'apprends de M. Holynski que ces installations sont souvent incendiées et que, pour cette raison, on les construit à distance des locaux d'habitation. Un ruisseau ou un étang se trouvent près des bains. Au moyen âge on obtenait souvent les bains de vapeur en jetant de l'eau sur des pierres chaudes. Wehrli mentionne le fait en ce qui concerne l'hôtel de ville de Göttingen, celui de Lunebourg, la Marienbourg, le cloître de Saint-Gall (pour le IXe siècle) et d'autres endroits. On considère ces installations du moyen-âge comme ce qui restait de ll’''hypocauste '' classique des Romains, étant donné qu'on n'était plus en état d'imiter le chauffage domestique perfectionné de l'époque romaine. Les Romains, en effet, connaissaient, eux aussi, le bain de vapeur, mais ils l'obtenaient à l'aide de leur installation de chauffage et nullement avec des pierres. Le bain du moyen âge, à mon avis, ne s'y rattache en aucune façon. C'est seulement par quelques survivances de cette sorte que l'humanité ''civilisée'' (l'Europe) connaît encore les pratiques des âges du ''ramassage''. Cependant la civilisation agricole moderne n'a pas réussi encore à en faire partout disparaître les dernières traces. Il reste en effet encore ''beaucoup de peuples'' qui ne sont encore qu'au début de la pratique agricole, qui sont encore par conséquent à la transition qui les y conduira. On peut même citer encore en notre époque actuelle de culture mécanique, quelques exemples de peuples restés entièrement à la période lointaine du
C'est seulement par quelques survivances de cette sorte que l'humanité civilisée (l'Europe) connaît encore les pratiques des âges du ramassage. Cependant la civilisation agricole moderne n'a pas réussi encore à en faire partout disparaître les dernières traces. Il reste en effet encore beaucoup de peuples qui ne sont encore qu'au début de la pratique agricole, qui sont encore par conséquent à la transition qui les y conduira. On peut même citer encore en notre époque actuelle de culture mécanique, quelques exemples de peuples restés entièrement à la période lointaine du
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''ramassage''. J'ai signalé déjà qu'autour des tentes de certaines populations arctiques on voit s'acclimater les plantes provenant de leurs expéditions de ramassage et que les Tschuktsches pratiquent contre leur volonté, ou du moins sans le faire exprès, la sélection agricole [des plantes]. Des auteurs russes et polonais parlent de peuples asiatiques qui ne font que franchir le seuil du monde nouveau. « Ce changement est d'autant plus précieux à étudier, déclare Przewalski, que j'ai pu moi-même connaître les dernières traces de la situation encore primitive qui existait auparavant. Quand vingt-quatre ans encore se seront écoulés, on pourra en lisant ce que j'en rapporte se croire en présence de documents remontant aux âges les plus lointains. » Telle était l'impression de ce remarquable observateur lorsqu'il faisait aux environs de 1870, ses nombreux voyages au Tarim et au Lob-Nor. Les plantes sauvages dont le ramassage est encore pratiqué chez nous ne nous donnent qu'une faible idée de la vie initiale des peuples. Ce n'est qu'accessoirement qu'elles servent de nourriture. Des contes, des traditions populaires, des coutumes en voie de rapide disparition ne nous conservent que sous une forme à peine intelligible le souvenir de l'usage général qui était fait du ramassage et de son ancienne splendeur. Comme exemple d'importance particulière citons le cas de la ''Glyceria '' ou festuque sucrée (SüszschwingelSüßschwingel) [Manne].
== Ramassage chez les Iroquois et les Menomini ==
§ 4. — Pour aider à bien comprendre ce qui peut subsister chez les civilisés des pratiques en usage aux époques du ramassage, le mieux est de décrire ce qui se passait chez les ''Indiens de l'Amérique du Nord''. Il serait aussi bien à souhaiter qu'on pût recueillir des renseignements exacts sur ce qui se passe entre les tropiques, en Afrique et aux Indes, quand bien même ce ne seraient que de brèves descriptions comme m'en procura Schweinfurth et, pour l'Asie centrale, Przewalski et Sieroszewski. Il ne sera donc pas question ici des contrées chaudes, et en effet presque rien n'a été publié en ce qui les concerne. L'étude d'un domaine géographique encore fermé apporterait de bien utiles renseignements sur la nourriture primitive. Chez les Indiens de l'Amérique du Nord on trouve de nombreux exemples de la ''coexistence du labourage à la houe'' [Hackbau] et du ''ramassage'', soit que le ramassage subsiste seulement comme vieille habitude, soit qu'il doive nécessairement compléter le produit du labourage à la pioche [Hackbau !] insuffisant. A l'époque où les premiers blancs prirent contact avec les Indiens, ils constatèrent déjà la coexistence de ces deux systèmes d'alimentation. Ainsi assuraient leur subsistance d'innombrables tribus à la fois fécondes, énergiques, guer-
Chez les Indiens de l'Amérique du Nord on trouve de nombreux exemples de la coexistence du labourage à la houe [Hackbau] et du ramassage, soit que le ramassage subsiste seulement comme vieille habitude, soit qu'il doive nécessairement compléter le produit du labourage à la pioche [Hackbau !] insuffisant. A l'époque où les premiers blancs prirent contact avec les Indiens, ils constatèrent déjà la coexistence de ces deux systèmes d'alimentation. Ainsi assuraient leur subsistance d'innombrables tribus à la fois fécondes, énergiques, guer-
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rières et nullement en état de sous-alimentation. Ces dignes Indiens de l'Amérique du Nord constituaient alors, selon une estimation vraisemblable, une population totale de vingt à vingt-cinq millions d'hommes. Ce n'est pas leur façon de s'alimenter qui put leur nuire et elle n'est pas responsable du fait qu'ils ne sont plus à présent qu'un quart de million d'hommes. Les Indiens nous donnent donc un exemple instructif de ce qu'étaient le ramassage et la ''préparation primitive des aliments''. Cet exemple nous enseigne comment l'homme, pratiquant sous un climat favorable ce système d'alimentation, pouvait subvenir à ses besoins.
La préparation initiale des aliments peut être fort influencée par l'état de civilisation déjà élevé qu'indique le labourage à la houe (ou la pioche) [des Hackbauers = du cultivateur à la houe]. Mais sur le sol de l'Amérique du Nord coexistent, côte à côte, des Indiens qui restent attachés obstinément à l'antique ''ramassage '' et d'autres qui savaient déjà labourer [Landbau] le sol avant l'arrivée des Européens. Les grandes différences que l'on constate de tribu à tribu nous permettent de choisir les faits nécessaires à cet exposé. Mais, pour la première fois, nous allons avoir à étudier dans sa totalité l'ensemble des ressources végétales qu'une terre peut offrir à un peuple à la période du ramassage. En étudiant ce que ramassent les Iroquois et les Menomini, nous aurons un bon terme de transition pour passer à la description plus précise de la nourriture que les Indiens Klamath savent tirer d'une seule et unique espèce végétale. Dans ces vestiges d'une civilisation antique, nous apprendrons à explorer en quelque sorte en surface et en profondeur ce que put être une méthode d'alimentation très primitive.
Parmi les plantes dont les Indiens cultivateurs de grains pratiquent encore le ramassage pour leur nourriture, Parker et Smith signalent quelques plantes qui sont susceptibles de culture ou au moins d'une certaine culture précaire <ref>PARKER (1Arth. C.), ''Iroquois uses of Maize, etc., N. Y. Education Dept.'' Bull. No. 482 (Mus. Bull, 144) Albany, N. Y. 1910. — Les noms des plantes ont été ici reproduits sans changement d'après Parker. Comparez : ''Handbook of Americ. Indians''. U. S. Bur. of Ethnology, Bull. 30, 1907 sur leurs divers modes d'alimentation ; SMITH HURON H., ''Ethnobotany of the Menomini Indians'', Bull. Publ. Mus. of Milwaukee, vol. 4., no 1, 1-174. Milwaukee Wis, 1923.</ref>. Je les énumère ici avec les autres, bien que ne traitant pas la question de l'agriculture des Iroquois.
Cette race d'Indiens, (les Iroquois) considère tout ce qui est vert (cuit ou cru) comme bon à la santé, et « bon pour le foie et le sang », et aussi comme un bon médicament curatif des douleurs rhumatismales. Les légumes verts doivent être consommés tendres et
(1) PARKER (Arth. C.), Iroquois uses of Maize, etc., N. Y. Education Dept. Bull. No. 482 (Mus. Bull, 144) Albany, N. Y. 1910. - Les noms des plantes ont été ici reproduits sans changement d'après Parker. Comparez : Handbook of Americ. Indians. U. S. Bur. of Ethnology, Bull. 30, 1907 sur leurs divers modes d'alimentation ; SMITH HURON H., Ethnobotany of the Menomini Indians, Bull. Publ. Mus. of Milwaukee, vol. 4., no 1, 1-174. Milwaukee Wis, 1923.____________________ <references/>
encore jeunes. On en fait des soupes (décoctions) ou des « plats d'épinards ».
Voici les espèces végétales qui fournissent des légumes : ''Lathyrus maritimus'', ''Rhus glabra'', ''Oxalis '' (var. sp.), ''Asparagus officinalis'', ''Rumex crispus'', ''Brassica '' sp., ''Taraxacum officinale'', ''Phytolacca decandra''. (Mais, comme le ''Phytolacca decandra '' est toxique et officinal, il est probable qu'il s'agit plutôt du ''Phytolacca octandra'', L. ou du ''Ph. mexicana '' Sweet.) ''Asclepias syriaca'', ''Caltha palustris'', ''Chenopodium '' sp., ''Arctium Lappa''.
Les Iroquois sont fort amateurs de fruits frais et de baies (''small fruits''). On sèche les uns et les autres, particulièrement les baies. Ils en gardent ainsi des provisions et les préparent de différentes manières. Citons : ''Pyrus '' sp., ''Pyrus coronaria'', ''Crataegus '' sp., ''Prunus virginiana'', ''Prunus persica'', ''Prnnus americana'', Vitis sp., ''Asimina triloba'', ''Cydonia vulgaris'', ''Podophyllum peltatum'', ''Rubus '' sp., ''R. occidentalis'', ''R. strigosus'', ''R. villosus'', ''R. odoratus'', ''Gaylusacia baccata '' (huckle berries), ''Vaccinium macrocarpum'', ''Viburnum Opulus'', ''V. lentago'', ''Morus rubra'', ''Fragaria virginiana'', ''Sambucus canadensis'', ''Ribes '' sp., ''Gaultheria procumbens'', ''Mitchella repens'', ''Amelanchier oblongifolia'', ''A. canadensis'', ''Rhus glabra''.
Les noix et les autres graines ou semences d'arbres sont pour eux une ressource importante. Les Indiens préparent les noix de plusieurs manières très différentes, ils en font des puddings, etc., ils en extraient aussi l'huile. Ils constituent avec les semences dont les noms suivent des provisions d'hiver importantes : ''Quercus '' sp., ''Fagus grandifolia, Juglans nigra, J. cinerea, Castanea dentata, Carya cordiformis, C. ovata, Corylus americana''. Ils consomment aussi la partie souterraine de beaucoup de plantes, mais n'en mangent des quantités importantes que s'il y a disette des autres aliments. A ce point de vue les choses ne se passent plus à présent comme elles se passaient anciennement. Les plantes suivantes sont utilisées sous cette forme : ''Helianthus tuberosus'', consommé cru et cuit. (Parker emploie pour le désigner le mot d'artichaut.) C'est une plante que l'on cultive à présent. Ces populations mangent beaucoup : ''Apios tuberosa, Allium canadense, A. tricoccum'', ainsi que l'ognon et le poireau sauvages, des racines de ''Scirpus validus, Sagittaria latifolia '' ; comme asperges, les racines et les pousses d’Asclepias d’''Asclepias syriaca'', les ''Polygonum biflorum '' et ''commutatum'', le ''Solanum tuberosum '' ; comme soupe, et aussi bouilli et frit, le ''Symplocarpus'', le ''Cynara Scolymus''. Ils cultivent le ''Cardunculus '' comme plante nouvellement introduite par les blancs de l'ancien monde. En ce qui concerne les autres substances alimentaires brutes, les
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Iroquois utilisent l'écorce intérieure du pin, particulièrement au printemps, à la montée de la sève, quand elle est imprégnée d'un liquide sucré, et surtout la sève provenant de saignées faites à l'érable. L'érable était pour cette race d'Indiens un arbre sacré. Ils honoraient religieusement aussi le pin, l'orme, le tilleul, la ciguë [Schierling]. Mais l'érable passait pour un don magnifique de la bonté du Très-Haut et chaque printemps, ils allumaient en son honneur des feux rituels, lui adressaient des prières et des chants. La sève (dit l'auteur anglais) a meilleur goût que la meilleure limonade ou la meilleure « Cherry Water », et c'est la meilleure boisson du monde (the wholesomest drink in the world). Parker décrit en détail la façon dont on saigne l'arbre. La sève sert à faire du sucre et du sirop et on ne peut rien imaginer de meilleur à l'estomac ni de plus savoureux. La ''Zizania '' bien connue comme plante américaine de ramassage, n'a pas grande importance pour les Iroquois, bien qu'ils n'aient pas perdu le souvenir de celle qu'elle avait autrefois. Ils connaissent également comme nourriture certains champignons et des lichens (la tripe de roche). Chez ces peuples, qui connaissent aussi la culture, nous trouvons en tout 73 plantes sauvages de ramassage, en plus de celles que produisent leurs champs.
Le ramassage, tel que le pratiquent ces populations (qui sont peut-être celles que nous connaissons le mieux à ce point de vue), est pour nous un document de haute importance [Les pratiques de ramassage de ce peuple, peut-être le mieux connu à cet égard, sont pour nous particulièrement instructives]. Il montre aussi combien peu, en plus de 450 ans de contact avec les blancs, le goût du ramassage s'est démodé chez les Iroquois, et cela, dans un domaine territorial fort petit, mis à l'abri des intrusions du dehors. Actuellement c'est un peuple réduit à 4.000 ou 5.000 individus et parqué sur une « réserve » de l'état de New-York. Il est évident que l'Indien s'est approprié beaucoup d'inventions pratiques des blancs, à condition qu'elles ne soient pas en opposition avec ses mœurs ou avec les résultats de sa longue expérience des choses. Souvent il a fait son profit des nouveautés sans perdre beaucoup de temps à les considérer d'abord avec étonnement. Mais, en ce qui concerce l'art de manger, l'Indien avait peu à apprendre. Il peut s'en tenir à son menu. Il sait utiliser chacune des nombreuses espèces végétales qui ont été énumérées pour en préparer plusieurs sortes très différentes de plats, de goût agréablement varié. Par exemple, les pois sauvages et les pois cultivés sont préparés de 6 à 8 manières, les fruits en sève [saftigen = charnus], d'une douzaine de façons et il y en a autant d'autres en ce qui concerne la ''Zizania'', dont nous n'avons pas encore parlé en détail.
Quelques espèces végétales dont les Indiens pratiquent le ra-
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massage figurent au tableau général reporté à la fin du volume bien qu'il n'en ait pas été fait mention spéciale dans le texte. Au total, et en comptant les espèces sauvages ordinaires qui existent aussi dans l'ancien monde, les Indiens de l'Amérique du Nord pratiquent le ramassage d'environ 250 plantes. Il en est un grand nombre que toutes les tribus indiennes connaissent et préparent de la même façon. Cependant, il y a aussi des différences selon les contrées et les races. Ainsi les Menomini connaissent 40 plantes, dont la moitié est constituée par des espèces nommées ci-dessus, mais dont les autres sont nouvelles. Voici brièvement ce qui concerne ces dernières. Autrefois ces populations faisaient une soupe avec un lichen : ''Sticta glomulifera '' et le mangeaient aussi avec la viande. Les souches radicales du ''Sagittaria arifolia '' Nutt. (Alismacées) avaient les emplois des pommes de terre. Les baies d'une Anacardiacée (''Rhus typhina'') conservées pour l'hiver et préparées à l'eau bouillante, font des soupes très appréciées. La racine de l’Aralia l’''Aralia racemosa '' L., utilisée comme médicinale, est aussi alimentaire. Les pousses de l’Asclepias l’''Asclepias incarnata '' tiennent lieu d'asperges. L'écorce intérieure du ''Celastrus scandens '' L. est surtout utilisée en temps de disette. Des traditions expliquent que le premier usage en fut fait sur le conseil des dieux. On fait fermenter à l'abri de l'air les racines de la ''Dentaria maxima '' Nutt. (Cruciféres) et on les mange alors comme [des] pommes de terre. Parmi les semences d'arbres qui n'ont pas encore été mentionnées, on compte celles du ''Fagus grandifolia '' Ehrh. et du ''Quercus ellipsoïdales '' E.J. Hill, qui sont le plus souvent consommées grillées. Les feuilles de l’Hydrophyllum l’''Hydrophyllum virginianum '' L. sont recherchées comme légume vert. Signalons ensuite les fruits ou les baies des Rosacées : ''Amelanchier huronensis '' Wieg., ''Prunus pumila '' L., ''P. serotina '' Ehrl., ''Rubus alleghenniensis '' Porter., ''R. idaeus idæus aculeatissimus '' C.A. Mey, ''R. occidentalis '' L.
On en garde une partie comme provisions sèches pour l'hiver et on fait de même pour certaines Saxifragées, par exemple le ''Ribes cynosbathi '' L. Mentionnons pour finir les jeunes pousses de quelques fougères (Osmundacées), celles de l’Osmunda l’''Osmunda cinnamomea '' L. que l'on prépare comme nos asperges.
On pourrait croire que les progrès de l'agriculture ont amené aussi un progrès dans la façon dont les Indiens se nourrissent. Mais les peaux-rouges en ont jugé autrement. Les anciens de la tribu des Menomini affirment au contraire la supériorité de leur nourriture traditionnelle. Ils disent qu'elle a acquis pour eux des propriétés curatives et qu'elle renferme tout ce qui est nécessaire
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pour les conserver en bonne santé. Dans l'Amérique du Nord, où il était facile de récolter à l'état sauvage et en abondance des substances très variées, la nourriture que procure le simple ramassage était donc celle qui convenait le mieux. Mais il est évident qu'on hésiterait à en dire autant en ce qui concerne l'Asie du nord. La liste des plantes médicinales des Indiens devenus agriculteurs montre que, parmi elles, se trouvent beaucoup de plantes qui étaient des espèces alimentaires de ramassage. On constate le même fait pour d'autres contrées, tout à fait généralement. En Europe même, les bouillons d'herbes que prennent au printemps les paysans, moitié pour leur santé, et moitié pour leur agrément, sont faits pour une bonne part avec d'anciennes espèces du ''ramassage''. Au total, les anciens des Menomini croient que leur peuple a les maladies des blancs depuis qu'il a adopté leur nourriture.
II ne peut être question de décrire séparément tous les mets que se préparent les Indiens. Un point est bien acquis, c'est que les blancs font le plus grand éloge de leurs « bouillons » primitifs et ne vantent pas moins d'autres produits de leur art culinaire. En ce qui concerne toutes ces questions de goût, nous aurions d'ailleurs tort de vouloir trop faire état de notre supériorité supposée. La question qui se pose tout d'abord est en effet de savoir si réellement notre sens du goût est, depuis les temps primitifs, un sens qui a beaucoup évolué. Et, s'il se fait pour chaque stade évolutif de l'humanité une adaptation du sens du goût, les innovations en matière culinaire se brisent sur la résistance de cet état d'équilibre quand il s'est une fois établi, et établi peut-être une fois pour toutes. Parmi les trouvailles qu'il a faites, quelles sont celles que le sens du goût a définitivement adoptées ? comment évolue-t-il avec chaque stade successif de la civilisation ? Qu'a-t-il ajouté de nouveau au legs ancien ? Il n'y a certes rien à dire de cette sorte de nouveautés dont la misère ou les nécessités extérieures suggérèrent l'invention, car il n'y fut tenu compte ni de ce qui était bon ni de ce qui pouvait être meilleur. La vérité est que, jusqu'ici, on n'a pas écrit l'histoire du développement de l'art de manger aux périodes successives de l'occupation du sol. Que n'avons-nous du moins quelques analyses chimiques des mets les plus caractéristiques des temps du ramassage et des temps du labourage à la pioche <font color=#901040>[Encore !] ! </font> Nous serions fort heureux de pouvoir en faire la comparaison avec les fallacieux résultats auxquels arrive la science moderne, lorsqu'elle prétend constituer artificiellement l'aliment par un mélange dosé d'éléments stimulants, de facteurs d'actions
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spécifiques, même de vitamines, avec, de plus une bonne proportion de comprimés de ''bluff '' [samt ihrem in Tabletten gepreßten Schwindel]. Mais nous aurons aussi la curiosité de vouloir savoir comment un de nos Indiens s'arrange pour être en règle avec la valeur de sa ration alimentaire estimée en calories. Un exemple va nous permettre d'apprécier la perfection avec laquelle son ingéniosité arrive au but, la variété des mets qu'elle réussit à préparer à partir d'une seule espèce alimentaire initiale. L'espèce dont il s'agit est la plante que les Indiens nomment Woka [Wokas]<ref>COVILLE (1F. V.), ''Wokas, a primitive food of the Klamath Indians''. Report U. S. Nat. Museum, 1902, 727-739 et 13 pl.</ref>____________________ <references/>
== Ramassage chez les Indiens Klamath. Récolte et usages de la ''Nymphea polysepala'' ==
§ 5. - Les Indiens Klamath, chez lesquels Coville a étudié l'emploi de la Woka vivent dans une réserve de l'état d'Orégon. La Woka est une espèce de grand nénuphar (Nymphaea ''Nymphæa polysepala'') à fleurs jaunes. Dans les anciens temps, cette plante fournissait l'essentiel de l'alimentation amylacée des Klamath et elle est encore considérée par eux comme une friandise. Le lac des Klamath et les marais qui l'avoisinent représentent une surface de 10.000 acres. La Nymphaea ''Nymphæa'' en question y vit en compagnie d'autres plantes d'eau, par exemple ''Utricularia, Hippuris, Potamogeton''. La récolte se fait toujours d'une pirogue monoxyle, creusée dans un tronc de ''Pinus ponderosa'', ou parfois de ''Pseudotsuga mucronata''. Le matériel servant à la récolte est très simple, des rames et une corbeille plate en osier, ou en branches flexibles d'un autre arbre, ou en ''Scirpus lacustris''. La récolte occupe à peu près six semaines du milieu d'août à la fin de septembre.
On monte les fruits dans la barque où a lieu un premier choix. La maturité des fruits est marquée par leur éclatement irrégulier à la base. C'est alors que l'intérieur du fruit, mou, humide et cependant pulvérulent, se gonfle en un mucilage et que les graines comprimées sont chassées dans l'eau du lac. Les graines que contiennent ces fruits parfaitement mûrs et déhiscents sont plus grosses, plus blanches, plus savoureuses, sans doute aussi plus nourrissantes que celles renfermées dans les fruits encore clos.
Elles sont particulièrement recherchées et triées par les Indiens. Ils les nomment Spok'-was, mais donnent aussi ce nom aux capsules qu'ils recueillent ouvertes avec la masse intérieure gonflée. Les graines mûres ne constituent qu'une petite partie de la récolte totale de Woka. On se demande alors pourquoi les femmes qui font la récolte ne commencent pas par recueillir les capsules ouvertes avec les graines mûres, mais prennent en même temps les autres. La façon dont se fait la récolte en donne l'explication. Le
(1) COVILLE (F. V.), Wokas, a primitive food of the Klamath lndians. Report U. S. Nat. Museum, 1902, 727-739 et 13 pl.
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Lorsque la récolte est finie, c'est-à-dire, selon l'état du temps, après une à cinq semaines, on vide les trous et on charge les Spokwas dans une barque. L'eau en excès s'est perdue dans le sol. La masse a acquis une certaine résistance. On presse l'ensemble dans les mains. Les parties les plus solides arrivent dans une sorte de caisse à fromage. Les graines, n'étant plus soutenues par le mucilage tombent au fond sans flotter. L'eau et le mucilage sont entrainés par-dessus les bords de la boîte. On aide à la séparation en secouant, en retirant l'eau avec une épuisette, en remettant en mouvement le mélange. Enfin on étend pour les faire sécher les graines encore humides et encore un peu chargées de mucilage et de débris de coques. Après ce premier séchage, les graines sont
 
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Les graines qui ne sont pas l'objet d'un choix particulier sont grillées dans une poêle plate et le tégument éclate. On en obtient deux à trois sortes de mets. Il y en a en tout huit ou dix sortes. Et, si on tient compte des différents modes de préparation ou de conservation de ces mets, on peut élever ce nombre d'une douzaine. Chaque plat porte un nom particulier. Les graines sont l'objet de choix multipliés. Il y a celles qui sont mûres, celles qui mettront peu de temps à mûrir, celles qui ne mûriront que plus tard, celles qu'on grille immédiatement, ou celles qui sont à nouveau humectées après le grillage, puis grillées à nouveau et que l'on peut ensuite conserver sans qu'elles s'altèrent, soit à l'état de semences entières soit à l'état de pâte fortement desséchée ou rôtie. Les manipulations qui précèdent la préparation des mets ordinaires ou de ceux que l'on conserve sont le séchage, le grillage, le vannage, le criblage, la séparation des graines mûres et des graines non mûres, de celles qui sont entières et de celles qui sont brisées, l'écrasement sur des pierres plates, la préparation des pâtes, l'expression, et le séchage définitif. Il serait sans objet de dire les noms de tous les mets que l'on prépare ainsi ou de suivre en détail la fabrication, souvent fort compliquée, de tous les plats. On mange aussi les graines vertes préparées comme il convient, mais surtout au temps de la récolte ou peu après. Les Indiens Klamath distinguent cinq degrés de maturité des graines, et à ces degrés correspondent diverses catégories de mets.
Les « Wokas » grillées fraîches et très légèrement brunies sont un mets excellent, particulièrement avec un peu de sel ou avec de la crème. Il est bien probable que, peu à peu, les Wokas se feront apprécier chez les blancs comme mets de printemps. Les Indiens en cèdent de petites quantités pour 10 à 20 cents. La façon dont on les récolte est fort peu perfectionnée. De faibles améliorations et l'emploi de machines permettraient d'abaisser le prix du boisseau (59 livres) à 10 cents tout au plus. Nous retrouvons chez ces Indiens l'insouciance qu'apportent à faire leurs récoltes beaucoup d'autres primitifs. Quelques jeunes femmes indiennes se risquent à utiliser un petit moulin à café pour moudre les Wokas. Mais, à part cela, la mouture ne se fait guère qu'avec les pierres plates et les écrasoirs de pierre <font color=#901040>[die flache Steinmühle mit dem Reibstein-Zermalmer].</font> 
[[Catégorie:Maurizio, Alimentation végétale]]
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