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L'action L’action simultanée de l'opium et de la belladone, dont les effets sur l'orgnisme ne sont point identiques, n'a-t-elle pas pu aussi apporter quelque modification dans le résultat de leur ingestion?...
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été l'objet de recherches historiques et expérimentales du plus haut intérêt.
Déjà, dans la deuxième édition de ce ''Traité'', Cazin père disait, en résumant les propriétés de la belladone (p. 172) : « ''Ses effets toxiques différaient essentiellement de ceux de l'opiuml’opium, auxquels ils paraissaient même opposés;')) ' ; et plus loin (p. 173) : ''Elle peut être employée avec avantage dans l'empoisonnement par l'opium, en raison de l'antagonisme qui existe entre ce dernier et les solanées vireuses''. » A l'appui de cette opinion, il apportait deux observations recueillies dans sa clientèle : celle qui précède et celle que nous allons transcrire (première édition, p. 365).
M. Moleux, propriétaire à Wierre-aux-Bois, âgé de cinquante-cinq ans, d'un tempérament sanguin, d'une forte constitution, livré au repos depuis quelques années, ayant eu, depuis vingt ans, attaques de goutte aux pieds, est pris le 10 décembre 1839, vers le soir, d'une strangurie qui, dans la nuit même, devient une rétention complète d'urine.
Appelé le 11, au matin, je pratique une saignée de.700 gr. ; je fais appliquer vingt-cinq sangsues au périnée et je prescris un bain tiède prolongé. Ces moyens n'amènent aucun changement. Une seconde saignée, aussi copieuse'que îa la première, pratiquée à onze heures du soir, calme l'agitation l’agitation et l'anxiété, mais ne fait point cesser l'ischurie. L'introduction de la pommade de belladone dans le rectum, réitérée pendant la nuit, procure l'émission répétée de quelques gouttes d'urine et un peu de soulagement dû, sans doute, autant à l'espoir d'une amélioration prochaine, qu'à l'action du médicament.
Le 12, au matin, les symptômes ont repris toute leur intensité., et le malade, pourtant, ne consent pas à l'opération du cathétérisme, à laquelle, d'ailleurs, je répugne toujours moi-même en pareil cas, en raison des difficultés qui tiennent à la nature de l'affection et des accidents qui peuvent en résulter. Plusieurs lavements émollients n'ayant provoqué qu'une selle peu abondante, et l'état habituel de constipation me faisant soupçonner l'accumulation de matières fécales dans les intestins, je prescris 45 gr. d'huile de ricin mêlés avec 30 gr. de sirop de limon. En même temps, j'ordonne, pour employer en frictions sur l'hypogastre et le périnée, un Uniment liniment composé de 6 gr. de laudanum liquide de Sydenham, de 2 gr. de teinture de belladone, et de 40 gr. d'huile d'amandes douces. Obligé de m'absenter vers dix heures du matin pour un accouchement que la sage-femme qui me fait appeler considère comme dangereux, je désigne soigneusement à la garde la mixture que le malade doit avaler, et le liniment qui est destiné à l'usage externe. Je promets à M. Moleux, que je laisse à regret dans un état extrême d'agitation de corps et d'esprit, de revenir le plus tôt possible.
Une heure environ après mon départ, on vient m'annoncer que le malade urine abondamment, qu'il est calme et parfaitement bien. Je ne le vois qu'à cinq heures «t et demie du soir. Je le trouve au lit, immobile et dans un état de somnolence dont il ne sort un instant que pour répondre avec justesse aux questions que je lui adresse ; la respiration est facile; le pouls, à 78 pulsations, est large, développé, mou; la face est colorée, les conjonctives un peu injectées,, les pupilles dilatées, la peau chaude et moite. Il y a eu écoulement abondant d'urine ; l'hypogastre est légèrement douloureux au toucher, mais souple, peu tuméfié.
Les symptômes d'un narcotisme modéré, et qui n'a pas été plus prononcé, sont évidents. On s'aperçoit seulement alors, d'après mes questions, et je m assure moi-même que M. Moleux a avalé le liniment au lieu de la mixture laxative ! Mais comme, à mon grand étonnement, il n'en est résulté, pendant près de sept heures, que les suites que je viens de rapporter et que je regarde comme heureuses, eu égard à la cessation instantanée du spasme vèsical, je m'abstiens de toute médication. Une abondante transpiration, qui
Cette dose toxique de laudanum et de belladone, qui a guéri à l'instant même M. Moleux, l'aurait infailliblement empoisonné s'il avait été dans son état normal. La dépression des forces circulatoires et de la vie organique par les émissions sanguines, d'une part, et la persistance, du spasme local porté à un haut degré, avec exaltation de la vie nerveuse, d'autre part, ont fait d'un poison un remède énergique et prompt.
(Cette dernière interprétation des faits ne laisse dans l'esprit l’esprit aucune espèce de doute; comme le dit Behier (1), en citant le fait précédent, la tolérance ne peut s'expliquer que par « une neutralisation réciproque des deux agents contenus dans le liniment. »
Mon père ignorait, au moment où paraissait la première édition du ''Traité des Plantes médicinales indigènes '' (1849) que cette particularité avait été entrevue par plusieurs auteurs anciens (2). Dans la deuxième édition, il cite deux cas dus à l'observation de Lindrey (3), et il ajoute, en parlant des faits qui lui sont propres, avec la modestie de l'homme de mérite vrai) :
« En rappelant ces derniers faits, dont l'un recueilli en 1839 est rapporté dans la première édition de cet ouvrage, et l'autre a été observé en 1848, j'ai moins pour but de revendiquer une priorité à laquelle j'attache peu de prix, que d'appuyer une découverte thérapeutique, importante. »
(Depuis, de nombreux travaux ont été publiés à ce sujet, de nouveaux faits sont venus établir l'action réciproque en véritable loi. — Nous mentionnerons le mémoire de B. Bell, lu à la Société médico-chirurgicale d'Edimbourg d’Edimbourg et traduit dans ll’''Union médicale '' (17 et 26 février 1859); la note de Behier déjà citée ; enfin un travail des auteurs des ''Archives '' résumant tous les éléments de la question (mai 1865) ; de l'ensemble de ces études médico-physiologiques, il ressort :
1° Il existe dans les deux substances des propriétés opposées; la dilatation de la pupille pour la belladone, la contraction pour l'opiuml’opium, sont une des manifestations les plus apparentes de ces oppositions d'actiond’action ;
2° La belladone peut être utilisée dans l'empoisonnement par l'opium, et l'opium dans celui par la belladone.
3° L'âge du malade n'est pas une contre-indication à l'emploi de cet antidote (4).
4° La première indication à remplir dans l'empoisonnement par l'une on l'autre substance est d'évacuer l'estomac par les vomitifs ou la pompe aspirante ; la seconde d'administrer l'agent antagoniste à close dose élevée et fractionnée, en se guidant sur l'apparition des symptômes physiologiques spéciaux à l'antidote, et surtout sur l'état de la pupille. Il faut arrêter l'emploi de la substance antagoniste aussitôt que son action physiologique a suffisamment contre-balancé celle du poison.
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(1) ''Union médicale'', 5 juillet 1859.
(2) Pena et Mathia de Lobel, ''Stirpium adv''. nov. Londres, 1570. — Horstius, ''Op. med'"*'., 1661. — Faber, Slrychnomania''Strychnomania'', 1677, p. 87. —Boucher — Boucher (de Lille), ''in Journ. de med''., 1706,-. — Lippi, ''De Venef. bacc. bell. prod. atque opii in eo usu''. Tubingue, 1810. — Giacomini, ÎY»''Trad. Mojon et RognellaRognetta''. Paris, 1839.
(3) ''Edimb. med. Journal'', 1855. ,
(4) Cas de Behier, ''Union médicale'', 16 juillet 1859, soixante-quinze ans; celui de BlatteBlake, cfparles cité par les ''Archives'', p. 588, quatre ans; un autre de Mac Namara, ''Quarlerly Journal'', Dublin, DIIW1863, enfant de vingt-six mois.