Momordique (Cazin 1868)
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Nom accepté : Ecballium elaterium
Cucumis sylvestris asininus dictus. C. Bauh. — Ecbalium elaterium. Rich.
Momordique élastique, — momordique piquante, — momordique purgative, — élatérion, - concombre d'âne, — gôlante, — pomme de merveille.
CUCURBITACÉES. Fam. nat. — MONŒCIE MONADELPHIE. L.
Cette plante vivace croît spontanément aux lieux stériles et pierreux des contrées méridionales de la France. On la cultive dans les jardins plutôt à cause de la singulière élasticité de ses fruits que pour l'usage médical.
Description. — Racine épaisse, longue d'environ 30 centimètres, fibreuse, charnue, blanche. ~ Tiges tendres, succulentes, hispides, couchées sur terre, sans vrilles, bractées subulées. — Feuilles cordiformes, anguleuses, crépues, rudes au toucher. — Fleurs mâles et fleurs femelles sur le même pied, jaunâtres, veinées de vert. — Calice à cinq divisions. — Corolle à cinq divisions, monopétaie, campaniforme, très-évasée, adhérente au calice. — Fleurs femelles : pistil trifide (juin-juillet). — Fruit : petite pomme ovale, de la grosseur d'une noix verte, hispide, se détachant au moindre contact et lançant avec force ses graines aplaties et luisantes.
Parties usitées. — Le suc des fruits et la racine.
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Récolte. — Les fruits se cueillent en automne, un peu avant leur maturité, et la racine à la même époque ou au printemps. Cette dernière ressemble un peu à la racine de bryone, mais elle est moins grosse : on les donne quelquefois l'une pour l'autre dans le commerce.
[Culture. — Le concombre d'âne se propage par semis faits au printemps dans un terrain sec et rocailleux.]
Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties du concombre sauvage ont une saveur amère très-désagréable. Le suc qu'on obtient des fruits, substance extrêmement amère et âcre, connue sous le nom d’élatérium, contient un principe actif que Morries en a retiré et auquel il a donné le nom d’élatérine. Outre ce principe, l'élatérium contient, d'après Braconnot et Paris, une matière amylacée, de l'extractif non purgatif, de l'albumine végétale et quelques sels.— (L'élatérine (C20 H14 O5) est blanche, fixe, formée de cristaux satinés, légèrement striés, prismatiques à base rhomboïdale, amère et styptique, insoluble dans l'eau et les alcalis, soluble dans l'alcool, les acides faibles, l'éther et les huiles, fusible un peu au-dessous de 100 degrés, dégageant à une forte chaleur une odeur ammoniacale.) — Paris paraît avoir obtenu la même substance à l'état impur, snus le nom d’élatine. Elle avait la forme d'une matière résineuse, molle, verte, très-purgative.
A L'INTÉRIEUR. — Extrait. |
administré. Dioscorides en donne 5 à 10 grains (25 à 50 centigr.), Fernel va jusqu'à 20 grains (1 gr.), Boerhaave se contente de 4 grains (20 centigr.), et Sydenham de 2 gr. 10 centigr. Ces différences ne peuvent s'expliquer que par
la différence des préparations. |
Le concombre sauvage est un purgatif drastique qui, donné à haute dose(8 à 12 gr.), devient un poison dont l'action est analogue à celle de la bryone, de la coloquinte, etc. Cette action se porte particulièrement sur le rectum, qu'on trouve enflammé, soit que l'élatérium ait été introduit dans l'estomac, soit qu'il ait été appliqué sur le tissu cellulaire d'un membre. C'est à son absorption et à la lésion du système nerveux qu'il faut attribuer la mort (Voyez pour le traitement celui indiqué à l'article BRYONE, p. 217.)
A dose thérapeutique cette plante a été vantée dans les hydropisies passives, les engorgements atoniques des viscères, les affections comateuses, la leucorrhée, l'aménorrhée, les maladies cutanées chroniques, les affections vermineuses, etc.
Les anciens faisaient un grand usage de l'élatérium comme purgatif énergique et l'employaient surtout dans les hydropisies. Sydenham le regardait comme le plus puissant des hydragogues. Lister, Bontius, Heurnius, Mercurialis, Schulze, et une foule d'autres auteurs, ont également préconisé ce médicament dans les collections séreuses, maladies contre lesquelles on lui attribuait une action particulière. Vaidy[1] regrette beaucoup qu'on n'en fasse plus usage; il est persuadé qu'on pourrait l'employer avec avantage
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- ↑ Dictionnaires des sciences médicales, t. II, p. 260.
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danste hydropisies froides à la dose de 5 à 15 centigr., deux ou trois fois par jour, en l'associant à une substance aromatique.
Dans les hydropisies qui accompagnent les maladies du cœur, et dans la néphrite albumineuse, la thérapeutique ne possède aucun médicament aussi efficace que l'élatérium. Bright[1] a guéri au moyen de ce médicament deux personnes affectées d'albuminurie avec hydropisie ; mais toutes deux, il faut le dire, étaient affectées de néphrite albumineuse à l'état aigu. Told[2] a rapporté une observation d'anasarque et ascite lymphatiques d'une affection du cœur, constatant les bons effets de ce médicament, administré à la dose de 1/4 de grain en pilule toutes les trois heures.
L'élatérium peut donc être considéré comme un médicament précieux dans le traitement des hydropisies. Les dangers de son administration n'existent pas plus dans cette substance que dans la scammonée, la gomme-gutte, l'huile de croton tiglium, etc. Ses effets sont subordonnés aux précautions ou à l'incurie qui président à son administration. On a tort de négliger ce médicament. Les Anglais en font un grand usage ; Thomson le considère comme le meilleur de tous les hydragogues. Je l'ai employé à la dose de 15 centigr., deux fois par jour (extrait par inspissation du suc), mêlé à un peu de poudre de semence d'anis et à l'extrait de baies de genévrier, dans un cas d'anasarque exempt de toute irritation viscérale. Il a produit d'abondantes évacuations alvines, accompagnées de quelques vomissements les deux premiers jours, peu de coliques, point de sécheresse à la gorge, et pour résultat la disparition de l'infiltration séreuse et la guérison en dix jours ; Dans un cas d'anasarque, survenue à la suite d'une fièvre intermittente quotidienne négligée, et dont le sulfate de quinine avait fait justice, l'élatérium a rappelé la fièvre dès le lendemain de son administration. Je n'en ai pas moins continué l'usage jusqu'à la disparition de l'œdème. La fièvre a ensuite cédé à l'emploi de l'écorce du saule et du vin d'absinthe. Tous les praticiens savent que les purgatifs déterminent le retour des accès de fièvres intermittentes, et qu'il est toujours de règle de s'en abstenir en pareil cas.
A cause de son action spéciale sur le rectum et de son amertume, l'élatérium a été donné à petites doses dans l'aménorrhée, contre les ascarides vermiculaires, et les autres espèces d'entozoaires. Gilibert a vu chasser le ver solitaire avec 20 centigr. de cette substance. Hippocrate conseille de faire manger de l'élatérium à une chèvre pour en faire boire le lait à un enfant qu'on veut purger, ce qui montre que la méthode de traiter les maladies par le lait rendu médicinal est fort ancienne. Les Arabes, dit-on, se servent du concombre sauvage contre la jaunisse. Dioscoride le donnait surtout dans la difficulté de respirer, symptôme dépendant souvent de l'infiltration pulmonaire causée par des lésions organiques du coeur.
Il résulte des expériences de Loiseleur-Deslongchamps que la racine de concombre sauvage desséchée purge doucement et sans coliques. L'extrait de cette racine, en effet, est plus faible, d'après les auteurs qui en ont parlé, que celui du fruit.
L'élatérium a été employé en lavement dans les affections scrofuleuses, la paraplégie, les affections vermineuses, etc. On pourrait l'appliquer comme la coloquinte sur l'abdomen, ou par la méthode endémique pour provoquer des évacuations alvines, combattre la constipation, etc. En topique, les anciens la croyaient propre à résoudre les tumeurs, etc., etc.
L'usage du concombre sauvage à l'extérieur n'exige pas moins de prudence que son administration à l'intérieur.
(L’ÉLATÉRINE est un poison violent. 1 centigr. divisé en deux doses données
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- ↑ Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1843.
- ↑ The Lancet, 1854, et Bulletin de thérapeutique, t. XLVII, p. 425.
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à un lapin à la distance de vingt-quatre heures, l'a tué dix-sept heures après la deuxième dose (Christison) ; 1/2 centigr. suffit chez l'homme pour produire l'effet purgatif).
Morries a conseillé de l'employer de préférence à l'élatérium ; il en fait dissoudre 5 centigr. dans 30 gr. d'alcool, avec addition de 4 gouttes d'acide nitrique, et il donne de 30 à 40 gouttes de cette solution dans une potion appropriée. Suivant Bird[1], l'élatérine agit d'une manière bien plus certaine et plus constante que l'élatérium, et ne détermine ni coliques ni vomissements. D'après lui, ce médicament peut être employé avec avantage dans tous les cas où les drastiques sont indiqués, tels que les hydropisies essentielles, les maladies cutanées chroniques : il l'administre à la dose de 3 milligr., toutes les trois heures, ou au plus toutes les deux heures. C'est une préparation qui demande, dans son emploi, beaucoup de circonspection de la part du praticien, car Devergie avance, d'après Duncan, qu'il suffit d'un seizième de grain de cette substance, pour obtenir chez l'homme les effets ordinaires de l'élatérium.
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- ↑ Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1845.