Pêches et brugnons (Darwin)

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Darwin, De la variation des animaux et des plantes à l'état domestique, 1879-80
Abricotier


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Pêches et Brugnons (Amygdadus Persica). — Les autorités les plus autorisées sont presque unanimes à reconnaître qu'on n'a jamais trouvé le pêcher à l'état sauvage. Importé un peu avant l'ère chrétienne de Perse en Europe il n'en existait alors que peu de variétés. Alph. de Candolle[1] constate que le pêcher ne s'est pas répandu hors de la Perse à une époque plus reculée, et qu'il ne porte aucun nom sanscrit ou hébreu pur ; il pense donc que cet arbre ne doit pas être originaire de l'Asie occidentale, mais probablement de la Chine. L'hypothèse que la pêche serait une amande

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  1. O. C., p. 882.


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modifiée, ayant acquis ses caractères actuels à une époque relativement récente, pourrait, à ce qu'il me semble, expliquer ces faits ; en effet, la pêche lisse, qui descend de la pêche, a aussi très-peu de noms indigènes, et n'a été connue en Europe que bien plus tard encore.

André Knight[1] a obtenu en fécondant un amandier avec le pollen d'un pêcher, une plante dont les fruits ressemblaient beaucoup à des pêches ;

Fig. 42. — Noyaux de Pêches et d'Amandes, grandeur naturelle, vus de côté. — 1. Pêche anglaise commune. — 2. Pêche chinoise double, à fleurs cramoisies. — 3. Pêche-Miel chinoise. — 4. Amande anglaise. — 5. Amande de Barcelone. — 6. Amande de Malaga, — 7. Amande à coque molle. — 8. Amande de Smyrne.

ce qui le conduisit à supposer que le pêcher est un amandier modifié, opinion que partagent plusieurs auteurs[2]. Une pèche de bonne qualité,

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  1. Transact. of Hort. Soc., vol. III, p. 1, et vol. IV, p. 396, accompagné d'un dessin colorié de cet hybride.
  2. Gardener's Chronicle, 1856, p. 532. Un auteur, qui est probablement M. Lindley, fait remarquer la série parfaite qui relie l'amande et la pêche. M. Rivers, dont l'autorité et l'expérience sont incontestables (Gardener's Chronicle, 1863, p. 27), croit que les pêchers, abandonnés à eux-mêmes, finiraient par ne donner que des amandes, couvertes d'une pulpe épaisse.


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presque sphérique, pourvue d'une pulpe sucrée et fondante, enveloppant un noyau très-dur, fortement sillonné et légèrement aplati, diffère certainement beaucoup d'une amande, dont le noyau très-aplati, allongé, tendre, et à peine sillonné, est entouré d'une pulpe dure, amère et verdâtre. M. Bentham[1] a surtout insisté sur l'aplatissement remarquable de l'amande comparée au noyau de la pêche. Mais le noyau de l'amandier varie beaucoup au point de vue de la forme, de la dureté, de la grosseur, du degré de son aplatissement et de la profondeur de ses sillons, suivant les diverses variétés, comme l'indiquent les figures que je donne ci-dessus (fig. 4-8) qui représentent les différentes sortes que j'ai pu recueillir. Le degré d'allongement et d'aplatissement des noyaux de pêche (fig. 1-3), paraît aussi varier car on voit que celui de la pêche-miel de Chine (fig. 3) est plus long et plus comprimé que le noyau de l'amande de Smyrne (fig. 8). M. Rivers de Sawbridgeworth, horticulteur expérimenté, qui a bien voulu me procurer quelques-uns des échantillons ci-dessus figurés, m'a signalé plusieurs variétés qui relient le pêcher à l'amandier. Il existe en France une variété nommée la pêche-amande, que M. Rivers a cultivée autrefois, et qui est décrite dans un catalogue français comme ovale et renflée, ayant l'aspect d'une pêche, et contenant un noyau dur entouré d'une enveloppe charnue qui est quelquefois assez agréable au goût[2]. M. Luizet a attiré récemment, dans la Revue Horticole[3], l'attention sur un fait remarquable : un pêcher-amandier greffé sur un pêcher, ne porta en 1863 et 1864 que des amandes, et produisit en 1865, six pêches et point d'amandes. M. Carrière, commentant ce fait, cite le cas d'un amandier à fleurs doubles, qui, après avoir donné durant plusieurs années des amandes, produisit, pendant les deux années suivantes, des fruits sphériques charnus et semblables à des pêches, puis revint, en 1865, à son état précédent, et produisit de grosses amandes.

M. Rivers m'apprend que les pêchers chinois à fleurs doubles ressemblent aux amandiers par le mode de croissance et les fleurs ; leur fruit est très-allongé et très-aplati, la chair à la fois sucrée et amère est comestible, mais paraît être de meilleure qualité en Chine. Un pas de plus nous amène aux pêches inférieures que nous obtenons parfois par des semis. M. Rivers a, par exemple, semé des noyaux de pêches importés des États-Unis, et a obtenu ainsi quelques plantes qui produisirent des pèches très-semblables à des amandes, par leur petitesse, leur dureté et la nature de la pulpe, qui ne s'attendrissait que fort tard en automne. Van Mons[4] a aussi obtenu, en semant un noyau de pêche, un arbre qui ressemblait exactement à

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  1. Journ. of Hort. Soc., vol. IX, p. 168.
  2. Je ne sais si cette variété est la même qu'une variété récemment mentionnée par M. Carrière, dans Gardener's Chronicle, 1865, p. 1154, sous le nom de Persica intermedia, qui est, dit-on, par tous ses caractères, intermédiaire entre le pêcher et l'amandier, et produit, suivant les années, des fruits très-différents.
  3. Cité dans Gardener's Chronicle, 1866, p. 800.
  4. Journ. de la Soc. imp. d'Agriculture, 1855, p. 238.


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une plante sauvage et qui produisit des fruits analogues à l'amande. Depuis les pêches inférieures, telles que celles que nous venons de décrire, on peut trouver toutes les transitions, en passant par les pêches à noyau adhérent à la pulpe, jusqu'à nos variétés les plus fondantes et les plus savoureuses. Je crois donc que, si l'on tient compte de ces gradations, de la brusquerie de certaines variations, et de l'absence de toute forme sauvage, on peut conclure que la pêche descend de l'amande, améliorée et modifiée d'une manière étonnante.

Il est cependant un fait qui paraît contraire à cette hypothèse. Un hybride, obtenu par Knight, de l'amandier doux fécondé avec le pollen d'un pêcher, produisit des fleurs n'ayant que peu ou point de pollen, et qui donnèrent des fruits, mais apparemment sous l'action fécondante d'un pêcher lisse voisin. Un autre hybride de l'amandier doux, fécondé par le pollen d'un pêcher lisse, ne donna, pendant les trois premières années, que des fleurs incomplètes, mais ensuite elles devinrent parfaites et riches en pollen. Si on ne peut expliquer cette faible stérilité par la jeunesse des arbres (circonstance qui souvent occasionne une diminution de la fécondité), par l'état monstrueux des fleurs, ou par les conditions dans lesquelles ces plantes se sont trouvées, ces deux cas fourniraient une objection assez forte contre l'hypothèse en vertu de laquelle le pêcher descend de l'amandier.

Que le pêcher descende ou non de l'amandier, il a certainement produit le pêcher à fruits lisses. La plupart des variétés des pêchers à fruits veloutés ou à fruits lisses se reproduisent fidèlement par semis. Gallesio[1] assure qu'il a vérifié ce fait chez huit races de pêchers. M. Rivers[2] en cite des exemples frappants, et il est notoire que, dans l'Amérique du Nord, on élève constamment par semis de très-bons pêchers. La plupart des sous-variétés américaines restent constantes ; on connaît cependant un pêcher à chair adhérente au noyau, qui a produit un arbre dont le fruit était non adhérent[3]. On a remarqué, en Angleterre, que les plantes provenant de semis portent des fleurs de même grosseur et de même couleur que leurs parents. D'autres caractères, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, ne sont pas héréditaires, tels que la présence et la forme des glandes des feuilles[4]. Quant aux pêchers à fruits lisses, tant ceux à noyau adhérent que ceux à noyau non adhérent, ils se reproduisent par semis dans l'Amérique du Nord[5]. En Angleterre, la pêche lisse blanche nouvelle provient de la graine de l'ancienne variété du même nom ; M. Rivers[6] cite d'autres cas analogues. Bien que les pêchers à fruits ordinaires et à fruits lisses[7] ne présentent pas de

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  1. O. C., 1816, p. 86.
  2. Gardener's Chronicle, 1862, p. 1195.
  3. M. Rivers, Gardener's Chronicle, 1859, p. 774.
  4. Downing, Fruits of America, 1845, p. 473, 489, 492, 494, 496. — Michaux, Travels in America, p. 228. — Godron, O. C., t. II, p. 97.
  5. Brickell, Nat. Hist. of N. Carolina, p. 102. — Downing, Fruit trees, p. 503.
  6. Gardeners Chronicle, 1862, p. 1196.
  7. Le pêcher à fruit lisse et le pêcher ordinaire ne réussissent pas également bien dans le même sol. Lindley, Horticulture, p. 35l. [Le renvoi 36 de l'original semble pointer vers la note 35. La note 36 est à rattacher à la 32.]


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différences, au point qu'on ne peut même pas les distinguer les uns des autres lorsqu'ils sont jeunes, il n'est pas étonnant que la force d'hérédité qui s'observe chez les uns et chez les autres, que certaines légères différences de constitution et surtout que la différence considérable qui existe dans l'aspect et le goût de leurs fruits, aient amené quelques auteurs à les regarder comme formant deux espèces distinctes. Pour Gallesio cela ne fait aucun doute ; Alph. de Candolle lui-même ne paraît pas convaincu de leur identité spécifique, et un botaniste éminent[1] a tout récemment soutenu l'opinion que le pêcher à fruit lisse constitue probablement une espèce distincte.

Il n'est donc pas inutile de rappeler brièvement tout ce que nous savons sur l'origine du pêcher à fruit lisse. Outre l'intérêt que ces faits peuvent avoir en eux-mêmes, ils pourront nous servir dans la discussion importante sur la variation par bourgeons, dont nous aurons à nous occuper plus tard. On assure que la pêche lisse de Boston[2] a été produite par le semis d'un noyau de pêche ; ce brugnon s'est ensuite reproduit lui-même par semis. M.Rivers[3] a obtenu, en semant trois noyaux de variétés distinctes du pêcher, trois formes distinctes de pêchers à fruits lisses, et, dans un des cas, il n'y avait dans le voisinage du pêcher qui avait fourni le noyau, aucun pêcher à fruit lisse. M. Rivers a encore, dans un autre cas, obtenu d'un noyau de pêche ordinaire, un pêcher à fruit lisse, et de ce dernier, à la génération suivante, un autre pêcher à fruit lisse[4]. On m'a communiqué un grand nombre d'autres faits analogues qu'il est inutile de citer ici. M. Rivers a constaté six cas incontestables du fait inverse, la production de pêchers proprement dits, tant à noyaux adhérents que non adhérents, provenant de noyaux du pêcher à fruits lisses ; dans deux de ces cas, les pêchers à fruits lisses parents provenaient eux-mêmes de semis d'autres pêchers de la même variété[5].

Quant au cas très-curieux de pêchers adultes produisant subitement des pêches lisses, par variation de bourgeons, les exemples surabondent ; on pourrait aussi citer beaucoup d'exemples d'un même arbre produisant à la fois des pêches proprement dites et des brugnons, ou même des fruits, dont une moitié est pêche, et l'autre brugnon.

P. Collinson[6] a, en 1741, signalé le premier cas d'un pêcher produisant une pêche lisse, et il en a décrit deux autres cas en 1766. L'éditeur, Sir J. E. Smith, décrit, dans le même ouvrage, le cas plus curieux encore d'un arbre dans le Norfolk, qui produisait habituellement à la fois des pêches proprement dites et des pêches lisses ; mais, pendant deux saisons consécutives, il porta un certain nombre de fruits de nature mixte, c'est-à-dire-moitié l'un moitié l'autre.

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  1. Transact. Hort. Soc., vol. VI, p. 394.
  2. Downing, O. C., p. 502.
  3. Gardener's Chronicle, 1862, p. 1195.
  4. Journal or Hort., 1866, p. 102.
  5. Rivers, Gardener's Chronicle, 1859, p. 774 ; 1862, p. 1195 ; 1863, p. 1059, et Journ. of Hortic., 1866, p. 102.
  6. Correspondent of Linnæus, 1821, p. 7, 8, 70.


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M. Salisbury a signalé en 1808[1], six cas de pêchers qui produisirent des pêches lisses ; ils appartenaient aux variétés Alberge, Belle Chevreuse, et Royal George ; cette dernière manquait rarement de produire les deux sortes de fruits. Il cite encore un autre cas d'un fruit mixte.

On planta, en 1815, à Radford, dans le Devonshire[2], un pêcher à noyau adhérent ; après avoir d'abord produit des pêches proprement dites, il porta, en 1824, sur une seule branche, douze pêches lisses ; en 1825, la même branche produisit vingt-six pêches lisses ; et, en 1826, trente-six pêches lisses avec dix-huit pêches ordinaires. Une de celles-ci avait un côté presque aussi uni que les pêches lisses. Ces dernières étaient plus petites mais aussi foncées que la pêche Elruge.

A Beccles, un pêcher Royal-George[3] produisit un fruit, pêche pour les trois quarts et pêche lisse pour un quart, les deux portions étant tout à fait distinctes par l'apparence et le goût. La ligne de séparation était longitudinale. A 5 mètres de distance de cet arbre croissait un pêcher à fruit lisse.

Le professeur Chapman[4] a constaté, en Virginie, la présence fréquente de pêches lisses sur de très-vieux pêchers ordinaires.

Le Gardener's Chronicle[5] cite le cas d'un pêcher planté depuis quinze ans, qui produisit une pêche lisse entre deux vraies pêches ; un arbre à fruits lisses croissait dans le voisinage.

En 1844[6] un pêcher, variété Vanguard, donna parmi ses fruits ordinaires une seule pêche lisse Romaine rouge.

M. Calver[7] a élevé, aux États-Unis, un pêcher provenant de semis, qui donna comme produit un mélange de pêches proprement dites et de pêches lisses.

Près de Dorking[8], une branche de la variété Teton de Vénus, qui se reproduit exactement par semis[9], porta, outre son fruit si particulier par sa forme, une pêche lisse un peu plus petite, mais tout à fait ronde et bien conformée.

A tous ces faits relatifs à des pêchers produisant subitement des pêches lisses, ajoutons encore le cas unique qui s'est présenté à Carclew[10] : un pêcher à fruit lisse provenant de semis, planté vingt ans auparavant, et qui n'avait jamais été greffé, produisit un fruit moitié pêche veloutée et moitié pêche lisse, et ultérieurement une pêche veloutée parfaite.

Résumons les faits qui précèdent : nous avons des preuves nom-

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  1. Trans. Hort. Soc., vol. I, p. 103.
  2. Loudon, Gardener's Mag., 1826, vol. I, p. 471.
  3. Ibid., 1828, p. 53.
  4. Ibid., 1830, p. 597.
  5. Gardener's Chronicle, 1841, p. 617.
  6. Gardener's Chronicle, 1844, p. 589.
  7. Phytologist, vol. IV, p. 299.
  8. Gardener's Chronicle, 1856, p. 531.
  9. Godron, O. C., t. II, p. 97.
  10. Gardener's Chronicle, 1856, p. 531.


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breuses, que les noyaux de pêche produisent des pêchers à fruits lisses, et que les noyaux de ces derniers peuvent produire de vrais pêchers, — qu'un même arbre peut porter de vraies pêches et des pêches lisses, — que les pêchers produisent par variation de bourgeons et brusquement, des pêches lisses (celles-ci se reproduisant par semis), et même des fruits mixtes, c'est-à-dire en partie pêche veloutée et en partie pêche lisse, et qu'enfin un pêcher à fruit lisse, après avoir produit des fruits mixtes, finit par produire de vraies pêches. La pêche proprement dite ayant existé avant la pêche lisse, on devait s'attendre à ce qu'en vertu du principe du retour les pêchers à fruits lisses produisissent par variation de bourgeons ou par semis de vraies pêches, plus souvent que les pêchers ordinaires ne produiraient des pêches lisses ; cela n'est pourtant point le cas.

On a proposé deux hypothèses pour expliquer ces conversions. La première est que, dans tous les cas, les arbres parents ont dû être des hybrides[1] du pêcher proprement dit et du pêcher à fruit lisse, et sont revenus à une de leurs formes parentes pures, soit par variation de bourgeons, soit par semis. Cette hypothèse n'est pas en elle-même absolument improbable, car la pêche Mountaineer que Knight a produite en fécondant la fleur du pêcher muscade rouge, par le pollen de la pêche lisse violette hâtive[2], donne des pêches, mais qui se rapprochent quelquefois des pêches lisses par le goût et la nature de leur peau unie. Mais il importe de rappeler que, dans les faits que nous avons cités plus haut, six variétés connues de pêchers et plusieurs autres qui n'ont pas reçu de nom, ont produit tout à coup, par variation de bourgeons, des pêches lisses parfaites ; or, il serait difficile de supposer que toutes ces variétés de pêchers, qui ont été cultivés depuis bien des années, et dans une foule d'endroits, sans montrer de traces d'une parenté mélangée, pussent être néanmoins des hybrides. La seconde hypothèse consiste à admettre une action directe exercée sur le fruit du pêcher par le pollen du pêcher lisse ; mais, bien que cette action soit possible, nous n'avons pas la moindre preuve qu'une branche ayant porté des fruits directement affectés par du pollen étranger, puisse être assez profondément affectée pour produire ensuite des bourgeons qui continuent à développer des fruits de la forme nouvelle et modifiée. Or, on sait que quand un bourgeon de pêcher a une fois porté une pêche lisse, la même branche, dans plusieurs cas, a continué pendant plusieurs années consécutives, à produire des fruits de même nature. Le pêcher à fruit lisse de Carclew, d'autre part, a produit d'abord des fruits mixtes, puis subséquemment de vraies pêches. Nous pouvons donc admettre l'opinion commune, que le pêcher à fruit lisse est une variété du pêcher, provenant soit d'une variation par bourgeons, soit de semis. Nous donnerons dans le chapitre suivant plusieurs exemples analogues de variations par bourgeons. Les variétés du pêcher proprement dit et du pêcher à fruit lisse forment

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  1. Alph. de Candolle, O. C., p. 886.
  2. Thompson, dans Loudon's Encyclop. of Gardening, p. 911.


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des séries parallèles. Chez les deux catégories, les fruits diffèrent par la couleur de la pulpe qui est blanche, rouge ou jaune ; par le noyau qui est adhérent ou non à la pulpe ; par les dimensions de la fleur, et quelques autres particularités caractéristiques ; chez les deux catégories, les feuilles sont dentelées sans glandes, ou crénelées et pourvues de glandes sphériques ou réniformes[1]. Il est difficile d'expliquer ce parallélisme par la supposition que chaque variété de pêcher à fruit lisse provient d'une variété correspondante du pêcher ; car, bien que les pêchers à fruit lisse descendent de plusieurs formes de pêchers, un grand nombre d'entre eux proviennent directement de la graine d'autres pêchers à fruit lisse, et ils varient si considérablement lorsqu'on les reproduit ainsi, que l'explication n'est guère admissible.

Au commencement de l'ère chrétienne on ne connaissait que quelques variétés de pêcher, deux ou cinq[2] tout au plus ; la pêche lisse était inconnue ; depuis cette époque le nombre des variétés a considérablement augmenté. Actuellement, outre un grand nombre qu'on dit exister en Chine, Downing décrit, aux États-Unis, soixante-dix-neuf variétés de pêchers tant indigènes qu'importées ; il y a peu d'années, Lindley[3] en comptait cent soixante-quatre cultivées en Angleterre, tant pêches proprement dites que pêches lisses. J'ai déjà signalé les différences principales qui existent entre les diverses variétés. Les pêches lisses, provenant même de pêchers appartenant à des variétés distinctes, conservent toujours leur goût particulier, et sont petites et unies. Chez les pêches qui diffèrent par l'adhérence ou la non-adhérence de la pulpe au noyau, ce dernier présente des caractères spéciaux ; il est plus profondément sillonné dans les fruits fondants, chez lesquels il se détache facilement de la pulpe, et les bords de ses sillons sont plus lisses que dans les fruits à noyau adhérent. Chez quelques variétés les fleurs varient, non-seulement de grosseur, mais les pétales affectent une forme différente chez les fleurs plus grandes, et sont plus imbriqués, généralement rouges au centre et pâles vers les bords, tandis que chez les fleurs plus petites, les bords des pétales sont généralement plus foncés. Une variété a des fleurs presque blanches. Les feuilles sont plus ou moins dentelées, et tantôt ont des glandes sphériques ou réniformes, tantôt en sont dépourvues[4] ; chez quelques pêchers, comme le Brugnen, on trouve sur le même arbre des glandes sphériques et d'autres réniformes[5]. D'après Robertson[6], les arbres à feuilles glandulées sont fréquemment pustulés, mais peu sujets au blanc, tandis que les arbres dépourvus de glandes sont plus exposés au blanc et aux pucerons. Les variétés diffèrent par l'époque

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  1. Catalogue of fruit in Garden of Hort. Soc., 1842, p. 105.
  2. Dr Targioni-Tozzetti, Journ. Hort. Soc., IX, p. 167. Alph. de Candolle. O. C., p. 885.
  3. Trans. Hort. Soc., vol. V, p. 554.
  4. Loudon's Encyc. of Gardening, p. 907.
  5. M. Carrière, Gard. Chron., 1865, p. 1154.
  6. Trans. Hort. Soc., vol. III, p. 332. — Gardener's Chron., 1865, p. 271. — Journ. of Hort., 1865, p. 254.


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de la maturité du fruit, par la facilité de conservation du fruit et par leur rusticité, point auquel, aux États-Unis surtout, on attache une grande importance. Certaines variétés, la Bellegarde par exemple, résistent mieux que d'autres à la culture intensive en serre chaude. La pêche plate de la Chine est la plus remarquable de toutes ; elle est si fortement déprimée au sommet, qu'en ce point le noyau n'est recouvert que d'une pellicule rugueuse, sans pulpe interposée[1] 61. Une autre variété chinoise, la Pêche-miel, est remarquable par la forme du fruit qui se termine par une longue pointe aiguë ; ses feuilles ne portent pas de glandes et elles sont largement dentelées[2] 62. Une troisième variété singulière, le pêcher Empereur de Russie, a les feuilles doublement et profondément dentelées ; le fruit est divisé eu deux parties inégales, dont l'une l'emporte considérablement sur l'autre ; cette variété a pris naissance en Amérique, et ses rejetons, produits par semis, héritent de ses feuilles[3] 63.

On cultive en Chine une certaine variété de pêchers estimés comme plantes d'ornement ; ces petits arbustes portent des fleurs doubles ; on en connaît actuellement en Angleterre cinq variétés, dont les fleurs varient du blanc pur, au rouge vif, passant par le rose. L'une d'elles, dite à fleurs de camélias, porte des fleurs ayant plus de 57 millimètres de diamètre, tandis que chez les variétés à fruits, le diamètre des fleurs ne dépasse jamais 32 millimètres. Les fleurs des pêchers à fleurs doubles ont la propriété singulière de produire des fruits souvent doubles ou triples[4] 65. En somme, il y a de bonnes raisons pour croire que la pêche est une amande profondément modifiée, mais, quelle qu'ait pu être son origine, il est certain que, pendant les dix-huit derniers siècles, elle a engendré bien des variétés, dont quelques-unes appartenant tant à la forme des pêches ordinaires qu'à celle des pêches lisses, sont nettement et fortement caractérisées.

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  1. Trans. Hort. Soc., vol. IV, p. 512.
  2. Journ. of Horticul., 1853, p. 188.
  3. Trans. Hort. Soc., vol. VI, p. 412.
  4. Journ. of Hort. Soc., vol. II, p. 283.
? Gardener's Chron., 1857, p. 216. [Cette note ne correspond à aucun appel de note, et se situe entre la 3 et la 4.