Lierre terrestre (Cazin 1868)

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Lierre grimpant
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Lilas
PLANCHE XXIII : 1. Laiche des sables. 2. Laitue vireuse. 3. Lierre terrestre. 4. Lin cathartique. 5. Laminaire digitée.


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Nom accepté : Glechoma hederacea


LIERRE TERRESTRE. Glecoma hederacea. L.

Hedera terrestris vulgaris. C. Bauh. — Hedera terrestris. Dod.— Chamæcissus. Fuchs. — Calamintha hederacea. Scop. — Hedera sylvatica Romanorum. J. Bauh. — Calamintha humilior, folio rotundiore. Tourn.

Glécome hédéracé, — glécome lierre, — couronne de terre, — herbe de Saint-Jean, — corroie Saint-Jean, — rondette, — rondelette, — terrette, — drienne.

LABIÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L.


Le lierre terrestre (Pl. XXIII), plante vivace très-commune dans toute la


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France, se trouve le long des haies et des murs, dans les fossés humides, les lieux frais et ombragés.

Description. — Racines blanchâtres, grêles et fibreuses.— Tiges menues, presque simples, quadrangulaires, rampantes à la base et redressées à la partie supérieure surtout au moment de la floraison. — Feuilles pétiolées, opposées, vertes, un peu velues, réniformes, crénelées. — Pétioles des feuilles inférieures très-longs et velus. - Fleurs bleuâtres ou rosées, réunies dans l'aisselle des feuilles au nombre de trois ou quatre (avril-mai). — Calice tubuleux, cylindrique, strié à cinq découpures inégales. - Corolle à peu près double du calice, bilabiée ; la lèvre supérieure courte et bifide, la lèvre inférieure trilobée, à lobe moyen échancré et plus grand. — Quatre étamines didynames. — Anthères rapprochées deux à deux en forme de croix. — Un style à stigmate bifide. — Un ovaire contenant quatre semences ovoïdes.

Parties usitées. — Les feuilles et les sommités.

[Culture. — Le lierre terrestre vient à toutes les expositions et dans les terrains ; la plante spontanée suffit aux besoins de la médecine ; on le propage par graines.]

Récolte. — Cette plante doit être récoltée à la fin de juin ou au commencement de juillet, mondée de ses tiges et de ses pétioles, séchée à l'éluve ou au soleil, et conservée dans un lieu sec et à l'abri du contact de l'air, sinon elle attire l'humidité et noircit.

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Le lierre terrestre a une odeur forte, aromatique, une saveur balsamique, amère et un peu âcre. Elle contient de l'huile essentielle et une matière résineuse amère qui noircit par l'addition du sulfate de fer, un extrait muqueux d'un goût d'abord douceâtre et amer, ensuite âcre et piquant. L'eau et l'alcool s'emparent de ses principes actifs.

On a prétendu en Angleterre que le lierre terrestre, infusé dans la bière fermentée, avait la propriété de la clarifier. On a aussi essayé de la faire fermenter avec l'orge, pour augmenter la force de la bière, mais on n'a pas réussi. Quelques auteurs ont assuré que les feuilles de cette plante peuvent, à défaut de feuilles de mûrier, servir à la nourriture des vers à soie.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion, 10 à 25 gr. par kilogramme d'eau bouillante.
Suc, 30 à 80 gr.
Sirop (1 de suc sur 1 de sirop simple), 25 à 60 gr., en potion.
Eau distillée, 30 à 100 gr., en potion.

Extrait (1 sur 6 d'eau), 1 à 4 gr., en pilules, électuaire, etc.
Conserve (1 sur 2 de sucre), 1 à 4 gr., en pilules, bols, etc.
Feuilles en poudre, 2 à 4 gr. dans un liquide approprié, en électuaire, etc.
A L'EXTÉRIEUR. — Infusion, en lotions, fomentations, cataplasmes, etc.


Cette plante, connue dans nos campagnes sous le nom de drienne, est vulgairement employée dans un grand nombre de cas. Elle est excitante, comme la plupart des plantes labiées ; mais elle paraît plus particulièrement exercer son action sur les organes de la respiration. Je l'administre toujours avec confiance dans la période d'atonie des bronchites, dans la bronchorrée, l'asthme humide et, en général, dans toutes les affections de poitrine où une expectoration muqueuse ou purulente se manifeste avec une certaine abondance. J'ai guéri, par le seul usage d'une forte infusion de lierre terrestre, des catarrhes pulmonaires chroniques qui, sans l'exploration des organes respiratoires, eussent été pris pour des phthisies. Les nombreux exemples de guérison de phthisies attribuées à cette plante par Etmuller, Willis, Morton, Murray et beaucoup d'autres praticiens d'un grand mérite, tels que Rivière, Scardona, Sauvages, etc., se rapportaient sans doute, dans la plupart des cas, à des catarrhes pulmonaires chroniques. Toutefois, il est à remarquer que Morton faisait le plus grand cas du sirop de lierre terrestre dans la phthisie hémoptoïque, et que Murray rapporte qu'un de ses parents, qui crachait du sang pur en abondance, fut guéri par l'usage du suc de ce végétal associé à du lait ou à du petit-lait. La circonstance des hémoptysies, disent avec raison Trousseau et Pidoux, donne de la valeur au


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diagnostic et, par conséquent, à la thérapeutique du célèbre auteur de la Phthisiologie. L'observation d'une abondante expectoration de pus, recueillie par Murray, pourrait plutôt se rapporter à un abcès du poumon qu'à une affection tuberculeuse, bien moins probable et presque toujours incurable. Cette supposition laisse encore une grande importance au résultat obtenu dans ce cas par l'usage du lierre terrestre.

Cullen s'exprime ainsi sur les propriétés thérapeutiques du lierre terrestre : « Ce que les auteurs de matière médicale disent de cette plante, ne me paraît pas mieux fondé que les opinions vulgaires. Il me semble absolument dénué de probabilité qu'elle ait la vertu de guérir les ulcères des poumons et différentes espèces de phthisie. L'autorité de Simon Pauli ou d'autres auteurs n'a aucune valeur à mes yeux, vu la nature de ces maladies et la difficulté de les guérir en général. Son usage contre les calculs de la vessie n'est pas appuyé de meilleures autorités, ni plus probable, et je ne craindrais pas de commettre d'excès en l'employant à grande dose. » (Cullen.) Il est curieux d'opposer à cette dernière phrase l'opinion de Haller (in Mérat et Delens). Ce médecin regardait le lierre terrestre comme suspect, à cause de son odeur ingrate et de son activité.

Baglivi recommande la teinture alcoolique de lierre terrestre dans les débilités d'estomac, les flatuosités, la dyspepsie, et Bauhin, cité par Ray, dit avoir observé d'heureux effets de cette plante hachée dans l'avoine contre les affections vermineuses des chevaux.

Que dirons-nous de l'efficacité de cette labiée proclamée par Lautt contre les lièvres intermittentes ? de sa vertu lithontriptique, suivant Sennert et Plater ? de la guérison, d'après Ray, d'une céphalalgie invétérée au moyen de son suc introduit dans les narines ? de la vertu de ses feuilles contuses et cousues à l'intérieur de la chemise, pour rappeler l'éruption variolique[1] ? de l'emploi de son suc contre les maladies mentales, comme un sédatif direct de l'encéphale, au rapport de Sultif, qui en a fait usage pendant vingt-trois ans avec succès, en y joignant toutefois la saignée, sans se douter de la puissance de ce dernier moyen qu'il regardait probablement comme un faible auxiliaire ?... Sunt qui oculos habent et non vident.

Le lierre terrestre est appliqué à l'extérieur en décoction, en cataplasme ou en poudre comme aromatique, tonique, résolutif et détersif. On l'employait autrefois, et on l'emploie encore dans nos campagnes, pour déterger les ulcères. On faisait aussi un onguent contre la brûlure avec son suc exprimé et cuit dans de la graisse de porc. J. Bauhin l'appliquait en cataplasme chaud sur le ventre, pour calmer les tranchées des femmes en couches. Le célèbre chirurgien Maréchal faisait piler le lierre terrestre, l'enfermait dans un vaisseau de verre et l'exposait au soleil jusqu'à ce qu'il fût réduit en un suc épais et huileux qu'il appliquait avec confiance sur la piqûre des tendons.

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  1. Ancien Journal de médecine, t. XLI, p. 514.