957
modifications
Modifications
m
«L'aconit« L’aconit, dit Richard (2), a été mis en usage pour guérir l'épilepsie, les convulsions et la paralysie, surtout celle qui est la suite des attaques d'apoplexie. Rappeler, médecin à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, l'a employé fréquemment dans cette dernière circonstance, et en a obtenu des succès souvent répétés. » Stoll indique ce remède dans la chorée. Bergius, Baldinger, Reinhold, ont guéri des fièvres intermittentes rebelles par l'aconit.
aucun résumé de modification
__TOC__
[11]
'''Description.''' — Racine épaisse, fibreuse, noirâtre, épaisse, napiforme, à rhizomes latéraux, courts, terminés chacun par trois racines pivotantes. — Tige droite, simple, glabre, cylindrique, haute d'environ un mètre. — Feuilles alternes, pétiolées jusqu'à la base en sept ou huit lobes allongés, profondément incisés en lanières étroites. — Fleurs violettes, bleues, grandes, disposées en épi terminal (de juillet en septembre). — Calice pétaloïde, irrégulier, formé de cinq sépales inégaux, pubescents en dedans ; un supérieur en capuchon, deux latéraux plans, inégalement arrondis, deux inférieurs plus petits, ovales, entiers. — Corolle formée de deux pétales irréguliers, à long onglet, canaliculés, terminés supérieurement par une sorte de petit capuchon creux, recourbé à son sommet, offrant à son ouverture une petite languette roulée en dessus ; ces deux pétales sont cachés sous le sépale supérieur. — Étamines au nombre de trente environ, égales, beaucoup plus courtes que le calice, à filets serrés les uns contre les autres. — Ovaire à trois carpelles surmontés de trois filets. — Fruit formé de trois (rarement de cinq) follicules glabres, oblongs, à bec aigu, divergents dans leur jeunesse. — Semences anguleuses, noires, chagrinées.
['''Culture.''' — Cette plante vient dans tous les terrains et à toutes les expositions, et préfère les sols pierreux plutôt secs qu’humides; on la propage soit de graines semées après leur maturité à mi-ombre, soit par division des touffes à l'automnel’automne ; elle se ressème d'elle-même.
Les ''A. spicatum, macrostachium, neubergense'', variétés du napellus, et les ''A. variegatum, rostratum, paniculatum, stœrkanium, intermedium'', espèces ou variétés de l’''A. cammarum'', sont souvent substituées au ''napellus''. L’''A. anthora'' est le type d'une première section des aconits, le ''cammarum'' celui d'une seconde et l’''A. lycoctonum'' celui d'une troisième.]
'''Parties usitées.''' — Les feuilles et les racines.
'''Récolte.''' — On récolte cette plante dans le mois de juin. Après l'avoir mondée et disposée en guirlandes, on l'expose au séchoir. Elle perd de ses vertus par la dessiccation; toutefois, desséchée avec soin et ayant conservé une belle couleur verte, elle garde ses propriétés âcres et narcotiques pendant longtemps. Elle est plus active dans le Midi que dans le Nord, à l'état sauvage qu'à celui de culture, recueillie dans les pays montagneux que dans les contrées basses et humides. L'aconit des montagnes de la Suisse doit être préféré. [La racine d'aconit d’aconit doit être récoltée à l'automne, on la lave pour la débarrasser de la terre et on la fait sécher à l'étuve; on la conserve dans un endroit sec et à l'obscurité. Il est peu de plantes sur les propriétés desquelles la culture, le climat, le choix des espèces aient plus d'influence que l'aconit; il faut toujours repousser les espèces cultivées. D’après Schroff, de Vienne, qui a fait de belles recherches sur les aconits en 1862, ils devraient être classés par rang d’activité dans l’ordre suivant: 1° l’''Aconitum ferox''; 2° l’''A. napellus'' et ses sous-espèces ou variétés; 3° l’''A. neomontanum'', l’''A. tauricum'' et l’''A. variabile''; 4° les ''Aconitum variegatum, cammarum, paniculatum'' et ''anthora.'' Les jeunes pousses de l’''A. lycoctonum'' sont inoffensives ; Linné dit qu'elles sont mangées par les Lapons. Les racines, au contraire, se rapprochent par leur activité de celles de l’''A. ferox Wallich'' qui croît sur l'Hymalaya, dont on trouve la racine dans le commerce ; elle renferme en moyenne deux fois plus de principe actif que l'aconit napel.]
'''Propriétés chimiques.''' — Steinacher, Braconnot, Pallas, Peschier, Geiger et Hesse, ont publié leurs analyses sur divers aconits. [Brandes en isola le principe actif, il le nomme aconitine, mais c'est Hesse qui, en 1833, l'obtint à l'état de pureté plus grande ; elle a été étudiée par Geiger, Berthemot, Stahlsmidt, Morson, Planta, Liégeois, E. Hottot, etc. Selon Stahlsmidt, l’aconitine peut être représentée par C60 H47 O14 C<small><sup>60</sup></small> H<small><sup>47</sup></small> O<sup><small>14</small></sup> Az. D’après les recherches récentes de Morson, l’aconitine est mélangée quelquefois avec une substance étrangère moins active qu’il désigne sous le nom de ''napelline''; quand à l’''aconelline'', découverte par G. et H. Smith et qui présenterait tous les caractères de la nicotine, son existence nous paraît très-douteuse.
Plusieurs procédés ont été proposés pour préparer l'aconitinel’aconitine ; celle du commerce est généralement impure; elle agit, d'après d’après E. Hottot et Liégeois, dix fois moins que lorsqu'elle lorsqu’elle est pure et obtenue par le procédé suivant, qu'ils ont indiqué: faire macérer
[13]
pendant huit jours la poudre de racine d’aconit dans de l’alcool à 80° centésimaux; on déplace l’alcool par l’eau, on distille les liqueurs alcooliques au bain-marie, on ajoute au résidu une quantité suffisante de chaux éteinte, on agite de temps en temps, on filtre et on précipite par un léger excès d’acide sulfurique, on évapore en consistance sirupeuse, on ajoute à la liqueur deux ou trois fois son poids d’eau, on laisse reposer et on enlève l’huile verte qui surnage et qui se solidifie à +20 degrés, on filtre sur un papier mouillé et on traite les liqueurs par l’ammoniaque; à ébullition l’aconitine se précipite avec de la résine, le précipité est lavé à l’eau d’abord, puis avec de l’éther pur exempt d’alcool et d'eau d’eau ; par évaporation de la solution éthérée on obtient de l'aconitine l’aconitine impure, on la purifie en la dissolvant dans de l'acide l’acide sulfurique dilué et on précipite à chaud par l'ammoniaque ; il se précipite de l'aconitine que l'on fait dessécher et que l'on reprend par l'éther; on fait évaporer une seconde fois, on sulfatise et on précipite de nouveau par l'ammoniaque ajouté goutte à goutte, en ayant le soin de séparer les premières parties qui sont colorées; on lave alors le précipité blanc à l'eau distillée et on fait sécher. 10 kilogr. de racine d'aconit ne donnent pas plus de 4 à 6 gr. d'aconitine.
L’aconitine ainsi obtenue est pulvérulente, blanche, incristallisable, légère, très-amère, elle contient 20 pour 100 d’eau qu’elle perd à 85 degrés et devient anhydre; elle est peu soluble dans l’eau froide, très-soluble dans l’alcool, l’éther et le chloroforme; elle bleuit le tournesol rougi, forme avec les acides des sels incristallisables ; l’acide sulfurique la colore en rouge, puis en violet; le tannin et l'iodure l’iodure ioduré de potassium la précipitent de ses dissolutions.]
'''PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.'''
''Aconitine'', 1 à 3 milligr. (avec poudre de réglisse et sirop smiple), en 12 et 16 pilules : 1 de trois en trois heures.
[Formule de E. Hottot : aconitine, 1 centigr.; poudre de réglisse, 2 gr.; sirop, '‘'Q. S.'' Pour 50 pilules, chacune d'elles contiendra un cinquième de milligramme, 2 à 10 par jour.]
Teinture d'aconitine d’aconitine (aconitine, 5 centigr.; alcool à 56 degrés, 100 gr.), 20 centigr. à 1 gr. 50 centigr. en potion.
[Chaque gramme de teinture représente 1 milligramme d'aconitine. (E. Hottot.)]
''Pommade'' (Brockes). — Aconitine, 10 centigr.; alcool, Q. S. Pour dissoudre, axonge, 8 gr-. F. S. A.
Embrocation. — Aconitine, 1 gr.; alcool rectifié, 250 gr, en frictions.
Liniment. — Aconitine, 1 gr.; huile d'olivesd’olives, 2 gr.; axonge, 32 gr.
''Gouttes d'aconitine.'' — Aconitine, 1 gr.; alcool rectifié , 10 gr. Pour instiller dans l'oeil.
[Les préparations pharmaceutiques de l'aconit l’aconit sont très-variables dans leur composition et dans leurs effets; les plus fidèles sont l'extrait l’extrait alcoolique et l'alcoolaturel’alcoolature ; l'extrait alcoolique de la racine est le plus actif, puis vient l'extrait alcoolique du suc, enfin l'extrait aqueux, celui du Codex, qui l'est très-peu; selon M. Hirtz, l’action de l’extrait de racine d’aconit est à celle de l’extrait des feuilles :: 25 : 1.]
Il est toujours prudent de ne commencer l’usage de cette plante que par des quantités très-faibles, surtout si on ne connaît pas le degré d'activité de la préparation. On peut arriver, pour l’extrait aqueux, à la dose de 20 centigr. par jour et même davantage. (Quardi en a donné jusqu'à 15 centigr. et Borda jusqu'à 30 centigr. en vingt-quatre heures dans les maladies inflammatoires. La poudre de la racine peut se donner, dans la plupart des cas, à la même dose que l'extrait. On peut aussi, à l'exemple de Stoerk, donner l'extrait en poudre en le triturant avec une grande quantité de sucre. L'extrait préparé à grand feu est souvent carboné , noir et peu actif ou même inerte (1). Préparé au bain
[14]
de sable ou à la vapeur il est moins noir et conserve une partie de son principe actif. Stoerk se servait de l’extrait préparé avec le suc récent non dépuré de la plante fraîche, évaporé au soleil : cette préparation doit être préférée. Connue le principe de l'aconit se dissout dans l'alcool, la teinture et l'extrait alcoolique sont les préparations les plus énergiques, celles qu'on doit préférer, et qui demandent le plus de circonspection dans les premières doses à administrer. L’extrait aqueux se trouve, par rapport à l’extrait alcoolique, dans le rapport de 1 à 4, mais encore faut-il que la préparation de l'extrait l’extrait alcoolique soit accompagnée de quelques précautions, et Schroff donne la préférence au procédé de Pach, pharmacien à Vienne : la plante est coupée en morceaux, contusée et mise à infuser avec partie égale en poids d'alcool à 36 degrés; on l'abandonne ainsi, pendant trois jours, à la température ordinaire, en la remuant de temps en temps; puis on exprime, on filtre et on évapore au bain-marie, jusqu'à consistance d'extrait.
Dès la plus haute antiquité, l'aconit napel a été mis au nombre des poisons les plus violents. Les poètes l'ont fait naître de l'écume de Cerbère et ont prétendu que Médée en fabriquait ses poisons :
Les lésions cadavériques se rapportaient, dans plusieurs cas, à une gastroentérite générale; on a trouvé le sang très-fluide. Brodie a rencontré le poumon gorgé de sang, mais pas d'inflammation dans l'estomac, ni dans les intestins. Les expériences tentées par Rayer (1) confirment ces résultats. Les mêmes accidents surviennent lorsqu’on met le suc ou l'extrait de la plante en contact soit avec la membrane interne du rectum, soit avec le tissu cellulaire, ou quand on l'injecte dans les veines.
''Sur l’homme'' : A. ''Effets locaux.'' L'application L’application simple et la friction ne déterminent aucun effet sur la peau recouverte par l'épiderme , si on en excepte toutefois les endroits où cette membrane est très-mince; il se pro-
dont quelques-unes sont de violents poisons pour les bestiaux, peuvent, à l'état sec, être mangées par eux sans danger.
Il est donc de tonte nécessité que l'extrait de cette plante soit préparé à une basse température. Grandval {(''Bulletin de thérapeutique, 1851, p. 399'') a fait connaître, il y a six ou sept ans, un appareil qui permet l'évaporation à siccité dans le vide, non-seulement de l'extrait d'aconit, de celui de ciguë, mais de tous les extraits. Maldan, de l’hôpital de Reims, qui, sous la direction d'Andral, avait expérimenté l'extrait d'aconit dans des cas très-nombreux, à des doses élevées, et avec des résultats presque négatifs, a constaté l'action énergique des extraits d'aconit et de ciguë préparés à l'aide de l'appareil de Grandval. Celui de Berjot, qui évapore aussi dans le vide, produit les mêmes effets.
duit alors, surtout si on opère par friction, des démangeaisons accompagnées d'un sentiment de chaleur et de tension.)
La plante fraîche, mise sur la langue, y détermine un sentiment d'ardeur et de douleur, qui s'étend jusqu'au gosier et qui engourdit ces parties. La racine mâchée parait d'abord d’abord douce; mais à cette douceur insidieuse succède bientôt dans l'intérieur de la bouche un sentiment d'ardeur et de torpeur, suivi d'une sorte de tremblement et de froid, et accompagné d'une excrétion abondante de salive. Ces phénomènes se dissipent avec assez de promptitude; cependant Brodie assure que l'engourdissement ne disparaît qu'au bout de deux à trois heures. Ce médecin a sans doute employé l'aconit suisse, car la racine prise dans mon jardin, et que j'ai mâchée pendant une ou deux secondes, ne m'a laissé, après une excrétion salivaire assez abondante, qu'un léger engourdissement dont la durée, avec diminution graduelle, n'a été que de quinze à vingt minutes.
(La substance avalée produit, à son passage dans le pharynx, l'œsophage et l'estomac, la même impression pénible. On observe alors quelques nausées, des borborygmes, puis l'effet dynamique ne tarde pas à se faire sentir. Le contact de cette plante sur les muqueuses digestives produit donc des phénomènes d'irritation. Elle agit de la même façon sur la conjonctive et sur la pituitaire, déterminant en plus l'augmentation de leurs sécrétions particulières (larmoiement, éternuement).
(B. ''Effets généraux.'' L'aconit, comme toutes les plantes vénéneuses, a des effets gradués, selon les doses.
A dose modérée (de 50 centigr. à 1 gr. 50 centigr. d'alcoolatured’alcoolature), phénomène de non-tolérance de la part de l'estomacl’estomac ; puis, au bout d'une demi-heure environ, sensation de picotement, de fourmillement, qui, des lèvres, de la langue, s'étend au cou, à la face et graduellement à toutes les parties du corps (Hirtz); la sensibilité cutanée devient obtuse, l'action musculaire difficile; la respiration, laborieuse, diminue de rapidité (de 18 inspirations par minute, nombre normal, à 13 ou 14); le pouls éprouve d'abord une certaine accélération, et descend de 75 à 66 et à 56, suivant les doses employées, et cela au bout d'une heure environ après l'ingestion du médicament. A ce moment, les sens perdent leur activité et la netteté de leurs impressions. Le sujet éprouve un sentiment de lourdeur et une grande propension au sommeil, sans que pour cela il perde connaissance; les extrémités sont le siège d'un d’un froid marqué et d'un frissonnement très-désagréable; puis, après trois ou quatre heures de cet état, peu à peu les choses rentrent dans l'ordre ; le picotement persiste assez longtemps.
A dose toxique, les phénomènes que nous venons d'esquisser s'exagèrent, prenant une gravité et une marche proportionnelles à la quantité de poison ingérée, au mode d'administration (dose toxique prise graduellement ou d'un seul coup), et aussi à la susceptibilité individuelle.
Pâleur, peau froide, sueurs générales, céphalalgie compressive, vertiges; nausées, vomituritions, vomissements; prostration extrême, pouls filiforme, quelquefois irrégulier, tantôt très-lent (de 36 à 40 pulsplus.), tantôt plus accéléré (90). Respiration difficile, inégale, suspirieuse. Voix éteinte; dans ces cas, la vie peut encore être conservée; dans les cas plus graves, perte des sens, forte dilatation des pupilles, paralysie des extrémités, puis immobilité complète, qui n'est n’est troublée que par de légères convulsions; pouls imperceptible; respiration rare et entrecoupée. Mort, tantôt par syncope, tantôt par asphyxie.)
(Consultez, pour plus amples détails, Fleming, ''An inquiry into the physiol. and med. properties of the aconit.'' Lond., 1843; Lombe Atthill a publié, ''in Dublin quarterly Journ. of med. sc,'' , Aug. 1861, une observation très-détaillée et qui reproduit bien le tableau de tous les symptômes propres à l'empoisonnement par l'aconit.)
[16]
(Lorsque l'on l’on a pratiqué l'autopsie l’autopsie d'individus ayant succombé, on a trouvé le ventre ballonné, la face tuméfiée, les extrémités plus ou moins cyanosées; le tube digestif enflammé; les vaisseaux veineux, les poumons et les vaisseaux des membranes du cerveau gorgés de sang; les grandes cavités séreuses ont quelquefois été rencontrées le siège d'épanchement. Nous ne connaissons pas d'empoisonnement d’empoisonnement criminel par l'aconit; c'est toujours par mégarde ou par erreur que pareil accident a eu lieu.)
[D'après E. Hottot (1), le tannin (2), et surtout l'iodure iodure de potassium, en solution très-étendue, peuvent être regardés comme les contrepoisons de l'aconit. On commencera le traitement en favorisant les vomissements à l'aide de boissons huileuses ou mucilagineuses; on pratiquera des frictions excitantes pour rappeler la chaleur à la peau. Les Rasoriens, qui regardent l'aconit l’aconit comme hyposthénisant vasculaire, conseillent, avec juste raison, les stimulants diffusibles à l'intérieur; tandis qu'Orfila conseille d'abord les éméto-cathartiques et les antiphlogistiques.]
(Des expériences sur les animaux ont montré l'action favorable de l'aconit comme antidote de l'empoisonnement par la strychnine. La connaissance des actions physiologiques des deux poisons la faisait assez pressentir. Une observation, publiée dans l’Amer. med. times (1862), relate l’heureux emploi de la teinture de noix vomique contre l’empoisonnement par l'aconit.
L'observation suivante, recueillie dans ma pratique, et que je considère comme très-remarquable, trouve ici sa place :
Lefèvre, loueur de voitures, âgé de trente-huit ans, tempérament lymphatico- sanguin , taille moyenne, cheveux châtains, jouissant habituellement d'une bonne santé, se fit, le 3 décembre 1854, une petite écorchure entre l'ongle et l'extrémité du pouce de la main gauche, en débouchant l'égout d'une écurie où se trouvaient des chevaux morveux qu'il soignait lui-même depuis quelque temps. Cet égout, dans lequel il avait trempé la main, était rempli de l'urine de ces animaux.
Dès le 5 au matin, Lefèvre éprouva des frissons suivis de chaleur et de fièvre. En même temps le pouce blessé devint douloureux, s'enflamma, se tuméfia, prit une teinte rouge-brun qui s'étendit bientôt le long des vaisseaux radiaux jusqu'au tiers inférieur de l'avant-bras. La suppuration s'établit dans la petite plaie et autour de l'ongle, qu'elle détacha. Deux ou trois jours après (le 7 ou le 8), une tumeur du volume d'un œuf
de pigeon se montra au point où se terminait, à l'avant-bras, la traînée phlegmasique de la peau. Cette tumeur offrait déjà de la fluctuation. On en remit l'ouverture au lendemain. La fièvre continuait; elle était accompagnée de soif, d'anorexie, de nausées, d'irritation gastrique.
Le lendemain (le 8 ou le 9), l'abcès que l'on se proposait d'ouvrir avait disparu ; mais une douleur assez vive s'était fait sentir pendant la nuit dans tout le pied gauche, que l'on trouva enflé jusqu'au-dessus des malléoles, et offrant sur le dos une rougeur érysipélateuse très prononcée. Le docteur qui avait été appelé au début de la maladie, fit appliquer quinze sangsues sur cette dernière partie; les piqûres saignèrent abondamment; l'inflammation l’inflammation et la douleur se calmèrent. On mit des cataplasmes émollients.
Au bout de trois ou quatre jours (vers le 12 ou le 13), la tumeur présentait de la fluctuation dans une assez grande étendue sur le dos du pied. Le docteur…… l’ouvrit largement et donna issue à une grande quantité de pus sanguinolent, épais, semblable à de la lie de vin. La fièvre diminua considérablement et le malade put goûter quelques instants de repos ; cependant l'appétit était presque nul, et les symptômes d'irritation gastrique persistaient. La suppuration était abondante et fétide. Vers la fin du mois, on s'aperçut qu'une nouvelle collection purulente, du volume d'un petit oeuf de poule, s'était formée sans travail inflammatoire sensible à la partie inférieure et interne de la jambe droite. Ouverte à l'instant même, il en sortit un caillot de sang noir et du pus semblable à celui de l'abcès du pied, mais plus fluide. La plaie se cicatrisa en quelques jours. Plusieurs autres abcès peu volumineux se formèrent successivement sur diverses régions du corps; ils furent ouverts ou se terminèrent par délitescence.
La plaie résultant de l'abcès situé sur le dos du pied gauche continua de suppurer, s'étendit en largeur et en profondeur, et devint bientôt un ulcère fétide et de mauvais caractère. Le pied lui-même était resté tuméfié, œdémateux, rouge-cuivre sur le dos et surtout autour de la plaie. La fièvre diminua peu à peu ; mais le malade, qui tenait constamment le lit, maigrissait et s'affaissait de plus en plus.
Tels sont les renseignements que j’ai pu recueillir sur les six premières semaines de la maladie de Lefèvre, auquel le docteur …docteur….prescrivit pour tout traitement des boissons délayantes ou acidulées, l’eau d'orge ou de gruau, le bouillon de veau, et plus tard celui de boeuf avec des fécules; à l'extérieur, des cataplasmes émollients, des lotions d'eau de javelle étendue dans l'eau tiède, sur l'ulcère du pied.
Appelé le 17 janvier 1855, je trouve le malade dans l'état l’état suivant : amaigrissement considérable, face cachectique, infiltrée, teint plombé, yeux ternes; pouls faible, à 78 pulsations, non fébrile; peau sèche, aride, rarement chaude ; langue épaisse, couverte d'un d’un enduit blanchâtre ; inappétence, constipation souvent opiniâtre, point de soif; sommeil pénible, souvent interrompu; accablement moral, découragement causé par la perte, dans l'espace l’espace d'un an, de seize chevaux atteints de morve ou de farcin, et surtout par la crainte de laisser dans la misère sa femme et ses enfants.
Sur le dos du pied gauche se trouve un ulcère profond, traversant presque de part en part cette partie, entre le troisième et le quatrième os métatarsien, ayant 5 cent. de longueur sur 3 cent. de largeur, et se terminant en entonnoir vers la plante du pied. Les bords de cet ulcère sont taillés à pic, un peu renversés, indurés comme dans le chancre vénérien ; le fond est mamelonné, recouvert, dans des sillons irréguliers, d'une couche blanchâtre , membraniforme , épaisse. La suppuration , abondante , souvent sanieuse, exhale une odeur ‘'sui generis'' rendue insupportable par le réduit obscur et non aéré dans lequel Lefèvre est constamment couché, et qui forme un véritable foyer d'infection.
Les faits relatés dans cette observation n'ont pas besoin de commentaires. Le lecteur en appréciera l'importance. Je dois seulement appeler son attention sur les résultats obtenus en dernier lieu par l'emploi de l'aconit, objet spécial de cet article.
[27]
(Une application nouvelle de ce médicament a été faite en 1858 par Long, professeur à l’école de médecine à Liverpool ; il l'ordonne l’ordonne contre les accès le fièvre uréthrale, en teinture à la dose de 2 grammes immédiatement après le cathétérisme; — sur trois cas il cite trois succès, — j'ai eu l'occasion de vérifier dernièrement celte assertion. Le résultat n’a pas été aussi satisfaisant que semblait me le faire espérer la relation des observations de Long ; je n’ai pu constater qu’une légère diminution dans l'intensité des phénomènes fébriles.
Signorini, en 1837, employait l’aconit contre la cystite chronique; Greding et Howschipp (1823-1825) contre l’incontinence d’urine. Le professeur Fouquier le mettait en usage contre les hydropysies. De Candolle dit qu’il est de temps immémorial employé en Suisse contre ces affections.) Greding l'a trouvé efficace dans les gonflements glandulaires. West, de Soulz, l'a proposé contre l'aménorrhée, comme si cette maladie ne devait pas offrir des différences selon les causes, l'état général du malade, celui de l'utérus, etc. (Marotte (1) préconise l'alcoolature d'aconit dans les métrorrhagies dont l'apparition coïncide avec l'étal de congestion de la période menstruelle.)
(L'ACONITINE offre dans son action les mêmes effets que l'aconit, et peut, comme alcaloïde, remplacer avantageusement les préparations de la plante elle-même. Dans les expériences sur les animaux, dans les cas d'empoisonnement, même tableau de symptômes, même marche de phénomènes, avec un degré d'intensité lié à l'énergie plus grande de l'agent. C'est à cause de l'impureté des produits qu'il employait, que Schroff a été amené à différencier l'action des deux poisons. Pour lui, l'alcaloïde serait narcotique ; l'aconit, narcotico-âcre.
Hottot et Liégeois, avec un produit complètement pur (voyez ''Préparations‘’Préparations''), ont obtenu des effets semblables, mais très-exagérés; ainsi, une dose de 1 milligr. amène déjà des manifestations physiologiques; à celle de 3 milligr., des phénomènes d'une grande intensité. Nous croyons devoir reproduire ici les conclusions du travail de Hottot et Liégeois (3) :
« L'aconitine est un poison narcotico-âcre, dont les propriétés irritantes se manifestent surtout sur les muqueuses. — L'absortion de l'aconitine par le tube digestif est plus rapide que l'absorption du curare et de la strychnine par la même voie, ce qui explique la rapidité de la mort des animaux chez lesquels les doses extrêmement petites d'aconitine ont été introduites dans l'estomac. — L'aconitine agit sur les centres nerveux, et successivement sur le bulbe, la moelle et le cerveau. — Les symptômes se traduisent dans l'ordre suivant : abolition de la respiration, de la sensibilité générale, de la sensibilité réflexe, des mouvements volontaires. — L'aconitine trouble les fonctions du coeur, en agissant sur la substance même de cet organe. — Les effets du poison sur les nerfs périphériques succèdent aux effets de poison sur les organes centraux. — L'excitabilité des filaments nerveux moteurs ou sensibles disparaît dans les fibres périphériques avant de disparaître dans les troncs nerveux. »
La question de l'influence directe de l'aconitine sur les mouvements de la pupille trouve ici sa place. Elle a été jusqu'à présent controversée; les uns (Schrotf), attestant qu'elle amenait la dilatation; les autres, avec Fleming, admettant la contraction; mettant à profit la propriété endosmotique de la cornée, Liégeois a péremptoirement démontré la réalité de la dernière opinion. Cela n'infirme n’infirme en rien la possibilité d'une dilatation, observée comme nous l'avons avancé, dans la période ultime de l'empoisonnement; encore, dans la plupart de ces cas, la pupille reste-t-elle impressionnable à la lumière vive.
L'aconitine participe des propriétés thérapeutiques de la plante, et a été employée dans les mêmes cas. Gubler(1) a présenté une véritable monographie sur son usage dans les affections congestives et douloureuses (névralgies, rhumatismes), et contre les fièvres intermittentes. Nous renvoyons à ce travail, renfermant des observations très-intéressantes, que l'étendue déjà considérable de cet article ne nous permet pas de reproduire.
Turnbull préconise l'aconitine, en frictions sur le front, dans les affections inflammatoires des membranes profondes de l'œil. Dans certains cas de surdité, le même observateur s'est s’est bien trouvé de frictions sur la face et le derrière de l'oreille l’oreille faites avec des gouttes alcooliques de vératrine, de delphine et d'aconiline; d'autres fois il les introduit dans le conduit auditif; dans ce cas, un des premiers effets est le rétablissement de la sécrétion cérumineuse, si elle a été supprimée.
Blanchet (2) a utilisé l'aconitine à l'intérieur sous forme de globules dans l'hypercousie et la paracousie. Il l’emploie dans ces cas si pénibles où les bruits bizarres prédominent, en injections dans l'oreille moyenne, à l'aide d'une sonde spéciale.