Oronge (fausse) (Cazin 1868)
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Nom accepté : Amanita muscaria
Amanita muscaria. Pers. — Agaricus pseudo-aurantiacus. Bull.
Agaric mouche, — agaric moucheté, — agaric aux mouches.
CHAMPIGNONS. — AGARICINÉS. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L.
Ce champignon, qui appartient au genre amanite, habite nos bois ou il est très-répandu.
Description. — La fausse oronge ressemble au premier abord à l’amanita aurantiaca ou cæsarea (amanite orange, — dorade, — endroguez, — jaune d œuf, jaserand, — cadran, — oumegal, etc.) — espèce très-abondante dans nos bois du Midi, que l'on fait sécher dans le Périgord pour l'usage alimentaire, et avec laquelle il est important de ne pas la confondre. C'est pour cela que nous donnons la description comparée de ces deux champignons.
(vénéneuse). Chapeau : Globuleux, couvert d'une pellicule épaisse, glutineuse, rouge ou orangé rouge, recouverte de la volve, circoncisée de bonne heure, séparée en verrues blanches. |
(comestible). Chapeau : Très-convexe, couvert d'une pellicule douce, peu adhérente, non visqueuse, jaune ou orangé jaune. |
Ces caractères distinctifs sont d'autant plus importants que l'on se tromperait grandement si on s'attachait seulement à la coloration, que la pluie modifie plus on moins.
La fausse oronge présente trois autres variétés qui se distinguent par la couleur du chapeau : l’A. m. formosa, jaune citrin, à verrues farineuses teintées de jaune, fugaces ; regalis, foncé, quelquefois marron ; umbrina, jaune livide.
La fausse oronge a les spores ovales, résistantes, grosses, avec un apicule dirigé de côté ; elles mesurent 0mm.01 à 0mm.015 sur 0mm.008 à 0mm.0085 de largeur (Bertillon)[1].
Parties usitées. — Toute la plante ; suivant certains auteurs, la base du pédicule.
Récolte, préparations. — On récolte ce champignon à l'entrée de l'automne, époque où il croît ; on le coupe par tranches, on l'enfile pour le faire sécher au soleil ou au four, on le pulvérise ensuite et on le conserve dans un flacon bien bouché et placé dans un endroit sec. — On en a préparé aussi une teinture alcoolique.
(Propriétés physiques et chimiques. — La fausse oronge a une odeur peu marquée, une saveur salée.)
Letellier[2] y a découvert, ainsi que dans quelques espèces voisines, une substance particulière qu'il appelle amanitine, et dans laquelle résiderait, selon lui, le principe vénéneux de ce champignon. Cette matière, dont l'alcalinité est encore incertaine, existerait, combinée avec le fungate de potasse, dans les champignons.
(Reveil[3] trouve dans l’A. muscaria trois principes toxiques différents : 1° un principe volatil, odorant, très-fugace obtenu par la distillation aqueuse. Cette eau distillée peut être préparée en distillant 1 partie de champignon avec 2 parties d'eau, par trois fois, afin d'avoir pour résultat 1 partie d'eau distillée. Elle est transparente, neutre ; au bout de quinze jours elle est inerte ; 2° un principe extractif, soluble dans l'eau, se rapprochant de l'amanitine de Letellier ; 3" un principe résineux, soluble dans l'alcool, insolubie dans l'eau quand il est pur, mais pouvant s'y dissoudre à l'aide des matières extractives.
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- ↑ Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. III, p. 505.
- ↑ Essai sur les propriétés chimiques et toxiques du poison des agarics à volve. Paris, 1826. Thèse.
- ↑ Mémoire couronné par l'Académie de médecine, 1865.
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La dessiccation et la cuisson diminuent le degré d'énergie toxique de l'amanite. La cuisson prolongée dans l'eau salée ou le vinaigre rend les champignons vénéneux inoffensifs mais aussi les espèces comestibles insipides et indigestes.
Il n'y a rien de vrai dans la vertu de certains indicateurs (cuiller d'argent, etc.) de l'innocuité des champignons. La connaissance exacte de leurs caractères doit être seule invoquée pour arriver à une sécurité complète.)
(La fausse oronge est très-vénéneuse, et d'autant plus dangereuse que l'odeur nauséabonde, le goût âcre et repoussant des autres champignons nuisibles indiquent leurs qualités délétères, tandis qu'ici, suivant l'expression pittoresque de Bertillon, ces garde-fous font défaut. L'intensité d'action tonique est d'autant plus grande que le champignon est plus âgé ; de ses différentes parties, le stipe et le chapeau sont les plus actives ; les lames n'arrivent qu'en troisième ligne (Reveil). Ces différences, quant à l'âge et aux parties employées, jointes à certaines circonstances de préparation, etc., expliquent peut-être les cas d'innocuité publiés par Bulliard, Mérat et d'autres.
ACTION SUR LES ANIMAUX. — La fausse oronge est vénéneuse pour les mammifères, les oiseaux, les grenouilles, les serpents et les poissons ; les limaces l'entament sans danger. On assure que la décoction laiteuse tue les mouches. Reveil donne 2 gr. de chair d’A. muscaria à des moineaux qui meurent dans un espace de temps qui varie entre trente-neuf et soixante-deux minutes. Les chiens et les chats meurent, suivant Bulliard, s'ils en ont ingéré une certaine quantité, en six ou huit heures. Dans la plupart des cas, on observe une irritation violente des voies digestives et en même temps des phénomènes de narcotisme ; mais tantôt ce sont les premiers symptômes qui prédominent, tantôt ce sont les seconds, tantôt la pupille est dilatée, tantôt elle serait rétrécie. Comme Claude Bernard l'a fait pour l'opium, Reveil a étudié isolément les différents principes de la fausse oronge, et il a pu ainsi se rendre compte de ces irrégularités d'action, suivant que l'un de ces principes agissait plus que l'autre :
1° Eau distillée. —- 2 gr. injectés sous la peau d'une grenouille l'ont fait périr en trente-huit minutes, 2 gr. en sept minutes ; 60 gr. ont déterminé la mort d'un cabiai en quatre-vingt-dix-huit minutes ; 40 gr. celle d'un lapin en quinze minutes. Elle détermine des vertiges, des tremblements, puis une paralysie portant plus sur les nerfs sensitifs que les moteurs qui ne sont affectés que d'une façon apparente (puisque chez les grenouilles ils répondent à l'excitation galvanique) ; un ralentissement progressif du pouls, la dilatation de la pupille, le coma, la mort ; à l'autopsie, congestion du péricarde et des méninges, turgescence des vaisseaux de l'encéphale, et même épanchement sanguinolent.
2° Extrait sec. - 2 gr. (quantité répondant à 300 gr. de champignon frais), délayés dans l'eau et injectés dans la région inguinale d'un chien de 5 kilogr., ont produit une respiration haletante, l'augmentation des pulsations artérielles (126 à 146), des vertiges et la titubation ; une heure et demie après l'injection, contraction pupillaire, coma ; trois heures après, le pouls tombe à 80, état qui dure jusqu'à la douzième heure ; au bout de dix-huit heures, le coma diminue, et l'animal se rétablit au bout de quarante-huit heures.
3° Principe résineux. — 12 gr. d'extrait alcoolique de muscaria sont administrés à un chien qui, le deuxième jour, meurt après avoir éprouvé des évacuations fréquentes, sans désordres nerveux marqués ; à l'autopsie, on rencontre une phlegmasie intestinale des plus intenses.
Ainsi, trois principes : le premier agissant comme les narcotico-âcres, le deuxième comme sédatif du cœur et narcotique, le troisième comme irritant du tube digestif.
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CHEZ L'HOMME. — Ici le tableau change peu : à petites doses, la fausse oronge a des effets enivrants, fort bien décrits par Krachinonimkov[1] ; il rapporte, et ces détails sont confirmés par Langsdorf[2], que les habitants du Kamtschatka coupent l’amanita muscaria en petits morceaux qu'ils font sécher pour la conserver ; ils en préparent aussi avec le suc du vaccinium uliginosum, ou en les faisant infuser avec les feuilles d'une espèce d’epilobium, une boisson dont ils se servent au lieu de vin. Quand ils ont bu de ces liqueurs ou mangé le champignon sec, il se manifeste chez eux une ivresse particulière, dans laquelle les facultés intellectuelles sont anéanties ; il survient des tremblements, des soubresauts dans les tendons, quelquefois des convulsions. Les uns sont gais, chantent ou sautent ; les autres, au contraire, sont tristes et abattus. Le plus souvent, les forces musculaires paraissent considérablement augmentées ; puis, les malades tombent, le sommeil s'en empare, calme cette étrange exaltation, et bientôt ils se réveillent dans leur état naturel ; quelques-uns même prolongent ce triste état par des libations successives. On a observé qu'il survient quelquefois des vomissements, mais l'ivresse n'en est pas diminuée. L'urine de ceux qui se sont ainsi enivrés jouit des mêmes propriétés que le champignon ; aussi voit-on les indigents rechercher celle des personnes riches, afin d'y puiser cette ivresse. Langsdorf fait observer que ceux qui s'adonnent habituellement à ce genre de crapule finissent par devenir fous.
A dose élevée, l'agaric moucheté cause des empoisonnements que l'imprudence rend trop fréquents, surtout dans le Midi. L'effet délétère se fait assez souvent longtemps attendre après l'ingestion et ne se produit que 10 à 15 heures après le repas. Les jeunes sujets sont frappés les premiers. Il est fréquent de voir mourir ainsi successivement une famille tout entière.
Cet effet se porte tout d'abord sur le tube digestif ; nausées, coliques atroces, déjections abondantes, glaireuses, bientôt sanguinolentes ; puis, secondairement, excitation, ivresse, vertiges, tremblements, titubation, respiration haletante, irrégularité des mouvements du coeur, quelquefois syncope, pupille dilatée ou contractée (suivant, comme nous l'avons dit, la prédominance d'action d'un des principes), trouble de la vue, perte de l'intelligence, délire gai ou maniaque, pâleur, sueur froide, ralentissement considérable du pouls, coma et mort. On voit que ces symptômes sont, pour ainsi dire, calqués sur ceux que l'on peut faire naître à volonté par l'expérimentation sur les animaux ; à l'autopsie, même similitude d'observations. Les sinus et les artères de la base sont distendus par le sang ; l'arachnoïde et la pie-mère sont congestionnées; ce tissu du cerveau est rouge dans un cas rapporté par Christison[3] ; on a trouvé même un caillot sanguin dans le cervelet.
On doit traiter l'empoisonnement au début par les vomitifs ; puis faire boire de l'eau acidulée et salée ; aucun neutralisant absolu n'a donné jusqu'à présent de résultat favorable. Bertillon[4] recommande les inhalations d'oxygène pour s'opposer à l'arrêt de l'hématose, et les diurétiques pour faciliter l'expulsion du poison.
Briand et Chaudé, dans leur Traité de médecine légale, disent qu'aucune recherche ne peut faire reconnaître l'empoisonnement par les champignons. Cependant on pourrait retrouver les spores de certains d'entre eux ; celles de l’A. muscaria résistent à l'action des sucs digestifs et ont été observées et reconnues dans les déjections. (Voyez Description, p. 718).
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- ↑ Effets toxiques de l'agaricus muscarius. Lemgo, 1776, in-4° (en russe).
- ↑ Dissertation sur l'agaricus muscarius.
- ↑ On poisons, p. 777.
- ↑ Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. III, p. 510.
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Nous rapprocherons de l’A. muscaria, comme composition et mode d'action, les A. phalloïdes, amanite bulbeuse ; A. virosa et A. pantherina.)
L'étude physiologique de la fausse oronge fait présager qu'on pourrait en tirer un grand parti en thérapeutique. L'extrême énergie de son action doit et a dû inspirer des craintes. Cependant Murray[1] dit l'avoir prescrite avec succès dans l'épilepsie, soit comme curatif, soit comme atténuatif des accès, dans les convulsions, à la dose de 60 centigr. à 2gr. en poudre dans un véhicule approprié. Reinhardt[2] en a fait une teinture qu'il dit efficace dans les toux opiniâtres, avec expectoration muqueuse, seule ou combinée avec le charbon en poudre, à la dose de 30 à 40 gouttes, quatre fois par jour dans un peu de tisane. Le même auteur l'emploie aussi comme moyen curatif puissant de la teigne et des maladies squameuses cutanées. Potel[3] a conseillé comme un bon moyen de panser les ulcères cancéreux, la poudre de ce champignon, déjà indiquée par Murray contre les tumeurs dures, glanduleuses, les fistules.
(Letellier, qui a, dans ces derniers temps, repris ses travaux sur l'AMANITINE, a noté chez les animaux qui en avaient ingéré des symptômes analogues à ceux obtenus avec la narcéine. Il est d'avis qu'on pourrait avantageusement essayer l'amanitine dans les cas où l'opium est indiqué[4].
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