Phyllanthus brasiliensis (Pharmacopées en Guyane)
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Sommaire
Phyllanthus brasiliensis (Aubl.) Poir.
Synonymies
- Conami brasiliensis Aubl. ;
- Phyllanthus conami Swartz [1].
Noms vernaculaires
- Créole : counami [kounanmi], counami petites feuilles [kounanmi-ti-féy] [2].
- Wayãpi : —
- Palikur : sinapu wibumna.
- Portugais : conambi, conami.
Écologie, morphologie
Arbuste cultivé.
Collections de référence
Grenand 1946 ; Moretti 1025, 1046 ; Prévost 3880.
Emplois
Cet arbuste au léger feuillage est encore cultivé et apprécié comme ichtyotoxique par quelques familles créoles, notamment sur les bords de l’Orapu et de la Comté [3]. L’usage de cette plante est déjà signalé par AUBLET en 1775. Selon cet auteur, on l’appelait à cette époque conami Para ou amazone.
De nombreuses ethnies amérindiennes de Guyane semblent l’ignorer alors qu’elle est commune ailleurs en Amazonie (PRANCE, 1972). On peut donc supposer qu’elle fut introduite au cours du XVIIIe siècle et que son usage n’a pas connu un essor très important. Signalons qu’aux Antilles françaises, elle est également connue comme ichtyotoxique et reste employée sous le nom d’énivrage (FOURNET, 1978) [4]. Les counami, aussi bien Phyllanthus que Clibadium (Astéracées), sont utilisés en Guyane pour empoisonner les petits ruisseaux après avoir été battus ou broyés au pilon jusqu’à en faire une bouillie (MORETTI et GRENAND 1982). Phyllanthus brasiliensis est utilisé en macération par les Palikur pour détruire les fourmis du genre Solenopsis et les fourmis-manioc (Atta spp.). La macération est versée dans les orifices des fourmilières.
Étymologie
- Créole : counami, cf. Clibadium sylvestre et petites feuilles en raison du feuillage fin et délicat.
- Palikur : sinapu, « autre poison de pêche » (cf. Tephrosia sinapou, Papilionacées) et wibumna, « à feuilles rondes » en raison des feuilles petites et orbiculaires.
Chimie et pharmacologie
L’emploi de cette plante comme poison de pêche nous a amenés à tester ses activités ichtyotoxique et insecticide. Tous les organes se sont avérés larvicides sur Aedes aegypti (Moretti et Sauvain, com. pers.).
Comme par ailleurs cette espèce n’avait pas fait l’objet, à notre connaissance, d’études chimiques, nous en avons entrepris l’étude des principes actifs, en collaboration avec le professeur Stanislas et son équipe. Les composés ichtyotoxiques qui ont été isolés sont des lignanes, la justicidine B et la diphylline (MENSAH et al., 1983). Sur le poisson rouge Carassius auratus, l’intoxication est mortelle par infusés d’organes, dès la dose de : 0,08 g/l 000 ml pour les racines, 0,21 g/l ml pour les feuilles, 0,25 g/l ml pour les tiges.
De ces deux produits ichtyotoxiques, la justicidine B est le composé le plus toxique (DL. : 10-6 dans l’eau). L’activité insecticide, par contre est due à d’autres composés. De Phyllanthus acuminatus Vahl, a été isolé un lignane doté de remarquables propriétés antitumorales, le phyllantoside ; les essais cliniques sont menés par le National Cancer Institute.
Tests chimiques en fin d’ouvrage.
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- ↑ Phyllanthus subglomeratus Poir. et P. piscatorum Kunth utilisées également comme poison de pêche sont des espèces proches de P. brasiliensis et selon L. Gillespie (com. pers.), il se pourrait qu'elles ne forment, ainsi que Phyllanthus pseudo-conami Müll. Arg. et P. acuminatus Vahl qu'une seule et même espèce. Ces espèces sont signalées pour leur usage ichtyotoxique dans l'ensemble de l'Amérique tropicale humide (UNANDER et al., 1992).
- ↑ Pour l'origine du mot kunami, se reporter à Clibadium sylvestre, Astéracées.
- ↑ L'espèce aurait également un usage magique qui n'a pu être précisé.
- ↑ L'abandon des pratiques de pêche aux nivrées dans le nord de la Guyane conduit à la raréfaction de cette plante dont la reproduction dépend de la main de l'homme. Ses remarquables propriétés biologiques mériteraient que des mesures soient prises pour assurer la préservation de cette ressource intéressante à plus d'un titre.