Colchique (Cazin 1868)
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Nom accepté : Colchicum autumnale
Colchicum commune. Bauh., Tourn. — Colchicum. Pharm.
Colchique d'automne, — tue-chien,— safran des prés, — veilleuse, — veillote, — mort-aux-chiens, - safran d'automne, — safran sauvage, — safran bâtard, — narcisse d'automne, - flamme nue, — chenarde, — lis vert.
MÉLANTHACÉES. — COLCHICÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE TRYGYNIE. L.
Cette plante (Pl. XV) croît dans les prairies, où elle montre ses fleurs vers la fin de l'été. On la trouve dans presque toutes les parties méridionales de la France, en Normandie ; je l'ai rencontrée dans les prés humides des environs d'Abbeville. Son nom lui vient de ce que la plante était très-commune dans la Colchide, pays célèbre dans l'antiquité par ses poisons. Les troupeaux n'y touchent pas.
Description. — Racines composées d'un grand nombre de fibres touffues, entrelacées, placées sous un bulbe arrondi, charnu, blanchâtre en dedans, enveloppé de quelques tuniques d'un brun rougeâtre. — Feuilles radicales, grandes, ne se montrant qu'après les fleurs, sont planes, glabres, ovales, lancéolées, d'un beau vert, longues de 12 à 20 centimètres, larges d'environ 2 centimètres et demi, amplexicaules à leur base et réunies trois ou quatre ensemble. — Fleurs d'un lilas tendre, composées d'un long tube cylindrique, sortant du bulbe, terminé par un limbe campanulé a six divisions profondes, lancéolées, obtuses, longues d'environ 3 centimètres (août-octobre). — Six étamines saillantes attachées à l'orifice du tube, à filets filiformes. — Anthères allongées et vacillantes. — Ovaire situé au fond du tube, sur le bulbe. — Trois styles filiformes terminés par trois stigmates crochus. — Fruit : capsule triloculaire, trilobée, renfermant des graines nombreuses, petites et arrondies.
Parties usitées. — Le bulbe, la semence, les fleurs. — On devrait essayer l'emploi des feuilles, qui sont très-actives comme poison.
[Culture. — Le colchique sauvage suffit aux besoins de la médecine ; on ne le cultive que dans les jardins botaniques ; on le propage sur graines, semées aussitôt après leur maturité en lieux très-humides.]
Récolte. — On récolte les bulbes en novembre, les semences quand elles sont mûres, les fleurs en septembre. Suivant les médecins anglais, ce serait en juin ou en juillet que le bulbe serait dans toute sa vigueur ; car, disent-ils, aussitôt après cette époque, il donne naissance au nouveau bulbe, qui fleurit en automne, et qui se nourrit au détriment de l'ancien, lequel dépérit peu à peu et disparaît. Stolze a trouvé que le bulbe de colchique était plus riche en amidon en automne qu'en mars ; mais la proportion de la matière amère, qui, en automne, est de 2 pour 100, va jusqu'à 6 en mars. Il paraît certain qu'après la floraison, les propriétés du colchique diminuent. Il faut donc le cueillir avant cette époque, et, afin qu'il ne moisisse point, le faire sécher au soleil, ou mieux à l'étuve, et le placer dans un lieu sec. Wigan pense que le meilleur moyen de prévenir la déperdition de ses propriétés est de le réduire, lors de sa récolte, en poudre très-fine avec deux ou trois fois autant de sucre : de cette manière il offre toujours le même degré d'activilé dans son application thérapeutique.
Il faut que les différentes parties du colchique soient fraîchement récollées tos les ans.
Propriétés physiques et chimiques. — Pelletier et Cavenlou ont trouvé dans le bulbe de colchique, dont la saveur est âcre et mordicante : du pergallate de vératrine, matière grasse, matière colorante jaune, gomme, amidon, inuline, ligneux. (Geiger et Hesse ont fait voir que le principe immédiat renfermé dans cette plante différait de la vératrine et ils l'ont nommé colchicine. Sa saveur est âcre et amère; elle est cristallisable, soluble dans l'eau (la vératrine ne l'est pas) ; elle se dissout dans l'alcool ; elle sature les acides et forme avec eux des sels cristallisables dont la saveur est âpre et amère. Elle réagit très-faiblement alcalin. Pour Oberlin[1], la vératrine n'existe ni dans les bulbes du colchique, ni dans les autres parties de la plante ; la colchicine est un principe immédiat neutre et incristallisable, non susceptible de former des sels définis. Sous l'influence des acides, elle se dédoublerait en un corps particulier cristallisé, la colchicéine, et en une substance de nature résineuse.
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- ↑ Dorvault, Supplément à l'Officine, 1858, p. 8.
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Les semences du colchique fournissent une huile grasse purgative et toxique.)
A L'INTÉRIEUR. — Bulbe : Poudre, de 5 à 10 centigr. (sédatif), de 10 à 30 centigr. (purgatif). |
Poudre, mêmes doses que celles du bulbe, mais d'une action plus certaine. |
A haute dose, le colchique d'automne est irritant de la membrane muqueuse du tube digestif ; il détermine des douleurs aiguës à l'estomac, des nausées, des vomissements, des déjections alvines, une soif ardente, le tremblement des membres, le délire, la diminution et l'insensibilité du pouls, la mort. Brandes, Willis et Carminati, après avoir signalé l'action irritante locale, disent qu'une fois absorbé il exerce une action affaiblissante sur le pouvoir nerveux, et, consécutivement, il affaiblit aussi les mouvements du cœur et des artères. Locher-Balber[4], Richter[5], Schwartz (6)[6], notent, outre les symptômes indiqués, la salivation, une sorte de choléra, des sueurs froides aux, extrémités, l'évanouissement. Giacomini pense que l'action irritante locale n'est rien en comparaison de l'action dynamique qui est en opposition avec elle, et que la mort est due exclusivement à cette dernière. Au lieu des mucilagineux, des huiles, des antiphlogistiques, et en particulier de la saignée, que prescrivent la plupart des médecins contre cet empoisonnement, Giacomini emploie, au contraire, l'alcool, le vin, l'éther, etc.
A doses modérées, le colchique produit de légers vertiges, des nausées, une diminution du pouls, l'augmentation de la sécrétion urinaire. Il est purgatif et diurétique. Pour produire ce dernier effet, il faut le prescrire à doses moyennes et répétées. A petites doses, il est, par absorption, plus sédatif qu'irritant. Il se rapproche alors de la digitale : son action antiphlogistique est aujourd'hui généralement reconnue.
Stoerck fixa l'attention des praticiens, en 1763, sur les bons effets du colchique dans les hydropisies. Collin, Plenk, Quarin, Zacht, Gullen, Hurman,
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- ↑ Suskind, Pharmacopée de Genève.
- ↑ Bulletin de thérapeutique, t. XLV.
- ↑ Ibid.
- ↑ Revue médicale, 1835.
- ↑ Ausfuhrt. Arzenei, t. II, p. 425.
- ↑ Pharm. Tab., p. 420.
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Carminati, etc., répétèrent avec plus ou moins de succès les expériences de Stoerck. Les médecins français ont trop négligé cette plante, dont l'efficacité est, comme hydragogue, plus énergique que celle de la scille, à laquelle Wauters a proposé de la substituer : Scilla invenitur quidem in littore maris in Normandia, sed parcius... Et si experimenta et auctoritates pensitentur, facile cum schinzio (in prœmio ad III Stoerk libell. translat.) præferremus oxymel colchicum scillitico, etenim illud sæpe juvasse reperiemus ubi scilla iners manserat. — J'ai connu un médecin de campagne qui employait le colchique avec succès dans toutes les hydropisies ; je l'ai moi-même mis en usage avec succès dans des cas d'anasarque et d'hydrothorax où les autres remèdes avaient échoué. Aran[1] rapporte l'observation d'une ascite, liée probablement à une cirrhose du foie, traitée avec avantage par l'emploi de la teinture de semence de colchique d'automne portée jusqu'à la dose de 3 gr. dans un julep avec 30 gr. de sirop de morphine. Ce puissant moyen, qui a obligé parfois à diminuer la dose de teinture de colchique (2 gr. 50 cent), agissait à la fois et énergiquement comme purgatif et comme diurétique. Entré à l'hôpital de la Pitié le 26 avril, le malade en est sorti le 8 juin en très-bon état. Nous sommes, en général, trop timides dans l'administration des purgatifs hydragogues contre certaines hydropisies qui, abandonnées aux guérisseurs non titrés, guérissent par l'emploi de l'eau-de-vie allemande ou du vomi-purgatif Leroy.
C'était à peu près aux hydropisies que se bornait l'emploi du colchique, lorsqu'en 1814 des médecins anglais le préconisèrent contre le rhumatisme et la goutte, notamment J. Watt[2], Everard Home. Williams[3] substitua les graines au bulbe. L'effet fut prompt chez trente-cinq sujets affectés de rhumatismes aigus ou chroniques. Twedie[4], qui a aussi constaté les bons effets du colchique dans ces affections, affirme que les insuccès tiennent à la mauvaise manière de l'administration. Il donne les semences en poudre, à la dose de 9 gr. en plusieurs fois dans les vingt-quatre heures. Suivant Leach, ce médicament est surtout indiqué contre le rhumatisme lorsque la constitution est forte et vigoureuse, la peau chaude et sèche, le pouls fort et plein, les intestins resserrés et les autres fonctions en partie suspendues.
Wigan dit que, pendant trente ans, il a employé avec le plus grand succès le colchique dans le traitement du rhumatisme articulaire. Il l'administre en poudre à la dose de 40 centigr. par heure dans de l'eau sucrée. Il réitère cette dose jusqu'à ce qu'elle ait produit un vomissement actif, une copieuse purgation ou une transpiration abondante, ou jusqu'à ce que l'estomac n'en puisse plus supporter. S'il y a des nausées après trois ou quatre doses, on laisse entre elles un quart d'heure d'intervalle de plus. 11 faut alors donner au malade un morceau de sucre imbibé d'eau-de-vie ou d'eau de Cologne, ou lui faire garder dans la bouche une tranche de citron, afin de dissiper les nausées et de permettre ainsi l'administration de quelques doses de plus. Après la sixième ou la septième dose, il y a nausées. Si l'attention du malade est détournée, ou qu'il excite le palais par une tranche de citron, un clou de girofle, etc., il peut en prendre trois ou quatre doses de plus, lors même que le dégoût serait devenu intolérable. I1 survient ordinairement un profond sommeil suivi de nausées. La douleur cesse, mais les effets les plus actifs du colchique n'ont lieu que quelques heures après la prise de la dernière dose. L'inflammation articulaire se calme et le gonflement se dissipe rapidement. Du moment que le malade peut boire une tasse de thé, il
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- ↑ Bulletin de thérapeutique, t. XLV, p. 270.
- ↑ Med. and phys. Journ., t. XXIII, 1815.
- ↑ Pract. observ. on the colch. autum. Londres, 1820.
- ↑ The London med. and phys. Journ., t. LXVII, p. 172.
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tombe bientôt dans un profond sommeil, auquel succède un bien-être parfait.
Chailly[1] et A. Boyer[2] ont aussi obtenu des résultats heureux de l'emploi du colchique dans le traitement du rhumatisme aigu et chronique, et dans la goutte ; mais Fiévée est un des médecins qui, en France, ont employé le colchique avec le plus de succès, et qui en ont le mieux étudié les effets dans ces affections[3]. Ce médecin, regarde la teinture de bulbes séchés comme la préparation la plus sûre dans ses effets ; il la donne à la dose de 3 à 4 gr., de trois heures en trois heures, dans une infusion aromatique (tilleul, mélisse, menthe, etc.) édulcorée avec le sirop d'orange ou de limon. Lorsque l'estomac ne peut supporter cette préparation, il l'administre dans un quart de lavement. Delasiauve, médecin de l'hospice de Bicêtre[4], a rapporté cinq observations à l'appui de l'emploi de la teinture de colchique, à la dose de 23 à 30 gouttes, dans le traitement du rhumatisme articulaire aigu et de la goutte. Il faisait presque toujours précéder la saignée, la guérison était obtenue beaucoup plus promptement que par d'autres médications, notamment par les émissions sanguines seules. Contrairement à ce qui est dit dans les traités de matière médicale, cette substance n'a produit ni coliques, ni déjections alvines, mais seulement un ralentissement des battements du coeur. Les doses de teinture de colchique ont été assez faibles, et cependant le succès n'a pas fait défaut. Elle a donc agi comme antiphlogistique et sédatif. Beaucoup d'autres médecins, tels que Battley, Consbruck, Armstrong, Bang, Locher-Balber, Ruhn, Chelius, Cloquet, Mojon, etc., ont obtenu les mêmes résultats. Après des témoignages aussi irrécusables, je me crois dispensé de rapporter les faits qui me sont particuliers, et qui m'ont pleinement convaincu de l'efficacité du colchique contre les affections goutteuses et rhumatismales, lorsque, toutefois, l'état du malade ou des complications n'en contre-indiquent pas l'usage.
Le professeur Chelius[5] s'est assuré que l'urine de ceux qui prennent du vin de semences de colchique contient plus d'acide urique qu'elle n'en renfermait avant l'emploi de ce médicament. Ainsi, chez un goutteux auquel il administrait ce vin, l'urine, avant qu'il en fit usage, contenait 0.069 d'acide urique libre ou combiné avec l'ammoniaque ; quatre jours après, la proportion était de 0.076 ; le huitième, de 0.091, et le douzième, de 0.0102. Ce résultat explique le soulagement qu'en éprouvent les goutteux. Maclagan[6] a vérifié les assertions de Chelius, et il en a conclu que le colchique pourrait être très-efficace dans les cas où l'urine et l'acide urique sont en proportion moindre qu'à l'état normal, et remplacés, comme cela arrive souvent, par d'autres matériaux organiques. Cette diminution de l'urée et de l'acide urique s'observe à un très-haut degré dans de certaines formes d'anasarque, et notamment dans celles qui succèdent à la scarlatine ; les urines sont alors presque supprimées ; l'urée et l'acide urique sont remplacés par l'albumine, dont la présence se fait remarquer par des accidents plus ou moins graves. L'expérimentation clinique est venue confirmer ces idées sur les propriétés urogènes du colchique.
Stoerck dit que le colchique convient dans tous les cas où il y a surabondance et stagnation des humeurs ; il le regarde comme un incisif fondant, et le recommande dans les catarrhes muqueux et chroniques : « Il fait, dit-il, cesser la toux et provoque l'expectoration. Il préfère l'oxymel de colchique employé à petites doses.
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- ↑ Revue médicale, t. I, p. 2, 1836.
- ↑ Gazette médicale de Paris. 1835, p. 359.
- ↑ De la goutte et de son traitement spécifique par les préparations de colchique, 1845.
- ↑ Archives générales de médecine, octobre 1851.
- ↑ Künh, Dissertation sur les colchiacées, p. 25.
- ↑ Monthly Journ. of medicine, 1852.
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On a encore employé le colchique dans d'autres maladies. Suivant Haden, Williams, Hasting, Abercrombie, Armstrong, Robert Lewins, il a réussi dans les maladies inflammatoires les plus aiguës, et quelques-uns d'entre eux pensent qu'il peut avec avantage remplacer la saignée, même dans la pneumonie et les phlegmasies cérébrales. Caron du Villards[1] a eu beaucoup à se louer de la teinture des semences, à haute dose, dans l'inflammation de la sclérotique, ainsi que dans les affections de l'œil compliquées de rhumatisme et de goutte. Locher-Balber[2] a guéri deux ophthalmies par ce remède. Un praticien fort distingué de Lausanne, Perey, emploie le colchique principalement dans les cas de rhumatismes localisés dans la tête, et Racordon, chirurgien de l'hôpital ophthalmologique de l'Asile des Aveugles de la même ville, nous a dit que, à l'exemple des ophthalmologistes allemands, il avait recours au colchique, avec beaucoup de succès, dans les inflammations oculaires, la sclérotite en particulier[3]. Bullock[4] dit avoir guéri cinq érysipèles, au moyen de la poudre de colchique. Elliotson[5] a aussi guéri un prurigo chez un homme de soixante-dix ans, en trois semaines, en lui donnant 2 gr. de vin de colchique trois fois par jour.
Ritton[6] s'est bien trouvé de la poudre de colchique dans la leucorrhée. Il commence par 15 centigr. en pilules avec du savon, trois fois par jour, et il élève cette dose jusqu'à 28 centigr. Pendant que la malade suit ce traitement, elle doit s'abstenir de liqueurs alcooliques ; 25 centigr. de colchique, pris trois fois par jour, suffisent ordinairement pour guérir la leucorrhée en dix jours. Quelques cas exigent trois semaines et même un mois de traitement. Ce moyen m'a réussi contre une gonorrhée qui avait résisté à l'emploi du cubèbe et du copahu. Il avait déjà été employé avec succès en pareil cas par d'autres praticiens. En général, le colchique agit efficacement dans les affections chroniques des membranes muqueuses produisant une sécrétion abondante.
Le colchique s'est aussi montré efficace dans les affections nerveuses. Goss. de Dowlich[7] a guéri trois névralgies rebelles au moyen du vin de semence de colchique, à la dose de 30 gouttes trois fois par jour. Une jeune fille[8], atteinte d'accès hystériques, fut guérie par l'administration de 30 gouttes de teinture de colchique toutes les huit heures. Trois enfants[9] furent délivrés de la chorée, en trois ou quatre jours, par 10 à 20 gouttes de la même préparation.
Clutterburck[10] a administré le colchique avec avantage dans l'inertie de l'utérus, tenant à une vive irritation de son parenchyme et de ses ligaments. Il a vu le bulbe en poudre produire cet effet chez quatre femmes en couche. Metta[11] a employé le même moyen pour favoriser l'expulsion du placenta chez une femme qui, dans le cours d'une fièvre bilieuse, avait été atteinte d'avortement. Selon ce dernier, l'action serait opposée à celle du seigle ergoté.
Chrishelm[12] dit avoir combattu le tænia par le vin de colchique, à la dose d'une cuillerée à café deux ou trois fois par jour. On rapporte[13] qu'un ver
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- ↑ Guide pratique pour l'étude et le traitement des maladies des yeux, t. II, p. 574.
- ↑ Revue médicale, 1825, t. III.
- ↑ Bulletin général de thérapeutique, t. XLV, p. 219.
- ↑ Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1835.
- ↑ Archives générales de médecine, 1828, t. XVI, p. 290.
- ↑ Gaz. eclettica di Verona, 1835.
- ↑ Gazette médicale de Paris, 1833.
- ↑ Bibliothèque médicale, t. LX, p. 124.
- ↑ Ibid., t. LVIII, p. 292.
- ↑ The London med. Gaz., 1838.
- ↑ Il filiatre Sebezio, 1843.
- ↑ Gersen und Julius Magazin, t. VII, p. 370.
- ↑ Rust's Magazin, t. XXI, c. II, p. 270.
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solitaire a été expulsé par l'usage du vin de colchique continué pendant cinq jours.
J'ai employé plusieurs fois la teinture de semences de colchique avec un avantage très-marqué comme sédatif de la circulation dans l'hypertrophie du coeur, et dans les affections dyspnéiques ; presque toujours elle a produit, comme la digitale, le ralentissement du pouls. Je l'ai quelquefois associée à cette dernière pour activer l'effet diurétique, surtout dans l'hydrothorax.
Les fleurs de colchique possèdent les mêmes propriétés que les bulbes. Garidel rapporte qu'une demoiselle succomba pour avoir mangé trois ou quatre fleurs de colchique dans l'espoir de se débarrasser d'une fièvre intermittente. Copland[1], Frost, Buschell, etc., les administrèrent sous forme de vinaigre, de teinture, contre la goutte, le rhumatisme aigu, le rhumatisme chronique ; ils ont observé qu'elles ralentissaient la circulation. Copland administra les fleurs mêmes du colchique fraîches, les trouvant plus efficaces encore que les semences. La teinture de ces fleurs est beaucoup moins variable dans ses effets que les autres préparations.
Debout[2] a essayé la nouvelle teinture de colchique avec succès dans plusieurs cas de névralgies. Dans un cas de rhumatisme chronique chez une femme de vingt-sept ans, avec fièvre et endocardite, gêne dans la respiration, palpitations de coeur, pouls à 100 et 104, insomnie, gonflement très-douloureux passant continuellement d'une articulation à l'autre, etc., Aran avait employé sans grand succès tous les moyens connus, et notamment le nitre à haute dose, l'extrait d'aconit à dose enivrante, l'opium, et même la teinture de semences de colchique. La teinture hahnemanienne de fleurs de colchique, administrée deux fois par jour à la dose de 8 à 12 gouttes, amena un prompt soulagement. Chaque dose calma immédiatement les douleurs articulaires ; le gonflement disparut aussi rapidement, et, après cinq jours de ce traitement, il ne restait plus qu'un peu de raideur et d'engourdissement, le pouls était descendu à 92 ; la malade transpirait et urinait abondamment. On continua encore pendant quinze jours la teinture de fleurs de colchique, et toujours avec le même succès.
Ce fait, où la teinture de fleurs de colchique s'est montrée plus efficace que la teinture de semences de la même plante, ne laisse aucun doute sur la puissance de la nouvelle préparation. Un tel résultat était encourageant. Le professeur Forget, de Strasbourg, à qui l'honorable rédacteur en chef du Bulletin de thérapeutique avait confié un échantillon de teinture de fleurs de colchique, expérimenta immédiatement cette préparation. Il recueillit six observations de rhumatisme aigu ou chronique et de névralgie, constatant des résultats divers. « J'ai donné d'abord, dit Forget, la teinture de fleurs de colchique à la dose de 10 gouttes, deux, puis trois fois par jour ; puis à celle de 15, 20 gouttes et plus, trois fois par jour, jusqu'à manifestation de phénomènes physiologiques ou toxiques, c'est-à-dire jusqu'à production de diarrhée, de nausées, ou autre symptôme imprévu, point auquel je voulais m'arrêter. J'ai trouvé que la dose qui produit ordinairement le relâchement du ventre est, en moyenne, celle de 3 grammes (20 gouttes trois fois par jour). Cependant, j'ai pu porter la dose beaucoup plus haut, témoin notre observation 5°, où la teinture fut portée à 9 et 10 gr., sans autre résultat qu'une diarrhée forte, mais passagère. Lorsque je dépasse la dose de 20 gouttes, trois fois par jour, gouttes que j'administre dans une cuillerée d'eau sucrée, je prescris une potion, ce qui épargne la peine de compter un si grand nombre de gouttes. Ainsi, je formule :
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Teinture de fleurs de colchique | 4 | grammes. |
Eau | 100 | - |
Sirop de fleurs d'oranger | 30 | - |
à prendre en trois fois, ou bien par cuillerées, de deux heures en deux heures.
Forget résume ainsi le résultat de ses recherches sur les effets thérapeutiques de la teinture de fleurs de colchique dans le rhumatisme articulaire, simple ou goutteux, et les névralgies : 1° La teinture alcoolique des fleurs de colchique est un bon remède contre le rhumatisme articulaire aigu ; 2° elle est sans action sensiblement favorable contre le rhumatisme articulaire chronique et contre les névralgies aiguës ; 3° ses propriétés physiques et probablement ses propriétés chimiques, son mode d'administration, ses effets physiologiques, et ses résultats thérapeutiques, ont beaucoup d'analogie avec ceux de la teinture de semences de colchique ; 4° l'efficacité de la teinture de fleurs de colchique paraît être supérieure à celle de la teinture des semences dans le traitement du rhumatisme articulaire aigu ; 5° on doit l'administrer à la dose de 10 à 20 gouttes et plus, trois fois par jour ; 6° bien qu'elle puisse agir sans produire de dérangement du ventre, je pense qu'il convient d'en élever la dose jusqu'à production de quelques selles par jour, point où l'on doit s'arrêter.
« Nous émettons ces propositions, dit Forget, avec la réserve que commandent la nouveauté du sujet et le petit nombre de nos expérimentations. Nous pensons avec Bacon que l'appréciation des remèdes est un genre d'ouvrage qui, « exigeant tout à la fois la plus grande pénétration et le jugement le plus sévère, ne doit être tenté que dans une espèce de synode de médecins d'élite. Et encore ! »[1].
Il n'est donc pas indifférent d'employer une préparation ou une autre. L'oxymel convient mieux dans les cas d'hydropisie, et comme expectorant, parce que le vinaigre adoucit la trop grande violence du colchique. Les préparations de semences sont, suivant Williams, plus douces et plus sûres que celles de bulbes. Le vin de colchique fait cesser promptement les accès de goutte; il provoque des nausées ; mais c'est le seul inconvénient qui résulte de son usage, quand il est prudemment administré. On peut le donner à haute dose en procédant graduellement et commençant par 60 et 70 gouttes, pourvu qu'on ait eu soin de le priver, par la filtration, d'un sédiment ou dépôt sans doute formé par la vératrine, au bout de quelque temps de sa préparation, et qui est si actif qu'une petite quantité enflamme et ulcère la membrane muqueuse de l'estomac.
Le colchique a été employé à l'extérieur. Gumpert[2] affirme que la teinture des semences a eu entre ses mains beaucoup de succès en frictions dans la goutte et le rhumatisme. D'après Layroch[3], ce moyen réussirait neuf fois sur dix. Ces frictions peuvent être employées comme celles que l'on pratique avec la teinture de scille, dans les hydropisies, et pour exciter l'action des reins dans l'albuminurie.
Le vin de colchique a été employé avec succès en application sur l'hygroma. Je lui préfère, dans ce cas, le badigeonnage avec la teinture d'iode, dont l'action, comme résolutive, est aussi prompte que certaine.
La COLCHICINE est très-vénéneuse. A dose toxique, elle cause une inflammation violente de l'estomac et des intestins. (A très-petite dose, elle occasionne des vomissements et des selles très-abondantes : quelques milligrammes suffisent pour tuer un chat en deux heures. J.-F. Albers, de Bonn, a expérimenté ce principe et est arrivé aux résultats suivants : La colchi-
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- ↑ Bulletin général de thérapeutique, t. XLV.
- ↑ Revue médicale, t. 1, p. 140.
- ↑ London med. Gaz., 1832.
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cine agit d'une manière spécifique sur la peau, et en diminue considérablement ou même en éteint complètement la sensibilité ; le mouvement musculaire est entièrement paralysé, sans que la paralysie ait été précédée de crampes et de secousses d'aucune nature ; le mouvement du cœur n'éprouve aucun changement ; l'action est lente, circonstance qui rend compte de l'effet tardif des préparations de colchique)[1]. On l'a employée, à petite dose, comme purgatif drastique dans quelques affections nerveuses, rhumatismales et goutteuses, mais principalement dans les névroses des organes de la vision et de l'audition. (Le tannate de colchicine est vanté contre la goutte.)
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- ↑ In Guibert, Histoire naturelle et médicale des médicaments nouveaux, 2e édition, p. 299.