<center>'''JUSQUIAME'''. ''Hyosciamus niger''. L.
''Hyosciamus vulgaris vel niger''. Bauh., Tourn. — ''Hyosciamus''. Fuchs.
Jusquiame noire, — jusquiame commune, — hanebane, — potelée, — herbe aux engelures, - mort-aux-poules, — herbe à teigne, — porcelet.
SOLANÉES. — HYOSCIAMÉES. Fam. nat.— PENTANDRIE MOKOGYNIEMONOGYNIE. L.</center>
L'hyosciamine existe dans les feuilles et les semences de jusquiame. Elle est plus difficile à obtenir que l'atropine, parce qu'elle est plus soluble dans l'eau. Elle a, du reste, la plus grande analogie avec cette dernière.
(Garrod<ref>''Bulletin de thérapeutique'', 30 janvier 1858.</ref>, comme nous l'avons déjà dit à l'article [[Belladone (Cazin 1868)|BELLADONE]], pense que l'hyosciamine est détruite en présence des alcalis caustiques, et ne subit nul changement par la présence des bicarbonates alcalins.)
Il résulte des expériences de Schroff<ref>''Wochenblatt der Zeitschrift der k. k. Gesellschaft der Aerzte zu Wien'', et ''Union médicale'', 1855.</ref> que toutes les préparations de jusquiame ont la même action et diffèrent seulement en énergie. La plus faible est la poudre des feuilles, la racine d'un an est plus active, mais cède le pas aux extraits. L'extrait alcoolique et l'extrait éthéré alcoolique des semences sont les plus actifs. Il est trois fois plus énergique que l'extrait obtenu par l'évaporation du suc, et deux fois plus que l'extrait alcoolique des feuilles. L'huile grasse qui surnage est plus active que le fond ; mais l'extrait alcoolique de semences, quoique plus actif que tous les autres, présente plusieurs inconvénients : ainsi, sa saveur détestable, son peu d'homogénéité. Il se sépare en deux couches d'inégale action : la supérieure, huileuse, très-active ; l'inférieure, molle, moins énergique. — Il n'y a aucune raison, dit Schroff, pour évaporer les extraits à siccité, les extraits humides se con-
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servant aussi bien et ne pouvant être altérés par la chaleur. Les extraits secs sont très-hygrométriques, et la petite quantité d'alcool qui se trouve encore dans l'extrait mou aide à le préserver de la décomposition. On ne peutdonc être sûr de l'extrait sec. — Schroff a essayé l'huile de jusquiame obtenue par la décoction des feuilles et par expression des semences à froid. Elles sont peu actives ; mais la première l'est plus que la seconde.<br \>
La jusquiame noire entre dans les pilules de cynoglosse, dans le baume tranquille, dans l'onguent populeum. Ses semences entraient dans un grand nombre de préparations de l'ancienne pharmacie, telles que le ''philonium
romanum'', le ''requies'' de Nicolas Myrepsus, les trochiques d'alkékenge, etc., relégués depuislongtemps dans la poussière de l'oubli.<br \><br \>
(HYOSCIAMINE. — A L'INTÉRIEUR. — Solution : hyosciamine, 1 gr. ; alcool, 10 gr. ;
eau, 100 gr. ; de 4 à 5 gouttes. (Schroff.)<br \>
Un lavement d'une décoction de 12 gr. de jusquiame causa des accidents apoplectiques et convulsifs, qu'on ne fit cesser qu'au moyen des boissons acides en abondance et des lavements de vinaigre.
« Pougens, l'auteur d'un ''Dictionnaire de médecine'' en cinq volumes, fort en renom il y a une trentaine d'années, faillit être victime d'une semblable méprise ; s'étant administré un lavement préparé avec une assez forte décoction de ce végétal, dont il n'indique pas la dose, il fut pris d'un engourdissement subit avec une tendance irrésistible au sommeil. Malgré l'emploi du vinaigre et d'un excellent vin, il tomba dans un sommeil léthargique qui dura huit heures ; encore sa tête ne fut-elle parfaitement libre que vingt heures après son réveil. Pendant ce dernier temps, il éprouva un sentiment de bien~être indéfinissable ; il s'exprimait avec vivacité ; sa mémoire étaitmeilleure, son imagination plus vive ; il récitait, il composait des discours
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heure suivante ; 0.40 produisent, en vingt minutes, un ralentissement de 19 ; vingt minutes après, il remonte de 29, devient petit, irrégulier, se soutient pendant une heure, avec de légères fluctuations, et ne diminue que peu à peu. Ces effets prouvent, sinon l'identité d'action, au moins une grande analogie entre la jusquiame et la belladone. La jusquiame dilate la pupille, mais à des doses plus fortes ; et, quand elles sont considérables, la dilatation estprécédée parfois de rétrécissement. A petites doses il y a déjà lourdeur de tête, sécheresse des lèvres, de la bouche et du gosier, diminution de la sécrétion salivaire, un peu de faiblesse. Après des doses plus considérables, il survient de l'assoupissement, tendance au sommeil et même sommeil profond, s'accompagnant, par des doses très-fortes, de coma-vigil et de rêves effrayants, parfois céphalalgie, presque toujours vertiges, bourdonnements d'oreilles, faiblesse de la vue à ne pas pouvoir distinguer les lettres, sensibilité de la rétine à la lumière, diminution de l'olfaction, avec persistance du goût ; impossibilité de fixer l'attention sur un objet ; faiblesse considérable ; démarche incertaine ; sécheresse de la bouche augmentant jusqu'à l'impossibilité d'avaler ; voix rauque/enrouée ; peau sèche, parcheminée, chaleur diminuée.
(L'école italienne classe la jusquiame au même rang que le stramonium, c'est-à-dire parmi les substances hyposthénisantes cardiaco-vasculaires, et conséquemment antiphlogistiques à action élective cérébrale.)
dicale. Ce médecin la donnait dans les convulsions, l'hystérie, l'épilepsie, l'hypochondrie, la manie, la toux convulsive, les névroses en général et presque toujours avec des avantages que sa bonne foi ne permet pas de révoquer en doute, mais que l'enthousiasme a pu quelquefois exagérer. I1 en portait progressivement la dose à 75 centigr. dans les vingt-quatre heures. Colin, qui en a fait usage dans les mêmes maladies, et dont le témoignage vient s'ajouter à celui de Storck, a été jusqu'à 1 gr. 20 centigr. par jour. Haller, Fothergill, Herwig, etc., ont confirmé par l'expérience les essais de Storck. Hufeland considère la jusquiame comme le plus doux des narcotiques ; il le préfère à l'opium dans l'insomnie. C'est, suivant lui, un remède très-efficace contre les convulsions, l'éclampsie, la toux spasmodique. Le plus sûr moyen d'apaiser les spasmes dans les affections nerveuses, etc., est, dit ce célèbre praticien, de leur administrer la jusquiame, qui mérite la préférence sur l'opium, en ce qu'elle ne constipe pas comme lui, n'échauffe pas non plus, et exerce une action calmante toute spéciale sur le moral, ce qui est ici un grand point<ref>''Libell. de slramonio, hyosciamo'', etc.</ref>. Whytt donnait l'extrait de cette plante chaque soir à la dose de 8 à 20 centigr. dans les affections nerveuses. Stoll préférait ce médicament à l'opium dans la colique de plomb, parce qu'il calmait tout aussi bien les douleurs sans augmenter la constipation. Murray s'en est également bien trouvé dans cette dernière maladie. Frank<ref>''Journal universel des sciences médicales'', t. XVII, p. 102.</ref> l'employait avec avantage dans l'hypochondrie, l'épilepsie et la paralysie ; Gilibert et plusieurs autres praticiens, dans les convulsions et le tétanos ; Amstrong et Hufeland, dans la coqueluche ; Abramson, dans le ''delirium tremens''. J'ai déjà fait mention d'une pommade composée de jusquiame, d'ail et de saindoux, que j'applique à la plante des pieds et dont je retire de bons effets dans le traitement de la coqueluche.
Divers auteurs ont donné à la jusquiame le titre d’''antimaniaque''. Dans ces dernières années, Michéa a fait des recherches sur le traitement de l'aliénation mentale par les divers narcotiques. La préparation dont il s'est serviest l'extrait fait avec les parties fraîches de la plante. Il y a soumis dix aliénés, dont neuf atteints de folie circonscrite, avec ou sans hallucinations, et un seul de délire général. Sur ces dix, la jusquiame en a guéri six, parmilesquels il faut compter ce dernier, et a déterminé de l'amélioration chez un autre. La guérison est survenue entre trois et six semaines. La jusquiame n'a jamais été administrée au delà de 1 gr. par jour ; en moyenne, ladose variait entre 50 et 70 centigrammes. Michéa note qu'elle a quelquefois produit de la constipation.
La jusquiame peut être substituée à l'opium dans beaucoup de cas de désordres nerveux où celui-ci ne peut être administré sans inconvénient. J'en ai eu un exemple chez un malade âgé de quarante-huit ans, d'un tempérament lymphatico-sanguin, d'une forte constitution et atteint, par suite de l'abus des spiritueux, du ''delirium tremens'', avec hallucinations et parfois délire furieux. L'extrait gommeux d'opium, que j'emploie toujours avec succès en pareil cas, déterminait le vomissement et un état prononcé d'anxiété et d'exaspération. L'extrait aqueux de jusquiame noire, donné d'abord à la dose de 8 centigr. de trois heures en trois heures, et ensuite de deux heures en deux heures, fut bientôt supporté par l'estomac et produisit un calme suivi bientôt d'un effet sédatif qui amena le sommeil, une diaphorèse générale, la disparition du tremblement des membres et du délire, en un mot, le rétablissement complet dans l'espace de trois jours. J'ai pu, sur ce malade, porter la dose d'extrait de jusquiame à 1 gr. 20 centigr. dans les vingt-quatre heures : l'abus des liqueurs alcooliques explique cette tolérance.
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(L'HYOSCIAMINE, autrefois appelée jusquiamine, dilate la pupille, ainsi que, dès 182S, Reisinger l'a établi par des expériences sur les animaux (1)<ref>''Bulletin des scienees médicales de Férussac'', juillet 1825, p. 260.</ref>.
Au point de vue toxicologique, l'alcaloïde représente, avec une activité plus grande, la plante elle-même.
En thérapeutique, Schroff est, croyons-nous, le premier et le seul qui l'ait ordonnée comme hypnotique et sédatif dans les bronchites, etc., à la dose de 1 à 3 milligr. Runge, Reisenger, Gulz et Honold<ref>''Die neueren Arzneimittel''. Erlangen, 1851, p. 173.</ref> s'en sont servis à l'intérieur comme agent dilatateur des sphincters, et surtout de l'iris dans les cas d'iritis, de synéchie au début, pour faciliter l'opération de la cataracte, etc.
Lemattre, dans son mémoire couronné en 1865 par l'Académie des sciences, a étudié l'action physiologique de l'hyosciamine et des autres alcaloïdes des solanées. (Voyez [[Belladone (Cazin 1868)|BELLADONE, p. 210]].) Celui qui nous occupe possède le pouvoir mydriatique le plus faible sous le rapport de la durée et de la rapidité d'action.)
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Nom accepté : ''[[Hyoscyamus albus]]''
'''JUSQUIAME BLANCHE'''. ''Hyosciamus albus'', L. ''Hyosciamus albus major'', C. Bauh,, Tourn. Croît dans le Midi de la France (le Languedoc, vers Orange, le long du Rhône, aux bords des chemins).
'''Description'''. — Tige moins élevée. — Feuilles obtuses, moins allongées, plus velues. — Fleurs d'un blanc jaunâtre, plus petites, ne s'épanouissant qu'au mois d'août.
La jusquiame blanche jouit des mêmes vertus que la noire. Les anciens la regardaient comme moins active, moins irritante que cette dernière, et la prescrivaient de préférence contre la goutte, les douleurs en général, les toux, les hémorrhagies, etc. Nous ajouterons que Poutangon et Suisset (3)<ref>''Journal de Corvisart et Leroux'', t. XIV, p. 130.</ref> en ont obtenu des résultats avantageux dans le resserrement spasmodique de la pupille, et que Chanel (4)<ref>''Journal des connaissances médico-chirurgicales'', t. II, p. 86.</ref> s'est bien trouvé de son emploi à l'extérieur, dans la réduction des hernies et du paraphimosis.
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Nom accepté : ''[[Hyoscyamus aureus]]''
La '''JUSQUIAME DORÉE''', ''Hyosciamus aureus'', L., et la '''JUSQUIAME DE SCOPOLI''', ''Hyosciamus scopolia'', Weld, que l'on peut cultiver dans nos jardins, ont des propriétés analogues aux deux espèces précédentes.
[[Catégorie:Cazin 1868]]