Orchis (Cazin 1868)

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Oranger
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Oreille de Judas
PLANCHE XXVIII : 1. Nummulaire. 2. Œnanthe. 3. Orchis. 4. Origan. 5. Orpin.


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Nom accepté : Orchis mascula


ORCHIS MALE. Orchis mascula. L.

Orchis morio mas foliis maculatis. C. Bauh. — Orchis major, tota purpurea maculoso folio. J. Bauh. — Cynosorchis morio mas. Ger.

Testicule de chien, — patte de loup, — salep français.

ORCHIDÉES. Fam. nat. — GYNANDRIE DIANDRIE. L.


L'orchis mâle, plante vivace (Pl. XXVIII) croît dans les bois et dans les prairies humides de toute l'Europe, avec plusieurs autres belles espèces d'orchis.

Description. - Racine composée de deux tubercules charnus, ovales, allongés, inégaux, surmontés de plusieurs fibres radicales simples. — Tige droite, simple, glabre, cylindrique, nue dans la partie supérieure. — Feuilles alternes, oblongues, engainantes,


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luisantes, d'un vert clair, quelquefois parsemées de taches noires réunies à la hase de la tige. — Fleurs purpurines disposées en un bel épi terminal, de 10 à 12 centimètres de longueur (avril-mai). — Point de calice. — Corolle divisée en six pétales, donl trois extérieurs tenant lieu de calice ; deux intérieurs souvent réunis en voûte, le sixième inférieur en lèvre pendante, quadrilobée au limbe, à éperon obtus. — Fruits à trois côtes, contenant de très-petites graines assez semblables à de la sciure de bois.

Parties usitées. — Les tubercules.

Récolte. — Tous les orchis d'Europe (Orchis militaris. — Orchis bifolia, orchis latifolia. — Orchis morio. — Orchis maculata, etc.) peuvent remplacer le salep de Perse.

Parmi ces espèces récoltées en juin, ou mieux, suivant Beissenhertz, de Munich en juillet, lorsque la fleur et la tige meurent, on choisit les bulbes les plus beaux, on les dépouille de leurs fibres et de leur enveloppe, on les lave à l'eau froide, on les essuie et on les fait tremper pendant quelques minutes dans l'eau bouillante ; on les égoutte, on les enfile en manière de chapelet, et on les expose au soleil, où elles acquièrent une consistance cornée. Autre procédé : après avoir lavé et essuyé les bulbes, on les place sur des plateaux de fer-blanc ou sur une claie couverte de papier, qu'on place dans un four médiocrement chaud, et qu'on a soin de retirer lorsqu'elles ont acquis une certaine transparence. Dans cet état, on les réduit aisément en poudre, et on en obtient une farine aussi blanche et aussi pure que le salep qu'on fait venir à grands frais de la Perse et de la Turquie. Geoffroy[1] obtint de nos orchis un salep tout à fait semblable à celui de Perse. Depuis, Retzius, Moult, Coste et Wilmet, Bodart, Wauters, Burtin, Desbois, de Rochefort, ont obtenu les mêmes résultats. « J'en ai vu faire à Edimbourg, dit Cullen, en parlant de la farine de salep, qui était aussi pure et aussi parfaite que celle qui nous vient de Turquie. Le commerce, dit Fée[2], tirait autrefois le salep de la Perse, et même encore aujourd'hui, que la France nous le fournit, on ne manque guère de lui donner la Perse pour patrie. Il serait bien temps de revenir à des idées plus saines et de se persuader que nos productions indigènes valent, dans le plus grand nombre de cas, les productions exotiques[3]. »

Un homme peut en une journée récolter 6 kilogr. de bulbes, qui, par la dessiccation, se réduisent à 2 kilogr.

[Culture. — On ne parvient à cultiver ces plantes dans les jardins qu'en les plaçant dans la terre et à l'exposition qu'elles trouvent dans les bois et dans les prés ; on peut espérer les réussir en les plaçant à l'ombre, en les couvrant de mousse et en semant entre elles du ray-grass que l'on arrose souvent.]

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Les tubercules des orchis offrent une légère odeur hircine, surtout quand ils sont réduits en poudre. D'après les recherches de Berzélius et de Lindlay, le salep n'est pas le la fécule, mais de la bassorine, de la véritable gomme adragante. Il y a toujours un peu de fécule que l'iode colore en bleu ; mais c'est la partie de beaucoup la moins abondante, et elle est emportée en grande partie par l'immersion des tubercules dans l'eau bouillante pour leur préparation. II existe en outre dans le salep, du sel marin, du phosphate de chaux. Quelques teinturiers font usage du salep au lieu de gomme arabique, pour lustrer les étoffes. Il y a des pays où l'on mange les tubercules des orchis sans aucune préparation. Péron[4] rapporte qu'à la terre de Lewin, les naturels ont pour toute nourriture les bulbes des orchis, dont ils sont très-avides. On pourrait en user de même nos campagnes en temps de disette. On laisse perdre chaque année sur la surface de la France une immense quantité de ces tubercules nourrissants.

Pour les mettre en poudre, il faut les humecter un peu ; sans cela leur substance cornée permettrait difficilement de les y réduire. Pulvérisé, le salep se dissout dans l'eau dans la proportion de 60 parties d'eau pour une de cette substance.

Le salep préparé s'emploie comme aliment en gelée, soit avec le bouillon,

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  1. Mémoires de l'Académie des sciences, 1740.
  2. Cours d'histoire naturelle pharmaceutique, t. I, p. 366.
  3. Toutes les préparations analeptiques que l'industrialisme fait approuver et vendre à ce bon public, sous des noms burlesques qu'on est allé chercher chez les Arabes, chez les disciples de Mahomet, ne sont que des mélanges de farine de nos céréales, de sagou, de salep, de fécule de pomme de terre, de farine de lentille, de glands, de marrons, etc. — Qui decipi vult, decipiatur.
  4. Voyage aux terres australes, p. 81.


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soit avec l'eau ou le lait. On en met dans le chocolat, on en fait des pâtes etc., en y ajoutant du sucre et des aromates, suivant l'indication. Cet aliment, adoucissant et restaurant, convient dans les irritations de poitrine, la phthisie, l'hémoptysie, la fièvre hectique, le marasme, l'épuisement produit par l'abus des plaisirs vénériens, par de grands travaux, par une diète prolongée ; dans la convalescence, l'irritation des voies digestives, l'extrême susceptibilité de l'estomac, la néphrite, la cystite, etc., la diarrhée et la dysenterie chroniques, etc. La décoction (4 gr. sur 500 gr. d'eau) de salep en boisson est indiquée dans les mêmes cas. Dumas[1] recommande la mixture suivante, contre l'hémoptysie opiniâtre : salep, 15 gr., mucilage de gomme arabique, 8 gr. Faites bouillir pendant un quart d'heure dans un vase avec 750 gr. d'eau de rivière ou de fontaine ; ajoutez à la colature 30 gr. de sirop de pavot blanc. On en donne une petite tasse toutes les trois heures, et dans les intervalles quelques cuillerées de suc d'ortie blanche, avec le sirop de grande consoude.

La solution aqueuse de salep communique en peu d'heures, au linge qui en est imbibé, une raideur analogue à celle produite par la gomme arabique, ou mieux la gomme adragante ; ce qui s'accorde parfaitement avec l'opinion de Berzélius et de Lindlay, qui considèrent cette substance comme une véritable gomme ; c'est ce qui nous porte à croire que le salep pourrait être substitué avec avantage à l'amidon et à la dextrine dans la confection du bandage pour les fractures (Dubois, de Tournai). »

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  1. Consult. et ohserv. de méd., p. 176.