Cresson (Cazin 1868)

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Crapaudine
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Crithme maritime


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Nom accepté : Nasturtium officinale


CRESSON. Sisymbrium nasturtium. L.

Nasturtium aquaticum supinum. Bauh. — Nasturtium officinale. Sisymbrium aquaticum Matthioli. Tourn.

Cresson de fontaine, — cresson officinal, — santé du corps.

CRUCIFÈRES. — ARABIDÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILICULEUSE.


Cette plante, que tout le monde connaît, se trouve dans les eaux courantes des petits ruisseaux, dans toute l'Europe. On la cultive en grand.

Description. — Racine fibreuse, blanche. — Tige succulente, anguleuse, rameuse, cannelée, penchée, [relevée aux extrémités des rameaux, souvent nageantes et émettant des rejets radicants de distance en distance]. — Feuilles ailées avec impaire, folioles ovales, cordiformes, sessiles, d'un vert foncé, pétiole canaliculé. — Fleurs petites, blanches, en grappes terminales, à quatre pétales ohlongs, très-ouverts, plus longs que le calice (juin-juillet). Feuillets du calice étalés. — [Etamines : six tétradynames, deux nectaires, un ovaire cylindrique ; style très-court, épais, terminé par un stigmate bilobé]. — Fruit : silique allongée, recourbée, cylindrique, à deux loges, à deux battants s'ouvrant par ressort. — Semences arrondies, menues, rougeâtres.

Parties usitées. — L'herbe.

[Culture. — On sème le cresson au printemps, au bord des eaux courantes, où il se tient par ses racines traçantes. On le cultive aussi dans des baquets ou dans des mares ; on met de la terre sur des claies en bois et on y sème des graines ou on y plante des racines ; on les couvre de lin, que l'on renouvelle souvent, car sans cela l'eau se corromprait bientôt et deviendrait une cause d'insalubrité.] (Le semis expose à la reproduction de cresson dégénéré. On trouvera dans la monographie de Chatin[1] tous les détails sur la culture du cresson, qui, par des soins particuliers, donne trois races, le cresson charnu, le gaufré, le cresson à feuilles minces.)

[Nous citerons encore les cressons sauvage (nasturtium sylvestre, R. Br.), et ambigu (N. anceps, D. C).

Quant aux autres plantes auxquelles on donne encore le nom de cresson, telles que le cresson des prés (cardamine pratensis, L.), le naxton, ou cresson des jardins (lepidium sativum), le cresson de terre ou mare (sisymbrium erysimum precox) Smith, et le cresson du Brésil ou de Paris, dont il sera question plus loin ; ils appartiennent ou à d'autres familles ou à d'autres genres.]

Récolte. — Le cresson est employé à l'état frais. On peut en faire usage pendant toute la belle saison ; mais il est plus actif en mai et juin. (La dessiccation lui fait perdre ses propriétés, mais seulement en partie.) (Chatin.)

Propriétés physiques et chimiques. — Le cresson contient :

(1° Une huile sulfo-azotée, réunissant les caractères de l'essence sulfurée de l'ail à l'essence sulfo-azotée des crucifères. La plante sauvage en est un peu plus riche que celle cultivée ; mais celle qui est bien fumée en contient autant. Elle est plus abondante pendant la floraison et chez les sujets exposés au soleil.

2° Un extrait amer, contenu dans le suc, pour une moyenne d'environ 5 pour 100.

3° De l'iode. Déjà découvert par Müller (in Lindley, Vegetable Kingdom), il y a été démontré par Chatin ; mais il varie suivant sa quantité dans les eaux qui baignent le cresson. Chaque botte de cresson ordinaire (275 gr.) en contient 1 milligr., celles qui proviennent de la source Marie, à Davy, en contiennent jusqu'à 3 milligr. (Chatin.)

4° Du fer. Les cendres du cresson donnent 1/2 pour 100 de fer. Dans les sources ferrugineuses, la proportion s'élève jusqu'à 3 pour 100.

5° Des matières salines, à la tête desquelles il faut placer les phosphates.

Il résulte de cette analyse que l'on devra, pour l'usage thérapeutique, préférer le cresson des sources ferro-iodurées, qui présentent comme une exagération naturelle des principes actifs de cette crucifère.

Le cresson est fort riche en suc, 70 pour 100 par simple contusion et expression ;

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  1. Le Cresson. Paris, 1866.


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l'huile sulfo-azotée, l'iode et l'extrait amer y restent. Les 30 pour 100 de mare retiennent le fer et les phosphates.)


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction à vase clos, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Suc exprimé de l'herbe fraîche, 60 à 120 gr. et plus, pur ou mêlé au petit-lait, au lait ou à d'autres sucs d'herbes.
Sirop (1 sur 2 de sucre), 40 à 100 gr., pur ou en potion.
Huile essentielle, 25 centigr. à 1 gr., en potion (rarement employée).
En salade, en quantité quelconque.

A L'EXTÉRIEUR. — On mâche les feuilles pour raffermir les gencives, déterger les ulcères scorbutiques de la bouche. — Herbe pilée et appliquée comme résolutif, détersif, etc.
Le suc est la meilleure préparation. La conserve et l'extrait aqueux, dont on faisait usage autrefois, ne méritent aucune confiance. Le cresson entre dans le vin et dans le sirop antiscorbutiques, l'eau générale, etc.


(Cresson cuit, comme les épinards, en purée, conserve seulement des principes constituants de la plante le fer et les phosphates.

Lait de cresson, lait de vaches nourries avec du cresson.)


Le cresson d'eau est stimulant, antiscorbutique, diurétique, expectorant et diaphorétique. Il augmente les forces digestives et convient dans la débilité de l'estomac, le scorbut, les cachexies, les engorgements de la rate par suite de fièvres intermittentes, l'anasarque, les scrofules, la phthisie, l'empyème, les calculs. Son action est analogue à celle du cochlearia, du raifort et des autres plantes antiscorbutiques.

Le cresson est d'un usage tout à fait populaire ; on le mange en salade et le paysan le prend avec son pain. Toutefois cette plante ne peut être utile que lorsque les malades qui en font usage sont exempts de fièvres, d'inflammation, d'irritation locale quelconque ou d'irritabilité nerveuse. J'ai employé le cresson dans une foule de maladies chroniques. Je ne parlerai pas du scorbut, contre lequel on l'administre sous toutes les formes. J'en ai tiré de grands avantages dans les catarrhes pulmonaires chez les sujets lymphatiques et qui expectoraient abondamment. Dans ces cas, je donne le suc à la dose de 120 gr., mêlé avec autant de lait.

Un jeune homme de vingt-trois ans, fils d'un cultivateur du village de Crémarest, était atteint de toux avec sueurs nocturnes, amaigrissement, grande débilité, inappétence, etc. ; il était regardé généralement comme poitrinaire depuis trois mois environ. Sa maladie datait du mois de février 1834, et nous étions en juin de la même année. Lorsque je le vis, ses traits étaient altérés, sa débilité prononcée au point qu'il ne pouvait plus sortir ; sa toux était fréquente, surtout pendant la nuit, et il expectorait abondamment des crachats mucoso-purulents, mais il avait peu de fièvre. Il rapportait un état de gêne parfois très-pénible à la région sternale, sans signe de vive irritation. L'exploration de la poitrine me fit concevoir l'espérance de guérir ce malade ; les poumons me paraissaient sains. Je le mis à l'usage du suc exprimé de cresson mêlé avec autant de lait chaud. Dès les premiers jours de l'emploi de ce moyen, l'amélioration fut sensible ; la toux et l'expectoration diminuèrent, l'appétit revint, les sueurs nocturnes cessèrent ; les forces se rétablirent si promptement qu'au bout de quarante à cinquante jours de traitement le malade fut complètement guéri.

Je pense que les prétendues cures de phthisie pulmonaire par l'emploi du cresson et des autres antiscorbutiques, souvent donnés sous forme de sirop dans la pratique urbaine, ne se rapportent qu'à des affections catarrhales bronchiques ou à la phthisie commençante qu'elle peut réellement combattre avec efficacité ; il était souvent difficile de distinguer le catarrhe pulmonaire chronique de la phthisie avant la découverte de l'auscultation médiate.

On trouve dans les Éphémérides d'Allemagne[1] le remède suivant contre

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  1. Décade 2e, ann. 8e, observ. 142, p. 301.


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la phthisie : il faut manger tous les jours à jeun du'cresson de fontaine, et se servir du lait de beurre pour boisson ordinaire. Swinger[1] a vu une toux rebelle céder au suc de cresson mêlé dans du bouillon. Ce médecin préconisait surtout ce même suc dans la néphrite calculeuse, où bien certainement il ne pouvait être utile qu'autant que l'irritation ou l'inflammation était peu intense. Selon Haller, l'usage prolongé de ce suc a fondu des obstructions abdominales. On l'a conseillé aux hypochondriaques, aux mélancoliques, et même aux hystériques, lorsque des désordres nerveux ont leur source dans l'atonie générale des organes. Vitet recommande le suc exprimé de cresson mêlé avec une forte infusion de baies de genévrier, dans l'ascite par cachexie. J'ai employé ce mélange avec succès dans l'anasarque, qu'il a dissipée en peu de jours, en agissant puissamment comme diurétique.

(Suivant Chatin, la purée de cresson est le meilleur légume pour les diabétiques ; il contient très-peu de sucre et de substances amylacées.)

A l'extérieur, j'ai employé le cresson comme résolutif et détersif, en cataplasme froid ou seulement pilé. Il convient sur les ulcères scorbutiques, scrofuleux, sordides, etc. Le cresson pilé, réduit en magma, auquel on mêle du sel commun (30 gr. pour 500 gr. de pulpe) pour en former un cataplasme qu'on renouvelle de douze en douze heures, est un excellent résolutif que j'ai plusieurs fois mis en usage avec succès sur les tumeurs glandulaires ou scrofuleuses, les engorgements lymphatiques ou œdémateux, l'hygroma, etc. Dans deux cas d'hygroma assez volumineux, j'ai obtenu la résolution dans l'espace de quinze à vingt jours, au moyen de ce topique. Le badigeonnage de teinture d'iode n'agit guère plus promptement et est d'ailleurs trop dispendieux pour l'ouvrier et l'indigent. J'ai vu des paysans débarrasser leurs enfants de la teigne (favus) en leur faisant manger abondamment du cresson, et en appliquant sur la tête cette herbe pilée avec du saindoux, après avoir fait tomber les productions crustacées au moyen d'un cataplasme émollient, et couper les cheveux le plus près possible de la peau. L'application du cataplasme de cresson était répétée matin et soir, et on lavait chaque fois la tête pendant six à huit minutes, en frictionnant assez fortement avec de l'eau de chaux, de la lessive de sarment de vigne, ou avec de l'urine. La guérison avait lieu au bout de quinze à vingt-cinq jours. Ce traitement, que j'ai vu souvent réussir, n'est pas plus infaillible que tous ceux qu'on emploie contre la teigne. Le mélange de 60 gr. de suc de cresson et de 30 gr. de miel, passé à travers un linge, et dont on se frotte bien le visage, enlève, dit-on, les éphélides, les taches de rousseur, lentilles, etc.

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  1. In Bodart.