Lierre grimpant (Cazin 1868)
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Nom accepté : Hedera helix
Hedera arborea. — Hedera. Pharm.
Lierre commun, — lierre des poëtes, — lierre en arbre, — lierre à cautère.
ARALIACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE.
Cet arbrisseau, connu de tout le monde, se trouve partout, autour des arbres, sur les murs, sur la terre, etc. Il acquiert dans le Midi un volume beaucoup plus considérable que dans le Nord. Les plus gros se trouvent en Espagne, en Italie et dans quelques parties du midi de la France.
Description. — Tiges rameuses, sarmenteuses, grimpantes ou quelquefois rampantes, s'élevant à une grande hauteur, à rameaux tortueux et flexibles. — Feuilles pétiolées, entières, persistantes, coriaces, épaisses, glabres et luisantes. — Fleurs petites, d'un vert jaunâtre, réunies au sommet des rameaux en corymbes subglobuleux (septembre-octobre). — Calice très-court à cinq dents.— Corolle à cinq pétales ouverts. - Cinq étamines alternant avec les pétales. — Un ovaire infère. — Un style très-court. - Fruits : baies globuleuses, noirâtres, de la grosseur d'un pois.
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Parties usitées. — Les feuilles, les baies et la gomme qui découle de son tronc.
Récolte. — Les feuilles, toujours vertes, se cueillent en toute saison ; les fruits ne sont en maturité qu'en janvier et mars.
[Culture. — Le lierre, qui est multiplié de graines semées aussitôt après leur maturité, de boutures ou de rejetons enracinés, croît dans tous les sols et à toutes les expositions ; il préfère l'ombre.
Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles et les baies ont une saveur amère, austère, nauséeuse. Il découle du tronc des vieux lierres en arbre dans le midi de l'Europe et le nord de l'Afrique, une gomme-résine connue sous le nom vulgaire et impropre de gomme de lierre, et qu'on désigne sous celui plus convenable d’hédérée ou d’hédérine. Elle est noirâtre, en morceaux irréguliers ; composée de grumeaux ou fragments luisants, brun grisâtre ou rougeâtre foncé, non transparents, à cassure nette et brillante, se brisant sous la dent, sans saveur marquée, ne blanchissant pas la salive et ne s'y dissolvant pas, d'une odeur résineuse, brûlant en répandant une odeur d'encens. Elle contient beaucoup de corps étrangers. Pelletier[1] l'a trouvée composée de gomme, de résine, d'acide malique et de ligneux. Fraîche, elle laisse échapper de l'huile volatile. Cette gomme-résine, qui nous vient du Levant et même de l'Inde, est souvent falsifiée, mêlée à une substance insoluble, analogue à la gomme de Bassora. (Guibourt.) — On dit que quelques pharmaciens se servent des feuilles de lierre pour colorer certaines préparations.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des feuilles, 2 à 6 gr. pour 1/2 kilogr. d'eau. |
Poudre des baies, 50 centigr. à 1 gr. 50 centigr. dans un liquide approprié, électuaire, bols, pilules, etc. |
Les feuilles de lierre ont été employées comme excitantes, emménagogues, résolutives et détersives. On prétend en avoir obtenu d'heureux effets dans la tuberculisation mésentérique, à dose altérante. Ce remède est recommandé dans les Ephémèrides d'Allemagne[2]. Baillou[3] rapporte qu'un malade qui souffrait d'une douleur habituelle à la partie convexe du foie, et qu'aucun remède n'avait pu soulager, fut guéri, par le conseil d'un paysan, au moyen de la poudre de racine de lierre prise à la dose de 4 à 8 gr. dans de l'eau de poulet.
Celse conseille de lotionner l'érysipèle avec la décoction vineuse de feuilles de lierre. Cette décoction est regardée comme efficace contre les ulcères atoniques, fongueux, sanieux, etc. On l'a aussi employée contre la teigne, la gale et autres affections cutanées chroniques. Haller dit qu'un de ses parents s'est guéri d'un ulcère à la jambe, qui pénétrait jusqu'à l'os et avait résisté à une foule de remèdes, en appliquant des feuilles de lierre sur la plaie. Un serrurier, au rapport de Dubois, de Tournay, s'est guéri d'un ulcère atonique rebelle, qu'il portait à la jambe gauche, en appliquant des feuilles de lierre sur la partie malade, et en y pratiquant des lotions fréquentes avec leur décoction concentrée. J'ai vu des paysans employer avec avantage sur les brûlures du premier et du second degré, les feuilles de lierre bouillies dans l'eau, appliquées sur la partie malade et recouvertes de compresses trempées dans la même décoction tiède et souvent renouvelées. Ces mêmes feuilles, réduites en cataplasme, sont résolutives et conviennent dans les engorgements froids, surtout dans ceux des mamelles. Haller dit qu'on s'en sert sous cette forme pour arrêter la sécrétion du lait. Avec le bois mou et spongieux du lierre, on fait dans les campagnes de petites boules ou pois qui servent à entretenir l'ouverture des cautères, comme ses feuilles à tenir frais ces exutoires.
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- ↑ Bulletin de pharmacie, t. IV, p. 504.
- ↑ Vol. V, ann. 1740, obs. 149, p. 503.
- ↑ In Durande, Flore de Bourgogne.
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J'avais employé une fois, sans succès, la décoction aqueuse de feuilles de lierre contre la gale. Depuis, j'ai vu réussir contre cette affection les lotions faites, matin et soir, avec une forte infusion à froid (une poignée de feuilles fraîches pour un litre) de ces feuilles dans le vinaigre, pendant cinq ou six jours. La guérison a lieu du cinquième au dixième jour. On se sert des feuilles de lierre pour détruire les cors. Pour cela, on met les pieds tous les jours dans l'eau de son chaude, pendant vingt minutes au moins. Au bout de huit jours, le cor étant ramolli, est arraché avec les doigts jusqu'à ce que la racine tombe. On applique ensuite dessus une feuille de lierre macérée a l'avance dans le vinaigre.
Les fruits ou baies de lierre sont éméto-cathartiques. Simon Pauli, Hoffmann et plusieurs autres auteurs les regardent comme dangereux. Cependant les paysans les avalent, au nombre de dix ou douze, pour se purger selon leur désir, c'est-à-dire abondamment. C'est surtout pour combattre les fièvres intermittentes qu'on les met vulgairement en usage. Boile les donnait à haute dose comme sudorifiques. On les a employés comme tels dans la peste de Londres : on les donnait en poudre et délayés dans le vinaigre. Spigel les a administrés comme fébrifuges. Je les ai employés comme tels en 1847, d'abord à dose éméto-cathartique, et ensuite à dose nauséeuse et altérante ; ils ont réussi dans deux cas de fièvre tierce vernale, et dans un cas de fièvre quotidienne automnale qui durait depuis six semaines et contre laquelle le malade n'avait employé aucun traitement. Les accès disparurent après les trois premières doses chez les deux premiers malades. La fièvre quotidienne céda peu à peu et ne fut entièrement dissipée qu'après la cinquième dose (2 gr. en poudre dans du vin). Dans deux cas de fièvre quarte, je n'ai obtenu qu'une diminution dans l'intensité et dans la durée des paroxysmes. Ce médicament cause des nausées, un état de malaise suivi d'une excitation manifeste et quelquefois d'un peu de transpiration favorisée par la chaleur du lit. La décoction vineuse des feuilles produit le môme effet.
L'action énergique de cette plante sur nos organes mérite l'attention des médecins praticiens ; des observations cliniques bien faites et déterminant avec précision ses propriétés, lui assigneraient indubitablement une place distinguée dans la matière médicale indigène. Je me propose de la soumettre à de nouveaux essais, tant pour en étudier les effets immédiats et secondaires sur l'organisme que pour en apprécier l'application thérapeutique.
LA RÉSINE, ou Gomme de lierre, Gomme hédérée, d'une odeur résineuse agréable lorsqu'on la brûle, paraît être la partie la plus active de cette plante. Stahl employait cette substance comme excitante, emménagogue et fondante. Ne pourrait-on pas, d'après ces propriétés, la substituer à la myrrhe ? On l'a employée comme topique dans le traitement de la teigne, et on lui attribue aussi la propriété de tuer les poux et de faire tomber les cheveux. On dit, enfin, qu'introduite dans les cavités des dents cariées, elle calme la douleur et combat la carie.