Baillonella toxisperma (Fruitiers du Cameroun)
Baillonella toxisperma Pierre
Not. bot. Sapot. : 13 (1890).
Synonymes
- Baillonella djave (Engl.) Pierre ex Dubard
- Bassia djave de Lanessant. Nomen
- Mimosops djave Engl.
Nom commun (commercial)
- Moabi
Noms locaux
- Badjoué : odjo
- Bakoko : aya
- Banen : boundeng
- Bassa : njap
- Boki : bojie
- Boulou : adjap
- Douala : njabi
- Ejagham : ofo
- Ewondo : adjap
- Fang : adza
- Ibo : oko, oukou
- Ngoumba : gio
- Njem : odjo
- Pygmée Bagielli : djabo
- Pygmée Baka : mabi
- Vouté : mone
Origine, distribution géographique et écologie
Baillonella toxisperma est une espèce d’Afrique tropicale humide. Elle est distribuée dans la forêt dense humide sempervirente du Nigeria au Cabinda mais surtout dans la forêt camerounogabonaise.
Description
- Grand arbre atteignant 60 m de hauteur et 5 m de diamètre ; base cylindrique, épaissie chez les vieux sujets ; fût remarquablement droit et cylindrique, cime majestueuse, aplatie, formée de grosses branches étalées sinueuses ; écorce brun rougeâtre, foncée, profondément crevassée longitudinalement, tranche très épaisse de 2-3 cm, fibreuse, dure, exsudant un latex blanc poisseux peu abondant.
- Feuilles en rosettes, groupées à l’extrémité des rameaux ; simples, entières ; limbe oblancéolé, atteignant 30 x 10 cm, apex arrondi puis rapidement acuminé, nervures saillantes dessous ; pétiole grêle long de 3-4 cm.
- Inflorescences en fascicules denses au bout des rameaux.
- Fleurs hermaphrodites, tétramères ; calice à 8 sépales dont 4 externes et 4 internes ; corolle tubulée avec 8 lobes ; 8 étamines et 8 staminodes velus ; ovaire à loges uniovulées ; pédicelle pubescent, atteignant 3 cm de longueur.
- Fruits : baies globuleuses d’environ 7 cm de diamètre, gris vert, avec une petite pointe au sommet ; pulpe molle jaunâtre, à forte odeur.
- Graines : 1-3 par fruit, brunes, dures, luisantes, avec une cicatrice occupant presque entièrement la face ventrale.
Feuilles caduques en début de saison pluvieuse au moment de la floraison. Fructification de juin à juillet.
Variabilité et conservation de la ressource
Baillonella toxisperma appartient à la famille des Sapotacées. Les espèces voisines les plus connues sont Vitellaria paradoxa, Tieghemella africana, Aningeria altissima. Les graines sont de type orthodoxe et peuvent être conservées en collections mortes. Plusieurs pépinières de Projet de recherche sylvicole et de régénération forestière produisent des plants de Baillonella toxisperma.
L’exploitation de l’espèce par les sociétés forestières pour son bois a réduit de façon significative la population naturelle. L’utilisation des graines pour l’extraction de l’huile abusivement appelée « huile de karité » est devenue une activité génératrice de revenus pour les populations de la zone forestière du Cameroun. Ainsi, le ramassage systématique des graines réduit considérablement les chances de régénération naturelle de l’espèce. Dans la province de l’Est Cameroun, la restriction des droits de collecte aux seuls membres de la famille contribue à la sauvegarde de quelques peuplements et individus (Mbolo, 2002). La forte sollicitation du bois reste ainsi une menace pour la durabilité du potentiel de l’offre de cette espèce. Les mesures préconisées par la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun et son décret d’application ne sont pas respectées (Mbolo, 2002) ; d’où la nécessité d’une stratégie de conservation de cette espèce. On peut noter cependant de timides plantations de Baillonella toxisperma réalisées autrefois dans des concessions par les villageois des régions de la Sanaga Maritime. Les arbres aujourd’hui devenus grands sont protégés pour la production d’huile.
Agronomie
Les fleurs sont hermaphrodites. Le fruit est une grosse baie pouvant peser plus de 500 g. Les graines doivent être mises à germer assez rapidement après récolte. Elles ne doivent pas être trop enterrées de peur de les asphyxier. Au moment de la mise en terre, la cicatrice de la graine doit être tournée vers le bas. La croissance est lente.
Utilisations
Les parties de l’arbre utilisées sont : les fruits, les amandes et les écorces.
La pulpe du fruit de Baillonella toxisperma se consomme fraîche. Les amandes produisent une huile essentielle très appréciée aux plans médicinal d’une part et culinaire (Vivien et Faure, 1995). Cette huile est plus utilisée dans les provinces du Centre, du Sud et de l’Ouest du Cameroun (Fouda, 1995). Elle est également utilisée dans l’industrie cosmétique pour la fabrication du savon et des laits de beauté (Fouda, 1995). L’huile de Baillonella toxisperma est si prisée et désormais si rare, que les populations locales préfèrent la garder pour leur propre consommation plutôt que de la vendre dans les marchés.
Au plan médicinal, l’huile sert à soigner les affections cutanées et les rhumatismes (Laird, 2000). Dans la région du mont Cameroun, l’écorce est utilisée pour traiter l’infertilité et d’autres problèmes gynécologiques chez la femme (Laird et al., 1997).
Au Cameroun, les fruits de Baillonella toxisperma sont utilisés pour la fabrication des objets sonores de danse traditionnelle, portés aux pieds à l’occasion des fêtes ou des célébrations rituelles (Sunderland et Tchouto, 1999, cité par Plenderleith et al., non daté). L’écorce serait portée par les Pygmées Baka du Cameroun pour se rendre invisibles lors de la chasse aux éléphants (Moss, 1995 ; Sunderland, 1999 cités par Plenderleith, non daté).
Baillonella toxisperma est une des essences ligneuses les plus prisées en Afrique centrale. Durable et très résistant, son bois est utilisé dans la fabrication de meubles, l’ébénisterie, les parquets et le placage (Chudnoff, 1984 ; Laird, 2000).
Niveaux de production
L’huile de Baillonella toxisperma procure des revenus importants aux populations locales des provinces de l’Est, du Centre et du Sud du Cameroun. Les statistiques sur le niveau de production ne sont pas disponibles. Schneemann (1995) rapporte cependant que le prix de cette huile dans les grandes villes peut atteindre 12 $EU par litre. Baillonella toxisperma produit une fois l’an, mais plus régulièrement une fois tous les deux ans. A titre indicatif, un individu de la région de Zoetele (Province du Sud Cameroun) produisait environ 12 litres d’huile de 1995 à 1998 (Mbolo, 2002).
Mécanismes de fixation des prix
Dans les marchés camerounais, l’huile de Baillonella toxisperma se vend entre 1 500 F et 2 500 F le litre. Ce prix augmente généralement selon qu’on s’éloigne de la zone de production (Walter, 2001) et de la période de production.
Potentialités et contraintes
Baillonella toxisperma se fait de plus en plus rare dans certaines localités. Ainsi, dans la région de Bipindi-Lolodorf-Akom II, d’après les populations locales, cette espèce est devenue rare en forêt à cause de l’exploitation forestière (Mbolo, 2002). Très prisé par les exploitants forestiers pour son bois, Baillonella toxisperma est davantage protégée par les populations conscientes de la valeur économique de l’huile tirée de ses graines.