Asperge (Cazin 1868)

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Asclépiade
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Aspérule


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Nom accepté : Asparagus officinalis

ASPERGE. Asparagus officinalis. L.

Asparagus sativa. Bauh., T.

Asperge commune, — asperge officinale.

Liliacées. — Asparagées. Fam. nat. — Hexandrie monogynie. L.


L'asperge, plante vivace connue de tout le monde, vient spontanément dans les terrains légers et sablonneux. Je l'ai rencontrée dans les dunes du Calaisis. Bien qu'elle préfère les pays méridionaux, elle croît dans presque tous les climats quand le sol lui convient. On la cultive dans les jardins pour l'usage culinaire.

Description. — Souche formée d’un faisceau de fibres charnues, jaunâtres ou cendrées, grosses comme une plume d’oie, attachées à un collet épais, dur, capité, transversal. — Tige s’annonçant au printemps par plusieurs jets écailleux, cylindriques, verdâtres, terminée par un bouton conoïde pointu, résultant des écailles rapprochées qui recouvrent les rudiments des rameaux, lesquels se montrent bientôt en grand nombre ; la plante parvient à la hauteur de 1 mètre et plus. — [Feuilles petites, réduites à une écaille membraneuse brunâtre, de l’aisselle desquelles partent des rameaux fasciculés, mous, filiformes (fausses feuilles).] — Fleurs unisexuées, presque toujours dioiques, d'un vert jaunâtre, axillaires, tantôt solitaires, tantôt deux à deux, plus rarement trois à trois ; pédoncule muni, vers son milieu, d'une articulation. — Calice campanulé, profondément-divisé en six découpures. — Six étamines incluses, moins longues que le calice ; un pistil avorté. (Dans les femelles, ovaire à trois loges biovulées, style


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trigone et trois stigmates.) — Fruit : baie globuleuse, d'abord verte, devenant d'un rouge vif en mûrissant, offrant dans son intérieur trois loges, dont chacune contient deux graines anguleuses, noires, dures et glabres.

Parties usitées. — Les rhizomes, improprement appelés racines, et les jeunes pousses ou turions.

[Culture. — Les asperges se propagent par éclats de rhizomes, greffés, plantés en terre très-légère et fumée sur un fond de couche ; on ne les récolte que la troisième ou la quatrième année ; une bonne aspergière produit pendant douze à quinze ans.]

Récolte. — Les racines se récoltent au printemps, lors de la plantation. En se desséchant, ces racines se sillonnent longitudinalement et ont l'aspect de la salsepareille. On les a quelquefois mêlées avec ce produit exotique. Il est aisé de les distinguer en ce que les racines d'asperge sont blanchâtres, et que les autres sont brunes, et qu'en les coupant longitudinalement elles n'offrent pas ce qu'on appelle le cœur de la salsepareille [et en ce que l'épiderme s'en détache facilement].

Propriétés physiques et chimiques. — Les racines, d’une saveur mucilagineuse et amère, ont été analysées par Dulong, d'Astafort[1], qui y a trouvé de l'albumine végétale, de la gomme, de la résine, une matière sucrée, quelques sels et une substance amère de nature extractive.

Les jeunes pousses ont été analysées par Vauquelin et Robiquet[2]. Ces chimistes ont trouvé dans le suc d'asperge, de la chlorophylle, de l'albumine végétale, une résine visqueuse de saveur acre ; de la mannite, de l'asparagine, de l'extractif, une matière colorante, de l'acétate et du phosphate de potasse, du phosphate de chaux. L'asparagine, qui a été trouvée dans d'autres racines, est une substance beaucoup plus intéressante pour les chimistes que pour les médecins[3]. Elle est solide, cassante, incolore, d'une saveur fraîche et nauséabonde, ni acide, ni alcaline, insoluble dans l'alcool, peu soluble dans l'eau, et cristallisant en prismes droits, rhomboïdaux. Sous l'influence d'un alcali fixe, ou même abandonnée à l'état de dissolution aqueuse, elle se transforme en ammoniaque et en acide asparitique. [L'asparagine peut être représentée par C4 H4 Az O5 ; on la trouve encore dans la réglisse, la racine de guimauve, les pousses de pommes de terre ; elle est isomère avec le malamide dissous dans l'eau ou dans les alcalis, sa solution dévie le plan de polarisation vers la gauche (lévogyre), tandis que dissoute dans les acides elle le dévie vers la droite (dextrogyre) ; sous l'influence de l'eau elle se transforme en asparinate d'ammoniaque ; l'acide azotique forme avec elle de l'acide malique, de l'eau et de l'azote.]


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Décoction (racine), 15 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Sirop de pointes d'asperges ( suc exprimé, chauffé au bain-marie jusqu'à ce que l'albumine soit coagulée, filtré au papier; ajoutez à une douce chaleur le double de son poids de sucre.)

Extrait de pointes, de 2 à 20 gr. en pilules, potions, tisane.
Extrait des griffes, 2 à 8 gr. (Gendrin). Pour préparer cet extrait, on monde et on coupe en petits fragments des racines d'asperge de deux à trois ans, et on les fait sécher l'étuve.


La racine d'asperge, que l'on range parmi les cinq racines apéritives majeures, communique à l'urine, ainsi que les jeunes pousses, une odeur très désagréable, et paraît en activer la sécrétion. L'absence ou la présence de cette odeur a servi à Corlieu à différencier l'albuminurie idiopathique de l'albuminurie liée à une altération des reins. Dans le premier cas, les asperges donnent à l'urine cette odeur particulière ; il n'y a aucune modification dans ce liquide, lorsqu'il provient de reins altérés[4].

La racine d'asperge est employée comme diurétique dans les hydropisies, les obstructions abdominales, l'ictère, les maladies des voies urinaires, etc.

Les propriétés diurétiques de la racine d'asperge sont contestées par quelques auteurs, et entre autres par le sceptique Chaumeton. Cependant il résulte d'une série d'expériences entreprises par Gendrin, que l'extrait des

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  1. Journal de pharmacie, t. XII.
  2. Annales de chimie, t. LV et LVII.
  3. A. Richard et E. Soubeiran, Dictionnaire de médecine, en 30 vol., t. IV, p. 212.
  4. Abeille médicale, 1865, n" 14.


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griffes fraîches jouit de la propriété diurétique à un haut degré[1]. L'extrait des. pointes est aussi une préparation diurétique. Suivant Jeafreson[2] ces pointes exercent une action diurétique des plus remarquables, si l'on en fait, soit à l'état sec, soit à l'état frais, une teinture alcoolique.

Je mets souvent en usage la racine d'asperge comme diurétique ; mais je dois dire que le sirop de pointes d'asperges, dont la vertu sédative a été découverte par Fourrier, secrétaire de l'Académie des sciences, vanté par Broussais et beaucoup d'autres médecins, ne m'a jamais réussi. J'ai essayé une forte infusion de pointes, et je n'ai observé que l'effet diurétique à un moindre degré que dans les racines. J'ai fréquemment remarqué, au contraire, que les personnes d'un tempérament nerveux, et notamment les femmes hystériques, éprouvaient de l'agitation et de l'insomnie toutes les fois qu'elles mangeaient des asperges. Suivant de la Harpe, médecin en chef de l'hôpital de Lausanne, qui a publié quelques considérations sur l'emploi de l'asperge en médecine[3], c'est à tort qu'on attribue une vertu diurétique à cette plante. «Le sirop de pointes d'asperges, dit-il, ne jouit d'aucune propriété ; il n'est ni sédatif ni diurétique, et n'a réussi ni dans ses mains ni dans celles de ses confrères de Lausanne. » Ce médecin attribue seulement à l'asperge la propriété d'irriter la vessie, et croit qu'on pourrait l'employer dans la paralysie de cet organe ; mais il s'appuie sur un trop petit nombre de faits pour qu'on puisse tirer aucune conclusion de ses observations, surtout en ce qui concerne cette dernière propriété. (Un fait relaté par Bouchardat[4] viendrait à l'appui de cette opinion. Un médecin, après avoir mangé des asperges en abondance, aurait été affecté d'une blennorrhagie, avec cystite légère, cédant a l'emploi des sédatifs au bout de cinq jours. En acceptant la véracité de la cause, il faudrait encore rechercher si l'on n'avait pas affaire à un sujet ayant déjà eu des gonorrhées ; et on sait avec quelle facilité ces écoulements se reproduisent. Treuille[5] interdit formellement les asperges aux graveleux, à cause de la perturbation qu'à ses yeux elles produisent sur le système réno-vésical.)

Borson[6] prohibe les asperges dans la convalescence du rhumatisme aigu ; il les a vues, dans deux cas, amener une rechute. Chairétès, directeur du Jardin botanique d'Athènes[7], a proposé l'asperge, sans s'appuyer sur des faits concluants, comme propre à combattre la rage, contre laquelle, malheureusement, tous les moyens employés jusqu'à ce jour ont échoué.

[Les propriétés sédatives de l'asparagine ont été constatées par le docteur Allen-Dédrick, de la Nouvelle-Orléans; 40 centigr. ont fait tomber le pouls de 72 à 56 au bout de cinq minutes. Cette sédation de la circulation est accompagnée de douleur frontale vive, avec exaltation de la vue et faiblesse musculaire marquée. Mais les expériences faites en Allemagne ont donné des résultats complètement négatifs.]

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  1. Gazette médicale, juin 1833.
  2. Bulletin de la Société de médecine de Gand, 1856.
  3. Gazette médicale, 1838.
  4. Annuaire de thérapeutique, 1861, p. 107.
  5. Des eaux minérales de Contrexeville, p. 43.
  6. Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1852, p. 633.
  7. The Lancet, 1854.