Mousse (Cazin 1868)
Sommaire
[656]
Mousse
La mousse (muscus vulgarissimus) comprend plusieurs espèces, telles oue les hypnum, le sphagnum palustre, arboreum, etc.
L'odeur et la saveur de quelques mousses portent à croire qu'elles sont légèrement astringentes. (Matthiole en recommandait l'infusion vineuse dans la diarrhée.) On prétend que la poudre de mousse est hémostatique, ce que l'on a, dit-on, appris des ours, qui, étant blessés, arrêtent le sang avec cette plante. Ce qui est mieux constaté, c'est que l'ours a appris aux Lapons à enlever avec adresse les larges plaques du polytricum commune pour s'en faire un lit et se préserver ainsi du froid pendant la nuit. Les pauvres, dans quelques contrées de la France, font des sommiers de mousse qui ont plusieurs avantages sur les paillasses. Les souris, les puces et les punaises n'y séjournent pas comme dans la paille. On choisit la mousse la plus douce, la plus longue, aux mois d'août et de septembre ; on la fait sécher à l'ombre ; on la bat sur des claies pour en détacher toute la terre. Ces couchettes rustiques, qui tiennent lieu de matelas aux gens de la campagne, et qu'on bat de temps en temps pour leur rendre leur première épaisseur, peuvent durer au moins vingt ans. Le sommeil, qui fuit si souvent les lits de plume et de duvet préparés par le luxe et la mollesse, s'abat avec délices sur la mousse, qu'il arrose du suc le plus pur de ses pavots.
Non-seulement j'ai fait faire des coussins de mousse pour placer sous des membres blessés, mais j'ai encore employé cette substance, à défaut d'autre, pour servir de remplissage dans le traitement des fractures. Quand on ne peut trouver ce que l'on désire, il faut savoir se servir de ce que l'on trouve. Je fus appelé, dans le cours de mes visites à la campagne, chez un indigent habitant une chaumière isolée, et dont le fils âgé de douze ans venait de tomber du haut d'un arbre et de se fracturer complètement la jambe droite à sa partie moyenne. Je n'avais à ma disposition ni linge ni attelles. Après la réduction de la fracture, des morceaux de bois de la grosseur du petit doigt, rangés à côté les uns des autres, fixés à leurs extrémités au moyen d'une ficelle, garnis ensuite de mousse au-dedans, appliqués autour du membre et maintenus par deux jarretières de laine, composèrent tout l'appareil. Je n'en employai pas d'autre pendant les trente jours que dura le traitement, et le malade guérit tout aussi bien et sans autant de gêne qu'avec le bandage classique.
Lorsque, dans certains cas, le poids des cataplasmes incommode le malade, comme, par exemple, dans les inflammations des viscères abdominaux, je remplace ces derniers avec la mousse, que j'imbibe de décoction émolliente, et que je fais arroser de temps en temps.
J'ai vu, chez un campagnard âgé de cinquante ans environ, un ulcère très-douloureux, calleux, enflammé, occupant, à la partie interne et moyenne de la jambe gauche, une étendue d'environ 5 centimètres, et contre lequel on avait inutilement employé divers moyens pendant plusieurs années, guérir dans l'espace d'un été en lui faisant recevoir l'eau tombant d'une fontaine, et en le recouvrant de mousse continuellement humectée de cette même eau. La douche était de la durée de deux heures chaque jou.
Mousse de Corse
Nom accepté : Alsidium helminthochorton
Ce fucus croît sur les côtes de l'île de Corse, sur celles de Sardaigne et de la Méditerranée. La substance que l'on trouve chez les pharmaciens, sous
[657]
le nom de mousse de Corse, ne contient, tout au plus, qu'un tiers de fucus helminthocorton ; le reste se compose, suivant Decandolle, d'environ vingt-cinq espèces d'algues [parmi lesquelles domine le gigartinia helminthocorton (Lamk). On y trouve encore les fucus purpureus et plumosus, la corallina officinalis, la conferva saniculata, etc.]. Ce mélange, qu'il ne faut pas confondre avec la coralline blanche (corallina officinalis), dont les propriétés sont presque nulles, a une odeur saumâtre et désagréable.
Description. — Le fucus helminthocorton, qui domine dans la mousse de mer, a pour base une petite callosité épaisse et dure d'où s'élèvent plusieurs tiges grêles, cylindriques, presque capillaires, longues de 3 à 5 centimètres, entremêlées les unes dans les autres, d'une consistance cornée, d'un jaune pâle, quelquefois d'un gris rougeâtre ou un peu violet ; se divisant en trois ou quatre rameaux redressés, simples, alternes, presque sétacés ; quelquefois se ramifiant en une dichotomie irrégulière, finement aiguë au sommet.
Parties usitées. — Toute la plante.
Récolte. — On fait la récolte de la mousse de mer en raclant les rochers maritimes, sur lesquels elle croît.
Propriétés chimiques. — La mousse de Corse a une odeur de marécage à l'état frais, et une odeur d'éponge à l'état sec ; sa saveur est amère, salée et nauséabonde. — Selon une analyse de Bouvier[1], elle contient, sur 1,000 parties, 600 de gélatine, 110 de fibres végétales, du sulfate de chaux ; du muriate de soude, du carbonate de chaux, du phosphate de chaux, des parties de fer, de silice, de magnésie. Gaultier de Claubry[2] y a constaté la présence de l'iode.
A L'INTÉRIEUR. — Décoction, de 6 à 15 gr. pour 150 à, 200 gr. d'eau bouillante ou de lait. |
Sirop (1 sur 2 d'eau tiède et 6 de sucre), de 30 à 100 gr., en potion. |
La mousse de mer, dont l'emploi comme vermifuge est très-ancien, fut surtout préconisée en 1775 par Dimo Stephano Poli[3] ; elle est maintenant connue de toutes les mères comme le moyen le plus doux et le plus approprié aux organes digestifs des enfants, pour tuer les vers lombrics. On peut en faire usage dans les fièvres vermineuses, lors même qu'il y a irritation de l'estomac ou des intestins.
Napoléon, lors de son exil à Sainte-Hélène, fit connaître à ses médecins l'usage tout à fait populaire, en Corse, de la mousse de mer contre les squirrhes et le cancer non ulcéré. Faar dit en avoir obtenu des résultats satisfaisants dans les dégénérescences squirrheuses des glandes ; il l'administre en décoction (32 gr. pour 1 kilogr. d'eau), à la dose de 3 ou 4 verres par jour. L'effet favorable du médicament est indiqué par la coloration en vert des excréments, qui sont accompagnés d'une quantité notable de lymphe coagulable. Malgré le peu de confiance qu'inspirent de telles assertions, il serait bon de répéter ces essais. Entre le sceptique et le désolant anatomo-pathologiste, qui abandonne ses malades, et le thérapeutiste qui les console et tâche de les guérir, lors même qu'ils sont regardés comme incurables, il n'y a point à balancer pour le choix. Le premier voit toujours dans le malade des lésions organiques telles que le cadavre les lui a montrées, sans songer que ces résultats des progrès du mal n'ont pas toujours existé, et qu'il eût peut-être été possible de les prévenir ; le second ne se fait pas illusion sur la nature de la maladie, mais il remplit avec prudence les indications qui se présentent, agit toujours, tente tous les moyens possibles,
____________________
[658]
et réussit quelquefois : In desperatis satius est anceps remedium, quam nullum (Celse).
Il est à croire que c'est à l'iode qu'elle doit la propriété fondante dont nous venons de parler.