Carica papaya (Pharmacopées en Guyane)

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Sambucus simpsonii
Pharmacopées traditionnelles en Guyane, 2004
Caryocar glabrum


Carica papaya. Pied de papayer avec ses fruits encore verts (papayes)



Famille Caricaceae

Carica papaya (L.)


Synonymie

  • Carica sativa Tussac

Noms vernaculaires

  • Créole : papaye [papay].
  • Wayãpi : mãũ.
  • Palikur : paβay.
  • Portugais : mamão.
  • Français : papaye.

Écologie, morphologie

Plante arbustive sud-américaine cultivée, très commune partout [1].

Collections de référence

Berton 175 ; Gély 32 ; Haxaire 1063 ; Jacquemin 2193.

Emplois

Cet arbuste aux fruits comestibles consommés par toutes les populations des pays tropicaux est de surcroît abondamment utilisé comme plante médicinale en Guyane comme ailleurs en Amérique tropicale.

Chez les Créoles, le docteur RICHARD (1937), dans un mémoire non publié sur la pharmacopée des orpailleurs de la région de Saint-Elie, signale déjà de nombreuses applications : écorce de racine en tisane aphrodisiaque, cœur des racines en tisane antiaphrodisiaque et macération en usage externe contre la blennorragie ; pulpe des fruits associée au saindoux en pommade contre les abcès ; graines vermifuges et capables d’améliorer l’acuité visuelle ; enfin, lait en application locale contre les maux de dent. WARBURG, in LEMÉE (IV, 1956), signale de surcroît l’infusion des fleurs fraîches contre la bronchite et l’aphonie, sans pour autant en situer géographiquement l’utilisation qui est pourtant connue en Guyane (Saint-Georges de l’Oyapock).

Nous retrouvons dans la région de Belém l’utilisation des fleurs de papayer mâle en décoction, soit contre les maladies de foie ou la mauvaise digestion, soit (en association avec Artemisia absinthum L., Astéracées, Alternanthera tenella Colla, Amaranthacées et Sambucus nigra L., Caprifoliacées) comme lavement intestinal ou bien encore associé à Portulaca pilosa L. (Portulacacées) comme abortif (FURTADO et al., 1978).

Ces diverses utilisations de la plante par les populations métisses du nord de l’Amérique tropicale se rattachent en fait à deux grands domaines : les troubles liés à la reproduction et ceux de l’appareil digestif. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit là, comme nous allons le voir, d’un héritage amérindien. En effet, la papaye est liée très souvent en Amérique tropicale à la symbolique de la fertilité : son nom guarani jakarati’a signifie « fruit ressemblant à un sein plein de lait » (STORNI, 1944) et la mythologie wayãpi fait venir cette plante du sein d’une grand-mère incinérée (F. GRENAND, 1982). L’utilisation des feuilles de papayer lors de l’accouchement chez les Palikur (seules ou en composition avec wime etni, Annona echinata, Annonacées) relève d’une association du même type. On prépare en décoction des feuilles vertes et des feuilles fanées en quantité égale. On boit deux ou trois cuillerées du breuvage, puis on lave le ventre avec le reste avant les contractions. Le remède accélère l’accouchement et atténue les douleurs.

Les utilisations inverses, comme aphrodisiaques chez les Créoles (racines) ou abortifs chez les Caboclos (fleurs mâles), sont encore à rattacher au même ensemble culturel.

L’utilisation des graines comme vermifuge puissant est probablement aussi d’origine amérindienne puisque nous avons retrouvé cette utilisation médicinale chez les Wayãpi (graines grillées) supportée par un mythe : « Jadis, des parents firent avaler à leur enfant qui avait un gros ventre plein de parasites des graines grillées de papaye comme autant de comprimés. Puis ils l’installèrent sur une espèce de grille de boucan et il sortit de son anus différentes espèces de parasites : d’abord de vrais vers, puis d’autres aussi poilus que des animaux, tels que le tapir, l’agouti, le daguet rouge, etc. Et c’est comme cela que l’enfant guérit. Toute la vermine, qui était sortie morte, fut jetée dans l’eau » (conté par Raymond ALASUKA, 1982).

Chimie et pharmacologie

Le latex qui s’écoule lorsqu’on incise la peau du fruit encore vert, renferme un mélange enzymatique appelé papaïne qui provoque la dégradation des protéines en peptides puis en aminoacides. Cette propriété est mise à profit dans la pharmacopée actuelle pour la préparation de vermifuges (digestion des parasites), pour améliorer les insuffisances digestives et pour accélérer la cicatrisation des plaies. En homéopathie, on utilise la papaïne comme fortifiant et équilibrant du système nerveux ; enfin, en cosmétologie, on l’introduit dans des crèmes comme améliorant dermatologique (BEZANGER-BEAUQUESNE et al., 1975). Le mot papaïne désigne en fait un mélange de trois enzymes qui se trouvent dans le latex exsudant du fruit et qui se nomment : papaïne, lysozyme et chymopapaïne. NICKELL (1959) signale que les feuilles et les racines ont montré une activité antimicrobienne sur les bactéries gram+ et les mycobactéries. L’extrait de graines présente d’excellentes propriétés insecticides, malheureusement, le principe actif, très fragile, se décompose au cours de son extraction (Delaveau, comm. pers., 1983). BOUM (1978) a montré que l’infusé d’écorce de tronc provoque chez le rat une diminution de 30 % du taux de bilirubine dans le sang grâce à une action antihémolytique due au mélange xylitol, glucose, fructose. SMITH a montré dès 1964 que l’on pouvait guérir les névralgies du nerf sciatique résultant d’une hernie discale en injectant, entre deux vertèbres, de la chymopapaïne dans le noyau discal responsable de la douleur. L’enzyme est capable d’hydrolyser les protéoglycans de ce noyau sans léser le collagène de l’anneau fibreux.

Les graines renferment un glucoside : la caricine et les feuilles contiennent des saponosides (HEGNAUER, 3, 1964). Les fruits renferment deux caroténoïdes, la caricaxanthine et la violaxanthine (KARRER, 1958), ainsi qu’une protéine présentant un très grand pouvoir bactéricide (EMURAWA, 1982).

En raison des propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires démontrées, les participants au programme Tramil ont classé les usages externes du fruit contre les abcès et les furonculoses dans la catégorie « usage recommandable » ; il en est de même pour l’usage interne contre l’hypertension, en raison notamment, de la teneur élevée en xilitol (TRAMIL 7, 1995).

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  1. L'arbre comporte de nombreuses variétés ; cultivé dans des zones bien nettoyées, il disparaît rapidement dans la brousse secondaire.